Le fil visuel coupé, le regard de Grisha retourne chercher refuge dans les mots qui s'entrelacent sur le papier. Soudainement, ils n'ont plus de sens, ils se dispersent, et le jeune homme ne parvient plus à suivre la ligne directrice de l'histoire. Mais il continue à faire semblant, comme si sa lecture possédait une magie qui le retient à l'intérieur du livre. Tout ça pour ne pas perdre contenance ...

Pour ne pas revenir vers cette silhouette silencieuse dresser à ses côtés, comme si elle attendait un truc bien particulier. Il se peut bien entendu que ce soit lui qui interprète des signes qui n'en sont pas. Oh ce n'est pourtant pas maintenant qu'il va remettre en question toutes ces belles règles qu'il s'est imposé depuis des années.  On ne copine pas avec ce qui plait aux prunelles ou au palpitant. Et il n'ira certainement pas relever la tête pour vérifier ce qu'il vient de penser.

Plongé dans sa lutte pour décortiquer à nouveaux les phrases manuscrites, une voix le fait légèrement sursauter, belle et grave, ou du moins assez pour l'obliger à pousser un grognement qui tiendrait beaucoup d'un ursidé. Non, il ne l'appellera pas pour quoi que ce soit d'autre s'il lui arrivait d'avoir un petit creux ...

Manque de peau, Grisha n'aperçoit plus que son dos quand il se retourne vers lui, l'autre s'éloigne, sûrement convaincu par son attitude désagréable de ne pas insister plus. L'esprit du bouclé hésite un instant entre la déception et le contentement pour se dissimuler dans la deuxième solution.

Non, il ne va pas à nouveau commettre cette erreur, il faut absolument qu'il redevienne plus dur, arrogant, moqueur afin d'éloigner les autres de lui. Quelques instants il tourne rapidement les pages du bouquin qui à perdu tout son intérêt. Songeur son esprit se perd dans des couloirs obscurs, ceux qu'il parcourt la nuit, là où la plupart des gens n'osent pas pénétrer, là où il se sent en sécurité. Ainsi il perd la notion du temps, du lieu où il se trouve pour voyager dans sa tête puisqu'il n'y parvient plus avec la lecture. Il faut bien qu'il trouve un exutoire, une façon de remettre les pendules à l'heure !

Mais une fois de plus l'autre le surprend avec sa tonalité chaude. Il vient de déposer un expresso prêt de lui, et Grisha demeurait persuadé qu'il allait revenir pour le chasser ou lui demander poliment - ou rudement - de sortir de là vu son attitude incorrecte. Et tant mieux, parce qu'il aurait pu saisir cette raison pour barrer le centre de sa vie !

Le Brun, il lui en veut presque - assurément - de se montrer aussi gentil. Alors il le survole des yeux, s'interdisant de s'arrêter sur lui afin d'éviter l'envie d'engager une conversation bien plus sympathique. Au fond il ne le connait pas ce serveur à l'allure élégante et il souhaiterait déjà le détester, si déjà tout simplement il disparaissait ce serait une bonne chose. Alors il secoue la main, un peu trop vivement tout en fronçant les sourcils en s'adressant à lui « C'est bon, c'est bon ... Ça ira ! »

Imitant très mal cet air arrogant que prennent ceux qui s'imaginent avoir du sang royal dans leurs veines. Malheureusement, trop énergique il vient de renverser la tasse, et le liquide chaud s'écoule en étoile sur la table à la fois sur ses pantalons ainsi que le sol « Maladroit ! » s'énerve-t-il en accusant l'innocent « C'est tes premiers pas de serveurs ou quoi ? T'es vachement gauche, tu risques de pas rester très longtemps par ici .... Putain » Grisha referme la couverture sur ses pages qui ne l'attiraient plus. Un peu humide il le repousse plus loin « Et je n’espère pas qu'on aille me faire payer en plus si il est abimé ! »


