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You never know ahead of time what something's really going to be like [PV Vera]

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Cela faisait un petit moment que Lenny n'avait pas accueilli quelqu'un chez lui, à fortiori une inconnue. Même si le terme n'était pas spécifiquement approprié, étant donné qu'il pouvait désormais mettre un nom et un semblant de personnalité sur la demoiselle... Vera Gardner. Bavarde. Pétillante. Attentionnée. Douce quand elle le souhaitait. Rassurante. Amusante.

Il commençait aussi à avoir la sensation qu'elle n'avait probablement pas confiance en elle, tout autant que lui-même. Peut-être était-ce le fait qu'elle acceptait de son amie un comportement qu'il jugeait indigne ou la manière dont elle se dépréciait si régulièrement, qu'il s'agisse de ses capacités à jouer à un quelconque jeu vidéo ou à répéter qu'il s'ennuierait et s'agacerait de ses bavardages...

Mais Lenny n'était rien de tout cela. Oh, il était nerveux, oui. Mais précisément parce qu'il voulait le mieux pour Vera et qu'il ne savait pas comment le lui accorder. La femme le touchait, d'une manière qu'il avait du mal à s'expliquer... Et elle semblait avoir un don pour le rassurer et le guider, une nécessité dans cet exercice de socialisation auquel il était loin d'être rompu.

Ses mots parvinrent à apaiser quelque peu les battements de son coeur et les balancements anxieux dont il était secoué malgré lui. Il réussit même à étirer un semblant de sourire sur ses lèvres, disposant leurs verres soigneusement pour pouvoir servir Vera, répétant d'une voix concentrée :

"Nous servir un verre... D'accord. D'accord. On peut commencer par ça."

Se focalisant sur sa tâche pour éviter de renverser, ses mains tremblant légèrement, aussi bien naturellement qu'en raison de son stress actuel, Lenny reposa ensuite les bouteilles soigneusement, s'asseyant à côté de Vera. Il veilla toutefois à laisser une distance entre eux, ne voulant pas la toucher par inadvertance et risquer de la mettre mal à l'aise, à fortiori dans ce contexte plus intime.

Lenny n'était pas encore vraiment certain d'où la nuit pourrait les mener et, qu'importe l'issue, il voulait juste que Vera passe un bon moment et qu'elle reparte ensuite chez elle, le sourire aux lèvres, sans inquiétude aucune. Tapotant son verre du bout de ses doigts, Lenny déclara d'une voix douce, son regard fixé sur ses genoux :

"Je... Je suis heureux de savoir que vous passez une bonne soirée."

S'éclaircissant la gorge, il prit plusieurs grandes inspirations, parvenant à se calmer suffisamment pour articuler sans bafouiller :

"Et je suis encore désolé pour votre amie. Au risque de me répéter, je pense sincèrement que vous ne méritez pas d'être traitée de la sorte. Je n'en ferais jamais de même et, si c'était le cas, je voudrais qu'on me le dise, afin que je corrige mon attitude et que je sois à votre hauteur."

Vera était trop gentille pour son propre bien. Si Lenny pouvait lui offrir un instant de répit, un moment où elle n'avait qu'elle-même dont se préoccuper, alors il considérerait que leur soirée était réussie. Prenant une gorgée de sa boisson, il admit timidement, levant les yeux vers Vera sans véritablement la regarder directement :

"Cette soirée avec vous, c'est très... spontané. Je n'ai pas l'habitude de ce genre de choses. La plupart de mes journées sont planifiées à l'instant près, autant que faire se peut. Quand je quitte mon appartement, je sais déjà ce que j'ai l'intention de commander au boulanger en bas de chez moi, et comment je compte m'adresser à lui, au mot près. Lorsque quelque chose dévie du script, je... je me sens perdu."

Il n'y avait rien qui aurait pu le préparer à cette soirée. Aucune planification possible en amont. Et pourtant, Lenny n'était pas aussi dévoré d'anxiété qu'il aurait pu l'être. Vera le tranquillisait.

"Peut-être que ce n'est pas aussi horrible que je le songeais, se montrer spontané. Mais pas trop. C'est risquer de faire quelque chose de mal, de vous mettre mal à l'aise, et ce n'est pas quelque chose que je souhaite."

Lenny reposa son verre à moitié plein, le tapotant distraitement du bout des doigts, avant de s'en détacher et de focaliser son attention sur Vera, ajoutant avec une pointe d'admiration :

"Mais vous, vous pouvez faire ce genre de choses sans crainte. Vous êtes venue me parler, quand rien ne vous permettait de prédire notre rencontre. Et vous m'avez aidée, sans savoir vraiment ce qui m'accablait. Je trouve cela courageux de votre part. Et généreux."

Une pensée traversa l'esprit de Lenny. Il se leva brusquement, se dirigeant vers sa bibliothèque, effleurant les couvertures de ses livres du bout des doigts, jusqu'à trouver celle qui l'intéresse. C'était une édition particulièrement soignée d'un livre qui avait marqué son enfance, signé du nom de son auteur (un cadeau de son tuteur). Il le tendit à Vera, agitant joyeusement ses poignets dans un geste inconscient :

"C'est une copie du "Secret de Terabithia", une édition limitée signée par son auteur. Je trouve que c'est un livre fabuleux qui représente la force de l'amitié et j'ai toujours voulu le partager avec quelqu'un qui le mérite. Et je pense que vous êtes cette personne, Vera."

