tw: abus d'alcool, incitation à boire

Debbie est en va-can-ces. Elle avait voulu les passer avec ses amis, à l'Outpost, à faire du shopping... Mais tout le monde est occupé, des abrutis ont fracassé la devanture de son nouveau bar préféré et son budget Uber ayant fortement augmenté, elle ne peut pas se permettre de dépenser ce qui lui reste en frivolité. Néanmoins, elle est prête à brûler un peu de cash en échange d'alcool fort. Raisonnablement, elle a commencé par boire une bière avec d'anciens collègues, qui ont eux aussi migré du côté hipster de l'Hudson. Mais ils ont dû filer vers d'autres horizons et Debbie a migré vers un autre bar, où elle rejoint une autre amie. C'est le weekend après tout, elle a envie de s'amuser. Et s'il y a une personne avec qui on s'amuse bien, c'est Meghan.

Son amie l'a encore une fois aidée à se dépatouiller de quelques questions juridiques - ayant trait au droit du travail, pour changer - alors il est tout naturel qu'elles se retrouvent dans un endroit festif pour enquiller quelques verres et rigoler un peu. Debbie explorer encore Brooklyn, elle a donc indiqué un bar tout à fait au hasard à Meg. Il se trouve qu'il n'est ni trop loin de chez l'une, ni de l'autre, l'endroit idéal. L'endroit ne paie pas forcément de mine, mais il y a quelques groupes d'amis et un peu de musique. C'est le genre de pub qui peut tout à fait exploser après 23h si les clients sont dans l'humeur adaptée. Et, déjà un peu pompette, la blonde est d'humeur et saura entraîner tout le monde dans son sillage.

Elle s'accoude au bar en attendant l'arrivée de son amie, se remémorant leurs dernières péripéties. Meghan est comme elle quand il s'agit de mettre le feu et si elles se sont toutes deux calmées - la maturité, tout ça - nul doute qu'elles sauront retrouver leurs mauvaises habitudes le temps d'une soirée. Deb ne devrait probablement pas dérégler son rythme de vie bien calculé et tout à fait sain. Mais elle a besoin d'évacuer son trop plein d'énergie et se changer les idées. Mine de rien, sa dernière conversation avec Thomas l'a un peu secouée et le fait que Chris lui fasse toujours la gueule, que sa mère lui ai envoyé un message réclamant de l'argent et l'incident à l'Outpost, l'affectent plus qu'elle ne veut bien le laisse paraître. Et plutôt que d'en parler, comme le font la plupart des gens, Debbie préfère commander un whiskey on the rocks.

La comédienne est rapidement servie et elle s'adosse à un tabouret, ne préférant pas se lancer dans l'entreprise de s'y hisser. Ces trucs sont bien trop haut pour qu'une personne de moins d'un mètre soixante s'y installe confortablement. Très vite, Meghan fait son apparition et Deb l'interpelle à un volume qui fait sursauter le jeune homme à ses côtés. « Meeeeeeg, coucouuuu! » Elle enlace son amie avec chaleur, son verre toujours bien attaché à sa main. Des années d'expérience. « Ca vaaaa? Tu m'en voudras pas hein, j'ai commencé sans toi et j'ai vu des potes pour quelques bières avant de venir. Je suis pas bourrée hein. Mais d'ici un ou deux whiskey, je serais pompette. » Debbie ne dépasse jamais le stade de pompette. Mais le terme a une définition extensible à ses yeux. « Bref! Qu'est-ce que je peux offrir à mon ancienne avocate préférée? » Les yeux de la blonde pétillent déjà et Meghan aura fort à faire pour canaliser son énergie débordante ce soir.

