Si on t’avait dit que la soirée tournerait ainsi, jamais tu ne l’aurais cru. Tu es en train de te confier, parler de ta vie privée dont les autres ne sont même pas au courant alors que cela fait déjà deux ans que tu partages avec eux cet appartement. Personne ne sait pour ta mère. Sorte de secret honteux que tu gardes pour toi depuis toujours. De base, tu n’aimes pas parler de toi. Parce que tu sais que ta famille est dysfonctionnelle et tu ne veux pas que les gens te prennent en pitié. Mais ce soir, sans comprendre pourquoi, tu as eu ce besoin de parler. Te libérer de ce poids qui te pèse en ce réveillon de noël. Peut-être est ce parce que tu pensais être seul ce soir et que finalement ce n’est pas le cas. Ou peut-être parce qu’Elsie a un peu trop bu et tu es certain qu’elle ne se rappellera de rien demain matin. Quoiqu’il en soit, tu parles. Tu en dis peut-être trop, mais c’est trop tard. Et le silence se fait un moment. Nuque appuyée sur le canapé, regard rivé vers le plafond, tu attends ce grand moment que tu redoutes tant. Celui où le regard de la blonde changera pour exprimer cette pitié que tu redoutes tant et les mots pour l’accompagner.
Et voilà. Tu fermes les yeux lorsqu’elle ouvre la bouche et s’excuse. Hausses les épaules en guise de réponse, le tout accompagné d’un soupire las.
Les gens sont si prévisibles. Mais bien vite, cette pensée s’estompe. Tu ouvres les yeux, pivotes le visage vers Elsie. Elle souhaite en savoir plus et cela te surprend.
Agréablement. Même si tu ne parles pas de toi, tu as déjà analysé les gens dans ce genre de situation. Et la logique veut que le malaise fasse qu’ils ne poursuivent pas sur cette discussion. Mais Elsie, elle, fait tout le contraire. Te pose quelques questions. Pris quelque peu au dépourvu, tu te redresses et te passes une main dans les cheveux.
« Quelques mois » que tu te contentes de répondre.
« Quelques mois… depuis des années » que tu précises finalement, osant un coup d’œil vers la blonde pour jauger sa réaction. A son tour de se confier après un court silence. Sa remarque te fait pouffer légèrement en souriant. Évidemment que tu avais deviné le froid avec sa famille, même si tu n’as jamais cherché à savoir pourquoi. Après tout, ce ne sont pas tes affaires... Elsie poursuit dans ses explications, alors que tu n’as rien demandé. En tant normal, et surtout en compagnie des autres, tu aurais coupé court à la discussion, affirmant que cela ne t’intéresse pas. Mais pas cette fois, pas ce soir. Tu tournes pleinement vers elle. Lui offre toute ton attention alors que tu sens qu’elle aussi a besoin de lâcher prise sur sa situation familiale et vider son sac. Nouveau silence. Tu ne réagis pas sur l’instant. Et finalement, tu te redresses pour aller te chercher un verre et le remplir d’Amaretto.
« Tu les emmerdes » que tu te contentes de répondre en venant reprendre ta place près d’Elsie et boire une gorgée.
« J’t’en propose pas hein, j’pense que t’as assez picolé pour ce soir » que tu ajoutes, sourire en coin un brin taquin, avant de boire encore une fois.
Elsie laisse tomber sa tête sur le canapé, réduisant un peu la distance entre vous. Quelques centimètres et celle-ci tombait sur ton épaule. Tu ne dis rien. Te contentant de boire ton verre en regardant droit devant toi, le regard un peu perdu. Pourtant, ton attention est complètement focalisée sur Elsie, l’air de rien. Sa remarque te fait esquisser un léger sourire encore une fois.
« Et toi t’es pas si casse-couille. » que tu rétorques sur le même ton avant de tourner ton visage vers elle en continuant de sourire.
@Elsie Dimitriev