"Tu manges encore ces cochonneries ?". Elle leva les yeux vers le ciel, ne daignant même pas tourner la tête vers sa génitrice, plantée dans l'entrée du salon, alors qu'elle était affalée dans le canapé, paquet de chips à la main. Elle ne répondit rien d'autre qu'un soupire, que sa mère ignora avec beauté, les bras fermement croisés sur sa poitrine. "Samantha...", entendit-elle et elle se crispa immédiatement. Elle avait quinze ans à nouveau, en plein dans l'âge ingrat, à se tendre à l'entente de son prénom complet. Samantha... Bordel ce qu'elle pouvait détester ce prénom. Samantha Kane, il n'y avait pas plus américain que ça... Alors, elle avait toujours exigé qu'on l'appelle Sam. A la maison, à l'école, au club de volley, au travail... C'était Sam. Pas Samantha. "Quoi ?", demanda-t-elle, brusquement, tournant enfin son visage vers sa mère. Cette dernière parue un peu surprise et Sam s'en voulut immédiatement. Elle lâcha un nouveau soupire alors que sa mère s'approchait d'elle doucement. "On va passer à table... te goinfre pas de ces bêtises...". Elle désigna le paquet de chips bien entamé et reprit. "J'ai vraiment l'impression de revenir une dizaine d'années en arrière... enfin, mes rides sont toujours là, malheureusement...". Elles se fixèrent un court instant, avant de rire. Ensemble... L'air était plus que familier. Sam se calma un peu, laissa sa tête tomber vers l'arrière. Elle souffla longuement, avant de s'exprimer. "Je suis désolée... J'réagis vraiment comme une conne...", souffla-t-elle. Elle n'était pas juste avec ses parents. La cohabitation n'était pas facile. Il y a dix ans, elle quittait le cocon familial pour partir à la faculté et puis, après elle avait pris son indépendance... Elle était désormais de retour à la case départ... Affalée dans le vieux futon de son père, un paquet de chips barbecue à la main, toujours en pyjama alors que la journée était bien entamée. Pas bien glorieux. "Ton père et moi, on a conscience que ce n'est pas facile en ce moment... Et tu es ici chez toi... mais ne te morfonds pas autant, ma chérie...". Ça lui semblait facile à dire, alors que tout son monde s'était écroulé. Elle s'était vue mariée, Sam. Prête à s'unir avec l'homme qu'elle aimait tant, celui dont elle avait rêvé toute sa vie. Ça avait été trop beau pour être vrai. Il avait surement pris peur devant ses projets, son engouement... Et il avait finalement trouvé une fille plus belle qu'elle avec qui passer la nuit... Ce genre de nanas qu'elle côtoyait au quotidien dans son travail. Des belles plantes aux visages poupons et aux jambes interminables... Elle faisait tâche dans le décor et bien qu'elle tentait de les ignorait, elle percevait toujours les regards parfois moqueurs du coin de l’œil. "Tu n'as pas tout perdu... Tu as encore ton travail et puis, des gens qui t'aiment autour de toi...". Elle avait presque envie de rire. Ça n'avait rien d'amusant, mais sa mère ne lui remontait pas vraiment le moral. Elle s'était rêvée rédactrice chez Vogue. Finalement, elle se retrouvait pauvre assistante. N'importe quel poste lui aurait suffi s'il y avait moyen de foutre un pied dans l'antre sacrée de ce magasine qu'elle adulait depuis son adolescence... Même femme de ménage, elle l'aurait fait... Mais la réalité était bien là, persistant à lui foutre un coup au moral : à presque trente ans, elle avait un boulot qui ne lui plaisait pas, un célibat pesant sur les épaules et même pas d'appartement pour elle seule... Juste Roméo, son chat, qui traînait dans ses jambes... Enfin, pas le temps de parler plus que la porte d'entrée claquait et que la silhouette de son frère passa en coup de vent. Presque comme un mirage. Un nouveau claquement de porte, celui de sa chambre cette fois. Sam mit quelques temps à réagir, avant que son regard ne se pose sur sa mère. "Il a quoi ?". Elle ne comprenait pas. Où était donc passé le gamin souriant et aimant qu'elle avait connu ? Elijah n'était plus qu'un fantôme, du moins, lorsqu'il était dans les parages. Une ombre qui claquait les portes sur son passage. Sa mère haussa ses épaules, lâchant un léger rire. "L'adolescence... voilà ce qu'il a !". Sam se mit à rire à son tour, avant de se redresser un peu. "J'étais pas comme ça, rassure-moi...". Nouvel éclat de rire. Sam se sentait un petit peu plus légère. Sa mère se pencha vers elle, embrassa sa joue et attrapa malicieusement le paquet de chips. "Non, tu étais pire...". Elle tourna les talons, laissant Sam la bouche ouverte tant elle était outragée. Bien sûr, c'était faux. Sam n'avait jamais été une rebelle. Peut-être trop peureuse pour ça... Elle avait toujours respecté les règles. Même adolescente. Enfin, elle avait bien fait quelques conneries, mais rien de grave. Elle se leva enfin du canapé et s'étira légèrement avant de se diriger vers le petit balcon. L'air était frais, la rue plutôt calme. Ou alors était-ce qu'elle avait l'habitude du