Un sourire sincère et maladroit s'étira sur ses lèvres, avant qu'il ne réalise la portée de son cadeau et le fait qu'ils se connaissaient à peine. Lenny s'était encore emballé trop vite !

"Dé... Désolé. Si cela vous embarrasse, vous n'avez pas à le prendre. Je... euh... je pensais..."

Mortifié, Lenny baissa la tête, admettant à mi-voix :

"Vous... Vous avez été très gentille avec moi. Et euh... je voulais vous le signifier. Pardon."

Lenny brûlait les étapes, encore une fois. Combien de personnes avait-il fait fuir parce qu'il était trop ? Trop intense, trop aimant, trop collant, trop tout de suite, trop tôt. Vera devait le prendre pour un parfait idiot... Et à raison.
HJ:
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La personnalité de Vera est complexe. Elle le sait, et la plupart du temps, elle aime autant ne pas songer à la dualité de ce qu’elle est, pense et ressent. La vérité, c’est que si elle a une amie comme Emily, c’est sans doute parce qu’elle la mérite, et qu’à un moment donné de leurs vies, elles ont été sur la même longueur d’ondes. Certes, Vera donne sans doute trop de son temps aux autres - et ne profite jamais de l’inverse. Mais elle est bâtie comme ça, et c’est de sa faute. Elle n’appelle pas les autres quand elle va mal. Elle reste dans son coin en attendant que ça passe - et ça passe. Parce qu’elle est forte. Parce que son caractère lui permet de faire face.

Mais elle n’est pas que forte et douce ou aimable. Elle pique des crises, aussi, elle s’énerve, elle crie, elle prend de la place. Elle le sait. Paniquée d’avoir été mise en sourdine quand elle était plus jeune, angoissée à l’idée qu’on puisse l’effacer, parfois. Elle s’exprime trop, trop franchement parfois. Trop fort. Certaines personnes le lui disent - et si Lenny ne s’en rend pas compte, c’est parce que la soirée est douce et ne s’y prête pas. Mais elle connait ses failles.

- Ne vous faites pas trop d’idées quand même. Je ne veux pas vous décevoir, mais je ne suis pas une personne parfaite non plus...

Elle sourit et acquiesce pour appuyer l’idée qu’elle passe une bonne soirée, effectivement, bien meilleure que si elle l’avait consacrée à jouer les baby-sitter.

Quand il explique qu’il n’a pas pour habitude de faire des choses de manière spontanée, elle lui prête une oreille attentive et acquiesce. Elle s’est rendue compte qu’il pouvait être angoissé, effectivement. Mais elle penche un peu la tête et s’empresse tout de même de dire ce qui lui passe par la tête.

- Je suis contente de l’entendre, mais vous savez, vous ne m’avez pas l’air si perdu. Et puis, vous ne le savez pas encore, mais il en faut vraiment beaucoup pour me mettre mal à l’aise, de manière générale.

S’il savait ce qu’elle fait de sa vie professionnelle, déjà, il aurait peut-être moins peur. Mal à l’aise, elle n’a pas l’impression qu’elle pourrait l’être en présence de Lenny. Certes, il est indéniable qu’il semble plus angoissé que les autres gens, mais de là à craindre qu’il puisse rendre le moment inconfortable, elle a du mal à se le figurer.

Quand il lui dit qu’il la trouve courageuse - pour être simplement venue lui parler et avoir tenté de l’aider quand il était particulièrement angoissée - elle tente de répliquer pour le contredire, mais il se lève et s’éloigne brusquement vers sa bibliothèque. L’espace d’un instant, elle penche la tête, le regard interrogatif - puis il s’empare d’un livre et revient vers elle pour le lui tendre. Elle écoute l’explication avec attention, et écarquille les yeux de surprise, interdite.

- Mais... vous êtes sûr que vous voulez me le donner ?

Elle prend le livre du bout des doigts pour en regarder la couverture et les premières pages. Ce cadeau la touche, alors qu’elle ignore encore l’histoire du livre pour l’instant - mais quand même. Il ne la connait pour ainsi dire pas, et il lui donne un de ses livres précieux.

- Vous êtes sûr que vous voulez vous séparer d’un exemplaire aussi rare ? Ca me touche beaucoup, mais je ne veux pas vous en priver...

Elle sourit cela dit, le livre toujours dans les mains.

- Lenny ?

Elle relève les yeux vers lui, un franc sourire animant ses lèvres.

- Vous ne pouvez pas penser que les gens qui s’installent pour passer une soirée avec vous sont courageux. Je suis ravie d’avoir fait votre rencontre, ça n’avait rien de courageux. C’est juste... normal ?
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Lenny ne s'attendait pas à finir la soirée dans son propre appartement, avec une personne qu'il ne connaissait ni d'Eve ni d'Adam. Il ne gérait généralement pas très bien les imprévus, mais à cet instant-là, en présence de Vera, il ne se sentait pas aussi effrayé qu'il devrait l'être. La jeune femme l'apaisait, calmait ses angoisses. Dieu seul savait à quel point il en avait besoin...

