Mentir n'implique pas forcément que la personne soit mauvaise. Du point de vue du menteur, il existe toujours une très bonne raison pour le faire. Généralement, celui-ci demeure conscient que l'acte en soit n'a rien de louable. Cependant les circonstances forcent parfois les gens à glisser dans un système de défense, qui implique de donner de fausses informations. Que ça se révèle véritablement nécessaire ou non. Grisha lui-même ne s'investissait pas assez dans les relations qui croisaient son chemin pour penser un seul instant faire du mal à qui que ce soit. Il ignorait tout de la vie de Samir, et ne supposait pas que celui-ci désira l'évoquer avec lui.

Parce qu'il reflétait ses propres pensées dans tous ceux qui échangeaient avec lui. L'écrivain s'enfermait dans une bulle personnelle, s'éloignant du monde, surnageant dans ses propres complexités, avec des bases faussées depuis une petite décade. Parce qu'il était encore loin d'être un homme et de connaître tous les tenants et aboutissant de la vie à l'époque où il s'était enfui. Et qu'en se protégeant un peu trop efficacement, il s'enfonçait dans des visions erronées de ce que les autres attendaient ou non. Alors s'il faisait du mal, ça restait très inconscient, parce qu'il se blindait pour que l'émotivité qui bouillonnait en son fort intérieur, ne s'échappe pas en provoquant des faux pas.  

Il s'agissait le plus souvent d'habitudes innervées en lui. Cependant il aimait bien son interlocuteur, et surtout il le croisait régulièrement au centre, alors il ne désirait pas dire des mots qui le vexeraient. Néanmoins une expression de surprise envahit son visage quand Samir lui indiqua les sujets délicats. Pas nombreux... Mais à prendre en compte « Oh ... Ça ne risque pas vraiment, je m'en fous un peu du sexe de la personne, c'est surtout elle qui compte » Grisha n'avait jamais vraiment ressenti le besoin de se définir ou de se défendre par rapport à son identité, bien qu'elle ait provoqué quelques séismes dans sa famille. Sa vie se trouvait déjà remplie de bien trop d'interdits pour qu'il en rajoute, surtout si ça lui rendait tout plus difficile. Alors simplement il ignorait les insultes qui auraient pu pleuvoir sur lui ... Il Ne possédait pas le besoin de se battre pour prouver qui il était.

« Mais c'est quoi serophobe ? Je n'ai jamais entendu ce mot ... » Oh il était bien au courant des risques du sexe non protégé, il ne se trimballait jamais sans sortir couvert. Et comme il ne revoyait jamais personne, tout ce qui entourait ce problème continuait à être très imprécis pour lui « Mais sinon oui je crois que j'ai saisi le concept » Quant aux gens qui accumulaient les animaux sans aucune réflexion ça le laissait légèrement dubitatif.

« On peut vraiment être aussi irresponsable ? » Parfois il ne mesurait pas la stupidité du monde, même si celui dans lequel il s'enfermait l'étouffait souvent un peu trop. Ils continuaient à marcher sous un soleil clément sans véritable but ... Au début, Grisha accélérait le pas, comme s'il tentait de distancer Samir, mais il avait fini par ralentir le jugeant pâle. Il l'écoutait avec un léger sourire tout en comptant les secondes qui devenaient des minutes et se rapprochaient de la demi-heure « Oh mais quand-même, peut-être que tu devrais passer une visite chez le docteur, parce que ça fait un moment ... »

Il n'acheva pas sa phrase parce que ça démontrait qu'il avait noté ce fait depuis plus longtemps qu'aujourd'hui, et il ne souhaitait pas passer pour une personne qui s'inquiète pour les autres.  « Sinon... je ne sais pas » Continua-t-il la tête penché alors qu'il se concentrait pour offrir une réponse valable « Je ne peux pas me décider j'aime bien les deux, le sucré et le salé ... »

Soudain ils bifurquèrent et plutôt que de prendre la tangente comme il aimait le faire, il suivit Samir dans l'idée de découvrir ce fameux endroit qu'il ventait « Oui ... Non... » La clarté par excellence, Grisha voulut y mettre un peu d'ordre quand son compagnon l'identifia à un adjectif qui lui fit froncer les sourcils puis apparaitre des fossettes alors qu'il riait de bon cœur. Rare « Mystérieux ? Vraiment ? Mais pourquoi ? »



{@=384}Samir Mc'Gregor-Mills{/@} ( petit pm envoyé )