brouhaha incessant ? Elle ne savait plus. Elle se pencha vers la rambarde, inspira longuement, les yeux fermés, avant qu'un bruit au loin n'attire son attention. Juste deux jeunes qui chahutaient. Rien de bien particulier... Et puis là, au coin d'une rue, son regard clair croisa celui tout autant foncé du fantôme du passé. Gabriel. Il n'avait pas tant changé. Ses cheveux étaient plus longs... Il avait un peu de barbe. Toujours ce même charisme qui avait fait chaviré sa copine Chloé... Si seulement cette dernière avait su ce qu'il s'était passé entre eux à l'époque... Elle se revoyait encore, pleurant toutes les larmes de son corps, ce soir là. La douceur de ses lèvres sur les siennes, son souffle se mêlant au sien... Ça n'avait été qu'un simple baiser. Juste une embrassade dans un couloir sale... Pas de quoi en faire toute une histoire... Et pourtant, elle avait espéré. Quoi exactement, elle ne savait pas trop. Peut-être qu'il y en ait d'autres ? C'était confus... Et surtout lointain, alors que dix ans s'étaient écoulés... Pourtant, la blessure était toujours là, au fond d'elle, lui rappelant à quel point elle s'était sentie humiliée ce jour là. Le lendemain. "C'était rien... T'embrasses mal en plus...". Ça avait longtemps résonné dans sa tête. Une vraie claque. Elle pensait s'en être remise... Oui, elle s'en était remise, elle avait fait sa vie depuis... Elle n'était plus l'adolescente de l'époque... Alors, pourquoi ce pincement au fond de son cœur alors que son regard refusait de le quitter ? "Sam !", elle sursauta, brisant le contact visuel pour regarder sa mère, dans l'encadrement de la porte donnant dans le salon. "Tu viens manger ?". Une main sur le cœur, elle se contenta de hocher positivement la tête, ne se fiant pas à sa voix à cet instant... Sa mère s'en contenta et tourna les talons. Sam tourna à nouveau son visage vers la rue... mais il avait disparu... Peut-être qu'elle l'avait simplement imaginé ? Elle se retourna, prête à entrer dans l'appartement, manquant de se prendre la porte fenêtre en pleine figure.

en vrac; bien qu'elle ne soit pas fille unique, sam a passé une grande partie de son enfance comme telle. en effet, son petit-frère est né onze ans après elle. alors, ils ont un peu vécu deux enfances bien différentes, avec tout de même les mêmes parents. ; elle a toujours été très maladroite et les venues aux urgences n'étaient pas rares, si bien que là-bas, le personnel hospitalier la connaissait bien. on lui disait qu'elle avait deux mains gauches, qu'elle était beaucoup trop dans la lune... en grandissant, ça n'a pas vraiment changé. ; son premier vogue, elle l'a acheté alors qu'elle devait avoir quatorze ou quinze ans. elle se souvient encore de la beauté du mannequin en couverture, du style épuré du décor. dès lors, elle ne ratait pas un numéro, décidée à travailler un jour pour cette institution. ; plus jeune, sam était un peu ronde. loin de relever d'un réel problème de poids, elle avait juste quelques rondeurs, rien de bien méchant. pourtant, ça l'a longtemps complexée, surtout à l'adolescence alors que les autres gamines avaient de longs corps fins, pas vraiment formés. finalement, les années l'ont affinée et les rondeurs de l'enfance se sont envolées. ; elle est gourmande. c'est peut-être son plus vilain défaut. sam, elle ne peut refuser une douceur, surtout s'il y a du chocolat qui traîne dans le coin. toutes les occasions sont bonnes pour se faire plaisir et après, elle passe des jours à pleurer les kilos qu'elle a pu prendre. ; elle possède un chat. petit, noir, une oreille cassée. elle l'a appelé roméo. tout ça parce que, lorsqu'elle l'a trouvé, c'était dans une poubelle sous une affiche de la célèbre pièce, jouée quelques mois plus tard à broadway. ; si sa gourmandise n'a pas de limites, elle ne possède malheureusement pas le don de la cuisine. pire, derrière des fourneaux sam peut s'avérer être un véritable danger. ; son premier baiser, elle avait onze ans, c'était durant un camp de vacances, en pleine montagne, avec un gamin aux belles tâches de rousseurs. ensuite, y a eu brad, sur qui elle a fantasmé tout le long du lycée, mais qui ne l'a jamais réellement remarqué... les choses sérieuses ont surtout commencé à la faculté, loin des stupidités du lycée, elle a réellement expérimenté l'amour et la sexualité. ; y a eu gabriel aussi... l'a-t-elle aimé ? elle n'en sait rien. peut-être qu'il l'intriguait juste avec son air mystérieux et son visage dur... et puis, il avait du charisme, le gamin. parfois, elle pense à lui... souvent même. et puis, elle a fini par le recroiser, sans vraiment quoi savoir penser de tout ça... ; elle a fait des études à chicago. une jolie bourse et puis, une envie de voir ailleurs aussi et la voilà faire ses valises à tout juste dix-huit ans... finalement, la grosse pomme lui manquait trop et à la fin de son cursus, son diplôme en poche, sam est retournée chez elle.