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L'expérience peut se partager [PV Esteban]

@ Invité

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Sam 25 Avr - 1:45
« Ce sera tout pour aujourd’hui. Vos copies sont disponibles au secrétariat, et je vous proposerai bientôt une séance supplémentaire de correction pour ceux qui le souhaitent avant les partiels. »

A peine Zivia avait-elle fini de parler que ses étudiants se levèrent tous et partirent plus vite qu’un essaim de guêpes pour les plus rapides, s’éparpillant déjà dans les couloirs de Columbia au son de conversations passionnantes sur le prochain cours, le prochain gala d’elle ne savait plus qui ainsi que des considérations passionnantes sur les dernières liaisons en cours. Bref, la vie classique dans une université, du moins, dans la très chic Columbia. Certes, elle avait évolué depuis les propres pas de Zivia étudiante. La technologie avait fait son entrée, le paysage s’était féminisé, un peu diversifié, mais le fond restait le même : l’excellence … et les frais de scolarité démentiels. Et d’une certaine façon, elle se revoyait souvent, parmi ses élèves, dans leurs expressions multiples, leurs échecs et leurs joies. Là encore, les vêtements avaient changé, les manières aussi – heureusement – mais il était des expériences intemporelles. Parfois, il lui arrivait même de voir les enfants de ses anciens élèves ou de ses anciens stagiaires et collaborateurs, ce qui, évidemment, la remplissait de joie. Il y avait donc toujours des jeunes gens pour reprendre le flambeau ! Cela lui permettait de prendre des nouvelles et, autant le dire, il lui arrivait d’en couver certains un peu plus que d’autres. Evidemment, elle n’allait pas les avantager ou même faire remarquer sa préférence. Mais simplement, elle était plus attentive. C’était pareil pour ceux qui étaient venus grâce à des programmes d’échanges, de bourses, bref, plus vulnérables. A son âge, et après tellement d’années, la vieille dame avait l’expérience pour détecter les petits moments de doute, de faiblesse, quand elle sentait qu’un élève flanchait.
Ordinairement, un peu de tutorat ou même simplement des encouragements, une main tendue et la machine repartait. Parfois, il fallait plus s’impliquer. Heureusement pour elle, les cheveux blancs avaient quelques vertus en la matière : curieusement, son âge faisait que certains se confiaient plus aisément, comme s’ils racontaient leurs malheurs à une grand-mère compréhensive. Pour d’autres, ça marchait moins bien, souvent d’ailleurs pour les problématiques plus intimes, beaucoup pensant sans doute qu’elle ne comprendrait pas – ou jugerait. Ce qui, vu son parcours, était mal la connaître, mais là n’était pas la question.

Ce jour serait celui d’une de ses interventions discrètes. Enfin, plus ou moins. Depuis quelques temps, elle avait remarqué qu’Esteban Gardner affichait une mine de six pieds de long en cours, avait quelques menus problèmes d’attention, et elle ne parlait pas de ses notes en chute libre. Or, c’était le fils de Nathanael Gardner, un de ses anciens collaborateurs, qu’elle avait toujours énormément apprécié, et qui se trouvait à présent être le patron de sa propre petite-fille. Autant dire que là, ça touchait presque à la famille. Elle savait par son père que le garçon avait eu des ennuis importants plus jeunes, aussi, elle avait toujours gardé un œil sur lui, et avait écarté un gamin au demeurant parfaitement désagréable et imbu de sa personne quand elle avait cru comprendre qu’il lui faisait des misères. Ce jeune homme lui avait rappelé à s’y méprendre certains de ses propres condisciples : la morgue et l’air suffisant insupportable, ainsi que la certitude de s’imposer face à un prétendu inférieur, à savoir en son temps une femme, maintenant un garçon issu de l’immigration. Ce qu’elle pouvait les détester, ceux-là. Malgré les années, elle avait gardé de la rancœur envers tous ceux qui l’avaient méprisées, un jour, et leurs dignes héritiers ne risquaient pas de trouver une oreille attentive chez elle. Certains tombaient de haut, d’ailleurs. Tant pis pour eux : ils n’avaient qu’à apprendre à se relever. Remarquant qu’Esteban traînait en arrière, Zivia se rapprocha donc de son bureau et déclara :

« Monsieur Gardner ? Vous auriez un moment avant votre prochain cours ? »

C’était poli, mais ce serait mieux qu’il dise oui.