Les nuances entre une conversation légère ou beaucoup plus profonde, Grisha ne les comprenait pas. C'est-à-dire que dans chaque parole se dissimulait une éventuelle suspicion. De quoi ? Il s'agissait bien du problème de l'écrivain, à force d'interpréter chaque mot avec une signification codée, il en oubliait de profiter de l'échange en toute simplicité. Ainsi, le brun ne se doutait pas que son comportement déroutait Samir, et ce certainement parce qu'ils se voyaient parachuter dans un tout autre cadre que le centre

« Moi ? Oui je préfère faire attention » enchaina-t-il sur l'explication de son interlocuteur. Alors que non, il s'en foutait royalement de blesser la plupart des gens. Pas par cruauté, mais simplement parce que Grisha ne voyait que ce qui le mettait "potentiellement" en danger, mais jamais ce qui, dans son attitude, heurtait les autres. S'il prenait des pincettes, c'était toujours pour s'éviter les ennuis, et non pour préserver le bien-être d'un autre que lui. Ça ne faisait pas de lui un homme intrinsèquement méchant, mais particulièrement asocial. Grisha tentait, réussissait, à donner de lui une image légèrement différente et trompeuse quand il se rendait au centre. A moins qu'il n'y fût réellement lui-même parce qu'il s'y sentait bien.

« Et il y a des sujets qu'il faut éviter avec toi ? » S'inquiéta-t-il abruptement dans l'idée de ne pas exécuter de faux pas avec Samir. Il se disait donc qu'il suffisait de demander pour éviter de le blesser. Sans doute un bien grand mot, mais utilisé par le vétérinaire lui-même.

Quant à finir avec Trente chats, il eut bien du mal à l'imaginer « C'est vraiment possible ça ? D'avoir autant d'animaux chez soi ? Je ne crois pas que ça risquerait de m'arriver, je n'aurais jamais le temps de m'en occuper ! » On ne devait plus avoir assez de minutes à consacrer sur d'autres activités ! Grisha écoutait toutes les complications que les canidés provoquaient dans la vie de Samir, enfin l'homme ne paraissait pas le voir de cette manière, mais Grisha fut persuadé que ça devrait beaucoup le fatigué. D'ailleurs il lui trouvait les traits tirés, mais il garda ça pour lui. Parce que ça n'était pas ses affaires si Samir ruinait sa santé pour ses chiens, mais le choix de ce dernier. Et sans aucun doute qu'il le prendrait mal venant de la part d'un presque inconnu.

Ainsi ils avançaient, tandis que Grisha terminait tranquillement son repas, ils en vinrent à parler de cuisine et de restaurant, si bien que le brun sans s'en rendre compte invita son interlocuteur à partager un repas mais se corrigea rapidement ensuite.

« Oh je crois que je dois avoir une bonne santé, je n'ai jamais été chez un médecin de ma vie ! » Enfin, il finissait toujours par ne pas se rendre au rendez-vous ou partir juste avant que ce soit son tour. Et il avait bien attrapé quelques rhumes mais rien d'insurmontable « Et toi ? » En profita-t-il pour rebondir sur cette pâleur qui le frappait chez Samir. Après ce dernier ne lui répondrait peut-être pas, car visiblement la cuisine l'intéressait davantage que tout autre chose « J'y penserais pour les cours » lui promist-il sachant pertinemment qu'il ne s'y rendrait jamais. Mais bon, samir n'irait pas vérifier.

D'ailleurs maintenant il l'interrogeait sur son lieu de résidence, ça l'amusait un peu moins, et raconter des bobards dans ce cas précis lui apparaissait assez délicat « Je connais le coin, si tu m'expliques je pense que je pourrais trouver facilement » Tout en passant sous silence son éventuelle adresse, alors qu'il roulait en boule le papier ayant contenu ses frites et le fourrait dans ses poches pour le jeter dans une poubelle quand il en croiserait « Et t'sais quoi ? Maintenant j'ai envie d'une bonne glace, tu ne connaitrais pas un chouette endroit dans le coin, vu que tu as l'air pas mal calé ! »

{@=384}Samir Mc'Gregor-Mills{/@}

Dans sa journée, à chaque seconde, Grisha note tout, simplement au cas il s'y dissimulerait quelque danger. Par contre il ne déchiffre pas bien les codes entre les gens. Ceux qui ne font pas parti de son monde. Donc il à bien aperçu la rougeur de Samir, mais il ne saurait aucunement se l'expliquer. Il ne lui apparait pas qu'il fasse trop chaud, mais chaque être humain possède des limites différentes quant à supporter les variations de température. L'écrivain n'a pas idée qu'il ait pu dire quoi que ce soit de gênant, mais il faudrait peut-être qu'il analyse ses paroles. Sauf qu'il n'en a pas véritablement le temps, s'il veut rester attentif à tout ce qui tourne autour de lui. Pas un instant il n'irait s'imaginer que son interlocuteur puisse avoir peur de le froisser.