La jeune femme s’empresse de se préparer. Lâche ses cheveux, un coup de brosse, un coup de mascara et puis s’en va. Elle est en retard pour ne rien changer. Toutefois, aujourd’hui c’est une excuse tout à fait légitime qui vient expliquer ce fait. Meghan est bien embêtée, elle qui n’a pas bu une goutte d’alcool depuis plus de six mois maintenant a été invitée à prendre un verre. Et c’est un verre que l’on ne refuse pas, parce que l’invitation vient de Debbie, que c’est la tradition quand l’ancienne avocate donne des conseils légaux à son amie, et qu’on ne dit pas non à une amie, n’est-ce pas ? Après une année de thérapie peut-on s’attendre à ce que l’angoisse d’abandon de la jeune femme disparaisse en un claquement de doigts ? Certainement que non, c’est pourquoi elle a accepté sans même réfléchir. Et si en refusant, Debbie ne lui avait plus jamais reparlé ? Et si leur amitié n’existait que dans ces moments alcoolisés ? Il y a un an, Meghan se serait coupée en quatre pour plaire à ses proches, prête à donner un de ses reins si cela lui avait permis de les garder à ses côtés. Mais les temps ont changé, et si son premier reflexe a été d’accepter, elle s’en mord les doigts maintenant. Que va-t-elle lui dire ? Peut-elle lui expliquer ? Tout un tas de questions qui se bousculent dans son esprit paniqué.

Ainsi, Meghan a passé l’après-midi à répéter un texte qui pourrait expliquer son refus de boire, mais elle n’est pas certaine d’oser dire la vérité et encore moins prononcer un mensonge. Elle a donc passé son samedi à s’inquiéter au lieu de se préparer et maintenant elle est en retard. Tellement en retard que lorsqu’elle arrive dans le pub indiqué par son amie, elle la trouve un verre à la main, déjà quelque peu éméchée. Cet état amène un sourire nerveux sur les lippes de l’éditrice qui se laisse enlacée et la serre fort en retour. « Deeeeeeebb ! On n’attend plus sa bonne copie pour faire la fête ?! »  Un clin d’œil « Bien sûr que non je ne t’en veux pas ! ». Puis vient bien trop tôt la question fatidique. Le test. Si elle boit de l’alcool, tout se passera bien entre les deux femmes, mais demain comment se sentira-t-elle ? Si elle refuse, son amitié en pâtira c’est certain et Meghan n’est pas préparée à cela. Elle triture la manche de son manteau, se mordille les lèvres et finit par répondre en agitant son index « Une bière ? Mais juste une. » Sans doute pas la plus raisonnable des réponses, pourtant c’est déjà un pas de géant pour la jeune femme. Au pire, elle n’aura qu’à prétendre se désaltérer et renverser la boisson dans le pot de plantes comme elle l’a vu faire dans Kuzco la semaine dernière. « Bon alooors, qu’est-ce que j’ai raté en arrivant comme d’habitude en retard ? Raconte-moi tout, et ensuite nous irons mettre le feu au dancefloor qui aurait bien besoin de nous ! » Diversion effectuée pour que son acolyte de la soirée ne se demande pas pourquoi l’exceptionnelle Miss Taylor ne commande pas une boisson plus corsée. Ne pas perdre la face, ne pas perdre son amitié. Un challenge bien ardu que s’est lancé la blonde ce soir….

Meghan fait mine de s'offusquer de l'avance prise par son amie, qui rit franchement et rétorque. « Mais c'est impossible de commencer sans toi, il n'y a pas de fête qui vaille avant ton arrivée! » Vile flatterie, mais qui contient néanmoins un fond de vérité. L'ancienne avocate et la comédienne ont secoué leurs derrières sur plus d'une piste de danse, bu des litres d'alcool, couru toute la ville dans des péripéties nocturnes des plus endiablées. Elles n'ont jamais été arrêtées mais, franchement, c'est surtout parce qu'il n'y avait personne pour voir certaines de leurs bêtises. Puis, quand on sait qu'uriner sur la voie publique est un délit, la barre n'est pas si haute.

