Cauchemar en cuisine ? || Louisa

Louisa avait passé sa nuit à chercher l’ingrédient qui pourrait tout changer. Ce n’est qu’aux alentours de trois heures du matin, dépitée, qu’elle décida d’aller se coucher. Sa soirée idéale aurait été de se retrouver dans l’appartement de Noam à regarder un film, mais les messages ont cessés. Elle était intimement convaincue que Noam avait fini par s’endormir, alors c’était épuisée qu’elle avait fini par éteindre la lumière de la cuisine avant d’aller se coucher. C’est 3h plus tard qu’elle avait eu l’illumination divine, la rendant éveillée plus que de raisons en cette heure bien trop matinale. Elle avait enfin trouvé ce qu’il fallait, avait retourné tout le placard de la cuisine qui était destinée à ses pâtisseries pour trouver cette boîte. Des fleurs comestibles. Elles lui avaient coûté un bras, et elle ne s’en était servie qu’une seule fois. C’était la bonne occasion pour les ressortir et c’est ainsi qu’à six heures du matin elle était déjà de nouveau aux fourneaux. La fournée de cupcakes qui n’attendait qu’à être dégusté. Quand son réveil sonnait lui indiquant qu’il était l’heure pour elle de se préparer, elle soupirait en voyant l’état lamentable de sa cuisine et elle se pressait pour nettoyer, préparant un café pour Willow qui n’allait certainement pas tarder à se lever avant de filer sous la douche pour changer de haut, et ne pas paraître pour quelqu’un de débrailler auprès de sa patronne.

Quand elle était dans le métro, elle serrait sa boîte de cupcakes entre ses doigts fins, ses yeux qui me quittaient pas son écran et la série qu’elle avait décidé de regarder pour faire passer le stress de la dégustation et elle se concentrait sur autre chose. Ce n’est que quand son arrêt était annoncé qu’elle se levait pour sortir, ses mains tenant toujours fermement la boîte de cupcakes jusqu’à ce qu’elle arrive devant la pâtisserie. Un sourire se feignait sur son visage quand elle voyait le chien, elle rendait le geste de la main à Jack avant d’entrer quand elle le lui permettait. « Pour ce qui est de vos- tes papilles j’espère pouvoir les ravir. » répondit-elle simplement avant d’opiner du chef. « Je veux bien un café s’il te plaît.» Parce qu’elle avait besoin de sa dose de caféine pour pouvoir tenir la journée. « Au programme, cupcakes à la vanille avec insert framboise et crème à la framboise avec en décoration des fleurs comestibles. » Elle espérait sincèrement que sa patronne ne prendrait pas peur. « J’ai eu l’illumination au bout de ma troisième heure de sommeil alors j’étais obligée de me lever. » Ce qui expliquait aisément les valises sous les yeux et les yeux fatigués. Mais elle savait que Jack ne lui en tiendrait pas rigueur.

Lou n'était pas le moins du monde angoissé par le fait qu'elle allait présenter une de ses nouvelles créations à Jack, elle n'était pas le moins du monde apeurée parce qu'elle avait prit confiance en elle et en ses talents de pâtissière. Si ça ne plaisait pas, tant pis, elle garderait la recette pour elle et elle les ferait pour son père ou au pire, pour Noam. Elle avait hâte que la boisson chaude lui brûle la gorge et la réveille un minimum, parce que si elle avait pu faire une sieste dans le métro, elle l'aurait fait, si elle n'avait pas eu peur de louper son arrêt ou pire, qu'on lui vole son sac. Louisa s'attarda quelques minutes sur le chien à qui elle faisait des caresses, accroupie pour être à sa hauteur et recueillir les câlins et autres joyeusetés qu'offrait les chiens quand ils étaient heureux. Elle se redressa avec un franc sourire face à l'impatience de sa patronne avant de rire à gorge déployée et d'hausser les épaules « Peut-être que nous nous sommes bien trouvé ! Et ça m'arrive régulièrement de me lever en pleine nuit quand l'inspiration me prend. J'avoue tout ! » s'exclama t-elle avec joie.