Il avait eu un petit rire lorsque Vera lui avait conseillé de ne pas être déçu, qu'elle n'était pas parfaite. Lenny ne croyait pas à la perfection. Ce qu'il lui signifia en toute franchise, frottant ses mains sur ses jambes dans un automatisme qu'il remarquait à peine :

"La perfection n'existe pas. Les plus belles oeuvres d'art sont imparfaites et c'est l'assemblage unique de leurs petites imperfections qui les rend si admirables. Vous ne me décevrez pas, parce que j'apprécie la manière dont vos imperfections vous forment. Je pense qu'elles créent une belle personne."

Lenny se frotta la nuque lorsque Vera suggéra qu'il n'avait pas l'air si perdu que ça et qu'il lui en fallait plus pour la mettre mal à l'aise. Il avait commencé à réaliser que c'était le cas, la jeune femme n'était pas partie en courant lorsqu'il avait eu un début de crise devant elle, là où bien d'autres auraient pris la poudre d'escampette ou appelé les urgences, sans se douter que cela risquerait d'empirer les choses.

"Je suis moins perdu que d'habitude, parce que vous avez la gentillesse de me guider. De me suggérer quoi faire, comment faire avancer cette soirée. Si ce n'était pas le cas, je me serais probablement déjà refugié dans les toilettes depuis longtemps."

C'était son lieu de refuge, aussi bien dans sa jeunesse qu'à présent. Quand tout devenait trop, Lenny se réfugiait dans la première salle d'eau qu'il pouvait trouver et se recroquevillait au sol, attendant que la crise passe. Il pouvait fermer à clé, les gens ne chercheraient pas à entrer. Là-bas, il était tranquille. Protégé. Mais ce n'était probablement pas l'anecdote la plus glamour qu'il puisse raconter ou même évoquer...

Lorsque Lenny avait décidé un peu impulsivement d'offrir son précieux livre à Vera, il avait très vite regretté sa décision, prenant conscience qu'il avançait trop rapidement avec la jeune femme, qu'il était trop intense, comme il l'était souvent. Elle avait été gentille avec lui, mais cela ne voulait rien dire. Il s'emballait, et maintenant, elle allait le fuir...

Se recroquevillant après avoir tendu le livre, il hocha muettement la tête lorsque Vera lui demanda s'il était sûr de vouloir le lui donner. Il était certain de vouloir lui confier cet ouvrage, mais il savait aussi qu'il aurait dû attendre. Mais cela ne ferait pas de sens de le reprendre pour lui donner plus tard, et il ne voulait pas renoncer à le lui offrir...

Ah, pourquoi tout était toujours aussi compliqué et confus ?! Lenny serra les poings et les pressa contre ses yeux furieusement, laissant échapper un gémissement agacé. Agacé contre lui-même et son intensité. Agacé contre cette impulsivité qui ne lui ressemblait pas et qui allait tout gâcher...

Il hocha à nouveau la tête lorsque Vera s'assura encore qu'il souhaitait s'en séparer, baissant ses poings et serrant ses jambes contre son torse. Même si c'était une erreur de sa part, Lenny était certain de ce qu'il voulait faire. Vera méritait ce cadeau de sa part. Et si cela ne lui plaisait pas, elle pourrait toujours le vendre, cela devrait valoir quelques sous... L'ouvrage était en excellent état, après tout. Et avec la signature de l'auteur, qui plus est...

Lenny fuit le regard de Vera, intimidé et embarrassé. Dépliant ses jambes et les déposant à nouveau sur le sol, il tordit douloureusement ses doigts, secouant la tête à l'affirmation de la demoiselle :

"Non, c'est courageux, parce que vous êtes restée quand d'autres seraient partis. Quand d'autres sont partis, en vérité. J'ai... J'ai déjà paniqué comme je l'ai fait aujourd'hui, en présence d'autres personnes qui ne me connaissaient pas, et ça s'est toujours mal terminé. Mais pas avec vous."

Glissant ses doigts dans ses propres cheveux, Lenny commença à tirer dessus durement, ajoutant d'une voix qui gagnait en intensité malgré lui :

"C'est courageux, parce que je ne suis pas comme les autres et que ça fait peur aux gens. Mais vous êtes là, et vous avez continué à me parler, et vous êtes venue chez moi, et c'est courageux parce que... parce que..."

Lenny recommençait à perdre ses mots. Frustré, il tira plus fort sur ses cheveux, en arrachant une petite poignée, avant de forcer ses mains sur ses jambes et de les frotter vigoureusement, au point de se faire mal :

"Parce que les gens normaux ont mieux à faire que de perdre leur temps avec moi. C'est... C'est... C'est courageux. Et, et, et, et gentil."

Et cela justifiait amplement qu'il fasse ce cadeau à la jeune femme. Même s'ils se connaissaient à peine.
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Vera est d'accord avec Lenny, et sans doute aurait-elle répliqué la même chose à quiconque se serait plaint de ne pas être parfait. Elle n'a pas pour habitude de rechercher la perfection, de toute façon, dans la vie de tous les jours. C'est plutôt l'inverse - à l'instar des artistes qui recherchent la beauté dans les petits détails d'imperfection, elle a toujours considéré que les gens imparfaits étaient aussi les plus intéressants - et dans quelques cas, les plus beaux. Certains êtres imparfaits sont tout simplement arrogants et déplaisants, cela dit - on ne peut pas gagner à tous les coups.

- Merci, c'est gentil, mais vous n'avez pas encore fait le tour de mes imperfections. Pour l'instant, vous êtes encore préservé.