Son amie commande alors une bière, précisant juste une. Evidemment. Debbie est peut-être un peu excessive, mais aux dernières nouvelles, on ne boit qu'un verre à la fois. Elle sourit largement et se tourne vers le barman, agitant le bras avec ferveur pour être remarquée. « Une bière pour la demoiselle, avant de passer aux choses sérieuses! » La blonde s'enquiert du choix de Meghan - pas que la sélection soit transcendante, mais c'est tout de même un pub qui propose plus que du pipi chat en pression. Tandis qu'elles se sont servir, son amie l'interroge sur ce qu'elle a manqué. Deb la rassure bien vite. « Oh je suis arrivée juste avant toi hein, je n'ai pas encore eu le temps de me faire remarquer. » Les quelques clients dans leur périmètre immédiat aurait certainement à redire sur ce constat. « Sinon, je suis en vacances pour quelques jours, donc je suis allée boire un verre avec des potes et je me suis dit, tiens, c'est le moment idéal pour s'encanailler avec Meghan! »

Elle fait remplir son verre à nouveau, paie le brave tavernier, qui hausse un sourcil en se voyant adressé de la sorte, puis tends la pinte à Meg. « A nous! » Elle boit une gorgée et fourre son portefeuille dans son sac, entassés avec son manteau sur un tabouret. « Avant d'enflammer quoique ce soit, pose donc tes affaires ma belle. Et puis attends, dis-moi comment ça va toi? Ca tourne bien le boulot et tout? » Certes, Debbie a envie de s'amuser. Mais elle n'a pas vu son amie depuis quelques temps et les brèves conversations téléphoniques qu'elles ont ponctuellement - oui, elle font partie de la génération qui utilisent leurs portables pour appeler des gens - ne suffisent pas à la tenir informée. Et c'est toujours plus sympa de parler aux gens en vrai. Avant, bien entendu, de mettre le feu au dancefloor et de réclamer des chansons au barman qui a lancé la playlist Spotify. Mais, chaque chose en son temps.

La flatterie n’est jamais refusée par Meghan. Surtout dans les bons jours, et malgré les doutes et les questionnements qui l’assaillent, car la jeune femme n’aime pas sortir de sa zone de confort – et que voir Debbie sans boire en fait définitivement partie – elle est heureuse comme l’indique son sourire et son regard qui pétille. Pour autant, l’ancienne avocate ne se laisse pas pleinement aller et en arrive à hésiter au sujet d’une simple boisson. Elle s’en voudrait de ne commander qu’une bière si elle n’avait pas si peur d’envoyer dans les toilettes une année entière de thérapie et quelque part cela bat toutes ses angoisses d’abandon. Ou presque. Ou presque pas. « Je suis certaine que c’est faux. Te connaissant, tous les visages se sont tous retournés à ton arrivée ma belle ! Tu es éclatante comme d’habitude ! » Qui a dit que la flatterie était à sens unique ? Certainement pas Meg. « Plus sérieusement, je suis très flattée que tu ais pensé à moi, surtout pour t’encanailler ! » Elle agrémente sa phrase d’un clin d’œil, mais le fond reste authentique. Malgré une année entière à passer sur un canapé sa vie en revue et ses symptômes en détail, ce besoin d’être rassurée reste constant et souvent oppressant. Chaque chose en son temps, chaque chose en son temps…

Les deux femmes attendent que leurs verres soient servis, mais quand la boisson ambrée de Meghan lui est tendue et après le délicieux sons que produisent deux verres qui s’entrechoquent, elle ne le porte qu’à peine à ses lippes avant de le reposer sur le comptoir. L’amertume n’atteint même pas sa gorge simplement humectée par la mousse d’ivoire qui recouvre le breuvage. Debbie lui propose de s’installer au comptoir, elle obtempère donc sans se faire prier, déposant son manteau et son sac sur un tabouret à ses côtés, qui se retrouve bien vite oublié. Meg ne compte plus le nombre de fois où elle s’est fait voler ses affaires lors d’une soirée avec Debbie parce qu’elle les avait simplement délaissées ou oubliées sur un banc. Quand on est occupées à s’amuser, a-t-on réellement le temps de penser au matériel ? Debbie l’entraîne sur un terrain rassurant qui permet à la blonde de se détendre, en triturant d’un geste automatique le verre, elle s’empresse de lui répondre « Ca se passe à merveille, je commence à dénicher des contrats vraiment intéressants, quelques noms connus et on pense même à élargir un peu notre catalogue. Parce que figure-toi que le monde de l’Edition est aussi rempli de requin que celui des avocats. » Un rire, puis elle reprend. « Mais au moins, il n’y a pas de compétition au sein de notre boîte et ce n’est vraiment pas pour me déplaire. En gros, je suis heureuse de ce que je fais. Et toi alors ? Tu as des projets après tes vacances bien méritées ? » C’est si bon de se retrouver, il y a ces amies que l’on ne voit que peu et qu’on a l’impression de n’avoir jamais quittées, Debbie fait définitivement partie de cette catégorie pour la jeune femme. Sa langue se délie aisément au contact de la comédienne et elle en oublierait presque de ne pas porter ses lèvres à son verre. A plusieurs reprises, sa main se dirige vers le liquide ambré, et à chaque fois c’est in extremis qu’elle se retient de le saisir et d’avaler une bonne goulée. « Et les amours ? » ajoute-t-elle en exagérant le traits, haussement suggestif de sourcils à l’appui !

