(annley) the one with the proposal

Cette histoire avait démarré comme une blague innocente, de celles qu’Ann et Wes avaient l’habitude de s’infliger. Persuadée qu’elle trouverait un jour une utilité à compiler les disquettes ringardes et maladroites de son petit ami, Anneke s’était assez rapidement attelée à la tâche : elle les avait notées dans un petit carnet qu’elle tenait précieusement dans un tiroir de sa table de nuit, sans perdre espoir de réussir à les caser dans l’une de ses farces sans conséquences à un moment donné. Les mois étaient ainsi passés, leur relation s’était renforcée chaque jour un peu plus, et Wes avait continué malgré lui. Au final, après près d’un an, la brune en avait retenu plus d’une quinzaine, toutes plus attendrissantes les unes que les autres, mais néanmoins complètement désuètes.

Et le carnet était resté inutilisé, des mois durant, dans le plus grand des secrets.

Jusqu’à un matin, environ un mois auparavant. Si elle devait vous raconter ce qui l’avait amenée à cette idée, Anneke serait bien incapable de vous satisfaire. C’était là, face à elle comme une évidence, comme si elle avait attendu ce moment toute sa vie sans jamais le conscientiser. A trente-neuf ans, la brune approchait dangereusement d’un idéal de vie dont elle ne s’imaginait pas rêver encore quelques mois auparavant. Il y avait son nouveau travail, qui lui plaisait bien mieux que le précédent. Il y avait son moral, qui ne faisait que s’améliorer, et ses angoisses qui, si elles restaient toujours partie prenante de son quotidien, ne l’empêchaient plus de fonctionner presque normalement. Son podcast aussi, qu’elle prenait plaisir à enregistrer et à diffuser. Et puis, l’anomalie la plus évidente, celle qui se trouvait sous son nez pendant tout ce temps mais sur qui personne n’aurait parié le moindre kopeck, surtout pas elle : Wes. Il avait toujours été là, du moins depuis qu’elle avait fait sa connaissance. Toujours à l’arrière-plan d’abord, prêt à ricaner à ses blagues ou à en raconter qui ne faisaient jamais rire qu’eux, puis plus présent, et finalement, l’évident instant où ils s’étaient trouvés, enfin. Il la connaissait mieux qu’elle ne se connaîtrait jamais elle-même, et tout dans leur couple transpirait l’évidence, si bien que la phobique de l’engagement qu’était Ann s’était soudain, un beau matin d’apparence normal, prise à penser à l’étape supérieure.

Anneke Van Asten, trente-huit ans, jamais casée plus d’un an avec qui que ce soit et certainement pas sous le même toit, se sentait tout à coup prête à se marier. Et d’un coup, ce petit carnet qui traînait dans un coin de sa chambre, à l’abri des regards indiscrets de son petit ami, avait trouvé son sens.

Dire qu’elle n’avait pas préparé son coup aurait été mentir. L’impulsivité n’était plus son amie depuis longtemps, le manque de sécurité avait même tendance à l’angoisser depuis sa dépression, et elle avait passé un mois et demi à préparer le terrain, sondant même les proches de Wes pour mesurer le risque d’une telle opération, et finalement était né un petit livre sobrement intitulé « 50 shades of corny quotes by Wesley Takagi. », dont le contenu n’est pas bien difficile à deviner. Conçu comme une farce remonte-moral, chaque page était dédiée à l’une des pick-up lines ringardes du musicien, commentée bien évidemment par la brune. La dernière page, quant à elle, était destinée à la masterclass. Volontairement ridicule, Ann avait rédigé une conclusion bien à elle, de sa plus belle écriture, où elle commençait par se moquer puis, de plus en plus sérieuse, en arrivait à la disquette finale, celle qui n’avait probablement jamais traversé l’esprit de Wesley : une demande en mariage. Et une fois le matériel prêt à l’emploi, Ann s’était attelée à trouver le moment opportun. A vrai dire, elle n’avait pas la moindre envie d’être présente le jour où il lirait l’ouvrage, soucieuse de ne pas le prendre de court et de son propre confort, se connaissant suffisamment pour savoir qu’elle risquait de ne pas supporter le regarder parcourir les pages. Aussi, elle avait trouvé la parade alors que le musicien semblait subir une petite baisse de moral. Avant de partir au travail un soir, elle avait emballé le carnet estampillé de la note « Read me whenever you feel down. » et elle avait croisé les doigts.