Elle sourit de plus belle puis se laisse aller à un rire léger.

- Je partage votre avis, cela dit. Je trouve aussi que les imperfections des gens sont souvent ce qui leur donne du charme, au delà d'une façade de perfection qui est bien moins enviable, j'imagine. Enfin, j'imagine quand même que certaines imperfections sont tout simplement insupportables, mais il en faut pour tous les goûts...

Nouveau sourire, elle remet en place une mèche de cheveux et prête à Lenny une oreille attentive. C'est vrai qu'il semble rongé par des conflits internes et elle n'ose pas lui demander quelles sont les idées qui se bousculent dans son esprit. Les mains cramponnées au précieux ouvrage qu'il vient de lui donner en cadeau, elle l'écoute et se sent immédiatement traversée de tristesse. Elle trouve ça profondément injuste qu'il ne puisse ne serait-ce que s'émouvoir de son comportement ce soir, qui pour elle ne représente que la plus logique des normalités. Peut-être a-t-elle été élevée dans une famille intolérante, exigeante et étrange, mais Vera a appris avec son temps, les réseaux sociaux et les émissions suivies en secret. Au fil du temps, de l'âge, elle a appris à identifier les questions qui lui tenaient à coeur. Et même si elle peut semble intense, parfois, folle sans doute, elle a à coeur le bien-être des gens, peu importe qui ils sont. Le fait que d'autres personnes puissent y être indifférentes ne fait pas le moindre sens dans sa tête.

- C'est gentil de me complimenter, mais vous savez, je ne trouve toujours pas ça courageux. Gentil, sans doute. Mais courageux, non. Ca devrait être normal, au contraire, on devrait vivre dans une Société où c'est normal. L'inverse est terriblement triste. Déjà, je ne considère pas avoir perdu mon temps, et en plus de toute façon, je ne pense pas que l'on puisse perdre son temps en l'accordant un peu à quelqu'un. Vous, moi, quelqu'un d'autre, quelqu'un qui angoisse, qui est triste, qui veut partager sa joie - peu importe. On a de la chance de pouvoir être témoins d'instants de vie, non ?

Elle se mord un peu la lèvre sans chercher à analyser son angoisse, à Lenny. Peut-être lui vient-elle de ses propos, ou du livre qu'il vient de lui donner. Elle est touchée, par Lenny, par le cadeau entre ses mains, par le déroulement de la soirée.

- J'espère au moins que vous trouvez que je suis de bonne compagnie, et que je ne vous barbe pas trop avec ma rhétorique et mes histoires...

Elle rit un peu pour détendre l'atmosphère de ses états d'âme. Peut-être est-il temps de revenir à une conversation plus classique. Plus sereine, aussi, et où elle aura moins l'air d'être une illuminée réactionnaire.

- Qu'est-ce que vous faites, dans la vie ?
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Lenny ne pouvait vraiment pas comprendre la manière dont Vera se dépréciait, semblant persuadée qu'il allait être répulsé par ce qu'il allait découvrir d'elle au fil de la soirée, peut-être plus si elle souhaitait réellement le revoir... Elle n'avait été que gentillesse avec lui. Gentillesse, patience, compréhension, sans jamais chercher à l'infantiliser ou à le diminuer, contrairement à d'autres...

Lenny voulait pouvoir lui dire de mille façons qu'il pensait qu'elle était une belle personne. Qu'il l'appréciait déjà et était certain que cela n'irait qu'en grandissant. Qu'elle valait bien mieux que ce qu'elle semblait croire, envahie par des doutes dont il ne comprenait pas la nature. Les mots se précipitaient et se mélangeaient dans son crâne, et ce fut un peu maladroitement qu'il finit par marmonner, regard fuyant :

"Je ne veux pas être préservé. Je... Je veux connaître vos imperfections et, et, et, et les apprécier."

Qu'importe si elle était trop bavarde. Elle pouvait l'être pour deux, quand Lenny perdait ses mots, quand ils se mêlaient trop pour former des phrases cohérentes et sensées. Elle était trop directe ? C'était exactement ce dont Lenny avait besoin. Quelqu'un qui lui disait les choses sans détour. Et pour ce qu'il ne savait pas encore... Eh bien, Lenny aimerait tout cela également, il en était convaincu. Une certitude dont il ne comprenait pas bien l'origine, mais qui avait pris place dans son esprit et ne voulait plus le lâcher désormais...

Mais s'il était préparé à tout aimer chez Vera, il s'était déjà résigné à l'idée que ce ne serait pas le cas de son côté. Qu'elle finirait par s'agacer de ses bizarreries. Que son intensité la repousserait. Lenny aimait trop, trop vite, et il avait encore tout gâché, lui donnant ce livre pour sa symbolique et l'embarrassant par son geste. Pourtant, Vera était toujours là.

Et, quoi qu'elle puisse en dire, c'était une preuve de bravoure. Pas juste de gentillesse. Ce qu'il affirma à voix haute, avec l'obstination qui pouvait parfois être la sienne, bien qu'il était cette fois incapable d'accompagner son affirmation par le moindre argument :

"C'est courageux. Vous êtes courageuse, Vera."

Lui parler après tout cela était courageux. L'accompagner chez lui l'était également. Passer tout ce temps avec lui, quand il y avait tant de manières pour que cette entrevue vire au cauchemar... Pour Lenny, c'était brave. Et cela méritait d'être souligné, quoi que Vera puisse en penser. Beaucoup n'en auraient pas fait de même. Beaucoup l'auraient abandonné en chemin. Beaucoup l'avaient déjà fait...