{@=558}Hassan El-Fassi{/@}

Généralement il ne reste pas assez longtemps dans un endroit pour regretter ses manières brutales ou sarcastiques. Alors ça ne lui laisse pas le temps de s'épancher sur les réactions de ceux qu'il bouscule. Aussi rapide que l'éclair, on le voit, on ne le voit plus. Malheureusement - Heureusement ? -, la situation ici se révèle différente. Grisha sait très bien qu'il a choisi de se poser là, sur une chaise, et que les gens circulent autour de lui. Donc l'un ou l'autre qui le reconnaitrait pourrait avoir l'idée de l'interpeller, et il serait obligé de faire bonne figure. C'est aussi un peu pour ça qu'il a pénétré dans le lieu comme un malotru particulièrement bourru.

Quand il s'est écrié, agacé, vers la silhouette qui assombrissait sa lecture, il n'a pas pris le temps de vraiment relever la tête. Le brun a supposer que l'intrus s'en irait sans demander son reste, ou pire lui intimerait de prendre la sortie, et de revenir quand il se montrerait plus agréable. Mais non, il insiste, alors il pointe directement son regard dans les yeux de ce dernier. Pour l'instant il ne veut pas s'attarder à ce qu'il découvre parce qu'il ne va pas se mettre à fréquenter plus intensément les gens du club. Non. Bonjour, aurevoir, une conversation agréable et ça suffira largement.

Cependant il ne s'agissait pas d'un visage familier, ça il aurait pu le jurer, sinon il ne l'aurait pas oublié. Alors là, tout de suite, il hésitait entre le remballer une bonne fois pour toutes ou sortir de sa bulle. C'est sa langue qui le devança avant que lui-même ait consciemment pris une quelconque décision « Je ne sais pas, j'ai pas vraiment envie d'y réfléchir, sers ...vez moi un truc qui secoue ? Ce qui vous viendra à l'esprit » Voilà, ça lui apparaissait comme un bon compromis, pas obligé de réfléchir tout en respectant le fait que si on s'asseyait il fallait commander. Et honnêtement il ne souhaitait pas bouger de sa chaise pour le moment « Et même, éventuellement un petit truc à manger si vous avez ... Ça ira comme ça ? »

Il secoua une peu la tête rejetant quelques boucles venant titiller ses yeux. L'inconvénient chaque fois qu'il baissait la tête. Peut-être qu'il faudrait aller chez le coiffeur, il repoussa cette idée rapidement tout en dévisageant son interlocuteur avec un peu plus d'attention. Il remarqua rapidement une certaine aisance, ce qui n'allait ironiquement pas avec le travail qu'il accomplissait. Mais ça, ca ne le regardait pas du tout. Il ne supportait pas les curieux, alors il n'allait pas y jouer non plus.

Grisha tenta d'esquisser un léger sourire mais le cœur n'y était pas. Et il ne se poussait jamais à faire semblant, ne suivant pas beaucoup - ni du tout - les codes habituelles de la société en général. Pourtant extrêmement émotif, et beaucoup plus gentil qu'il n'aimait à la faire croire, il ressentait souvent une pression dans sa poitrine quand il se retrouvait coincé dans ce genre de situation. Maintenant, il se demandait ce qu'attendait le jeune homme, il ne voyait pas ce qu'il pourrait rajouter. Il ne le quittait pas des yeux, attendant son départ ce qui devenait un peu gênant. Le rouge lui monta aux joues, et ceci pour une raison qu'il ne comprenait pas du tout. Après ce n'était pas comme s'il eut été un gamin qui se faisait prendre à voler des friandises. Pour couper court il décida de retourner dans la lecture de son livre dont il tourna les pages un peu trop rapidement pour qu'il ait vraiment eut l'occasion de le parcourir.