Quand elle était rentrée du travail et que le brun n’avait rien verbalisé d’autre qu’un remerciement attendri, elle avait compris qu’il n’avait pas encore ouvert le paquet. Puis les jours étaient passés et son moral semblait bien meilleur de jour en jour, ce qui, pour la première fois de sa vie, n’était pas pour plaire à Anneke qui commençait à regretter sa décision, rongée par l’angoisse. Jusqu’à ce matin-là. Alors qu’elle rangeait la cuisine, la brune entendit la démarche familière de Wes s’approcher. « Hey babe ! Sleep well ? », lança-t-elle alors avant de lever les yeux… et elle se figea. Dans ses mains, le carnet. Et dans son regard, une espèce de vide qui lui glaça le sang. « Oh, hi… », bredouilla-t-elle à nouveau, nettement moins fière tout d’un coup. Elle avait tout foiré, c’était sûr. Il allait faire demi-tour et ne jamais revenir, la taxer d’un tas de noms d’oiseaux, l’accuser d’avoir empiré son état. Bref, les scénarios catastrophe se succédant dans son esprit, renforcés par le silence pesant de son compagnon. Quelques secondes s’écoulèrent où les deux se dévisagèrent sans un bruit, jusqu’à ce que le visage de la brune se détende dans une moue émue, son menton tremblant de stress. « I could, like, get on one knee but then it’d seem so fucking formal, and we’re not, we’re not exactly the formal kind, right? » Déposant l’assiette qu’elle avait dans les mains, Ann amorça quelques pas vers Wes, sans jamais s’arrêter de parler : « It’s okay if you don’t want to, I just, you know, I thought it’d be another fun thing we could do together and – I, I don’t know, holy shit Wes, just say something I’m dying here! »

Quelques jours auparavant, Ann lui avait offert un mystérieux carnet, avec la consigne de ne le lire que lorsqu’il se sentirait maussade. Wes s’était mis à brûler de curiosité dès l’instant où sa petite amie lui avait tendu l’objet, mais il avait sagement suivi l’instruction et tendrement remercié Ann sans ouvrir le cadeau. Le musicien savourait chacune des petites attentions de la femme qui partageait sa vie, d’autant plus qu’il la savait particulièrement douce avec lui. Il se demandait parfois pourquoi, pourquoi lui, mais le plus souvent, il se contentait d’apprécier sa place de favori dans le cœur d’Ann.

Le carnet avait dormi pendant quelques jours sur sa table de chevet, du côté droit du lit, sans qu’il ne l’ouvre. Il faut dire que ses phases de déprime s'espaçaient de plus en plus, en partie grâce à Ann, qui lui donnait plus que ce qu’il n’aurait osé demandé. Wes était donc globalement heureux, il composait, sortait, riait, bref : il rayonnait.

Et puis, ce matin, il s’était réveillé avec le moral dans les chaussettes. C’était peut-être à cause du temps pluvieux, ou peut-être de ce morceau dont il n’arrivait pas à être satisfait. En tout cas, il se sentait patraque. Le brun s’attarda au lit, enfoui sous la couette pour s’isoler du moment extérieur, jusqu’à ce qu’il décrète que ça n’était pas raisonnable et qu’il lui fallait se lever. Son regard se posa alors sur l’ouvrage d’Ann et il décida que c’était le bon moment pour y jeter un œil. Wes tendit un bras pour l’attraper et se cala confortablement dans les draps désertés par sa copine, déjà levée depuis plusieurs minutes. Sur la première page, il découvrit le titre et comprit qu’il s’agissait d’un des nombreux stratagèmes d’Ann pour le taquiner. Loin de se vexer, il rougit d’embarras sans pour autant réfréner son sourire.

Plus il tournait les pages, plus ses joues viraient à l’écarlate. Partagé entre l’attendrissement et une profonde consternation vis-à-vis de ses corny quotes, Wesley fit une pause à la moitié de la lecture, le temps que les battements de son cœur se calment un peu. Deux évidences s’imposèrent à lui : il était fou amoureux d’Ann et il se montrait très mauvais lorsqu’il s’agissait de le lui dire. Je t’ai toujours trouvée canon, sérieusement ? Depuis quand était-il si ringard ? Heureusement, les annotations d’Ann étaient remplies d’humour et de bienveillance, alors il reprit vite sa lecture, reléguant son cringe au fond de son esprit.

