AMBRE &
HARRISON

Au fond de la salle, je restais là, à attendre mon tour pour ce projet commun. Je n’avais pas spécialement sympathisé avec les étudiants d’ici, je me faisais discret avec ma tablette qui me servait de prise de note et d’esquisse pour les exercices pratiques sur le digital. Le professeur avait eu la merveilleuse idée en ce début de printemps de faire un projet commun mixant photographie moderne et aquarelle. Je n’étais jamais à l’aise avec la photographie, derrière ou devant l’objectif, peut-être car c’était un travail trop intime avec autrui où on devait s’immiscer dans son cercle de protection alors qu’on ne connaissait pas tant la personne en question.

Soufflant légèrement, j’attendais que mon nom s’échappe des lèvres abimées de mon cher professeur. A croire qu’il avait décidé de faire toute la promotion en premier et moi en dernier vu que j’étais un candidat libre assistant à quelques cours du soir. Ou bien alors était-ce une punition car j’avais osé le corriger le cours dernier sur une erreur de date qu’il avait pu donner ? Sans doute, sans doute pas. Mais il savait très bien que j’avais une sainte horreur d’attendre malgré le fait je me sois amélioré depuis ma noire enfance.

Ma jambe droite commençait à tapoter le sol, toute la pièce pouvait entendre ma détresse émotionnelle dû à ce geste. Il ne restait plus que 4 élèves dans la pièce dont Ambre que je commençais à trop bien connaître. Elle faisait partie malgré elle des Rich Kids alors qu’elle n’avait pas nos mêmes moyens financiers mais elle était encrée dans la bande depuis un moment. Proche de Bloom et de ma sœur également, peut-être trop aussi. Ambre et moi n’avions rien en commun à part… L’art. Elle avait découvert le poteau rose il y a 2-3 semaines concernant ma présence ici, quant à moi cela faisait depuis le début que je l’avais remarqué, mais je restais dans l’ombre. J’aimais ces cours, j’avais la sensation d’être réellement moi sans me forcer d’être « riche, fun et fabuleux » comme avec les autres de la bande aimaient ou croyaient me voir. Je restais au fond de la salle, seul sur un banc, je parlais peu, j’observais, écoutais et appliquais les conseils et pratiques.

En même temps, comment passer à côté d'une femme telle que Ambre ? Belle brune au regard sauvage, allure provocatrice… Pas dans la façon de s’habiller, elle faisait ce qu’elle voulait, mais dans la façon dont elle marchait, bougeait, elle dégageait une telle confiance en elle que ça en était éblouissant et perturbant pour autrui. Quand elle était dans une pièce, on savait qu’elle était là dû à son aura, alors que moi, j’étais tout l’inverse, je me confondais avec ma propre ombre.

Le verdict tomba, le professeur annonça les deux derniers duos et j’étais avec Ambre. Je pris une grande inspiration avant de finir par ranger mes affaires pour m’apprêter à quitter les lieux, mais il allait bien falloir que je parle avec Ambre pour ce devoir assez spécial. Je mis mon sac sur mon épaule et descendit les marches pour atteindre le bureau du professeur qui avait l’air content des duos qu’il avait formé.

- Votre thème pour ce projet sera « les autres mondes » avec les deux techniques vues en cours aujourd’hui : la photographie et l’aquarelle. Deux basiques. Les deux plus connues. Votre seule limite est la date de rendu du devoir qui est le 29 avril prochain. Pas d’oral pour cette fois-ci, juste un rendu écrit de 10 pages expliquant vos recherches, démarches en plus de votre œuvre finalisée. La note sera commune, donc c’est 50/50 au niveau du travail. Vous êtes assez grands pour départager les tâches, n’est-ce pas ?

Je restais silencieux, je regardais à peine Ambre, je me contentais de plonger mes yeux froids dans ceux du professeur. Il cherchait sans doute à me provoquer, m’entendre dire quelque chose, mais je me contentais d’hocher la tête en guise d’approbation avant de tourner mes talons pour remonter les marches et espérer atteindre la sortie assez rapidement. Je ne me voyais pas débattre de notre sujet devant lui, je savais que Ambre allait me rattraper, elle le faisait toujours, comme dans toutes nos soirées où elle aimait bien me parler et plus si affinité. Je devais être un jeu pour elle, une énigme sans doute mais ses questions, ses remarques me mettaient sans cesse mal à l’aise. Tout homme sur Terre serait plus qu’heureux d’être approché par Ambre, mais apparemment, moi, j’étais encore à part dans cette catégorie.