« J’ai pensé que nous pourrions discuter. Faire le point. C’est important, surtout pour les élèves qui, comme vous, n’ont pas fait leurs premières années d’études en droit et se retrouvent parfois à rattraper un certain nombre volume de connaissances.

Et comme j’ai remarqué que vous … écoutiez un mot sur deux de ce que je peux dire, non ne dites pas le contraire Esteban, je suis certes une fort vieille dame, mais j’ai encore une excellente vue avec des lunettes. Et votre dernier devoir était … je n’ai pas compris si la conclusion était très originale ou si vous ne l’aviez pas fini.

Alors … est-ce que tout va bien ? Vous avez besoin d’un tutorat ? Je peux aussi vous donner quelques devoirs pour remonter votre moyenne, mais je n’ai pas envie de vous surcharger inutilement si quelque chose n’autre ne va pas. »

Fronçant les sourcils, elle ajouta :

« Ce n’est pas cet idiot de James Adams qui vous fait encore des misères ? »

@ Invité

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Mer 29 Avr - 13:14
Tw : depression, sucidal thoughts

Este aimerait aller bien, ce n'est pas la volonté qui lui manque. Pour autant, les nuits sans sommeil s'accumulent et il ne peut pas s'empêcher de ressasser en boucle les paroles de Candace, les paroles de Livio, les paroles de tout le monde en réalité. On lui reproche toujours la même chose, à un point où il devient bien difficile pour le bouclé de ne pas le prendre pour argent comptant. Peut-être qu'ils ont tous raison à propos de lui, peut-être qu'il n'y a pas grand chose à y faire non plus. Este n'a pas la sensation d'être superficiel, mais il doit bien composer avec le fait que tout le monde le pense quoi qu'il puisse dire ou faire. C'est difficile, difficile de rationaliser comme il a pourtant appris à le faire en thérapie. L'idée de faire un aussi gros pas en arrière ne fait que renforcer le sentiment général d'inutilité et de dépréciation de soi qu'il ressent depuis des jours maintenant, si ce n'est pas des années en réalité.

S'il arrivait à se consoler avec le reste alors, il pourrait au moins chasser ces pensées sombres qui envahissent sa tête régulièrement. Mais il lui est impossible de se concentrer sur ses cas pratiques et autres commentaires d'arrêt. Le café n'aide en rien, sa concentration est quasi nulle, un peu comme sa santé en mentale en ce moment d'ailleurs. Alors il se traîné, à moitié réveillé, débordé par une charge de travail incompatible avec l'intense fatigue qu'il ressent. Ivy League or not, Este n'a pas l'impression qu'il deviendra un jour avocat comme son père. Il n'est pas comme Nate, il n'est pas comme Alejandro. Ils lui ont offert une seconde chance, tout le privilège du monde et lui n'est pas à la hauteur de tout ça. Ses notes baissent, il est submergé, ne semble pas capable d'avoir une santé mentale décente, malgré le psy (qu'ils ont aussi payé pour lui comme un peu tout le reste)... Rien ne va chez lui finalement et il se demande parfois à quoi bon ? A quoi bon être un boulet qu'ils se traînent s'il n'est même pas capable de faire leur fierté de ses parents, d'être un ami convenable, d'être un être humain convenable...

Quand le professeur Edelman l'interpelle, Este relève la tête, surpris qu'on fasse attention à lui. C'est à peine s'il parle à qui que ce soit en ce moment. Aller à l'université avec seulement cinq ou quatre heures de sommeil relève d'un effort qu'il ne fait que par peur des représailles. Son père le saurait, d'une manière ou d'une autre et il lui a promis qu'il allait bien, qu'il irait bien. Et la culpabilité, voilà un sentiment avec lequel il ne peut plus composer et qui pourtant l'empêche tout de même de commettre l'irréparable.

- Je n'aurais jamais dû faire droit, je sais. Ce n'est pas pour moi et c'était idiot de ma part de penser que je pourrais faire un bon avocat après une licence d'art.

Ce n'est pas une profession pour les losers comme lui, les petites natures qui ne sont pas capables d'assumer une grosse charge de travail, la pression... Dès que quelque chose ne va pas, cela se ressent sur les notes d'Esteban, malgré son sérieux, sa motivation. Il est trop émotif, trop déconcentré, trop tout. Trop dans le self hate aussi sans doute, mais c'est un tout autre sujet. Il n'a pas le courage de se défendre devant sa professeure. De tout les sentiments qui agitent son cœur, c'est surtout l'envie de tout abandonner qui prédomine. Il aurait dû rester dans l'art ou il aurait pu romancer sa dépression et la rendre productive de quelque manière que ce soit. Il a voulu faire comme son père, mais il n'est pas son père. D'ailleurs, il ignore tout des difficultés de Nate à l'époque. Pour lui, tout était simplement facile et coulait de source.