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Le monde qu'il s'est fabriqué se désagrège. Comme ses roches qui s'érodent au contact de l'eau de pluie ou de mer. Seulement lui, Grisha il ne parvient pas à localiser cet ennemi qui se dissimule sous les traits de ceux qui forcent ses barrières. Est-ce parce qu'il a copiné avec cette skateuse {@=479}Cassiopeia Matthews{/@} en zonant prêt de son école ? qu'il s'est pris d'amitié pour celle qui arrivait de l'étranger {@=533}Jadwiga Jackowska{/@}  ? Ou encore qu'il parait s'établir un lien avec le vétérinaire {@=384}Samir Mc'Gregor-Mills{/@} qui a percé à jour celui qui se cachait derrière cendres ? Chacun de ses évènements prit à part n'apparait absolument pas dangereux, mais finalement quand on les regroupe, Grisha s'aperçoit qu'il se disperse un peu trop.

Pourtant il n'a jamais eu l'impression d'être particulièrement malheureux. Le Brun ne parvient pas à toucher du doigt ce qui provoque ces différences dans ses propres attitudes envers les autres. La seule certitude qu'il lui reste demeure qu'auparavant il ne se dirigeait jamais - que sous condition de nécessité - vers le reste du monde, et l'inverse se révélait identique. Grisha sait qu'il n'a pas noté les interférences avec l'extérieur, ainsi il lui parait impossible de se remémorer à quel instant cette faille à pu se créer. A-t-il inconsciemment agit contre lui-même ?  

La tout de suite, il fuit. Le brun veut du calme. S'adonner à un peu de skate aurait été une idée, mais il n'ignore pas que son état d'esprit lui enlèvera la moitié de la concentration nécessaire. Et surtout !  Ne pas aller trouver consolation chez une nouvelle connaissance, il faut se remettre sur les rails tout seul. Alors l'unique endroit qui lui effleure l'esprit c'est le centre. Là où il se réfugie régulièrement, le nez dans les bouquins, ou même pour écrire sans qu'il ne se sente en danger. Sans se sentir obligé de guetter qui rentre et qui sort. Là Grisha pourra relâcher cette pression qu'il s'impose quotidiennement.

Alors il aura éventuellement la capacité d'effectuer par la suite une de ses sorties nocturnes dont il n'arrive plus à se passer. Car il en à des messages à transmettre aux murs de cette ville ! Pour autant, malgré cette perspective encourageante, le brun ne pénètre pas dans la bibliothèque le sourire aux lèvres comme à son habitude. Grisha il rentre les épaules, il fait le gros dos pour qu'on ne s'approche pas de lui. Non, il n'a pas envie de bavarder et les habitués comprendront. Peut-être aussi qu'il bouscule - sans trop de rudesse - quelques personnes sur son chemin pour leur ôter l'envie de l'aborder. Car oui, il se permet en ce lieu de bavarder, et plaisanter avec ceux qu'il côtoie à chaque passage.
 
Il se pourrait qu'il en arrive à la conclusion que tout cela doive se terminer. Dans le pire des cas, Bazarder ce sanctuaire pour revenir à sa toute première valeur. La solitude uniquement. Seulement, il n'a pas l'envie d'y réfléchir à cet instant, alors il musarde un peu entres les différents titres de livres. Il aimerait bien se plonger dans une histoire qui l'évadera de la réalité. Non certainement pas le genre de romans qu'il fournit à son éditeur. Finalement il choisit des bouquins d'art, la meilleure façon de se débiner mentalement. Ensuite il prend place dans un endroit un peu plus intime, à une table ou il ne peut pas y avoir plus de deux personnes.

Clairement il se plonge dans les superbes images au fil des pages, si bien qu'il ne remarque pas la silhouette qui se dresse à ses côtés. D'ailleurs ça aurait pu durer comme ça des heures si cette dernière ne projetait pas une ombre sur sa lecture. Alors il relève la tête, agacé « Quoi ? » en souhaitant que l'intrus puisse capter l'allusion. Ben oui, ça lui a échappé qu'ici on se fait servir du café et qu'on consomme. Il s'est complétement recroquevillé dans son royaume et il refuse s'en sortir !


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