D’un geste brutal, incontrôlé, Zohra claque la porte de son casier où ses affaires sont grossièrement entassées, place son tote bag imprimé d’un message militant sur son épaule, et se précipite vers la sortie de la caserne tout en tapotant la poche de sa veste afin de s’assurer qu’elle n’a pas oublié son téléphone. Elle devrait – à priori – arriver pile à l’heure si elle continue de courir comme elle le faisait déjà, et si aucun incident ne se signale dans les transports en commun. Elle a très exactement sept minutes de répit entre la première station de métro, et celle où se trouve sa correspondance. Sept minutes de stress intense durant lesquelles elle ne cesse de se ronger les ongles et faire mentalement l’inventaire de ses affaires. Elle a bien pensé à prendre ses dessins les plus récents, soigneusement rangés dans une pochette qu’elle peut sentir dans son sac, elle a aussi son portefeuille dans lequel elle glisse ses cartes de visites soigneusement confectionnés maison, et une copie de son livre préféré de la saga de Levi Boyle – au cas où – elle ait le courage de demander à son auteur préféré de le signer. Cette simple pensée lui arrache un ricanement, as if.
Sept minutes plus tard, et Zohra s’élance dans les couloirs bondés du métro new-yorkais pour attraper sa correspondance. Elle court, peut-être trop vite pour l’usager lambda qu’elle manque de percuter. Elle a envie de s’énerver et de crier à tout le monde de se pousser pour la laisser passer, mais au lieu de cela, c’est une petite voix douce et essoufflée qui présente ses excuses à chaque personne malencontreusement bousculée.
Elle arrive à se glisser de justesse dans le second métro où elle trouve une place pour s’asseoir et reprendre son souffle. Cette fois, elle a treize minutes pour stresser. Treize minutes durant lesquelles elle refait une nouvelle fois l’inventaire de ce qu’il y a dans son sac, elle sort son téléphone pour envoyer quelques messages, puis son miroir pour se remettre du rouge à lèvres, et enfin l’application maps pour vérifier une centième fois qu’elle connait par cœur le chemin entre le métro et la pâtisserie où elle a rendez-vous.
Le métro s’arrête enfin, et Zohra, comme un air de déjà-vu, s’élance encore une fois dans les souterrains. Elle trouve rapidement la sortie et gravit les marches trois par trois, arrive essoufflée à la sortie de la bouche de métro, mais n’a pas le temps de reprendre ses esprits car elle doit cette fois courir précisément deux minutes jusqu’à arriver enfin devant l’enseigne qui indique Lady M Cake Boutique. Un regard sur sa montre lui indique que l’aiguille des secondes vient tout juste de passer sur le 12, et qu’il est désormais 16h01. Dammit.
Elle pousse la porte de la charmante petite pâtisserie, tentant en même temps de contrôler son souffle mais rien n’y fait, elle a toujours l’air d’avoir couru la moitié d’un marathon.
Elle repère presque immédiatement Levi et sa veste azur et le salue maladroitement de loin tout en s’avançant dans sa direction. Elle est heureuse, Zohra, tellement qu’elle ne remarque pas son tote bag qui prend trop de place, et frôle plusieurs clients alors qu’elle se fraye un chemin jusqu’à la table que Levi Boyle occupe déjà.
« Bonjour, » dit-elle en tendant sa main pour serrer celle de Levi Boyle. « Je suis désolée, je suis un peu en retard mais c’est parce que j’ai eu une garde un peu plus longue que prévue et j’étais persuadée de pouvoir arriver à l’heure, je suis très ponctuelle en général. Merci d’avoir attendu et merci de me rencontrer, je suis vraiment, vraiment ravie. »
Si Zohra manquait déjà de souffle, c’était un miracle que ses poumons n’aient toujours pas abandonnés malgré le débit de parole ridicule de la jeune femme.


@Levi Boyle