La nervosité de Lenny était toujours palpable, ses mains frottant furieusement et douloureusement ses jambes, mais le doux rire de Vera l'aida à se calmer un peu, de même que ses propos, auxquels il s'empressa de répondre, se précipitant un peu trop pour ce faire :

"Vous ne m'ennuyez pas du tout. Du tout, du tout, du tout. Je... euh... Je ne me rappelle plus de la dernière fois où j'ai passé une aussi bonne soirée."

Les joues de Lenny se firent écarlates. Il se racla la gorge, embarrassé, soulagé de pouvoir se focaliser sur un autre sujet à la question de Vera :

"Je suis bibliothécaire. Dans un lycée. J'ai toujours voulu travailler avec les livres, alors je suis heureux de pouvoir vivre de ma passion. J'espère que vous avez cette chance aussi !"

Un sourire tirant sur la grimace s'étira sur ses lèvres, alors qu'il lui retournait son interrogation, se balançant doucement sur son siège dans un geste visant à s'apaiser :

"Et vous, que faites-vous dans la vie ? Vous travaillez aussi auprès des livres ?"

Lenny n'avait pas la moindre idée du job que pouvait occuper Vera. Peut-être travaillait-elle dans le social ? Elle semblait à l'aise avec les gens... Avec lui, en tout cas. Et Lenny l'était également...
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Elle est surprise, Vera. Parce que d’habitude, elle est préservée, sans doute. Les relations sont un jeu auquel elle pensait exceller ; elle erre entre les gens sans ne jamais s’interroger sur l’attitude à avoir. Depuis toujours, pour une raison qui échappe à tout un chacun quand on voit la famille au sein de laquelle elle a grandi, la jeune femme a appris à porter haut et fort les couleurs de son caractère. Indépendante, forte, obstinée, têtue, colérique, libérée, volage, elle assume les traits de caractère qui font sa personnalité et elle n’a jamais eu peur de dire ce qu’elle pensait. Certes, Vera dispose d’un jardin secret plus important que d’autres gens ; des idées qu’elle ne partage pas, des souvenirs qui ont fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui – mais elle n’est pas du genre à se cacher des autres. D’habitude, sans doute renvoie-t-elle d’abord l’image de sa carapace, de son humeur et de sa décontraction. Ce soir, elle a l’impression d’être confrontée à un jeu dont elle maîtrise nettement moins bien les règles.

- Comment est-ce que vous pouvez être sûr que vous allez les apprécier ?

Elle sourit, un peu amusé par la détermination de Lenny. Elle est d’avis qu’il n’est pas au bout de ses peines, s’il veut vraiment connaître les défauts qui déteignent sur sa personnalité. Bagarreuse, têtue, fêtarde, décomplexée… Vera a en tête une demi-douzaine de défauts qui pourraient aisément effrayer Lenny, en tout cas, pour ce qu’elle a aperçu de lui ce soir – car Vera n’est pas du genre à prétendre qu’elle connait quelqu’un simplement après quelques heures de conversation.

Il ne semble pas d’accord avec son laïus sur le courage, cela dit, et réaffirme qu’elle est courageuse – ce qui lui arrache un sourire. Il a beau le penser, c’est une qualité qu’elle ne se trouve pas vraiment malgré tout. Pourtant, c’est agréable d’être ainsi considérée, elle ne prétendra pas le contraire. Elle avale une gorgée de son verre et laisse ce sujet de conversation de côté de peur de le heurter – même si elle est affligée de constater que lui-même considère comme du courage une simple preuve de sympathie.

- Tant mieux, alors, si je ne vous ennuie pas. Moi aussi, je passe une excellente soirée, elle souligne d’un air joyeux. Pour sûr, c’est une ambiance différente des soirées qu’elle a l’habitude de passer.

Il annonce être bibliothécaire, et ça ne la surprend pas. Non pas parce qu’il a une tête de bibliothécaire, non, mais simplement sans doute parce qu’il a choisi de lui offrir un livre comme cadeau quand elle est entrée ici, ce qui est assez révélateur – de son caractère à lui, d’abord, mais aussi de ses centres d’intérêts. Vera offre à Lenny un sourire franc, et acquiesce.

- Ca a effectivement l’air de vous passionner. Tant mieux si vous parvenez à vivre de votre passion, par les temps qui courent, c'est très important.

Evidemment, il lui retourne la question, ce qu’elle aurait pu voir venir. Elle penche légèrement la tête, pas certaine qu’il serait opportun de répondre totalement à la question, pas sûre non plus qu’il faille occulter la partie de vérité de sa vie professionnelle. Elle n’a pas honte – jamais. Elle ne veut pas l’embarrasser cependant, si tant est qu’il puisse l’être. Beaucoup de gens sont encore gênés lorsqu’il s’agit d’aborder des questions somme toute assez classiques de sexualité.

- J’ai fondé une marque, et je tiens une boutique et un site en ligne de commercialisation de cette marque. Ca me passionne, aussi. Je passe beaucoup de temps à créer, ou à conseiller les gens pour vendre, ce sont des activités qui me plaisent pas mal.

Elle avale une nouvelle gorgée de son verre comme s’il allait faire passer la pilule de l’honnêteté plus facilement, et s’arme d’un sourire.

