Comme à son habitude, Marisol est arrivée à l'heure et avec une grande boîte en fer, pleine de délicieux cookies maison, qu'elle a laissé sur la table en arrivant. Elle a peine le temps de saluer quelques connaissances, que Jan hèle l'assemblée pour démarrer officiellement.

Elle s'assoit, bloc et crayon sur les genoux, comme l'élève studieuse qu'elle n'est plus. La brune sourit et se permet même d'applaudir un peu quand le directeur annonce l'équilibre budgétaire. Après tout, ça n'est rien d'autre qu'un petit miracle. Marisol attend une seconde, puis voyant que personne ne se lance, décide de prendre les devants.

« D'abord, bravo à tout le monde pour le travail qui a été fait et tout ce qu'on a réussi à faire cette année! De mon côté, les cours de cuisine se passent super bien et je pense qu'on pourrait réfléchir à les développer, peut-être avec les enfants? Allier ça au sport et parler un peu de nutrition, de façon ludique bien sûr... Peut-être faire une journée à thème ou un jeu, je ne sais pas trop. »

C'est une idée un peu floue encore, mais il y a vraiment de quoi creuser dans ce domaine, à son humble avis.

Assise, Malina ne peut que sourire face à l’enthousiasme général, et notamment celui de Jan. "En parlant de cours, j'avais dans l'idée qu'on pourrait faire un calendrier / planning pour l'année prochaine. Ça permettrait de voir les créneaux pour que tout le monde s'organise et ce serait l'occasion de voir ce qui manque, éventuellement trouver des bénévoles dans les domaines manquants ?" Elle-même est loin de savoir tout ce qui se fait au sein de l'association, même si elle essaye de suivre au maximum.

Leah avait libéré sa journée pour pouvoir être présente à l'assemblée générale d'El Halito. La jeune avocate avait pris la décision de devenir mécène pour l'association, mais elle ne voulait pas seulement faire un don, elle voulait aussi pouvoir avoir la possibilité de participer à certaines occasions. Elle se faufila dans les lieux et elle salua les personnes qui étaient déjà présentes avant d'aller s'installer à côté de Marisol. Après tout, un visage connu et surtout une personne appréciée c'était toujours agréable de pouvoir la retrouver dans un endroit où vous débarquiez plus ou moins pour la première fois. Elle félicita également le directeur pour la bonne nouvelle concernant l'équilibre financer, il fallait pouvoir permettre aux jeunes de s'en sortir et de découvrir autre chose que ce qu'il avait l'habitude de faire. Elle écouta les premières interventions, sans pour autant oser participer tout de suite. Pour autant, elle trouvait l'idée de Marisol intéressante. « Je ne sais pas ce qui est possible de faire, mais pourquoi pas s'éloigner un peu de New York avec eux et leur proposer un week-end camping ? Avec tout ce que cela implique de vie en communauté, d'entraide, de partage, de découverte et d'activité physique également. » Elle fit un léger sourire, elle voulait bien les aider pour organiser cela et participer, elle avait bien parcouru l'Europe en solitaire et elle n'avait pas toujours dormi dans des cinq étoiles à chaque étape qu'elle avait pu faire.

L’idée de quelqu’un qui ne mange que des pommes de terre fait grimacer Malina. Elle n’a jamais compris qu’on fasse des enfants si on n’est pas capable de s’en occuper ou de les assumer, mais bon, c’est une autre histoire et elle sait que tout n’est pas ni tout noir ni tout rose. La petite meurt pas de faim, c’est déjà ça. « Ils seront trop heureux de dormir sous une tente, même si c’est ici ! » Petite, elle faisait du camping dans son jardin et adorait ça. « Et comme ça, les plus peureux pourront toujours rentrer se réfugier à l’intérieur si ça n’allait finalement pas. » Un moyen pour qu’ils se sentent en sécurité, dans un endroit qu’ils connaissent bien. « Ça marche pour le planning ! Je vais travailler là-dessus et vous ferais un retour du projet quand ça sera prêt, si ça va à tout le monde ! Et si quelqu’un veut s’en charger avec moi, n’hésitez pas ! » Elle ne sait que trop bien que peu de monde aime faire ce travail un peu administratif et lié à la communication en même temps, mais elle, ça fait partie des choses qu’elle apprécie. Néanmoins, travailler à plusieurs c’est toujours plus fun et elle ne voudrait pas empêcher qui que ce soit de participer.

