tu vois que déjà, près du miranda, la foule se dissipe. elle se dissipe pour mieux échapper aux élans agressifs de la flicaille qui fonce sur quiconque elle croise. l'un d'eux t'es arrivé dessus sans crier gare ; te voilà qui fonce, slalome entre les gens, plus habile et agile que ces lourdingues qui ne s'embarrassent pas de dissocier les militant agressifs des militants passifs. dans ta course, tu lances une insulte à leur adresse, quelque chose en italien que ta mère t'a formellement interdit de prononcer, jusqu'à ce que tu vives sous ton propre toit.

en rejoignant le miranda, tu as un mouvement de recul. comme un éclair qui fend ton crâne en deux, puis ton cou, ton corps. la barrière de flic est énorme, et ils attaquent directement les manifestants de la chaîne humaine. ton regard oblique fait s'écarquiller tes yeux quand tes pupilles alertent t'envoient ce qui te ferait souhaiter d'être aveugle. y a comme une giclée de sang qui gerbe sur les godasses noires des antiémeute, tu peux la voir par les reflets du soleil sur le cuir. t'as l'impression que tes jambes bougent avant ton cerveau : tu fonces dans le tas. t'as pas réfléchit, t'as fait la première chose qui te semblait juste au moment où ton corps a réagit. impulsion instinctive.

ils lui frappent la tête, tu t'enroules autour. dans le temps mort, les quelques fractions de secondes qui séparent le levé de matraque de l'impact, tu te glisses par-dessus la tête et les épaules d' @alejandro estrella. c'est sur toi que pleuvent les coups, maintenant, sur ton dos semblant bien moins résistant que la caboche de ton ami. t'espères qu'une chose, c'est qu'ils vous relèvent juste par le col pour vous passer les menottes. qu'ils arrêtent de frapper, qu'ils arrêtent de s'acharner.

arrêtez ! mais arrêtez !!

ta voix ne doit pas passer le bruit des coups, ni celui de la foule, ni l'épaisseur de leurs casques.

dans ta tête, comme pour tenir, y a une chanson qui tourne en boucle.
a conquistare la rossa primavera
dove sorge il sol dell'avvenir,
a conquistare la rossa primavera
dove sorge il sol dell'avvenir.

it's time for us

y'a un fumigène qui vole au-dessus de ta tête, s'éclate pas loin devant. l'effet est immédiat. t'es noyé dans une fumée épaisse, aussi orange que les cheveux de ton meilleur pote. tu protèges ton nez en le noyant dans le creux de ton coude, la foutue odeur de ce genre de merde t'a toujours collé la nausée. ça te gratte déjà au fond de la gorge. tu plisses les yeux, quelque peu désorienté. la main de @simon moulin sur ton épaule attire ton attention, mais t'as pas trop le temps de réagir, déjà il te traîne à sa suite. putain, pas là où tu voulais aller. d'un vif mouvement, tu indiques que tu veux te dégager de sa poigne. il est pas con simon, il a vu les types d'act-up, il doit bien se douter que livio est dans le coin. quel connard, à vouloir te protéger comme il le fait. tu serres les dents; t'as plus douze ans.

mais tout va très vite, trop vite. y'a déjà des flics qui sortent du nuage, et quand tu jettes un regard à simon, tu piges qu'il est armé. — fais chier. que tu grognes. mais entre les silhouettes qui commencent à se disperser et la marée humaine en constant mouvement, tu le perds de vue. confusion. ton pied heurte quelque chose, une espèce de bâton assez lourd, plutôt épais, sans doute balancé par un anar quelques instants plus tôt. c'est pas vraiment une matraque, mais ça te suffira. tu réfléchis pas davantage et t'en saisis.

t'as une seconde pour te décider. une seconde pour te demander si tu tentes de rejoindre livio, pour le tirer de ce bordel et toi avec. ou si tu restes. si tu restes parce que cet abruti de moulin va se foutre sur la gueule avec les keufs. soupir étouffé au fond de ta gorge. tu plonges dans la foule, sur les talons des anti-émeutes, sur les talons de @jorje garcia et des autres représentants de la loi. et t'es si proche, si proche d'eux, d'une nuque à ta portée, ton arme improvisée fermement tenue entre tes doigts crispés.