- On vend des vêtements et… des jouets pour adultes.



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A la question de Vera, Lenny se retrouva étrangement bloqué. Démuni. Comment était-il certain qu'il allait apprécier les défauts de Vera, autant que ses qualités ? Il avait beau se creuser la tête, impossible de mettre des mots précis sur ce qu'il ressentait. Ce mur entre ses pensées et ses paroles était, une fois plus, d'une frustrante dureté. Il secoua la tête, répondant finalement d'une voix qui laissait deviner une pointe d'agacement :

"Je ne sais pas. C'est juste... C'est juste évident. Comme le fait que je préfère le chocolat à la vanille. Ca ne s'explique pas, c'est... c'est simplement le cas."

Lenny aimait ces instants privilégiés passés avec Vera. Toutes ses soirées ne se concluaient pas par une rencontre appréciable, bien au contraire, et il était content que cela soit le cas pour celle-ci. Même s'il allait probablement passer le reste de la journée suivante dans un état second, à remettre ses émotions et sa cervelle en place...

Se balançant doucement sur son siège, son corps processant à sa manière les événements actuels et son ressenti, il étira un sourire sincère lorsque Vera lui fit savoir qu'elle passait une bonne soirée. Différente. Lenny avait l'habitude du différent, c'était probablement son normal pour lui. Mais il était réellement heureux que quelqu'un fasse quelques pas dans son monde et s'y sente à son aise. Quelqu'un comme Vera.

"Tant mieux, alors. Je n'aurais pas su que faire si vous passiez une mauvaise soirée. P... Probablement m'excuser, dans un premier temps."

Lenny eut un rire nerveux, frottant sa nuque dans un geste automatique. Non, vraiment, il n'avait aucune idée de la manière dont il était censé réagir si Vera commençait à se lasser de sa présence.

Pourquoi n'existait-il pas un guide précis et minutieux sur ce genre de choses ? On pouvait apprendre à cuisiner des mets venus de tout pays, mais les clés de l'interaction sociale, visiblement, c'était trop pour être posé dans un ouvrage. Et les livres que Lenny avait lu sur le sujet l'avaient rarement aidé jusqu'alors...

Parler de son métier et de sa passion parvint toutefois à le détendre. Lenny adorait les livres, et il se revigorait à vue d'oeil dès qu'il pouvait s'émerveiller à leur sujet. Plus d'une fois, ces objets lui avaient sauvé la vie, dans ses jeunes années et bien après, quand ils étaient sa seule compagnie...

Lenny ne pensait pas que retourner la question de Vera à sa nouvelle amie lui poserait autant de problèmes. Un instant de silence s'installa entre eux, et Lenny songea à retirer ce qu'il venait de demander. Peut-être était-elle au chômage, embarrassée d'en parler ? Lenny avait déjà commis ce genre de bourdes auparavant, et ne voulait pas causer de gêne à Vera.

Lui-même ne voyait pas la honte à ne pas avoir de job pour l'instant, il avait suffisamment désespéré à tenter de trouver quelque chose pour savoir à quel point le marché du travail était impitoyable. Mais les neurotypiques avaient leurs mystères, et Lenny était loin de les avoir tous percés...

Il s'était toutefois fourvoyé sur le sujet, car Vera avait commencé à s'exprimer sur son métier. Passionnant, effectivement. Lenny était sincèrement admiratif à l'idée que Vera ait fondé sa propre marque et gérait une boutique en ligne. C'était un niveau de responsabilités qu'il se savait incapable d'assumer, et il estimait plus encore sa nouvelle amie après cette révélation.

Il lui fallut un court instant pour appréhender pleinement le marché que Vera occupait, et, lorsque cela fut fait, Lenny laissa échapper un petit "Oh" malgré lui. Cela expliquait donc qu'elle se sente gênée à l'idée de révéler son travail. Lenny imaginait aisément que la plupart des gens puissent se sentir embarrassés à l'idée de converser là-dessus.

Adolescent et adulte, il avait vite compris que le sexe avait ce côté "tabou" pour la plupart des gens, et qu'il lui valait mieux garder certaines de ses pensées pour lui, jusqu'à être dans une situation appropriée pour les partager. Lenny avait beau ne pas être le plus observateur des hommes en matière d'interactions sociales, il pouvait clairement voir que Vera était habituée à des formes de rejets dès lors qu'elle abordait son corps de métier...

Eh bien, ce ne serait pas de sa part ! Etirant un sourire maladroit sur ses lèvres, Lenny tordit joyeusement ses mains entre elles, s'enthousiasmant avec sincérité pour les propos de Vera :

"C'est fantastique que vous ayez trouvé votre voie, et que vous ayez du succès dans ce domaine ! Vous devez probablement aider beaucoup de monde à se sentir plus à l'aise avec ce genre de choses, c'est une bonne chose !"

Lui-même était confortable avec le sujet, sa sexualité, ses relations avec autrui. Lenny déplorait toutefois que l'inverse n'était pas toujours vrai, et que ses partenaires étaient souvent rebutés, que ce soit par son vécu ou son handicap. Ce n'était pas comme s'il cherchait à en faire un secret... D'autres voyaient ça comme un "fétiche" et Lenny ne savait jamais comment réagir face à la chose. Cela le mettait particulièrement mal à l'aise...