Grisha il ne se vexe jamais, il fait semblant, surtout quand il veut se débarrasser de quelqu'un. Parfois il lui arrive d'être mécontent, ou contrarié, mais il ne s'autorise pas être touché par les mots qui sortent des lèvres qui ne sont pas les siennes. Quoi...que ... Tout ça commence à être soumis à des acrobaties qu'il maîtrise de plus en plus mal. Par exemple ... Jamais auparavant, et cela depuis presque dix ans, il ne rencontrait des têtes connues dans la rue. Le brun se laisse tellement plonger dans ses pensées qu'il en oublie d'écouter Samir.  

Le mot obésité le fait revenir sur terre. Son compagnon vient de s'embarquer dans une explication qu'il parait prendre très à cœur. Alors que Grisha n'avait laissé échapper sa remarque que bien innocemment, un peu pour meubler la conversation afin que Samir ne le compare pas à une plante, malgré tout il tenait à son estime. D'ailleurs il s'inquiétait d'avoir amené un sujet sensible, ce qui lui fournissait une raison de plus pour se carapater très loin. Pourtant il prit sur lui de ne pas agir aussi peu subtilement « Je te promet que tu ne m'as pas contrarié, j'ai certainement parlé un peu trop vite parce que ça semblait vraiment important pour toi » Grisha ne souhaitait pas mettre sa connaissance mal à l'aise, après tout deviendrait bizarre au centre, et par contre ça l'agacerait beaucoup plus.

Dans sa vie courante, il ne s'inquiétait jamais de ses actions, il ne prenait pas la peine d'être aimable, à part dans les circonstances où il risquait d'y perdre. Comme avec son éditeur. Par contre pour le propriétaire de son studio, il suffisait qu'il paye en temps et en heure, et pas besoin d'avoir de contacts. Ça durait depuis huit ans, et il espérait que ça continue « Non mais tu ne me déranges pas ! » Ce qui s'avérait, paradoxalement, à la fois un mensonge et une vérité. Parce que tout dépendait de comment il transposait cette déclaration.  

« Ah ? » Exclamation absolument spontanée. Sur le vif.  Pris de court par cette affirmation, il ne trouvait pas la manière adéquate de réagir. Devait-il répondre en retour ? Et si non blesserait-il profondément Samir ? Cette idée le déplaisait. Le voilà troublé. Incapable de fournir une réponse à lui ou l'autre. Refusant d'avancer sur ce terrain miné dont il ne connaissait aucune règle. Lâchement il préféra engouffrer quelques frites prétextant ainsi de l'impossibilité de s'exprimer la bouche pleine.

Bien heureusement la conversation dévia sur un autre sujet, qui finalement amena une note de tristesse dans son cœur « Oh c'est gentil ! J'aimerais bien y passer, mais je ne crois pas que ce soit très judicieux, j'ai peur de ne pas pouvoir résister à l'un d'entre eux, et je ne peux vraiment pas me le permettre » Car oui s'il pouvait facilement se détourner de l'humain, il fondait devant la bouille d'un petit animal aux yeux suppliants. Alors s'il passait à la clinique de Samir, il se transformerait en gros nounours adorable. Et vraiment personne ne devait voir ça !

Comme ils marchaient tranquillement, ils en vinrent, par la remarque de Grisha à parler de la nourriture. Le regard de ce dernier pétilla malicieusement quand il lui répondit « Oh mais si, j'aime beaucoup ce que je mange. Mais on dit que ce n'est pas fort bon pour la santé, en vrai je me nourris très mal, je suis un affreux cuisinier. Mais je veux bien l'adresse on pourrait peut-être y aller ensemble ? » Mais bon dieu pourquoi venait-il de proposer ça ? ça ressemblait presque à une invitation, il se devait de nuancer ses propos « Je veux dire que tu m'indiques le chemin ... »


{@=384}Samir Mc'Gregor-Mills{/@}

Au brûlant désir de déguerpir se mêle d'un grain de curiosité. Néanmoins, il cédera avant tout, à cette peur viscérale et instinctive à laquelle il s'abreuve depuis des années. Son regard voltigera de manière cyclique tel un radar qui tente de détecter une anomalie aussi légère soit-elle. Et même s'il se veut concentrer sur son interlocuteur, il va perdre le fil de la discussion par instants, ce qui pourra donner l'impression à celui qui lui parle - en l'occurence Samir -, que Grisha s'agace en silence dans son coin. Comme si la conversation lui déplaisait. Alors que non.