Il fut presque déçu en arrivant à la dernière page, qu’il décida de savourer ligne par ligne, tout ému. Rien ne le préparait pourtant à la dernière phrase. Il dut la relire plusieurs fois pour s’assurer d’avoir bien compris. Son cerveau, encore plus lent à la détente que d’habitude, ne parvenait pas à intégrer le mot mariage. Car c’était bien ça qu’il tenait entre les mains : une demande en mariage. Certes, le musicien s’était stabilisé depuis qu’il sortait avec Ann, sa vie ressemblait de plus en plus au schéma classique : une copine, un appart, des projets sur le long terme. Mais Wes ne s’était jamais imaginé marié et personne ne l’avait jamais imaginé marié non plus. L’univers avait décidé que ça n’était pas pour lui, qu'il n’était pas assez stable, pas assez adulte, alors inconsciemment, il avait intégré cette idée jusqu’à ce qu’elle devienne une évidence. Seul Elior semblait encore garder l’espoir d’être un jour son témoin – Wes le soupçonnait de déposer des cierges à l’église tous les dimanches.

Ok, il lui fallait vraiment parler à Ann. Le quarantenaire se leva d’un bond, enfila un bas de jogging à la hâte et, sans lâcher une seconde le cahier, déboula dans la cuisine. Sans qu’il ait eu le temps de prononcer un mot, Anneke bredouilla des explications, confirmant confusément ce qu’il avait déjà compris. We’re not exactly the formal kind, right ? Ça, il en était certain, alors il approuva avec conviction : « Of course we're not. » Toute embrouillée, Ann l’implora de dire quelque chose. Il plongea alors son regard dans le sien, puis le baissa sur le carnet, pour le reporter à nouveau sur elle. Doucement, il demanda : « It’s not a joke, is it ? » Dès qu’il en reçut la garantie, Wes se mit à son tour à bafouiller. « Je… J'aurais jamais imaginé que ce serait quelque chose qui te plairait ? » C’est vrai, Ann et le protocole, ça faisait deux, comment aurait-il pu imaginer qu’elle veuille un jour l’épouser ? Que qui que ce soit veuille l’épouser ? « To be honest I never thought anyone would ever want to marry me. And now, you, you of all people, want to be my wife ? » Il resserra ses doigts sur le papier, l’air franchement hagard. « I mean, you know… That's just… » Crazy, unbelievable, trop de mots se bousculaient dans sa tête pour qu’il puisse en sortir un.

Et soudain, Wes se ressaisit. Il expira bruyamment, agacé contre lui-même : « Oh fuck you Wes, you're not going to ruin this, not again. » Car finalement, ça n’était pas si compliqué. Wes avait déjà toutes les réponses. Avait-il envie de passer le restant de sa vie avec elle ? Évidemment, ils étaient si fusionnels qu’il n’imaginait plus son quotidien sans elle. Pouvait-il jurer d’être toujours aux petits soins ? Il la chérissait déjà et ne comptait pas s’arrêter de si tôt. Le mot mariage lui avait fait peur pendant 40 ans, parce que ça sonnait trop cérémonieux, trop solennel. Mais bizarrement, avec Ann dans l’équation, ça ne lui paraissait plus si terrifiant. Mieux : ça provoquait en lui un petit sentiment d’impatience, le même que celui qu’il avait ressenti à quelques jours de partir en road trip. Parce que faire des projets avec Ann n’avait rien de conformiste, qu’ils trouvaient toujours le moyen de se comporter comme des ados et de transformer les trucs d’adultes les plus rébarbatifs en aventure fun & rock’n’roll. À son tour, Wesley supplia Ann : « Let me say that again, okay ? » Il prit une grande inspiration, comme pour se préparer à sauter dans le vide, avant de souffler fermement : « Yes. Yes, I'm in. I want this. I want to be your husband. » Un mélange de soulagement et d’exaltation se répandit en lui. Fébrile, il ancra ses yeux dans les siens. « You're right, it does sound fun. I want to go somewhere and say : “hey, I’m Wes and this is my wife”, I want to buy you a cool ring, I want to make a reservation at the restaurant in our name – well, maybe you don’t want us to have the same name, I don’t know why I chose that example, jeez, that’s so old school, I’m sorry… » Voilà que sa maladresse le rattrapait, cette même maladresse qu’Ann aimait au point de lui dédier un cahier entier. Pour une fois, il n’en eut pas honte, il ne rougit pas, il se contenta d’attirer sa compagne à lui en riant. « And I want to keep saying awkward, cheesy things to you. »