- Je suis désolé, j'aurais dû me relire et me montrer moins distrait. Ça n'arrivera plus.

Son ton est bien trop monotone pour ne pas transmettre une grande lassitude. Il n'a même pas le courage de se chercher des excuses. Il est simplement mauvais et encore plus que d'habitude parce qu'une histoire débile le ronge plus qu'elle ne le devrait. C'était bien la peine de prendre la place de quelqu'un qui aurait probablement fait bien mieux ici. Bravo Esteban. A la mention de James, Esteban hausse une épaule. Pour une fois, le bully est bien le cadet de ses soucis.

- James n'a rien à voir avec ça, pas vraiment en tout cas. Je ne me sens juste pas à ma place et personne n'y peut rien. Pour le tutorat ce ne sera pas la peine, c'est juste moi qui ne travaille pas assez.

@ Invité

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Ven 15 Mai - 19:36
Esteban Gardner avait un problème. Après tant d’années dans l’enseignement, mais également plusieurs élevés pour beaucoup seule, et un paquet de petits-enfants, Zivia Edelman se targuait d’être une experte en analyse de voix et autres signes annonciateurs de soucis. Définitivement, son élève présentait tous les signes cliniques d’un gros « baissage de bras », comme elle appelait cet état dans son jargon mi-familial, mi-professoral : la voie traînante, les yeux fuyants, le fait de se dénigrer, l’aura de tristesse autour de lui qu’on aurait presque pu penser qu’une peluche avait été assassinée non loin … Sauf qu’une fois le diagnostic, au demeurant très simple, posé, restait la partie la plus épineuse : convaincre le jeune homme, persuadé probablement comme tous ceux de son âge de vivre des tourments inconnus du commun des mortels, et surtout d’un fossile dans son genre, de se confier à sa professeure. La tâche s’annonçait ardue, surtout qu’elle ne voulait pas le brusquer, ni être trop insistante – même si, compte tenu des liens avec son père, elle risquait de se permettre un peu plus de familiarité que d’ordinaire. Mais point trop non plus : elle restait une enseignante qui avait remarqué qu’un de ses élèves, un de ses poussins comme elle les appelait avec affection, avait des difficultés, et il fallait qu’il comprenne qu’elle s’inquiétait pour lui ainsi, et non à cause de son nom ou quoi que ce soit d’autre. Du moins, c’était le code de conduite qu’elle se fixait, restait à s’y tenir … ou à en dévier suffisamment intelligemment pour réconforter le garçon. Pointant la chaise en face d’elle, histoire de lui faire comprendre qu’il ne risquait pas de s’en tirer à si bon compte, l’ancienne avocate s’installa en face, parce que ses vieux os commençaient à tirer après tant de temps debout, et elle agita un doigt négateur dans la direction d’Esteban :

« Bien, premièrement, vous avez tout autant votre place ici que beaucoup d’autres. Plus peut-être, parce que vous travaillez davantage pour combler votre retard quand d’autres se reposent sur leurs lauriers et finissent par être dépassés. Du moins, c’était vrai jusqu’à présent.

L’avantage d’être une vieille dame, mon garçon, c’est que quand je vous dis que j’en ai vu, des jeunes gens qui sont devenus de brillants avocats après avoir commencé par des études d’art, vous pouvez me croire sur parole. Si les passerelles sont possibles, c’est parce que vous avez déjà des méthodes de travail, d’écriture, qui vous rendent aptes à suivre cet enseignement. Surtout le mien, entre nous : vous avez dû faire de l’histoire de l’art, donc ce que je vous raconte n’est pas étranger à des choses que vous avez déjà expérimenté, du moins dans la méthode, encore une fois. Ce qui peut vous manquer, c’est plus de familiarité avec la matière … et parfois, oui, une façon de sentir les choses qui n’est pas la même en droit. »


Zivia se souvenait très bien de son mari, un pur littéraire qui avait eu, au début de ses études, du mal à appréhender la façon dont on réfléchissait juridiquement. C’était la différence principale qui se trouvait dans les copies des étudiants venant de ce type de filière : ils dissertaient du pourquoi, et peu du comment. Or, une part du droit était une histoire de comment, de forme. L’édifice juridique n’avait à ce titre pas nécessairement de ressemblance avec une belle dissertation d’histoire, avec un pensum de sociologie, d’art, et caetera. Le droit avait ses propres règles, sa propre philosophie, qu’il convenait de s’approprier. Et c’était, de son expérience, en tant qu’élève comme dans ses années d’exercice, puis de professorat, la plus grande difficulté à laquelle ils étaient tous confrontés dans leurs jeunes années.