En réalité, il n'est pas très habile pour tenir un dialogue très longtemps. Parce qu'il ne cherche pas à approfondir quoi que ce soit avec qui que ce soit. Cependant ça parait moins facile de s'éclipser avec Samir. Déjà, là où il habite, il n'a pas vraiment à se tracasser de plaire aux voisins, et pour ainsi dire il s'en fout. Grisha ne se préoccupe pas d'eux, et eux lui rendent bien la pareille. La perfection quoi ! Et comme il habite l'immeuble depuis quelques années, les nouveaux le laisse en paix. De toute façon, on ne le voit presque jamais. Il est un peu le fantôme de Miranda Heights. Ça lui convenait très bien à Grisha. mais il ignore pourquoi, les choses se mettent à bouger autour de lui. Et pas de la façon dont il l'aurait souhaité.  

« En fait, c'est la seule habitude que j'aie » Pourquoi a-t-il répondu par cette ineptie, le brun n'en sait trop rien. Les mots ont bousculé ses lèvres sans lui en demander la permission, et ça n'a pas vraiment de sens logique par rapport à la remarque de Samir. Il a voulu être aimable, et Grisha il trouve ça difficile en dehors du centre, et sans un petit verre dans le nez. Ce qu'il s'abstiendra de faire, sinon ça virerait à la catastrophe.

« Je voulais dire, je ne suis pas vraiment une personne d'habitude » Ce qui finalement se révèle aussi entièrement faux puisque sa vie est faite d'habitudes. Rouler et graffer la nuit, passer des heures dans son studio bordélique à tenter d'écrire le prochain roman fantastique populaire, et fuir le reste du monde « Et toi ? Tu te promènes souvent par ici ? » Veut-il vraiment le savoir, et si oui, y aurait-il un motif sous-jacent ? Quel idiot dans le stress du moment, le voilà qui commence à s'incriminer lui-même ! Pourquoi donc ne parvient-il pas à garder la tête froide ? Ce ne serait pas le moment de partir en vrille de se comporter comme un idiot face à Samir qu'il apprécie. Et qui connait une partie de sa vérité, alors il offre le reste de son hot-dog en trois parts presque égales et les donne aux chiens « Oh ! dis donc c'est que tu as l'air d'en connaître un rayon sur l'obésité ! »

Quant à s'imposer « C'est trop tard ! » Grisha il a voulu faire sonner ça comme une plaisanterie - vraiment ? -, mais il s'inquiète d'avoir laisser passer une once de sincérité dans sa voix « Je veux dire non, je n'ai rien à faire ... Plus maintenant » Ce qui était probablement la seule vérité qu'il ait lâché dans cette conversation. D'ailleurs il commençait à croire ce qu'il affirmait à Samir, la meilleure façon de paraître sincère. Et au fond si on avait pu gratter un peu sous la surface de ce que dévoilait Grisha, on aurait découvert qu'il se perdait très souvent dans ses propres mensonges au point de les transformer en vérités.

Grisha comprit très bien ce que pouvait être une déformation professionnelle et il hocha la tête avec attention tandis que Samir lui parlait. Il sursauta soudainement quand celui-ci lui demanda s'il possédait un animal « Non, je ne suis pas certain que je pourrais m'en occuper d'ailleurs, mais j'aurais bien aimé avoir un chat ... » Le vétérinaire, avec cette simple interrogation avait réussi à faire surgir le petit Grisha qui serrait contre lui son animal favori alors qu'il pleurait enfermer dans un placard bien noir. Un souvenir inopportun que le jeune homme chassa en secouant la tête « Mais non mais non, si tu veux on peut marcher un peu pour qu'ils continuent à se dégourdir, et je terminerais le plus mauvais repas de ma vie ! »



{@=384}Samir Mc'Gregor-Mills{/@}

Comme il regardait au-dessus des têtes pour admirer les différentes chevelures, Grisha s'était focalisé sur Samir, quand il eut la vague impression de reconnaître une personne qu'il croisait régulièrement. Jusqu'à ce qu'il remette un nom sur ce visage qui devenait de plus en plus reconnaissable, au fur et à mesure que l'homme avançait. Aussi il ne remarqua absolument pas les chiens au premier abord, bien trop concentré à s'inquieter sur la meilleure façon d'agir. Si  leurs regards n'étaient pas entré en contact, il ne l'eut pas appelé.

