(hamptons) all of the lies shatter into pieces

Un pied dans la voiture, et la chaleur qui s'y est accumulé dans la journée se disperse déjà dans tout mon corps. Le trajet devra se faire avec la climatisation si Chrissy et moi ne voulions pas fondre sur les sièges en cuir bouillants de la Tesla. C'est assez ironique, la chaleur pesante de ma voiture est très représentative de mon état d'esprit alors que je dois me rendre une nouvelle fois à Staten Island. Je remonte les manches de ma chemise, et après avoir vérifié que ma fille est bien attachée, je démarre pour prendre une route que je connais trop bien.

Le trajet jusqu'au Dawson Circle est silencieux. Presque pesant. Je mets la radio, tente de parler de ses cours à Chrissy, mais ce n'est pas naturel. Une partie de moi n'arrive plus à être naturel avec elle. Oh, ce n'est pas de sa faute. La pauvre, on ne lui a toujours pas donné de raison à la séparation entre sa mère et moi. Elle doit se poser un tas de question. Mais je n'ai pas encore pu me résoudre à lui avouer le mal que j'ai fait autour de moi, à lui avouer que je ne suis pas le père idéal comme je prétendais l'être. Quarante longues minutes de trajets durant lesquelles je tente de rester moi-même, et de garder une conversation normale face à ma fille. Une fois arrivés dans la rue familière, j'hésite quelques secondes avant de descendre de la voiture. Je ne tiens pas à garder le moteur allumé, ne sachant pas pour combien de temps Chrissy en aurait pour récupérer ce qu'elle avait laissé de si important chez sa mère. Mais je ne peux pas rester dans la voiture sous un soleil si puissant sans clime, ce serait insoutenable. « Je t'attends là okay ? Je ne voudrais pas déranger ta mère. » je déclare à ma fille en sortant de ma Tesla. Je fais quelques pas à côté de la voiture sans trop oser m'approcher de l'entrée de la maison. Jusqu'à ce que je vois celle que je peux maintenant appeler mon ex femme, apparaitre dans l'entrebâillement de la porte d'entrée que Chrissy avait laissé ouverte. Je lui fais un signe de la main et tente un sourire poli, comme si j'attendais un regard approbateur, quelque chose qui me dit que je peux m'approcher de la maison, et donc, au moins me mettre à l'ombre en attendant que notre fille réapparaisse. « Hey, Olivia. » Je finis par annoncer, après avoir eu le fameux signe approbateur. Je fais quelques pas vers l'entrée, et fini par lâcher un « Encore merci. Pour... la dernière fois. » accompagné de regards vers l'intérieur de la maison pour vérifier que Chrissy n'écoute pas. Pas que je n'ai pas confiance en elle, mais je veux juste pouvoir expliquer les choses à ma fille de moi-même, sans qu'elle n'entende quoi que ce soit avant.

chrissy ne pensait pas que cela pourrait fonctionner, que son père pourrait facilement gober l'excuse du "j'ai oublier des cours important à la maison". chrissy n'oublie jamais rien, encore moins quand il s'agit de foutre une raclée à d'autres étudiants de sa classe, surtout quand il s'agit de prouver une nouvelle fois qu'elle mérite sa place de première élève. néanmoins même si son plan semble fonctionner pour le moment.. comment compte elle obliger sa mère à accepter la présence de l'homme qui semble lui avoir brisé le coeur chez elle ? chrissy sait parfaitement que cette étape sera bien la plus difficile dans l'histoire. une femme ayant subit une peine de coeur n'est pas facile à tromper une seconde fois, encore moins par sa propre fille qu'elle connait par coeur. heureusement pour rendre la chose plus "crédible" les cours important sont sagement ranger sur son lit qui n'attendent qu'à être récupérer.

