Marlyn

Il est bien trop tard pour que ce soit raisonnable, mais Eryn n’a pas tout à fait envie d’aller se coucher. Après sa soirée de travail, elle a besoin de se détendre, et c’est précisément devant Netflix avec un verre de vin qu’elle entreprend de passer le temps. Un bruit sourd cependant la tire de sa torpeur, l’interpelle un peu. Elle lève le nez vers la fenêtre de l’appartement pour tenter d’apercevoir quelque chose, mais se rend très vite à l’évidence : il lui faudra se lever pour espérer trouver la source du bruit et, comment dire ? Se lever est hors de question. Flemme.

Lorsque son téléphone sonne, affichant le numéro de Marley, cependant, la brune sourit bêtement devant l’écran. Il devait sortir avec des amis, et vu l’heure, il a dû se dire qu’elle serait encore réveillée. Elle décroche donc, d’abord enjouée : « Hi baby, still up ? » Son sourire cependant se mute en grimace pincée au fil du discours décousu de Marley, visiblement bien éméché. « Comment ça, une bonne et une… » Elle n’a pas le temps de terminer cependant qu’il continue. Et là, Eryn recolle les morceaux. Le bruit sourd, le coup de téléphone : c’en est trop. Le mode panique est activé. Elle se lève d’un bond du canapé, incapable cependant d’oser franchir les quelques pas vers la fenêtre. « Comment ça, un accident ? Mais attends, tout va bien, je veux dire, t’as rien, t’es ok, faut appeler les pompiers ? » Probablement que non, puisqu’il a eu la bonne idée de lui téléphoner avec son air d’abruti et sa voix pas fraîche. C’est que ça doit aller. Aussi, à peine rassurée, sa voix se mute à nouveau – et cette fois, fait place à une colère noire. « Je vais te poser une question et je te jure Burberry t’as intérêt à faire attention à ce que tu vas me répondre. Est-ce que t’as pris la bagnole en ayant bu ? Je répète, fais très attention à ce que tu vas me dire. » Parce qu’elle connaît la réponse, et s’il ose essayer de lui mentir, la réaction pourrait être bien pire encore…

La panique. Eh merde. Comme si t'avais pas pu y penser plus tôt. Et a la sentir paniquée, a ton tour, tu te tiendrais, le coeur serré comme rarement. «non, non babe, everything alright I promise! J'ai juste... Oublié le frein a main.» tu te mis à rire et l'enjoint a venir voir ton œuvre
«regardes le lampadaire ! On le détestait, il gênait pour se garer ! Il fera plus chier personne ! Allez ! Avoues que c'est métal !»  

Mais t'avais beau être saoul, tu le sentais ce putain de malaise. Peu à peu, l'euphorie de la soirée laissait place a la douche froide. Et t'en avais bien besoin. Parce que tous les jours, tu tenais des discours de droiture, de second départ après le traumatisme vécu d'un accident de voiture. Combien dans lesquels l'alcool était incriminés ? T'avais chaud. Et la question d'Eryn te faisait réaliser. T'avais même pas la force d'essayer de justifier ce qui n'était pas justifiable. Toi qui t'evertuais a dire que ce genre de conneries ne t'arriverait jamais...moment d'égarement. «putain mais qu'est ce que j'ai fait ??!! J'te demande pardon babe... J'ai honte. C'est nul. J'imagine que... Tu m'en veux ...?» las, tu passais ta main sur ton visage décomposé et réfléchissais «je... J'ferais mieux de rentrer chez moi je crois. J'vais appeler un taxi.»

[tw : mention d'accidents causés par l'alcool]

Il va bien. Une vague de soulagement intense s’étend dans le corps d’Eryn tout entier qui ne retient même pas un râle bruyant. Avec la certitude que Marley n’a rien, cependant, un autre sentiment s’installe dans les tripes de la brune, bien moins agréable cette fois : la colère. Une colère noire qui s’intensifie au fur et à mesure qu’elle entend sa voix modifiée par l’alcool et ses remarques désinvoltes. « C’est metal ? Tu te fous de ma gueule ? Et les accidents que t’aurais pu causer, c’est METAL aussi, Marley ? » Car oui, au-delà de cette peur panique qu’il lui soit arrivé quelque chose, Eryn ne retient qu’une seule chose : le fait que de tous les imbéciles ayant pris le volant bourrés ce soir, Marley soit probablement le pire de tous – rapport à son histoire personnelle, évidemment.

La pièce semble finir par tomber pour ce dernier. Alors, Eryn s’adoucit un peu, après l’avoir entendu, tout penaud, se confondre en excuses. La barmaid soupire, entre lassitude et tendresse : « Je ne t’en veux pas, y’a rien eu de grave, mais ça aurait pu. T’as été irresponsable et t’as aucune excuse. » Pour la première fois depuis qu’elle s’est levée en trombe de son canapé, Eryn amorce quelques pas vers la fenêtre. Elle s’y colle, aperçoit Marley et la voiture, soupire à nouveau. « Non mais tu vas pas appeler de taxi, t’es bête ou quoi ? Monte. C’est ouvert. »

Marley semble enfin réaliser la connerie monumentale dont il vient de faire preuve. Et si Eryn n’est pas prête d’oublier l’épisode, elle se permet au moins de se radoucir. Elle ne flanche pas la moindre seconde aux tentatives d’humour alcoolisées du blond cela dit. Déjà parce qu’elle n’a pas la moindre envie de sourire, puis parce qu’elle refuse de lui offrir le plaisir de penser qu’elle ait pu passer si facilement au-dessus de l’incident. « On va dire ça, ouais. », elle grommelle pour toute réponse. C’est à croire que Marley ressent son agacement, parce qu’il continue les petites blagues, et alors que la brune l’observe depuis sa fenêtre, elle hausse un sourcil, puis l’autre, dans un désespoir palpable. D’un ton blasé, elle réplique : « Provoque pas le destin, Burberry, pour l’instant t’as droit au canap’, n’empire pas ton cas. » Incapable de lui retourner ses marques d’affection – pour l’instant, elle a surtout besoin de calmer la bouffée d’adrénaline qui vient de parcourir tout son corps -, elle se contente d’un « Ouais, à tout de suite. » marmonné avant de raccrocher.