Meghan ne se laisse pas démonter et lui retourne son compliment au centuple. Cette fille est un ange, toujours drôle, toujours motivée à s'encanailler, toujours positive. Certes, elles ne se voient pas si souvent et elles ne sont peut-être pas les amies les plus proches. Mais c'est ce genre de personnes qu'on peut retrouver après des mois et tout repart comme en 40. Et pour quelqu'un qui mène une vie aussi décalée que Debbie, c'est la qualité principale qu'elle recherche chez ses ami·e·s. Elle sourit donc de toutes ses dents à la blonde, secouant sa propre chevelure telle une top model des années 90. « C'est toi qui me flattes mon chat! Mais tu peux continuer hein. » La comédienne rit, même si elle apprécie sincèrement les compliments que lui adresse Meg. Après tout, elle vit littéralement des applaudissements du public. Bon, surtout du prix de leurs tickets, mais une standing ovation n'a jamais fait de mal.

Une fois servies, elles trinquent joyeusement et Debbie est trop occupée à descendre une bonne gorgée de whiskey pour s'apercevoir que Meghan a simplement effleuré la mousse de sa bière, du bout des lèvres. La jeune éditrice lui raconte alors un peu son nouveau train de vie et son amie ne peut qu'éprouver une immense admiration pour elle. Abandonner une carrière lucrative et prestigieuse, pour mener à bien un projet qui la passionne, cela requiert un sacré culot et un grain de folie que la blonde ne peut que reconnaître et saluer. Elle enlace Meghan, son alcoolémie grimpante et son tempérament extraverti s'associant dans un excès de démonstration affective. « Je suis super fière de toi! » Deb la relâche et sourit largement. « Sérieusement, c'est trop chouette ce que tu as fait, repartir dans un tout nouveau métier et cartonner comme ça, c'est trop cool. Et puis, je suis sûre que tu peux battre tous les requins! Même si ça ne m'étonne pas, les gens du milieu artistique sont féroces. » La comédienne en a vu, des mères/managers/agents essayer de soudoyer des metteurs en scène ou d'autres bassesses, dignes du jeté de perles dans Showgirls.

« Et moi, je reprends Les Mis, j'y suis jusqu'à fin juin. Après, j'attends de savoir, j'ai des bricoles qui se profilent mais secret professionnel. » Debbie porte un doigt à ses lèvres et éclate de rire, ne doutant pas qu'avec un peu d'insistance et un autre whiskey, elle raconterait tout à son amie. Jusqu'à présent, la blonde n'a jamais eu de problèmes de fuites d'informations, autant que cela continue. « Maaais je jouerai Cosette en juin, si tu veux une place pour venir m'admirer et me jeter des fleurs sur scène. » Elle promet des places à tout va en ce moment, alors qu'elle n'en a qu'un nombre limités. Elle compte sur le fait qu'elle n'a encore rien demandé pour le moment. Ca devrait jouer en sa faveur. Et puis, les choses finissent généralement à peu près bien pour Deb.