une fois arrivée dans la rue, chrissy se doutait bien que son père chercherait une excuse pour ne pas venir -ou n'assumerait pas le regard de celle qui à partager si longtemps sa vie- peut-être que mettre en place une réunion d'urgence pourrait les forcer à communiquer ? l'avenir de leur fille est peut-être plus important qu'une dispute dont chrissy ignore toujours la cause ? « pourquoi tu ne viendrais pas prendre un thé glacé pour te rafraichir ? t'as vraiment envie de bouillir devant la voiture ? » qu'elle demande en étant la plus sérieuse du monde ? à croire que cette voiture à presque une signification symbolique. voyant qu'il ne semble pas tenté par l'idée, chrissy soupire avant d'entrer dans la maison qu'elle partageait autrefois avec ses deux parents, heureuse, sans avoir le sentiment de devoir choisir un camp. « maman, c'est moi ! » qu'elle crie sans prendre la peine de fermer la porte. « j'ai oublier mes cours et papa est en train de littéralement dessécher devant la maison. » peut-être bien que cette idée pourrait lui plaire, chrissy n'aurait surement pas du ajouter ce détail. cependant avec un peu de chance elle le laissera rentrer ? peut-être qu'avec un peu de chance ils pourront enfin discuter de tout ça ? discuter de la déchirure de leur famille. montant les escaliers, elle jette un dernier regard à sa mère non loin de la. lui suppliant presque intérieurement d'accepter cette invitation forcée et de lui offrir enfin les explications dont elle a plus que besoin pour avancer.

Depuis l’étage de la maison, Olivia entendit la voix de sa fille résonner dans l’entrée. Elle s’en réjouit, elle ne s’attendait pas à la voir cette après-midi, et la surprise lui fit plaisir. Occupée à remonter ses cheveux en un chignon compliqué, elle lâcha son peigne et descendit les escaliers quatre à quatre. Une fois en bas, serra la jeune femme dans ses bras. « Hi honey, tu vas bien ? » Son sourire se fana cependant légèrement lorsqu’elle comprit que Benjamin se trouvait là, lui aussi. Il avait au moins eu la décence de ne pas entrer immédiatement, peut-être n’était-il pas si stupide, tout compte fait.

Olivia se félicita de porter une tenue qui la mettait en valeur. Si sa fille et son ex-mari avaient débarqué une heure plus tôt, ils l’auraient trouvée en jogging et sweat oversize. Mais Olivia prévoyait de passer la soirée au Harlem Jazz Jam, elle avait donc enfilé une combinaison habillée, et même si elle n’était pas encore passée par l’étape du maquillage, elle se savait détenir une certaine prestance. Non pas qu’elle souhaite reconquérir Benjamin, Dieu l’en préserve, mais elle nourrissait une intense satisfaction à l’idée de lui prouver qu’elle ne se laissait pas aller. Qu’elle n’avait tout simplement pas besoin de lui.

En réponse à Chrissy, la brune faillit lâcher un « hé bien qu’il dessèche », avant de se souvenir qu’elle était beaucoup moins en colère contre Benjamin qu’auparavant. Leur mise au point l’avait apaisée, elle ne lui en voulait plus autant maintenant qu’elle comprenait les raisons qui l’avaient poussé à lui mentir éhontément. Toutefois, sa présence lui était encore douloureuse, et moins elle le voyait, mieux elle se portait. Autant dire que lui proposer d’entrer ne l’enchantait pas. Mais le regard suppliant que lui lança Chrissy du haut de l’escalier fit flancher sa volonté. Pour le bien-être de sa fille, Liv devait faire un ultime sacrifice : celui de tolérer son ex de temps en temps. Elle céda. « Hum, mets tes cours dans la voiture et dis-lui de passer prendre un verre d’eau. » Plate, l’eau. Avec un quignon de pain, et encore, seulement s’il se montrait aimable.