"Je trouve formidable que vous ayez du succès et puissiez créer à envi, sans dépendre d'autrui. C'est vous qui gérez votre affaire, et personne ne peut vous dire ce que vous devez faire ou non. C'est admirable."

Lenny avait foi en l'affaire de Vera. Le sexe faisait vendre, cela avait toujours été le cas, et cela perdurerait, quoi qu'il arrive. Il ne pouvait donc que lui souhaiter le meilleur...

Une pensée lui traversa la cervelle, et l'enthousiasme de Lenny redescendit quelque peu, alors qu'il s'excusait d'une petite voix :

"Désolé, mes paroles sont peut-être inappropriées ? Ou j'aurais dû changer de sujet, si cela vous embarrassait ? On m'a déjà dit qu'il valait mieux que je garde certaines de mes pensées pour moi-même, que cela gênait les autres... La plupart des gens n'aiment pas parler de sexe."

Lenny haussa les épaules, avant de frotter vigoureusement ses jambes :

"Je ne vois pas le problème. Mais il y a beaucoup de problèmes que je ne vois pas. Est-ce que...?"

Lenny releva la tête vers Vera, l'observant d'un regard doux et désolé, avant de baisser à nouveau les yeux :

"Est-ce que je vous ai gênée, Vera ?"

Ce n'était pas son intention. Mais peut-être qu'il aurait simplement dû féliciter Vera pour son succès, et passer à autre chose, au lieu d'insister à ce point...
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Vera offre à Lenny un sourire reconnaissant. Ce n’est pas souvent qu’elle se livre – même si elle peut sembler réserver de l’extérieur, ni qu’elle se laisse aller à recevoir les compliments des autres. Son attitude de défiance traduit d’ailleurs un peu son scepticisme. Elle sait qu’elle est une femme forte, indépendante, carriériste, mais elle a surtout grandi avec l’idée qu’elle ne plairait jamais à tout le monde – et peut être pas même au plus grand monde. L’enfant prodige et charmant de la famille, c’est Nate, cela va sans dire. Elle, avec son caractère plus volcanique et ses difficultés de concentration, ne passait que bonne dernière dans le rayon des satisfactions parentales ou sociétales. Encore aujourd’hui, avec les années qui passent et l’âge qui la gagne, on ne peut pas dire qu’elle rentre dans le moule qui avait été construit pour elle. Alors elle s’est parée d’une carapace pour éviter de songer trop vivement au fait qu’elle déçoit sans doute les gens qu’elle aime.

- C’est gentil de me défendre avec autant de conviction, elle souligne, sans se départir de son sourire. Je ne connais pas beaucoup de gens qui le font.

Elle rit un peu puis penche la tête pour aviser Lenny qui semble un peu nerveux – mais moins que tout à l’heure tout de même.

- Pourquoi imaginer que ce serait de votre faute, si je passais une mauvaise soirée ? Ca pourrait être de la mienne, aussi. Ou de celle de mon amie, ou d’une mésaventure vécue dans la journée, n’importe quelle autre raison. Vous n’auriez pas à vous excuser.

Quand est abordée la question de son métier, Vera réfléchit à la manière la plus adaptée d’aborder la question. Elle n’a pas honte de ce qu’elle a accompli, et puis elle a grnadi dans une Société libérée où il fait bon d’assumer ce que l’on fait, même quand il s’agit d’exercer son art dans des domaines encore un peu tabous ou rejetés de la Société. Mais malgré ses croyances personnelles, il est toujours un peu délicat d’anticiper la réaction des gens, et toujours un peu compliqué de gérer les regards interloqués et les questions indiscrètes. Pour une raison qui lui échappe, bon nombre de personnes – bien trop d’ailleurs pour le bien de la Société – associent sex toys et comportements sexuels pervers, ce qui n’a pour la brune aucun sens.

- Oui, je suis heureuse de pouvoir le faire, et puis ça fonctionne assez bien. Je pense que je suis assez douée pour donner des conseils et pour aider les gens, maintenant, en plus.

Maintenant qu’elle constate que Lenny n’est pas embarrassé par la nouvelle, elle s’ouvre plus volontiers sur son métier, et affronte la question avec un sourire plus franc. Elle rit un peu, avec tendresse et non moquerie, quand il émet l’hypothèse qu’il pourrait l’avoir gênée. Il en faut bien plus pour la gêner, surtout à ce niveau-là. Vera est du genre à parler – et agir – sans complexe, et même si parfois la bienséance la pousse à ne pas laisser libre court à son analyse, ses commentaires ou sa façon de voir les choses, elle n’est que très rarement complexée par ses propres envies ou sa façon de voir les choses. Un esprit libre que bien des gens de son entourage peinent à comprendre.

- Non, vous ne m’avez pas gênée du tout. Je ne vois pas vraiment le problème dans le fait de parler de sexe non plus, c’est pour ça d’ailleurs que je ne fais pas que des vêtements. Simplement, les gens ont des réactions assez partagées quand j’explique ce que je fais dans la vie, et je ne veux pas imposer aux autres mon franc-parler et mes opinions, vous voyez ? Chacun est libre, après tout, j’imagine. Mais je suis d’accord avec vous. On gagnerait – notre génération, je veux dire – à en discuter plus librement. Je ne comprends pas que le sujet soit encore si tabou.