Louisa regarda tout autour d'elle, toujours autant fascinée par l'endroit où elle allait bientôt travailler et où les gens allaient goûter ses pâtisseries. Au fond d'elle, elle avait toujours plus ou moins nourri le désir de travailler dans un endroit pareil, combinant ses deux passions, à savoir la pâtisserie et les livres. Rien de mieux que de travailler dans un endroit qui plait. Elle récupérait la tasse chaude que Jack lui tendait avec un sourire « Merci ! » Et elle portait directement la tasse à ses lèvres, laissant le liquide chaud lui réveiller un peu plus l'esprit. Aux mots de Jack, Louisa sortit la petite boîte de son sac et l'ouvrit avant de tendre à sa patronne un des gâteaux « Si ça ne te plaît pas, n'hésite pas à me le dire, si tu vois quelque chose à modifier, n'hésite pas à me le dire aussi ! » expliqua Louisa en passant une main nerveuse dans ses cheveux avant de reprendre une gorgée de café « Mais si il te plait, peut-être qu'on pourrait l'appeler le... » Elle réfléchissait un instant « Le jasa ? Le Lock ? » Elle allait sûrement passer pour quelqu'un de bizarre alors elle rajouta « Un mélange de nos prénoms... Et si on l'appelle Lock, on pourrait peut-être rajouter des clés en décorations ? »

Tout revenait à la normale pour Louisa, elle allait pouvoir reprendre sa vie d'avant, sa vie avant que son ancienne pâtisserie ferme et que les maigres économies qu'elles avaient réussis à faire avec son ancienne patronne ne s'amenuisent et qu'elle ne soit forcée de fermer la boutique parce que ça aurait été s'engager sur une pente sinueuse et dangereuse et Louisa ne l'avait pas voulu, pour sa santé mentale mais aussi pour sa sécurité. Qui sait ce qui aurait pu se passer si elle n'avait eu de cesse de crouler sous les dettes ? Mais elle a trouvé la rédemption Lou, elle a réussi à avoir un travail dans un endroit qui lui correspond en plus totalement alors elle se dit que ça ne pourrait que bien se passer. Encore plus quand Jack lui dit qu'elle veut goûter une de ses créations. Lou rit un peu à la remarque de sa patronne avant d'hausser les épaules « Alors je pourrais te dire de le déguster avec les yeux mais si ce n'est pas bon, on ne pourra pas s'empêcher de le mettre en vitrine et on perdra des clients. » explique t-elle d'un ton amusé mais qui montre tout de même un peu son sérieux.

Son sérieux qui la caractérisait quand elle parlait des noms pour le gâteau parce qu'elle ne se voyait pas l'appeler gâteau numéro elle ne sait combien. Elle voulait un nom pour ses créations, au grand dam de Noam qui devait l'aider à choisir la plupart du temps. « Oh oui ! Je n'avais pas forcément le lien, mais c'est vrai que c'est une bonne idée. » A deux cerveaux, ça va toujours mieux. « Je n'aime pas goûter mes créations mais pour toi, je vais faire un effort. » explique Louisa en attrapant un gâteau et lui tendant une cuillère, avant d'attendre que Jack ne goûte la première pour faire de même. Une moue un peu déçue se greffe sur son visage et elle regarde Jack en grimaçant « Je- Je suis désolée, ça manque de goût. » avoue Lou, un peu désarmée par le fait qu'elle pensait que ça aurait une tout autre saveur. « Est-ce que tu veux que j'en refasse pour demain ? » Elle savait pertinemment qu'elle y passerait encore sa nuit, jusqu'à ne plus en pouvoir, jusqu'à ne plus pouvoir réfléchir aisément. « Je suis désolée... » Et elle offrait une caresse au chien qui venait se lover contre elle, comme pour la rassurer.

C’est angoissant pour la pâtissière que son travail soit à la merci d’un avis. Et quel avis, ce n’était ni Noam, ni son père, ni sa mère, c’était sa patronne, celle qui lui faisait confiance pour donner de la saveur dans la vie de ses client.e.s et qui faisait en sorte qu’elle ne soit pas bridée dans sa création. Mais Lou était d’une angoisse folle quand il s’agissait de pâtisserie. Jamais satisfaite, toujours angoissée. Elle ne voulait pas décevoir Jack. Jack qui lui avait offert la possibilité de trouver un emploi stable, la possibilité de pouvoir reprendre un appartement dans le Queens en colocation. Et elle ne voulait pas la décevoir, ça lui ferait beaucoup trop de peine si elle la décevait et elle perdrait au change si elle se faisait renvoyer. Mais Jack ne semblait pas de l’avis de la brune et Louisa la regardait, comme pour s’assurer qu’elle ne mentait pas et elle grimaçait un peu

- « C’est mon gros problème, je ne sais pas, je n’arrive pas… à apprécier ce que je fais, j’ai toujours l’impression que c’est fade. » explique Louisa en se grattant la nuque, retirant l’une des mains de sa patronne des siennes.

Elle ne se sentait pas bien Louisa, enfin, c’était une douleur sourde qui prenait le coeur, et l’esprit, elle se triturait beaucoup trop les méninges pour faire plaisir et pour plaire, diktats qui étaient restés ancré dans le cerveau, Louisa perdue dans la ville, Louisa perdue dans l’immensité du monde sans parvenir vraiment à savoir où se trouve sa place, sans parvenir à savoir où elle doit être, sans avoir envie de se ranger dans des cases. Lou n’a jamais voulu rentrer dans le moule (un comble pour une pâtissière), et elle ne le fera sans doute jamais.

- « Vous… tu valides vraiment ? » demande encore Louisa en guise de confirmation avant d’offrir des caresses au chien qui revient près d’elle.

Elle ne peut s’empêcher de sourire, encore et encore de savoir que ses pâtisseries plaisent vraiment. Qu’elle est maître de ce qu’elle veut faire et qu’elle n’a besoin d’aucun guide. Et elle rit à gorge déployée à la nouvelle remarque de Jack

- « Alors si les chiens et les humains valident… » explique t-elle en levant les mains au ciel « Je ne peux qu’abdiquer. » conclut-elle, les mains toujours levées.

Quand elles eurent terminés avec les gâteaux (où ce qu’il en restait), Louisa récupéra la boîte qu’elle glissa dans son sac avant de regarder sa patronne

- « Tu sais, je suis contente de t’avoir trouvé. Je désespérais un peu de ne pas trouver de job et j’avoue que je n’aurais pas pu rêver mieux que celui ci. »

Louisa a toujours été de celle qu’on ne remarque pas, celle qui était dans un coin à attendre que ça se passe pour ne pas qu’on la remarque et qu’on lui dise quelque chose, elle avait eu la possibilité d’ouvrir ses ailes avec Léo et pourtant, elle avait toujours garder cette part de secret en elle, cette part de timidité qui faisait qu’elle était elle. Le seul moment où elle trouvait la rédemption c’était dans la pâtisserie, dans les gâteaux, là où elle pouvait être elle même. Alors elle était ravie d’avoir pu en faire son métier, d’avoir pu en faire quelque chose qui lui donnait envie de se lever chaque matin sans rechigner et sans traîner au lit avant de parvenir à en extraire sa carcasse avec difficulté. Et puis quoi de mieux que d’avoir carte blanche sur les pâtisseries qu’elle ferait pour le bookstore ? « Alors je vais beaucoup aimer Lupin. » répondit Lou avec un grand sourire, offrant une caresse au chien avant de finir de ranger, histoire de ne pas se laisser envahir par pleins de choses qui traînent. Et Lou, quand elle est heureuse, elle dit souvent ce qu’elle pense, même si ce n’est pas convenable, est-ce qu’il fallait qu’elle fasse cela ? Qu’elle dise tout ce qu’elle pense sans réfléchir ? Peut-être pas, mais elle souriait fébrilement, quand Jack semblait étonnée. Lou se demandait s’il fallait qu’elle lui dise la vérité. Elle s’humidifiait les lèvres et baissait la tête, en proie à une honte mal dissimulée. « Je… » Elle n’avait pas envie de lui mentir, parce que ce serait partir sur de mauvaises bases, alors elle soufflait pour se donner du courage. « J’avais une pâtisserie avec mon ancienne colocataire, enfin c’était la sienne. » C’était. Parce que ça n’a pas marché. Lou eut un sourire un peu triste quand elle se rappelait à quel point elle s’était battue pour la maintenir à flot. « Puis, elle est partie. Et du coup, j’étais toute seule à la barre… J’ai eu de l’aide, mais … Ça n’a pas suffit, j’ai mis la clé sous la porte un mois après. Et du coup, je suis retournée vivre chez mon père parce que je ne pouvais plus payer le loyer… Et du coup, je voulais vraiment un travail pour pouvoir reprendre mon indépendance et retourner au Oak Complex… pour être proche de mon petit ami. » Ses joues se tintèrent de rouge à l’évocation de Noam, parce qu’il ‘était la raison principale de son déménagement, pour éviter de tomber sur son père le matin alors qu’elle est aux côtés de Noam. « Et du coup, voilà. Tu sais tout, tu en sais peut-être même trop… Si c’est le cas je suis désolée. Tu peux aussi me parler de toi si tu veux, comme ça on sera quittes ! »

Tout revenait à la normal, tout revenait en place, sur les rails, le train reprenait sa marche normal et maintenant, Lou pouvait respirer. Bien évidemment que les marques du passé, les cicatrices au creux du coeur resteraient là, bien ancrées, visible mais non plus douloureuses, bien sûr que les brimades, les moqueries, les murmures mesquins resteraient dans un coin de l'esprit mais elle pouvait s'apaiser et redevenir la colombe qu'elle était avant que tout ne se casse la figure, avant qu'elle finisse au chômage, à devoir retourner chez son père, parce que sa mère était on ne sait où. Mais elle aimait son père, d'un amour tellement fort qu'elle ne pouvait lui en vouloir trop longtemps de partir souvent, la maturité faisant, elle comprenait qu'il avait besoin de se sentir utile, besoin de se sentir nécessaire dans un monde qui peut être barbare et dangereux. Tout ce qu'elle voulait au fond, pour son père, était qu'il soit heureux et qu'il ne se mette pas en danger, mais jamais Ô grand jamais, elle ne lui avouerait, de peur qu'il tente de la rassurer, qu'il fasse trop attention pour finir par se mettre en danger. Elle ne lui dirait pas, mais le lui ferait comprendre habilement qu'il peut être ailleurs, que ça y'est, elle a trouvé le chemin pour se remettre en selle et Jack, en face d'elle, est l'une des raisons pour laquelle elle se sent libre désormais. Lou ne put s'empêcher de rire quand Jack lui fit la remarque sur la présence éternelle de gâteaux pour Noam et secoua positivement la tête « Oh oui, il est content. C'est lui mon premier testeur ! » Et à chaque fois, il lui dit que c'est les meilleurs gâteaux qu'il n'a jamais mangé, et ça lui crée un petit pincement au coeur de voir que c'est ce qu'elle a toujours voulu faire et qu'elle a réussi. Réussi à être ce qu'elle voulait, patissière, au grand dam de ses grands-parents maternels qui voyaient en elle, un médecin, une avocate, un "grand" métier comme ils aimaient si bien leur répéter avant qu'elle ne les envoie balader. La remarque de Lou semblait étonné Jack et elle se mordit l'intérieur de la joue pour ne pas retirer ses paroles, de peur qu'elle ne pense qu'elle ne savait pas ce qu'elle voulait. Une mou triste prit place sur les lèvres de Lou et elle se gratta la nuque nerveusement « Je suis désolée... » Désolée de remuer le couteau dans la plaie, désolée d'être curieuse au point de raviver des souvenirs douloureux. Elle resta à sa place et regarda Jack avec cette éternelle lueur compatissante dans le regard avant de venir s'installer à côté de Jack, grimpant sur la table avec agilité après avoir offert une caresse à Lupin sur sa tête. « Je suis vraiment heureuse de travailler ici. » ajoute Louisa, avant de regarder tout autour d'elle. « Et je pense sincèrement que tu es une belle personne du peu que j'ai vu de toi. Alors je ne doute pas que les gens soient adorables, la plupart des gens rendent à autrui ce qu'ils leur font. » Alors la gentillesse attire la gentillesse, mais ça attire les gros lourds aussi et Lou sera là pour les remettre à sa place, gentillesse mais sale caractère. « Est-ce que tu veux un autre café ? Je peux au moins faire ça ! » s'exclama Louisa en descendant de son perchoir avec un sourire. « Pour me faire pardonner d'avoir remuer des souvenirs pas vraiment chouette. »