Meghan poursuit la discussion sur le thème de "prenons des nouvelles" en l'interrogeant sur ses amours et Debbie manque de s'étouffer dans son verre. La bonne blague. « Oh tu sais, je ne fais pas trop dans les amours moi. » Elle apprécie bien sûr de la compagnie, parfois de la même personne plusieurs fois à la suite, avec des déjeuners ou une promenade au milieu. Mais de là parler de ses amours, ce serait excessif. Non, la blonde n'est pas branchée monogamie, maison et labrador. Elle est plus du genre sex friends et coup d'un soir. Et cela lui convient. « J'ai croisé un ex dont je n'avais pas eu de nouvelles depuis longtemps, c'était super bizarre et n'en parlons même pas, dis-moi plutôt ce qu'il en est de ton côté. » Clin d'oeil exagéré et sourire en coin, elle espère faire dévier rapidement la conversation. Elle ne sait même pas pourquoi elle a parlé de ça, parfois, sa langue fonctionne plus vite que son cerveau. Et Debbie n'a aucune envie de revenir sur les révélations choc de Thomas. Le mieux est de les enterrer profondément dans un coin de sa mémoire et attendre qu'elle s'estompent pour ne devenir qu'un souvenir si vague qu'elle se demandera si ça s'est vraiment produit. Un choix des plus sains.

La conversation se déroule librement et les mots coulent aussi aisément que l’alcool pendant les soirées. La comparaison n’est pas du meilleur goût, clairement, mais chacune de ses pensées semble l’emmener sur ce terrain glissant. Meghan ne pensait pas que ce serait si ardu de se refréner. Si elle a réduit ses sorties ces dernières années, la jeune femme ne s’est pas pour autant conduite en bonne sœur, mais à force d’associer les rencontres avec Debbie à la prise du substances alcoolisées, elle en a oublié que les deux amies n’étaient pas que liées par cette boisson, et cela déclenche un trigger bien plus qu’elle ne l’aurait supposé. Et on parle de quelqu’un qui vient de passer la journée à sur-analyser la soirée à venir ! Pour le moment, tout est sous contrôle et c’est peut-être pour cela qu’elle pose autant de questions – parce qu’elle s’intéresse à la vie de sa Debbie certes, mais aussi pour retarder un peu plus le moment où elles « s’encanailleront » comme elles s’amusent à le dire toutes les deux.

Meghan a plus ou moins conscience de faire preuve d’une certaine faiblesse en préférant la technique futile de l’autruche plutôt que de révéler ses problèmes. Pourtant, elle doit bien reconnaître que cela lui procure un bien fou de ne pas être la pauvre Meg qui souffre d’un trouble de la personnalité pour une fois, mais simplement elle, la femme drôle et pleine de vie, sans prise de tête. Ses joues prennent la couleur d’une rose quand son amie lui montre sa fierté, elle en retire une certaine joie et ne peut s’empêcher d’agiter la main comme pour dire ce n’est vraiment pas grand-chose, alors que si. Elle ne peut s’empêcher d’ajouter cependant « C’était ça ou dépérir dans un métier qui ne m’a jamais complètement plu et qui ne me correspondait pas. Avais-je vraiment le choix ? » Oui, elle l’avait, elle aurait pu se mentir et continuer à se tuer à la tâche pour un boulot peu gratifiant selon ses standards. Mais il faut dire que la prise de risque – en positif comme en négatif – a toujours été une seconde nature pour l’éditrice. La conversation dévie sur l’avenir professionnel de Debbie qui parle de secrets, ce qui ne fait que titiller un peu plus la curiosité insatiable de la blonde. « Je vais donc devoir te faire boire pour te soutirer des informations. » Et fait mine de se tourner vers le barman « deux verres de whiskey pour la lady, il y a de l’information juteuse à extorquer par ici. » Puis, elle rigole sans donner un regard de plus vers le pauvre serveur qui doit bien se demander qui sont ces deux femmes étranges, ou pas, il a sans doute dû voir pire. « Bien sûr que je veux une place ! J’ai trop hâte de te voir à nouveau sur scène. » Meghan tape dans ses mains en un signe d’excitation.