Se retrouver devant la bâtisse, qui fut pendant longtemps notre maison familiale me fait toujours un pincement au coeur. Je me rappelle des bons moments passés en famille, devant la télévision ou dans le jardin à regarder Chrissy, alors encore enfant, qui jouait, un sourire large jusqu'à ses oreilles. Il s'agit d'un temps où tout était plus simple, un homme, une femme et leur fille vivant une vie de rêve. Un temps où mon ambition et mon travail étaient admirés par mes collègues, un temps où j'étais l'homme que j'étais censé être. Un temps où mes collègues ne chuchotaient pas dans mon dos pour s'arrêter net quand je tourne la tête. Un temps où mes parents étaient encore fiers de parler de leur fils et de son indéniable réussite dans la vie. Un temps où je ne m'amusais pas à cacher des bouteilles qui se vident trop rapidement, et à en jeter certaines dans la poubelle du voisin, pour passer inaperçu. Je ne sais pas si je dirais que je suis nostalgique, parce que quelque part, je me sens bien plus libre de pouvoir être qui je veux librement. Je ne parlerais pas de nostalgie, dans la mesure où je suis bien plus heureux dans mon couple aujourd'hui que dans celui dans lequel j'étais il y a encore un an. Non, je ne suis pas nostalgique de ma vie d'avant.  
Mais quelque chose me bloque. A s'en demander si je vais un jour pouvoir remonter la pente. Pourquoi je n'arrive pas à profiter pleinement de ma nouvelle vie ? Plus libre, plus légère, plus ouverte ?

Il est hors de questions pour moi de me perdre dans de telles pensées maintenant. Je suis là pour Chrissy, qui a besoin de récupérer des affaires. Et je doute que elle, et encore moins Olivia veuillent me voir faire un bad trip devant la maison. D'autant plus qu'Olivia m'a déjà consolé comme elle l'a pu lors de notre dernière rencontre, dans cette même maison. Elle ne mérite pas d'avoir à faire ça encore une fois. Ma fille me propose de rentrer et de boire un thé glacé avec elle, mais je déglutis, et souris légèrement, la gentillesse et la naïveté de Chrissy me mettent du baume au coeur. « Je t'ai déjà dit. Je ne veux pas déranger ta mère. Et elle n'a sûrement pas envie de me voir. » Bien qu'étonnamment, elle aura été la première à m'aider et à me dire certaines choses que j'avais besoin d'entendre depuis notre divorce.
Oh God, elle ne méritait vraiment pas tout le mal que je lui ai fait.
Il faut que je fasse barrières à ces pensées intrusives. Ce qui est fait est fait, et je ne peux plus rien y changer. Je peux juste être le plus aimable et poli possible. Rien de plus, car je ne mérite pas le pardon de mon ex femme.
« Comment s'est passé ta journée ? » je lui demande, parce que je ne sais pas quoi faire d'autre que de m'engager dans un awkwadrd small talk avec Olivia en attendant le retour de notre fille. Alors que je lui pose la question, mon téléphone sonne, et je reçois un sms inattendu d'Axel. Ce n'est pas le contenu du message auquel je ne m'attendais pas, parce qu'il est banal. Mais c'est qu'il décide de m'en envoyer un maintenant, à cet instant précis, alors que mon coeur se serrait à l'idée d'avoir à tout faire pour éviter le conflit. Je ne peux empêcher un léger rictus de se former sur le coin de mes lèvres quand je jette un oeil à ma montre connectée pour checker la notification. Mais je n'ouvre pas le message, et je repose tout de suite mes yeux sur Olivia, parce que j'ai beau avoir beaucoup de défauts, je ne suis pas malpoli et ne me permettrais pas de regarder ma montre plus d'une seconde face à quelqu'un. Surtout pas face à Olivia.

elle n'estime certainement pas que ce soit le meilleur coup qu'elle ai pu faire jusqu'à présent, encore moins le plus intelligent finalement. elle ne devrait pas forcer ses parents à discuter, ni même à se retrouver dans l'espoir que cela puisse effacer toutes les peines qu'ils doivent certainement éprouver l'un comme l'autre. est-ce réellement mal d'avoir envie de voir ses parents s'aimer à nouveau ? s'aimer d'un amour si fort qu'elle pourrait croire au véritable conte de fées ? est-ce vraiment mal de voir les deux personnes qu'elle aime le plus en ce monde à nouveau heureuse mais, pas séparément.. ensemble ? en tout cas de les forcer à devoir se parler, s'expliquer ? parce que c'est ce qu'elle veut chrissy ; des explications. elle veut comprendre la situation soudaine, arrêter d'être traiter comme une enfant même si dans le fond c'est ce qu'elle est. pas encore majeure, toujours une gamine qui tente de comprendre ou les choses ont pu déconner. parce qu'elle ne trouve aucune réponse chrissy. s'imaginer oui mais, zéro certitude. peut-être qu'avec les deux face à elle, peut-être qu'avec la famille au complet elle obtiendra enfin ce qu'elle désire réellement ; des réponses.

