Le sommeil n'avait pas tardé à la trouver la veille au soir, le lit était confortable, l'oreiller était moelleux et alors qu'elle attendait le retour du conquérant nocturne dont les coups de reins n'avaient pas été déméritant bien que l'affaire avait été brève, elle avait fini pas sombrer dans les bras de Morphée qui était sur l'instant bien plus important que tout le reste. C'était la lumière clignotante de son téléphone, posé à la hâte la veille qui finit par la rappeler à l'ordre. Quelle heure était-il ? Quatre heures ou peut-être cinq heures du matin ? Elle ne savait pas trop, sa tempe tambourinait légèrement et sa bouche était sèche. Il était certain qu'hier soir, elle n'avait pas consommé que de l'eau gazeuse avec une rondelle de citron dans ce bar, et sans doute la raison pour laquelle, elle se retrouvait avec un homme à ses côtés. Au moins, elle n'était pas chez elle, c'était la règle impérative qu'elle s'était imposée, ne jamais donner le moindre signe à sa mère qu'il pouvait se passer quoique ce soit dans sa vie sentimentale et sexuelle, sinon elle était certaine de passer un interrogatoire en bonne et due forme, qui irait jusqu'à demander le groupe sanguin de son partenaire et chose la plus importante, s'il était circoncit. Bien sûr, elle venait aujourd'hui à considérer que tout homme, qu'il soit plaisant à regarder, de bonne situation et qui pouvait montrer une dévotion pleine et complète à sa fille ferait obligatoirement un bon parti, mais s'il était juif en plus de cela, se serait la pleine consécration pour ce dernier. Après tout, il était temps que sa fille se marie et qu'elle devienne mère à son tour. Cela avait toujours été un problème de compréhension entre la mère et la fille, l'aînée rappelant à sa progéniture à chaque anniversaire qu'il n'était que peu convenable qu'une jeune fille de bonne société soit toujours célibataire, sans même se présenter avec un fiancé au bras, et rappelant aussi d'une certaine façon, qu'on se rapprochait progressivement de la date de péremption de ses ovaires. Leah n'avait jamais osé lui avouer qu'elle avait une fois dans sa vie était enceinte, et qu'elle avait avorté, sans aucune force extérieur qu'elle soit humaine ou divine qui la pousse à prendre une telle décision. Si elle avait été élevée dans la tradition juive, et qu'elle osait avouer sans détour qu'elle était certaine qu'il pouvait y avoir quelque chose de plus grand qu'eux, quel que soit le nom que celui-ci pouvait porter, elle ne manquait pas de croire au Big Bang, à la théorie de l'évolution et que son corps, sa sexualité, et sa procréation était un choix qui lui revenait pleinement. Et qu'elle n'allait pas s'imposer quelque chose qu'elle ne voulait pas à un moment de sa vie parce que le préservatif avait eu le malheur de craquer. Alors elle vivait sa vie comme elle le voulait, et elle ne donnait rien à se mettre sous la dent de sa mère, et surtout pas un amant d'une nuit.

Essayant donc d'attraper son téléphone portable, elle se demandait qui avait bien pu la contacter au cours de la soirée. Sans grand étonnement, elle avait trois textos de sa mère et deux appels en absence de sa part, il y avait aussi des mails professionnels, et un message d'un certain Erik qui lui demandait de le rappeler dès qu'elle serait partante pour prendre un verre. La lumière du téléphone eut fini par réveiller son amant, qui se mit à bouger à côté d'elle, venant se presser contre son corps, il commença à embrasser la peau de son bras, ses lèvres donnaient l'impression d'être deux ventouses qui laissaient une trace baveuse derrière elles. Il semblait croire à un second round mais ce n'était clairement pas dans le programme. Se soustrayant à ses tentacules, elle sortit du lit rapidement, venant à récupérer ses affaires et se rhabillant sous les yeux presque interloqués de son hôte nocturne. « En tant que bon mâle dominant, j'imagine que tu es en train de te demander pourquoi je te quitte alors que le soleil ne s'est même pas encore levé ? » Elle lui adressa un sourire malicieux mais néanmoins moqueur. « J'imagine aussi que d'habitude, c'est toi qui fais ce coup-là aux jeunes demoiselles dans leur appartement … En sortant une phrase du style … C'est pas toi, c'est moi, on n'a fait un bout de chemin ensemble, c'était sympathique, mais tu comprends je suis un homme qui n'est pas prêt à s'attacher à une femme comme toi, car après j'aurai trop peur de te perdre … Il vaut mieux que nos routes se séparent ... » Elle finit de boutonner son chemisier, remit sa veste tailleur et s'approcha de lui, tapotant doucement sa joue. « Tu remplaces il par elle, tu te refais le petit discours dans ta tête, et la prochaine fois que tu voudras le sortir à une fille, tu repenseras à moi ! » Elle lui fit un clin d’œil avant de récupérer son sac à main et de se diriger vers la porte de la chambre. « Au fait, les petits bruits que tu fais pendant … Franchement arrête, on dirait un chat qui s'est coincé la queue et qui est en train de miauler pour appeler à l'aide ».

Leah était rapidement rentrée chez elle, dans le beau quartier de Manhattan, elle n'avait pas pris le temps de profiter de la vue des buildings depuis son appartement, ne prenant que le temps de prendre une bonne douche et de se changer avant de claquer la porte de chez elle. Elle aimait autant que possible se rendre jusqu'au cabinet d'avocat où elle travaillait à pied, elle avait ainsi la possibilité de prendre son chocolat chaud dans sa boutique habituelle ainsi que le même cookie, presque tous les matins, et elle se mêlait avec la foule des travailleurs pressés. Ce métier avait longtemps été une chose impensable pour elle, toujours très prenant, peu de temps à accorder aux siens, c'était ce qu'elle voyait à travers ses yeux d'enfant. Elle rêvait souvent, à travers ses livres et ses films d'enfance qu'elle pouvait devenir tel ou tel personnage, et pendant un long moment, elle avait pensé devenir romancière, ou historienne. Elle avait pris des cours d'histoire pendant un moment, pleinement imprégnée par le cours des événements qui avaient touché sa propre famille. Elle avait fini par tout mettre en parenthèse, et elle avait passé une année entière sur les traces de sa grand-mère et des juifs en général dans toute l'Europe. Elle avait rencontré beaucoup de personnes différentes, qui avaient tous des histoires et des parcours qui avaient fini un jour par leur permettre de se rencontrer et elle était rentrée aux États-Unis, forte de cette expérience, elle était retournée à l'université de Columbia mais avait changé de filière pour s'inscrire en droit, prenant à cœur le sort des migrants. Et même s'il lui était arrivé de travailler sur d'autres cas, elle avait décidé de se spécialiser dans le droit de l'immigration. S'installant rapidement à son bureau, il était à peine sept  heures et demie ce matin-là quand elle s'était mise à travailler.