Le sujet dévie à nouveau, du métier on passe aux amours, les jeunes femmes ont après tout beaucoup de temps à rattraper et il faut bien une bonne demi-heure – voire plus – pour se mettre au jour de leurs vies mouvementées. Mais comme à son habitude, Debbie se montre plus évasive sur le sujet, ce qui ne manque de faire soulever chez l’éditrice un délicat sourcil. « Ok, je vois que ne tirerais rien de plus sur cette rencontre avec cet ex, et comme je sais à quel point ce genre de « retrouvailles » peuvent être délicates, je n’insisterais pas. Mais, je suis là – de toute évidence – si tu veux en parler. » Debbie préfère donc lui renvoyer l’ascenseur et Meghan se serait également étouffée dans sa boisson si elle avait pris le parti de la boire. « J’ai aussi rencontré un ex tiens, ça doit être la saison. Mais sinon j’ai l’impression de m’être bien assagie ces derniers temps. Si on oublie cette fois où j'ai embrassé mon ami, qui est aussi mon ex, pour ne pas lui donner de nouvelles pendant trois mois après coup … » Elle fait la grimace en repensant à toute cette période de silence et au manque flagrant de délicatesse ET de considération dont elle a fait preuve à l’égard de Neal. Meg se met les mains sur le visage en exagérant un peu le dramatique de la situation. « Je sais, je suis une horrible personne. » Ce qu’elle pense. « Je pense que je ne devrais pas trop faire dans les amours non plus … » Si ce sujet épineux ravive des souvenirs récents peu agréable, il a au moins le mérite de dévier ses pensées de la bière délaissée vers l’autre de ses soucis du moment, Neal, Neal, et Neal. Soucis, parce que Meghan apprend à ne plus se fondre dans ses amours qui viraient à l’obsession fusionnelle pour devenir elle. Mais qu’apparemment on ne peut réellement pas apprendre autrement qu’en échouant, ce qu’elle semble déterminer à faire au détriment de son ami, une des personnes qu’elle s’était promise de ne plus faire souffrir. Well done.

« On a toujours le choix Meg, y a des gens qui choisissent de rester dans des boulots pourris et des relations moisies, toi tu as été courageuse. Alors, je te tire mon chapeau invisible! » Elle mime un salut des plus grandiloquents, n'en étant pas moins sincère. Si la comédienne a eu le privilège de poursuivre sa passion sans trop de contraintes financières — son paternel lui aura au moins servi à ça — elle est tout de même bien placée pour savoir que se lancer dans sa carrière de rêves n'est pas une mince à faire. Elle en a connu, des mois de chômage technique, à tourner des pubs de céréales du coin, tout en essuyant des tables dans des diners graisseux. Aujourd'hui, Debbie a gagné en stabilité et s'est fait une assez bonne réputation. Elle n'est pas une star, mais les gens du milieu savent qu'elle est fiable, compétente, bonne joueuse, ponctuelle. Des qualités qui peuvent vous conduire loin dans un monde où tout se joue sur l'avis d'un panel d'audition. Et elle ne doute pas que Meghan saura impressionner ce nouveau terrain par une éthique de travail semblable.

Elles plaisantent alors sur les petits secrets de Debbie, qui glousse avec l'enthousiasme d'une enfant. Ce projet serait un véritablement accomplissement, un tournant qu'elle n'aurait jamais pensé prendre. Mais rien n'est sûr, des auditions ont été reportées, une autre jeune femme est très fortement pressentie pour le rôle et tout est encore en délibération. Néanmoins, elle se fera une joie de partager la nouvelle, le moment venu. « Je ne dirais rien avant d'en avoir légalement le droit maaaais, je prends quand même le double shot, si tu me l'offres! » On ne refuse jamais un verre, question de principe. Et pour être sûre de ne pas manquer l'offre, la blonde avale une nouvelle gorgée de whiskey. « Et en échange, je te trouverai donc une petite place, c'est pas cher payé. » Elle rit, ce troc aurait sans doute fait bondir plus d'un fan. Mais il ne faut pas trop se prendre au sérieux dans la vie, du moins, c'est la philosophie de la blonde.