Mais voilà, fuir eut paru légèrement incongru, et surtout il ne souhaitait pas devoir renoncer à se rendre au centre à cause d'un comportement ridicule. Sa première idée fut de tendre son paquet, car ça laissait une certaine distance entre eux. Seulement alors il aperçut les canidés. Ce qui provoqua un pétillement dans ses yeux, car Grisha appréciait beaucoup les animaux, mais son mode de vie ne lui permettait pas d'en acquérir. De plus dans un si petit studio - particulièrement bordélique - il ne possédait vraiment pas assez d'espace pour le partager. Et selon lui l'animal eut été très malheureux. Il tendit sa main pour la faire flairer par les divers - trois - museaux, tout en questionnant « Je peux ? » étant donné que certains maîtres refusaient catégoriquement que l'on touche à leur chien.

L'autre, Samir, ayant refusé son offre, il ramena le cornet vers lui, tout en disant « Oui ça va et toi ? » En renvoyant la question, histoire de ne pas trop rester sur sa propre personne. Peut-être que l'homme répondrait par un simple oui, et continuerait sa route. Que ça ne s'engagerait pas plus loin, à part quelques paroles futiles qui s'évanouiraient dans l'air, pour ne pas paraître impolie. Pas que ça le dérangeait personnellement, mais Grisha voyait ça comme un rite qui permettait de ne pas trop se creuser la tête pour la plupart des gens. Ça lui convenait très bien à l'écrivain que le monde fut pressé, ça aidait à passer inaperçu. Malheureusement, ces jours-ci il s'apercevait qu'il l'était beaucoup moins qu'il l'eut désiré.

Ah bah finalement, non, il s'installait prêt de lui. Son pouls s'accéléra de nouveau, pareil à toutes les fois où il s'identifiait dans des situations risquées. Posant lui-même la pression sur ses épaules, il ne s'interrogeait même plus si cela restait réellement nécessaire, Grisha sans en prendre une véritable conscience avait transformé sa fuite en style de vie « Oh ! d'accord » Alors il se laisse aller à glisser une main délicate à travers leurs pelages « Donc si je leur donnais un bout de saucisse ça serait mauvais pour leur santé ? Je ne voudrais pas leur provoquer une indigestion ! »

Oui, Grisha choisissait toujours de parler des autres plutôt que de lui. De toute façon, on voyait rarement une personne vous répondre "Non je vais très mal", ou alors elle arrivait au bout du rouleau « Non j'avais un truc à faire par ici, et toi ? » Voilà une affirmation on ne peut plus fausse, et qui ne servait absolument à rien. Mais l'habitude s'étant ancrée dans Grisha, il communiquait extrêmement rarement des informations correctes à son propos. D'ailleurs une fois de plus il renvoyait la question à Samir, comme un écho qui eut réussi à rajouter quelques fioritures en plus pour embellir les mots.

Dès qu'une personne intervenait dans sa routine, tout son monde se mettait en branle comme à l'approche d'un terrible cyclone. Néanmoins rien n'apparaissait sur son visage, du moins pour ceux qui n'avait pas eu l'occasion d'en apprendre plus sur lui. Avec le temps, il était très possible de noter certaines mimiques, comme le léger pincement du nez, ou cette propension à chipoter dans ses cheveux « Non pas du tout » Bien entendu qu'il le dérangeait, et pas qu'un peu, d'ailleurs avec un inconnu il ne se serait pas gêné de passer le messager. Ici il se faisait l'effet de marcher sur un fil comme un funambule dont l'équilibre ne devait être dérangé sous aucune prétexte « Et ils sont à toi tous ces chiens ou c'est genre un travail ? »


{@=384}Samir Mc'Gregor-Mills{/@}  

Aujourd'hui, quand il a saisi le Bic, devant la page blanche il a ressenti un haut le cœur. Alors Grisha a sut qu'il ne parviendrait pas à aligner deux mots pour son prochain roman d'amour, celui que lui a commandé cet éditeur à la noix. Pas possible de mettre le doigts sur des personnages qui l'enthousiasme. Alors il a jeté le Bic au loin, se laissant aller à un mouvement d'humeur.