« D’où ma proposition de tutorat. Vous avez une jolie finesse d’analyse, encore un peu brute certes, mais qui se polira facilement. Ce qui vous manque souvent, c’est la rigueur du raisonnement. Vous sentez les choses, Esteban, davantage que beaucoup de vos confrères. Mais vous avez du mal à les exprimer juridiquement. Je me trompe ? »

Voilà qui était dit, la main était tendue. Pour le reste …

« Mon métier, c’est aussi de vous convaincre que vous avez votre place ici. Il y a … très longtemps de cela, certes, j’ai été à votre place. Quoique la salle n’avait pas du tout la même tête ! Mais enfin bref … tout ça pour dire que mon but est que vous réussissiez.

Pourquoi pensez-vous ne pas avoir votre place ici ? »

@ Invité

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Jeu 4 Juin - 15:34
Le professeur Edelman l'écoute, sans l'interrompre, mais l'observe comme si elle cherchait à l'analyser de l'intérieur. Quand elle reprend la parole, c'est pour pointer du doigt un problème qu'Esteban parvient de moins en moins à dissimuler. Lui qui s'acharne si bien d'habitude, donne à son professeur la sensation d'avoir abandonné la bataille en cours de route. Et en réalité, il n'en est pas loin lorsqu'il y songe. Diplômé d'Histoire de l'art, parfois il se demande ce qu'il fiche ici en faculté de droit, si loin de ce qu'il sait faire de mieux. Il questionne ses rêves de défense de l’opprimé, se demande si ceux-ci ne sont pas irréalistes et s'il ne ferait pas mieux de travailler dans un musée où il ferait bien meilleure impression. A vingt et un an, Esteban n'a même pas pris le temps de se chercher, il s'est entêté dans une voie qui ferait la fierté de sa famille et qui lui permettrait de donner ce qu'il pense devoir donner aux gens comme lui. S'il avait été blanc et désiré par ses parents, pas cet enfant qu'on abandonne devant une porte d'association, alors il se serait sans doute contenté d'études artistiques sans penser à ce privilège dont il se doit de faire quelque chose d'utile. Mais sa famille ne se contente pas de peindre et contempler la réalité, elle essaye de la changer. Esteban, malgré ses lacunes ne s'en sortait pas si mal jusqu'à aujourd'hui. Malheureusement sa santé mentale fragile le rattrape et vient contrarier ses projets déjà complexes, tant ils sont éloignés de ses aptitudes actuelles.

Le message du professeur Edelman se veut plein d'espoir, et Esteban serait sans doute sensible à son discours, voire même reboosté, si seulement ses émotions actuelles ne brouillaient pas son jugement. Incapable de voir le positif dans tout cela, la perspective de devoir caler des heures de tutorat dans son emploi du temps lui provoque une extrême fatigue et rapidement, il a l'air abattu, encore plus qu'il ne l'était avant le début de ce discours. Il ne veut pas se montrer impoli, ni même capituler honteusement devant le professeur Edelman, mais il n'a pas le courage de discuter plus que ça de son avenir en droit. La perspective des partiels est effrayante, et jusque-là, le déni était bien plus agréable que d'essayer de trouver des solutions.

C'est gentil de vouloir m'aider, mais vous avez sans doute mieux à faire que de perdre votre temps avec une cause désespérée qui pourrait trouver de l'aide ayant un père avocat, mais qui ne l'a pas fait pour autant.

Este se rend bien compte qu'il est une fois de plus terriblement dramatique, mais il lui est extrêmement difficile de contenir toutes ces émotions qui se bousculent dans son cœur.

Je ne sais pas... J'ai l'impression d'être meilleur dans d'autres domaines et de m'acharner pour au final ne jamais réussir à être aussi bon avocat que mon père.