Cela se traduit aussi dans sa vie personnelle, dont elle n'a pour le coup vraiment pas envie de parler du tout. Debbie a conscience que ses rapports volages avec ses partenaires variés inquiètent parfois son entourage, qui aimerait la voir développer une relation saine et mâture avec quelqu'un. Mais, il lui semble impossible de conjuguer son rythme de vie avec des rencontres. Ou alors, il faudrait sortir avec quelqu'un du monde du théâtre et ça, c'est tout simplement hors de question. S'envoyer en l'air avec un technicien son ou draguer une éclairagiste au bar du coin, évidemment. S'acoquiner avec d'autres comédiens et comédiennes est un pari plus risqué, mais ce peut être amusant. Mais une relation sérieuse, non, jamais. Il faut être fou pour faire ces métiers, vivre à ce rythme décalé. Et il n'y peut y avoir qu'une diva dans un couple et le rôle est pris par Deborah Taylor Maribelle Sinclair.

Fort heureusement, Meghan n'insiste pas, lui rappelant simplement qu'une oreille attentive et bienveillant est là pour elle. La blonde serre doucement sa main, reconnaissante de sa sollicitude comme du respect de son silence. « Merci Meghan, je sais que je peux compter sur toi, c'est juste qu'il n'y a pas tellement à dire que c'est à moi de digérer le truc. » Euphémisme s'il en est. Toutefois, l'éditrice semble toute disposée à s'épancher sur ses propres déboires amoureux, un terrain sur lequel Deb est toute prête à s'aventurer. Même si elle doit froncer les sourcils et se concentrer pour suivre sa petite histoire. « Attends, attends, t'as revu ton tex, après avoir embrassé un autre ex, qui est aussi ton ami? Et tu n'as pas parlé à cette personne pendant trois mois? C'est ça? » Un scénario digne des soaps operas qui tournait chez sa grand-mère. D'ordinaire, la comédienne se serait gentiment moqué de tout ce drama et aurait incité son amie à tout lui raconter. Mais, Meg semble réellement affectée par la mésaventure, s’apitoyant sur ses mauvaises actions avec une sévérité qui ne plaît pas du tout à Debbie.

« Eh, eh, eh! Pas de ça ici, tu es quelqu'un de très bien et de beau et de merveilleux et de gentil et de sexy. » L'alcool la pousse peut-être à l'énumération mal venue, mais elle n'en pense pas moins. « Bon, est-ce que c'est un peu con de pas parler à quelqu'un pendant des mois à cause d'un bisou? Oui. » Toujours délicate, Debbie. « Mais ça veut pas dire que t'es pas une fille en or. Et puis, si ça te turlupine, faut lui parler. Mieux vaut tard que jamais comme on dit hein. Appelle le! » Veut-elle dire là, maintenant, tout de suite? Possible.

« Tu l'aimes? Faut lui dire si tu l'aimes. Parce qu'après, tu vas être triste, il va être gêné, vous allez plus être amis et pouf, tout sera foutu. Alors que si tu lui dis, ben vous serez ensemble et ce sera cool. Ou pas, mais au moins, tu sauras quoi. » Pour une personne allergique à l'engagement, la comédienne a une expertise des plus pertinentes. Simplistes, peut-être. Mais dans le fond, elle sait qu'elle a raison. Les gens ne se parlent pas et se retrouvent dans des situations compliquées, à ne plus savoir sur quel pied danser. Debbie sait toujours où elle en est dans ses relations avec les autres. Parfois, cela crée des tensions et des complications, certes. Mais, elle est toujours franche et, à ses yeux floutés par le whiskey, c'est le plus important.

