Les yeux rivés sur l'écran de son portable, elle ne parvenait toujours pas à réaliser ce qui se passait... La nouvelle, elle, s'était répandue telle une traînée de poudre et faisait déjà les choux gras de leur si beau monde du Gotha... Oh, bien sûr, rien de ce qui se disait n'était vrai ! Tout était même mensonge éhonté lancé et soigneusement propagé aux quatre coins de la ville par ceux qui se refusaient à assumer leur indignité, leur monstruosité ! Les parents d'Aidan avait si soigneusement préparé leur coup que tout le monde tombait dans le panneau, avalant sans même se poser les moindres questions, les hideuses couleuvres qui leur étaient servies. Maintenant, pour leur petit monde, son cousin était cet idiot ingrat qui avait préféré s'en aller vivre sa vie loin d'eux. Ce sale type qui, derrière lui, abandonnait tout et tous ceux qui avaient fait sa vie depuis sa naissance. Et, Sophia étant la plus proche de lui, c'est vers elle que les gens se tournaient maintenant. Samara, Raphaël, Siobhan... tous voulaient comprendre ! Et si leur répondre paraissait déjà bien difficile à la petite blonde, il était un appel qu'elle redoutait plus que tout autre de recevoir. Celui de Jules, bien sûr... La petite amie, presque fiancée, de son cousin. Celle que Sophia adorait et pour qui elle s'était si sincèrement réjouie quand elle l'avait vue se rapprocher d'Aidan. Ils formaient un couple, certes étrange, mais qu'elle aurait voulu voir perdurer. Mais... le destin semblait en avoir décidé autrement.

Un message qu'elle envoya à la belle délaissée. Lui donnant rendez-vous à la Soho House, le seul endroit où les gens de leur milieu pouvaient discuter, s'énerver même, sans que cela ne filtre des murs. Puis, elle s'était préparée. Enfilant sa tenue sans même y songer, son esprit tentant de se préparer à une conversation qui, elle le pressentait, virerait bien vite à la confrontation. Parce que Sophia, elle, savait la vérité. Et que Jules était bien trop intelligente pour ne pas s'en douter... Mais, aussi fort la petite blonde puisse-t-elle adorer son aînée, autant elle savait que jamais elle ne pourrait trahir le si lourd secret des Blackson. Parce que sa famille ne lui pardonnerait pas. Parce que son cousin, surtout, ne le voulait pas. Un soupir qui s'échappait de ses lèvres rosées alors qu'elle descendait, rejoignait cette voiture de maître qui l'attendait déjà et la conduisit jusqu'à son lieu de rendez-vous. Trajet bien trop court et la voilà qui, déjà, pénétrait dans cette salle de restaurant où Jules l'attendait déjà. Rien qu'à voir ses traits tirés, Sophia sut que son amie n'allait pas bien, était sûrement elle aussi rongée par l'incompréhension et ces questions pour lesquelles elle venait demander des réponses. Repoussant du mieux ce moment qu'elle appréhendait, Sophia courut et prit dans ses bras la jeune femme. Des baisers sincères qu'elle déposa à ses joues tandis qu'une de ses mains vint serrer celle de la femme à qui elle disait d'une toute petite voix

«Oh Jules ! Je suis tellement désolée ! » l'invitant à se rasseoir sur ce canapé où elle la rejoignit, commandant un kir royal et laissant le soin à son amie de commander ce qu'elle voulait, elle passa une main à ses cheveux auburn et demanda « Comment vas-tu ? Je veux dire... Enfin... »

Puis le silence déjà coupable. Sophia savait que Jules allait mal. Très mal. Et, elle, ne pouvait rien lui dire pour la consoler, la rassurer. Cela commençait mal.