La lettre de refus de l'école de droit de Yale avait été un coup dur pour Esteban qui se voyait déjà suivre les traces familiales en rejoignant l'université. C'est d'autant plus compliqué que ses notes baissent et qu'il n'est visiblement pas assez bon pour Columbia non plus. Après trois ans d'études qui se sont déroulés sans encombres et difficultés, ce n'est pas facile.

@ Invité

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Mar 16 Juin - 19:35
« Contrairement à votre père qui travaille en cabinet, je suis une très vieille dame qui a beaucoup de temps devant elle, Esteban. Si je vous le propose, c’est que je le peux. Et que je pense que ça vous sera utile. Du reste, aucune cause n’est jamais désespérée, je m’en porte garante.

Mais je ne peux ni travailler pour vous, ni vous convaincre de le faire, et encore moins réussir à vous montrer que cette voie vous convient si vous n’y croyez pas vous-même. »


La voix douce mais ferme de Zivia avait résonné dans la pièce. Le garçon manifestement, outre un manque cruel de confiance en lui, paraissait dépité, et elle avait l’impression qu’il cherchait à fuir plus qu’autre chose sa main tendue. En était-elle déçue ? Evidemment. Pour autant, ce n’était hélas pas la première fois, et elle ne pouvait l’obliger à la prendre. Il était adulte, après tout. Bien sûr, elle insistait encore un peu, mais plus de la même manière : l’octogénaire avait décidé de simplement dire les faits, posément, sans chercher à enrober la réalité. Bien que pleine de bonne volonté, l’enseignante ne réussirait sans doute à rien si son élève restait dans cet état d’esprit, ou acceptait de mauvaise grâce pour ne pas venir … ou passer l’essentiel du tutorat en baillant aux corneilles, ce qui était à la fois très agaçant et parfaitement contre-productif. Du reste, la pause allait bientôt se terminer, et elle n’allait pas non plus l’empêcher d’aller aux toilettes et à son prochain cours, tout de même. Cependant, elle avait déjà convenu avec elle-même en son for intérieur de garder un œil sur lui … et de toucher deux mots gentiment à son père. En connaissant ses antécédents, cette apathie l’inquiétait, elle devait l’admettre. Un peu beaucoup, même. Et il ne serait pas dit qu’elle ne tente pas tout pour sortir un de ses « poussins », comme elle appelait familièrement aussi bien ses élèves que les jeunes avocats fraîchement émoulus, de la coquille dans laquelle il s’était réfugié.

Pourtant, dans le temps imparti qu’il lui restait, elle avait envie de faire passer ses messages, en espérant qu’une ou deux de ses paroles se graveraient dans le crâne du jeune homme. Quelque part, cette crainte de ne pas être à la hauteur, notamment de son père, elle pouvait l’appréhender. Pas personnellement, mais elle savait que sa petite-fille avait eu les mêmes pensées à son endroit. C’était toujours délicat, de marcher dans les traces familiales par émulation, tout en voulant sortir de l’ombre d’un parent ayant très bien réussi dans son domaine : la rançon de la gloire, aurait-on pu dire. Elle savait que Leah, parfois, se comparait à elle. Et qu’il n’était sans doute pas évident de porter leur nom de famille, dans le métier. Alors, évidemment, elle pouvait comprendre qu’Esteban se compare à son père, surtout qu’il ambitionnait de travailler dans les mêmes domaines. Ce qui était peut-être déjà un problème en soit.

« Être avocat … cela recoupe beaucoup de domaines. Certains dans lesquels, je puis en attester, votre père n’était vraiment pas doué. »


Un petit rire la prit, alors qu’elle se remémorait le paternel Gardner, plus jeune.

« Et d’autres, où il était l’un des jeunes gens les plus brillants que j’ai pu rencontrer. La question, n’est-elle déjà pas de trouver quelle partie du droit entre le plus aisément en résonnance avec vous ?

Vous qui aimez tant l’art, est-ce que vous avez déjà regardé tout ce qui concerne la propriété intellectuelle et les droits des artistes ? »


Quand on disait droit, on s’imaginait un peu trop souvent un grand procès pénal retentissant, ou les audiences de la Cour Suprême. Mais cela recoupait tellement de choses si différentes, de nuances, de domaines particuliers ! Personne n’avait la science infuse sur l’ensemble du droit. Cependant, d’expérience, elle était persuadée que tout le monde avait sa petite affinité, même cachée. L’essentiel, c’était de la trouver. Et par là, sans doute, de se trouver aussi.

« Réfléchissez-y, d’accord ? »

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