Aaah oui, une alimentation à base de féculents, voilà qui sonne familièrement aux oreilles de Marisol. La nécessité de travailler à une meilleure alimentation pour leurs jeunes se fait donc évidente, tout comme l'idée de les sortir de leur environnement, comme le suggère Leah. Si la mère de famille n'est pas la plus grande fan du camping - elle a 40 ans et mal au dos, okay? - elle en voit l'intérêt pour souder les liens entre les jeunes et leur apprendre deux trois choses sur la solidarité et la vie quotidienne.

Jan rebondit sur toutes les idées, son esprit vif créant des connexions rapidement et sachant aussi reconnaître ses limites. Malina se voit alors préposée au planning, une tâche à laquelle elle excellera sans doute. Marisol ne la connaît que de vue et par le bien que lui en disent les autres, aussi ne doute-t-elle pas de ses compétences. « Je serais ravie de proposer des animations aux parents, je vais réfléchir à ce qu'on pourrait faire. Et oui, tester le camping ici est une bonne idée. Si ça marche, on pourra les emmener upstate, je connais quelques coins assez sympas, qui ne coûteraient pas trop cher en se préparant bien. » En trois heures de bus, ces gamins qui n'ont jamais rien vu d'autres que du béton pourraient se retrouver au bord d'un lac. C'est tout de même une chouette idée. Pour la forme et parce qu'elle sait ce que c'est de se retrouver seule avec le sale boulot, elle ajoute. « Et si je peux te dépanner Malina, aucun problème. » Marisol lui adresse un sourire et un petit signe de la main, histoire que la demoiselle imprime son visage.

Il était important à cette âge-là que les enfants puissent apprendre à se connaître les uns les autres, qu'ils puissent profiter de cet âge prolifique qu'était l'enfance et l'adolescence pour pouvoir créer des liens avec autrui, sans que ce ne vienne à se faire dans le conflit, mais dans le bonne humeur et dans l'entraide. Leurs parcours n'étaient certainement pas simples, mais cela ne pouvait pas dire pour autant qu'il fallait se résoudre à vivre sans que la situation ne vienne à s'améliorer, que l'horizon soit un peu plus clair et qu'ils puissent profiter d'être ici ensemble sans se soucier de ce qu'il y avait à côté. Leah hocha donc doucement la tête. « Oui commençons par tester l'expérience ici, et nous verrons plus tard pour le faire ailleurs si nous avons réussi à les séduire avec cette activité pour pouvoir la reproduire en extérieur. D'ailleurs, comme Marisol a pu le suggérer, intégrer les parents aux animations peuvent être une bonne idée. Pourquoi pas organiser la journée avec eux, avec plein de petites activités physiques ou manuelles, et ensuite qu'ils nous laissent leurs enfants pour la nuit ... » Histoire que les enfants puissent passer du temps avec leurs parents, mais puissent aussi avoir une soirée sans eux pour pouvoir profiter d'être entre gens de leur âge.

Malina fronce les sourcils. Elle a toujours détesté la violence et de ce côté-là, elle se met souvent des œillères qui lui permettent de continuer à vivre dans son petit monde de bisounours. Pourtant, maintenant que Jan en parle, elle se souvient d’une querelle qu’elle a entendu éclater quelques semaines plus tôt alors qu’elle était en consultation avec des parents de l’association, dans le cadre d’une thérapie de couple – ou quelque chose qui est censée s’en rapprocher disons. « Ça pourrait faire peur aux plus petits et leur donner un mauvais exemple qui plus est. » ne peut-elle s’empêcher de mentionner, même si sa remarque est sans doute dans la tête de tous et donc parfaitement inutile. « Je travaille avec quelques professionnels de l’enfance en partenariat avec mon cabinet. Je tenterais de voir ce que je peux faire. » dit-elle en espérant que d’autres auront des solutions plus concrètes et plus immédiates que ce qu’elle est en mesure de proposer pour l’instant. L’asiatique se tourne ensuite vers la jeune femme introduite par Jan, se demandant de qui il peut bien s’agir. Son nom lui est familier. Mais où l’a-t-elle entendu ? Serait-ce une des donatrices dont Jan aurait mentionné le nom au cours de l’une de leurs conversations ? Bonne question. Elle devrait être fixée dès que la personne se sera présentée de toute façon.