Le regard vide de Wes l’inquiétait plus qu’elle n’aurait voulu l’avouer. Incapable d’interpréter son silence, elle le supplia d’ouvrir la bouche. De dire quelque chose, n’importe quoi, et lorsqu’il s’exécuta, elle eut l’impression qu’un tas de rochers s’abattaient sur ses épaules. Ensevelie par le doute et la crainte, Ann eut presque envie de rétropédaler, d’utiliser cette question comme une échappatoire, éclater de rire et prétendre qu’elle l’avait bien eu. Ç’aurait été la solution de facilité. Le chemin qu’elle aurait pris quelques mois auparavant encore. Pourtant cette fois, elle secoua la tête. « I’m dead serious. », murmura-t-elle prudemment, son regard planté dans celui de son petit ami qui bafouillait. J’aurais jamais imaginé que ce serait quelque chose qui te plairait ?, souffla-t-il, incrédule, et pour toute réponse, la brune haussa les épaules. Rien d’étonnant à sa surprise, lorsqu’on savait qu’elle-même n’avait jamais accordé trop d’importance à la chose. Avaient-ils seulement un jour amené le sujet sur la table, au détour d’une conversation ? Rien n’était moins sûr. That’s just… Wes peinait à trouver les mots justes. Aussi, elle l’aida, dans le but de lui rappeler qu’elle ne le mettait pas au pied du mur, que ça n’avait pas d’importance. Du moment qu’ils gardaient leur complicité. « Crazy, I know. But, I mean, we don’t need to… »

Elle fut cependant coupée dans son élan. Wes lui demanda un instant et elle acquiesça, prête à tout entendre. Mais lorsqu’il reprit la parole, la boule coincée dans son estomac explosa. Il acceptait. Maladroitement, mais c’était bien un oui qu’elle l’avait entendu prononcer. Elle ferait en sorte de s’en assurer, incapable d’y croire. Mais pour l’heure, une grimace ridicule, entre le bonheur et la gêne, apparut sur son visage et elle sentit ses joues chauffer, ses yeux s’emplir de larmes. Incapable de répondre, elle hocha la tête à plusieurs reprises. Et quand son compagnon l’attira vers lui, elle se laissa faire, enroulant ses deux bras autour de sa nuque. Puis, elle éclata de rire. « Ca tombe bien, je suis bon public, comme t’as pu le constater. » Son visage s’illumina d’un sourire ému, de ceux qui emplissent vos yeux d’un filtre brillant qu’elle ne réprima pas. Après avoir consacré un ouvrage entier aux citations ringardes de son petit ami, il n’y avait plus aucun doute sur la tendresse qu’elle leur portait. « Ann Takagi, ça sonne pas si mal, en plus, mmh ? », plaisanta-t-elle enfin dans le but de détendre un peu son compagnon qui s’était fustigé quelques secondes plus tôt à peine. Mais instantanément, c’est elle qui se sentit secouée d’un rire nerveux, incontrôlable. Elle n’avait jamais encore posé leurs deux noms côte à côte. « Damn, it’s weird. But, like, good weird, exciting weird. » Abandonner son nom n’avait jamais fait partie de ses plans, et si elle chérissait son compagnon, elle ne s’était jamais imaginée à porter le sien. Mais comme bien des banalités auxquelles elle ne pensait jamais adhérer, depuis que Wes avait fait son apparition dans sa vie, elle ne se sentait pas opposée à l’idée. Il leur faudrait en parler, y penser, trouver les solutions qui leur convenaient. Anneke n’était pas inquiète : ils avaient toujours réussi à trouver les compromis qui leur réussissaient. Mais en l’instant, we’re getting married était l’unique pensée qui survivait au torrent d’émotions qui submergeait son corps entier.