L'envie de trainer dans la ville pour dégotter un lieu qui lui conviendrait afin de visualiser un nouveau tag se défilait aussi vite que l'eau d'un ruisseau. Alors il a finit son thé en se demandant ce qu'il pourrait bien fabriquer, parce que rester enfermé ça ne l'enchante pas trop, là tout de suite. Grisha pourrait aussi tout simplement dormir, mais le sommeil se refuse à lui. Pourtant il a passé sa nuit à déambuler. S'il avait moins carburé au café ça le desservirait probablement pas autant, mais généralement il n'éprouve aucun problème. Et il sait que s'il demeure dans le petit studio qu'il loue il va finir par ressembler à un lion dans sa cage. Alors peut-être que s'il s'en allait améliorer et pratiquer le skate sa journée passerait beaucoup plus vite, et ça viderait un peu sa tête. Bien entendu il s'effondrera dans son lit à la tombée de la nuit, ou beaucoup plus vite. Après tout ce n'est pas un drame de renoncer, pour une fois, à une cavalcade nocturne.

Finalement, suite à toutes ses pérégrinations le brun débarqua dans le Queens, avec l'idée de s'arrêter au Starbucks coffee, mais avant tout son estomac le tiraillait, et il se devait de l'apaiser. On avait beau faire en sorte de vivre comme une ombre ou un fantôme on n'en devenait pas forcément un, et les besoins très terre à terre continuaient à vous harceler. Il s'en alla se ranger dans la file d'attente d'une petite friterie, manger sur le pouce lui convenait mieux que de pénétrer dans un restaurant. Grisha faisait toujours en sorte de ne pas rester trop statique, à part dans les cinémas ou l'obscurité vous trahissait rarement. Ou quand il partait pour un road trip parce qu'il lui devait particulièrement nécessaire de s'échapper de New-York. Et puis ça aidait pas mal pour l'inspiration, ça aussi.

Et avouons-le, ça lui permettait de rencontrer des gens sans que ça perdure dans le temps ... Voir du monde ça restait nécessaire pour garder un esprit sain. Un gamin un peu boudeur lui tira la langue, il lui rendit la pareille tandis que la maman le récupérait en lui adressant des regards noirs. Ah les gens, pas tous, mais la plupart prennent crainte pour un rien... Pensait celui qui se dissimulait depuis une dizaine d'années. Ah enfin ! Son tour arrivait, un hot dog, des frites, un coca tout ce qu'il existait de meilleur pour le corps en ce monde !


En vérité, il ne s'en préoccupait pas, ni chez lui, ni chez les autres. La liberté ça se payait de beaucoup de façons mais ça apportait aussi ces avantages. Bref une fois que sa commande fut prête, il s'en allât manger tranquillement dans un coin. N'ayant pas encore d'idée particulière sur ce qu'il envisageait pour la suite de la journée. Les pensées légères et vides, ses yeux voyageaient au-dessus des têtes admirant les différentes chevelures, crânes rasés, chapeaux, casquettes, foulards qui défilaient ... jusqu'à ce que son instinct reprenne le dessus, se fixant sur une silhouette lointaine, par encore identifiée, mais certainement pas inconnue non plus ...

Son pouls s'accéléra quelques secondes avant reprendre son rythme normal. Celui-là, il faisait partie du seul endroit qu'il fréquentait plus ou moins assidument. Celui-là, il était plutôt futé puisqu'il avait déduit au bout minimum de rencontres qui il était. Et celui-là, bizarrement aimait beaucoup ses bouquins. Voilà ce l'étonnait le plus ... Bon Grisha n'ignorait pas qu'un petit succès accompagnait ses publications. Pourtant il continuait de douter du bon gout de ceux qui achetaient ses livres. Ce qui ne rendait pas justice à Samir, puisque que c'était bien lui qui se rapprochait de plus en plus ... Grisha hésitait encore sur la conduite à suivre ... L'appeler, le laisser continuer sa route ... Quand leurs yeux se croisèrent et qu'il n'eut pas le choix de lui adresser un léger sourire. Il lui tendit son paquet de frites l'invitant à en piquer une si ça le tentait...


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