Résumé:

Marisol hoche la tête de ci, de là, prends consciencieusement quelques notes, qu'elle ne manquera pas de faire suivre à Jan, qui a l'air absorbé par la conversation. Cela fait plaisir de le voir ainsi, souriant jusqu'aux oreilles. Si quelqu'un mérite soutien et reconnaissance, c'est bien lui.

La question de la violence chez leurs jeunes fait froncer les sourcils de la brune, lui hérisse le poil. Ses instincts de mère protectrice sont outrés, attristés. Mais la femme qui a grandi entre Tepito et le Bronx ne comprend et reconnaît que trop bien. L'idée de Malina de faire intervenir des thérapeutes spécialisés dans l'enfance lui semble judicieuse, souvent, c'est la colère et la frustration qui les motive. Et les conditions socio-économiques déplorables dans lesquelles le quartier est embourbé depuis des générations. On ne peut s'attendre au respect des forces de l'ordre et des règles de la société de la part de celles et ceux qui en sont les premières victimes.

Pour une fois, la mère de famille reste silencieuse et un peu morose, ne sachant pas quoi dire. La nouvelle venue — qu'elle est un peu étonnée de voir là, El Jaamil, n'est-ce pas le nom de ce riche promoteur immobilier? mais l'association ne va pas refuser l'aide d'un si riche portefeuille — se présente brièvement et parle de son enfance en Egypte. L'idée est belle, même si Marisol craint de voir cette histoire partir en lancer de noyaux d'abricots. Mais apprendre aux enfants à se responsabiliser et s'auto-gérer est une étape nécessaire d'un bon développement, alors, si cela peut les y aider.

Alejandro passe enfin aux meilleures nouvelles, annonçant l'achat d'une bâtisse abandonnée pour agrandir le local. C'est vrai qu'ils commençaient à être à l'étroit. La brune lance une petite salve d'applaudissements pour célébrer ce développement. « Félicitations, j'ai hâte de voir tout ce que tu vas pouvoir faire! Et j'espère qu'on va fêter ça autour d'un petit pot quand on aura terminé. » Elle rit légèrement, toutefois, elle espère bien pouvoir se réunir avec la petite bande et discuter plus tranquillement. « Et je pense que je vais recruter Sofia pour venir donner un coup de main de temps en temps, elle est assez grande maintenant. Peut-être qu'elle pourra venir avec des camarades, tu sais, les riches lycéens adore mettre du bénévolat sur leur CV pour la fac, autant que ça soit pour une vraie bonne cause. » L'intention n'est peut-être pas des plus louables, mais si ça peut sortir ses enfants de classe moyenne de leur maison à la pelouse bien taillée, pour voir un peu la réalité de New-York, ce n'est qu'un moindre mal. « Et je vais continuer à encourager les dons chez les parents d'élèves et autour de moi, on prend tout ce qu'il y a hein! » Encore une fois, la fin justifie parfois les moyens. Dans la mesure du raisonnable, bien sûr.