« Tu, euh, tu disais que tu pensais pas que j’aurais pu avoir envie de ce genre de trucs... To be honest, before last month I didn’t think I did either. » Toute sa vie, Ann avait cru que les gens comme elle, comme Wes, ne se mariaient jamais. Qu’ils n’avaient pas le temps, pas le style de vie, pas l’attrait inné pour la routine que pouvaient avoir les gens normaux à la vie conforme aux attentes de la norme. Et jusqu’à présent, dans sa réalité du moins, elle ne s’était pas trompée. Jusqu’à ce qu’elle réalise que leur routine à eux, qu’ils avaient installée petit à petit, avant même de réaliser leurs sentiments, n’avait rien d’horrifiant. Qu’ils étaient libres de réinventer le concept comme bon leur semblait, et qu’ils s’y employaient déjà avec un certain succès. « All of this is still hella scary to me, I’m not gonna lie. », avoua-t-elle cependant, dans un élan de franchise qu’elle lui devait bien. « The thing is… » Ann sentit sa voix s’enrouer et elle se racla la gorge, une parade qui ne trompait personne sur l’émotion qui la traversait. « The thing is, Wes, I hate that you could ever believe you weren’t good enough. » Car s’il ne l’avait pas exactement verbalisé de cette manière, la brune n’était pas dupe. Elle connaissait son compagnon sur le bout des doigts, avec ses insécurités et ses doutes. Depuis qu’il voyait un psy, ses progrès étaient considérables, mais qu’il n’ait jamais cru que quiconque ait un jour envie de l’épouser en disait long sur le chemin qu’il lui restait à parcourir concernant le regard qu’il se portait. Anneke prit une longue inspiration avant de souffler : « Okay, I guess the formal teary bullshit is happening nonetheless. »

Elle recula de quelques pas, mais ne rompit pas le contact avec Wes dont elle prit les deux mains dans les siennes. Ses yeux humides rencontrèrent ceux de son compagnon et elle ne put réprimer un nouvel éclat de rire nerveux. « Oh gosh, baby, what you make me do. », soupira-t-elle entre deux respirations, mais très vite, elle retrouva son sérieux, à la recherche des mots justes pour exprimer ce soudain attrait pour l’engagement. Des discours, elle en avait des dizaines dans la tête, tous plus sincères les uns que les autres. Mais verbaliser ses sentiments n’avait rien d’aisé pour la brune qui concentrait généralement ses pep talks sur Wes et prouvait son amour au quotidien par tout un tas de petites attentions plus que par les mots. Hasardeuse, elle se lança, de plus en plus confiante au fil de ses pensées qui fusaient : « You’re making me a better person, I don’t give a flying fuck how corny it sounds, it’s true. I’m so much better when you’re around, you have no idea. I’m so thankful for you, for all these sleepless nights and all the tears you’ve dried when you could have been too busy with your own struggles. How even though I couldn’t ask for help you were always able to tell. I’m so thankful for the movie nights and the ones we spend listening to music in the dark, for your lame jokes, and your gorgeous smile and the way you’re looking at me right now. » Ann luttait furieusement contre les larmes qui menaçaient de rouler sur ses joues, une manie nerveuse qu’elle trouvait insupportable mais contre laquelle elle ne pouvait pas grand-chose. Alors, pour se donner de la contenance, elle resserra sa prise sur les mains de Wes. « Babe, we’re so fucking brilliant together, really. I just wanna celebrate how absolutely incredible we are and share that love with everyone we care about. Becoming a family, just you and I. » Family. Ce mot provoqua un frisson le long de la colonne vertébrale d’Ann pour qui ce concept n’était pas des plus clairs. En terme de famille, elle n’avait que son père, de qui elle était bien trop fusionnelle pour que ce soit sain, et ses deux grands-parents qui n’avaient jamais quitté Gand et qu’elle n’avait plus vu depuis bien longtemps. Des années, à vrai dire, avant que Wes ne vienne habiter sous son toit. Quant à celle de ce dernier, la brune avait bien compris qu’un décalage important en terme de style de vie empêchait les deux parties de se réunir sereinement. Créer leur propre cocon, une alternative saine à ces liens de sang qui leur conviendrait à tous les deux, était une idée séduisante. Elle s’enquit cependant, sans lui lâcher les mains pour autant, mais desserrant son étreinte pour lui donner l’occasion de s’en défaire s’il le souhaitait : « I’m sorry, it’s way too early for that. You okay ? Do you need a minute before I get on one knee and ask the fucking question out loud ? » Car quitte à le faire, Ann se sentait d’attaque à aller au bout des choses. Non pas qu’elle ait tout à fait prévu d’en arriver là avant de se laisser emporter…