alors, elle patiente un instant dans sa chambre, le coeur battant à milles à l'heure. parce qu'au fond elle n'aime pas faire des magouilles pour piéger ses propres parents, elle préfère se dire qu'elle n'a pas eu d'autres choix et que tout ça c'est uniquement leur faute finalement. oui exactement, imaginer qu'elle n'est que l'innocente dans l'histoire, après tout.. c'est le cas. coincée entre deux parents qui se déchirent. après un certain temps d'attente, des paroles encourageantes devant le miroir, chrissy décide qu'il est temps de descendre. qu'il est temps de prendre les choses en main désormais, arrêter de se faire des films et connaître enfin la raison de ses problèmes. « vous en faites une tête. » qu'elle balance sans tact en regardant ses parents. parce que c'est vrai. sa mère semble mal à l'aise et son père au fond du trou simplement. elle est certaine que si celui-ci avait eu la possibilité de s'échapper sans se faire remarquer, ce serait déjà fait depuis longtemps. « je dois vous parlez à tous les deux. » elle annonce la couleur chrissy, un brin plus dramatique qu'elle le voudrait. ils vont surement se faire des films eux aussi mais.. ce serait la meilleure des vengeances après tout. sirotant son thé glacé, elle passe du regard de sa mère à celui de son père. encore plus gênant qu'avant son entrée finalement.

Se retrouver coincée avec Benjamin dans sa propre cuisine, obligée d’entretenir une discussion banale et forcée, figurait parmi les pires cauchemars d’Olivia. C’est pourtant ce qui était en train de se produire, à son plus grand désarroi. Heureusement, Benjamin prit l'initiative de la conversation. « Ma journée ? Elle s’est bien passée. Je sors, ce soir. » Comme si ça n’était pas déjà évident, étant donné son accoutrement. Comme si Benjamin ignorait que lorsqu’elle mettait des boucles d’oreilles, celles-ci en particulier, c’est qu’elle s’apprêtait à sortir, parce qu’elle se trouvait belle avec. Mais Liv avait ce besoin puéril – et un peu cruel – de lui montrer que sa vie était formidable sans un mari à ses côtés. « Et la tienne ? » Non pas que ça l’intéressait, mais Olivia restait une femme polie, même avec son ex-mari infidèle.

Lorsqu’Olivia entendit les pas de Chrissy dans l’escalier, elle ressentit un intense soulagement. Elle accueillit sa fille avec un grand sourire, sans pour autant réussir à cacher totalement le malaise que provoquait chez elle la présence du trader. Mais son sourire s’évanouit à l’instant même où Chrissy ouvrit la bouche. Leur parler ? Mais pourquoi ? Avait-elle un souci ? Le côté mère louve de la brune refit surface, et ses yeux s’agrandirent d’inquiétude. Au fond d’elle, une panique sourde mêlée à une profonde détermination. Si c’était à cause d’un garçon, elle était capable de détruire la vie de cet hypothétique petit enfoiré. « Qu'est-ce qu’il se passe Chrissy ? Il y a un problème ? C’est la fac ? » Elle se mit à scruter le visage de sa fille, comme si elle allait y trouver la réponse à ses questions.

Au fond d’elle, pourtant, Olivia savait. Elle pouvait se targuer d’avoir réussi l’éducation de Chrissy sur de nombreux aspects. Mais il demeurait une chose qu’elle n’était pas parvenue à faire : maintenir la jeune fille loin des balles perdues du divorce de ses parents. Elle n’avait même pas trouvé le courage de lui dire la vérité, la vérité sur les circonstances de leur séparation, la vérité sur ce père qu’elle avait tant admiré. Le silence était peut-être la pire option, et c’est pourtant ce qu’elle avait choisi, au risque de faire souffrir sa fille adorée. Et ça, Olivia ne le pardonnait ni à Benjamin, ni à elle-même. Surtout pas à elle-même.