Spoiler:

Leah était réellement contente de pouvoir participer à un tel projet. Elle savait qu'avec le métier qu'elle faisait, il ne lui était pas si facile de pouvoir s'organiser pour être une bénévole régulière au sein de l'association. Elle faisait déjà un premier pas en se retrouvant en temps que mécène et elle avait été profondément touché d'avoir été invitée pour participer à l'assemblée générale. Ainsi elle pouvait voir ce qui avait été proposé et mis en place au sein de l'association mais également, pouvoir elle-même mener à bien certaines choses pour aider les enfants à s'épanouir dans leur vie. L'enfance et l'adolescence étaient des périodes si importantes dans leur construction personnel. Ils vivaient parfois des choses difficiles, des choses que Leah n'avait jamais vécu elle-même et ils devaient s'épanouir, rire, courir, s'amuser en liberté sans que le monde hostile ne se rappelle à eux. Elle se le promettait, elle ferait en sorte de se libérer pour pouvoir participer à certaines occasions, déjà pour l'idée du camping, mais aussi pour des ateliers. Elle était réellement emballée par tout cela et elle avait la volonté de prendre une part plus active, même si le travail pouvait rester un frein pour l'organisation d'un planning régulier.

Elle se mit à sourire doucement. « J'essayerai de venir donner un coup de main un peu plus régulièrement et trouver quelques bras aussi pour pouvoir aider à ce qu'on s'occupe de la maison qui a été racheté. En tout cas, je ne peux que vous félicitez pour tout ce que vous faites chaque jour et pour tous les projets que vous menez avec les enfants et les adolescents et ... » Elle sentit à nouveau son téléphone portable vibrer dans sa poche et si elle se concentrait sur la réunion depuis tout à l'heure, elle continuait à savoir qu'on ne cessait de l'appeler. Elle prit aussi discrètement que possible l'appareil dans la main et soupira légèrement. « Je suis sincèrement désolée mais je dois vous laisser, le devoir m'appelle ailleurs. » Elle se leva, récupéra son sac, et après avoir salué tout le monde, elle s'éclipsa de là rapidement, répondant alors à l'appel professionnel.

Malina hoche de la tête quand Dahlia présente le jeu du policier. Ça vaut le coup d’essayer et à voir si ça fonctionne ou pas. Au pire des cas, ils auront mal aux oreilles, c’est pas un si grand mal quand on sait le bien que peut faire un tel apprentissage auprès des enfants. Puis, Jan présente sa nouvelle acquisition. Elle est étonnée qu’il ne lui ait pas dit plus tôt mais la surprise en valait la chandelle, alors elle participe de très bon cœur à l’applaudissement général et félicite à son tour l’acquisition. « Quelle bonne nouvelle ! Je plussoie Marisol : on doit absolument fêter ça ! » Son sourire ne s’en va plus de son visage, même si Alejandro a annoncé qu’Esteban et Candace ne seraient plus de la partie pendant un certain temps. Et des bras, ils réussiront à en trouver, elle n’a pas de doute là-dessus. « Ce serait super si les amis de ta fille pouvaient venir Marisol ! Faire se mêler les différentes classes sociales de la ville pourrait avoir des effets bénéfiques ! Enfin, si tant est que le tout se fasse dans la bienveillance, mais j’ai foi en l’humanité ! » Elle se met à rire. Malina est toujours persuadé que tout se passera bien dans le meilleur des mondes si on y croit. Et si les jeunes riches voyaient la misère qui peut avoir lieu autour d’eux, peut-être qu’au moins un ou deux d’entre eux prendraient conscience de certaines choses. Qui sait, ils pourraient employés certains des ados quand ils auront leur propre entreprise, ce genre de choses… Il faut voir loin et miser sur l’avenir ! Bien sûr, même si elle ne le dit pas, elle aussi tentera de trouver des petits bras pour venir les aider, à commencer par Cian, Maddie et Leela à qui elle posera la question. S’ils pouvaient venir même quelques heures pour aider à ranger ou nettoyer la nouvelle maison, ce serait toujours ça de pris, et ses amours ne lui refuseront sans doute pas. Leah est contrainte de partir, ce qui semble sonner la fin du rassemblement. « Si toutes les annonces ont été faites, on ouvre les bouteilles ? Tu en as bien mis au frais pour l’occasion, quand même, Jan, tu ne vas pas me dire le contraire ? »

Spoiler: