petite boule recroquevillé sur elle même, caché par les branches de l'immense arbre qui trône dans la cours de l'école depuis des années. perles transparentes et salés recouvrant ses joues, d'ordinaire pales, d'un rouge de honte. la honte de ne pas être dans la norme, d'être soit disant différent. orphelin qui n'a pas connu l'amour de sa mère biologique. immense tristesse, prémices d'une sensibilité exacerbé qui le suivra toute sa vie. tortue qui se cache dans sa carapace et dont la quiétude vient à être troublé par un bonbon tendu. instinctivement ses bras pressent un peu plus ses jambes mais la petite reste elle aussi campée sur ses positions. et lorsqu'il ose relever les yeux, c'est plus qu'une friandise qu'il voit: un sourire rassurant. le sourire d'une amie. amitié indéfectible qui survivra aux assauts du temps et de la distance. Zohra, enfant métisse qui dans son langage trouvera les bons mots pour le faire sortir de sa cachette, sécher ses larmes et trouver la force nécessaire de ne pas se laisser marcher sur les pieds. un précieux soutien dans cette jungle où les préjugés ont la vie dure.

halloween, fête américaine par excellence. vingt heures sonne enfin mais spencer est toujours affairé à finaliser son propre costume de superhéros. idéal qu'il a lui même imaginé avec des couleurs flashy, de quoi bousculer les idées préfabriqués. mais voilà spencer il est perfectionniste et met en retard toute la petite famille pour la chasse aux bonbons. c'est presque une bataille perdue d'avance pour que le jeune de 11 ans pose ses aiguilles, fils et rubans. et sa mère a bien du mal à résister à son regard de chien perdu. il aura fallu une bonne heure pour réussir à lui faire enfiler son costume et quitter la maison pour frapper aux portes. spencer monopolise la conversation, ne pouvant s'empêcher de montrer à tous les habitants qu'il est le créateur de son oeuvre. la première d'une longue série. il ne sera jamais rassasié, jamais 100% satisfait non plus, mais le style coule dans ses veines et peu importe si les critiques homophobes pleuvent. peu importe les coups qu'il aura pris parce qu'il aura osé porter une chemise rose barbie cousue de ses propres mains. la douleur physique est un faible prix à payer. hors de question que d'abandonner ses rêves, que de ne pas user de son talent pour les causes qui lui sont justes. il n'a pas envie de rater sa vie à cause de ses peurs. alors il prend sur lui, il sèche ses larmes à chaque revers. toujours debout grâce au soutien indéfectible de sa famille.

dimanche midi, table savamment dressée avec une dizaine de couverts. chez les avery c'est une tradition de se retrouver chaque dimanche pour un déjeuner toujours brillamment orchestré par la maitresse de maison. chaque semaine on retrouve l'incontournable poulet, la purée de pomme de terre, les haricots, la salade. et à tour de rôle, alice fait plaisir à un de ses enfants en lui préparant son plat préféré - mais dimanche dernier elle a oublié - spencer il est toujours heureux quand il sent l'odeur des lasagnes gratinés au four. chaque fois le même rituel lors de ce jour sacré, chacun raconte sa semaine. alexander et sa femme évoque depuis longtemps leur souhait d'avoir un deuxième enfant. puis vient les histoires parfois heureuses, parfois tragiques de la chirurgienne amanda (obligée de temps en temps de quitter la table en urgence). lorsque vient le tour de spencer, il ne peut s'empêcher de décrire dans les moindres détails son oeuvre en cours, ou de montrer des photos de Reagan portant fièrement sa dernière création conçue spécialement en son honneur. enfin les jumeaux se bataillent toujours pour savoir qui des deux racontera en premier ses histoires de coeur. spencer lui n'évoque jamais ce thème parce qu'il n'en ressent pas le besoin et surtout parce qu'il n'a rien à raconter. ses rêves occupent bien trop son esprit et il a assez de sa nièce pour profiter de l'innocence offert par la jeunesse. il est toujours difficile pour les avery de se séparer en fin d'après midi après ces retrouvailles. et dimanche dernier l'angoisse a pointé le bout de son nez, quand amanda a laissé sous entendre que l'oubli de leur mère n'était pas à prendre à la légère. alice s'est excusé encore et encore, soulignant une certaine fatigue. qui a tort ? qui a raison ? futur toujours incertain.