Et dieu sait qu’elle, elle pourrait en parler des heures.
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La question de Vera l'embarrassa quelque peu. Pourquoi serait-ce forcément de sa faute, si la soirée venait à mal se passer ? Lenny se mordilla la lèvre inférieure, joignant ses mains l'une à l'autre et les tordant légèrement. Lenny cogitait beaucoup trop, tout le temps. Il savait qu'il devait apprendre à lâcher prise, mais c'était plus simple à dire qu'à faire...

"Je ne sais pas trop. Je suppose que c'est souvent de ma faute, dans ce genre de situations. Je ne suis pas très social, maladroit, et j'ai du mal à cerner les réactions d'autrui et m'y adapter. Du coup, j'essaie d'arranger les choses en avance, d'anticiper... Mais je crois que ça rend les choses plus malaisantes qu'elles ne l'étaient au départ."

Lenny eut un rire gêné. C'était un véritable serpent qui se mordait la queue. en tentant de faire au mieux, Lenny se créait des problèmes qui n'existaient pas au préalable. Mais comment était-il censé savoir que lesdits problèmes n'étaient pas là, quand il était incapable de les voir lorsqu'ils existaient ? C'était à se donner la migraine...

Il avait été soulagé en constatant que son enthousiasme n'avait pas été interprété de la mauvaise manière, et que Vera se sentait à l'aise de pouvoir parler de sexe sans tabou. La dernière chose que Lenny voulait, c'était passer pour un pervers ou un harceleur.

Il appréciait sincèrement la compagnie de sa nouvelle amie et, s'il ignorait exactement à quel point et de quelle manière il commençait à l'aimer, il savait qu'il voulait la laisser en contrôle de la situation, et qu'elle ne se sente pas forcée et poussée dans une direction ou dans une autre. Lui-même était heureux de tout ce que Vera avait bien voulu lui donner, son temps et le plaisir de sa compagnie.

"Les gens sont gênés par beaucoup de choses, qui sembleraient beaucoup moins effrayantes si l'on prenait le temps d'en parler librement. Le sexe, clairement. Le handicap, aussi. Parfois, il y a des pensées que j'aimerais pouvoir partager avec autrui, mais je dois les garder pour moi, parce que je sais pertinemment que je les gênerais. C'est plus simple si j'essaie de les cacher et de satisfaire tout le monde."

Même si cela ne marchait pas toujours. Sa crise au début de cette soirée en était une preuve. Vera aurait pu choisir de partir n'importe quand, appeler simplement une ambulance ou même chercher à joindre son tuteur, mais elle n'avait rien fait de cela. Elle l'avait aidé, et lui avait confiance pour se gérer, comme l'adulte qu'il était. Lenny en était encore extrêmement touché.

"Je sais que ce serait mieux d'être franc avec les gens, et de ne garder que ceux qui peuvent m'accepter comme je suis. Mais ces personnes-là, je crois que je pourrais les compter sur les doigts d'une seule main... En excluant ma famille. Quelque part, ils sont un peu "obligés" d'être là pour moi, après tout. Je pense que je serais très seul, si je faisais ce choix."

Son regard se posa brièvement sur Vera, un sourire timide aux lèvres. Dans un réflexe, sa main s'approcha de celle de sa nouvelle amie, se rétractant avant de toucher la peau, comme s'il risquait de s'y brûler. De la brusquer, plutôt.

"C'est quelque chose que vous faites, vous aussi ? Cacher cette part de vous que vous craignez que les gens rejettent ?"

Il ajouta avec un autre sourire, frottant ses jeans d'un geste automatique :

"Vous n'avez pas à la cacher avec moi. Et si quelque chose me gêne, je vous le dirai franchement. Vous pouvez en faire de même. Je préfère que les gens soient un peu brutaux avec moi, plutôt que de devoir deviner ce qui leur traverse le crâne. Des fois, j'ai l'impression d'être un livre ouvert au milieu d'ouvrages scellés..."

Lenny commençait à s'enfoncer un peu trop dans des sujets profonds, qui n'étaient probablement pas appropriés pour une rencontre comme la leur. Dans les films qu'il regardait et les livres qu'il lisait, les protagonistes avaient rarement ce type de discussion après s'être rencontré dans un bar...

Bon, il n'allait clairement pas sauter à l'étape que ces personnages franchissaient le plus naturellement du monde, mais il devait peut-être faire quelque chose pour détendre un peu la situation. Un rire gêné s'extirpant de ses lèvres, il se massa la nuque avant de déclarer :

"Mais je parle, je parle, et je me retrouve à vous embarquer dans des sujets de discussion peu festifs. Le contexte n'est probablement pas approprié pour se poser des questions sur les masques qu'on arbore en présence d'autrui. Je crois que j'ai sauté quelques étapes."

Lenny eut un autre rire. Il se leva du siège où ils étaient assis, s'étirant de tout son long :

"On pourrait peut-être commencer par se tutoyer ? Est-ce que v... Est-ce que tu souhaiterais boire autre chose ? Ou manger, peut-être ?"

Lenny se remonta les manches, agitant ses doigts et ses poignets :

"Je suis mauvais cuisinier, mais j'ai quelques recettes basiques en tête. Ou des paquets de gâteaux, si v... si tu ne veux pas risquer l'intoxication."

Lenny commençait réellement à se sentir à l'aise avec Vera. Il espérait que c'était le cas pour elle aussi...
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