Il y a chez Debbie une vitalité qui a toujours attiré l’éditrice. Une joie de vivre contagieuse et si son amie lui retournerait certainement le compliment, Meghan sait autant profiter de la vie qu’elle est capable de s’enfoncer dans un torrent de culpabilité. Les aléas d’humeur sont fréquents pour la blonde, qui apprend à vivre avec et ne plus se laisser emporter par ses émotions autant qu’auparavant, mais en présence de Debbie Sinclair, la tache ne parait pas si complexe. C’est pour cette raison d’ailleurs qu’elle a évité le sujet épineux de son diagnostic ou son abstinence récente. Car elle ne veut surtout pas perdre cette bouffée d’oxygène qu’elle trouve dans ces rares mais précieux moments où les deux femmes arrivent à libérer un peu de leur agenda surbooké pour une soirée emplie d’étoiles, de danse et de chant. Elle rigole aisément face à l’échange non professionnel échangé, shot de whiskey contre des tickets, mais Meg sait bien que c’est pour le show et qu’elle aurait eu les tickets sans l’alcool. Elle hoche toutefois vigoureusement de sa petite tête blonde. « Yep, j’ai promis des shot, tu auras tes shot. » Et les voilà qui arrivent d’ailleurs sur le comptoir. Ce serveur est bien plus attentif qu’elle ne l’aurait cru. Un remerciement et puis son attention se tourne de nouveau vers son amie.

Le sujet des amours est des plus délicats, pour l’une comme pour l’autre et si Meghan lui assure être là si Debbie en ressentait le besoin – et avec une honnêteté non feinte – elle n’insiste pas plus. L’habile star de broadway préfère attirer la conversation vers les sentiers rocambolesques de la vie amoureuse de la Taylor. Sa main est toujours fermement posée sur son front quand elle entend l’incrédulité dans la voix de son amie, puis les mots de réconfort qu’elle distribue allègrement. « Whoa tant de compliments à la suite, tu vas me faire rougir Sinclair ! N’en fais pas trop où je pourrais t’embrasser ! » Elle plaisante pour cacher la gêne, aussi fou que celui puisse paraître, la trentenaire ne sait jamais comment recevoir des compliments. Avec une teinte rosée sur les joues et un petit rire nerveux apparemment. Elle la laisse la sermonner sans répondre, espaçant ses doigts pour qu’apparaissent ses yeux qui se posent sur le visage de son amie. « Arf. Tu es pleine de sagesse ce soir. Il n’y a pas que de l’alcool dans ces verres on dirait ?! » Okay, Meghan est potentiellement en train d’éviter le sujet, mais quelque part, l’éditrice n’a pas envie de parler de Neal, pas ce soir, pas maintenant, ses pensées sont déjà bien assez envahies par le producteur as it is, thank you. « Tu as raison, mais je ne vais pas l’appeler maintenant, pas sur un coup de tête alors que tu es en face de moi et que tu vas me regarder avec ces yeux pétillants de malice. » Elle pointe un doigt faussement accusateur près du visage de son ami. Puis décide que finalement il vaudrait mieux changer entièrement le sujet. « Que dirais-tu plutôt d’aller faire bouger nos corps de rêve sur le dancefloor, without a care in the world ? » S’éloigner de ces pensées torturées et de ce grand verre de bière laissé intouché qui semble l’appeler de son mutisme d’objet inanimé. Dancing seems like a better idea.

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L'effusion sentimentale et la soudaine clarté d'esprit – imaginée ou réelle – que provoque l'alcool chez Debbie sont monnaie courante pour la jeune femme. Sobre, elle n'est pas des plus réservée et aime les étreintes, la proximité et le contact avec les autres. Et elle est d'une franchise irréprochable. Alors, imbibée par le pouvoir désinhibant du whiskey, sa personnalité n'en est que décuplée. Elle ne manque donc pas de répondre par un clin d'oeil, mi amusé, mi séducteur, à ce que Meghan n'entendait certainement pas comme une proposition. « Si m'embrasser peut te faire oublier tes déboires, saches que je suis là pour toi et que je ne t'en tiendrai pas rigueur. » Elle rit, histoire de ne pas créer plus de malaise, mais cela ne veut pas dire que la comédienne ne serait pas prête à ce sacrifice pour les beaux yeux de son amie. Après tout, consoler les filles hétéro est un rite de passage auquel toutes les personnes queer se plient tristement un jour. Et, heureusement pour elle, Debbie est désormais suffisamment adulte pour faire la part des choses. Mais son esprit embrumé s'égare. Elle est là pour être la voix de la sagesse, paraît-il. Voilà quelque chose qu'on ne lui dit que trop rarement.

« La sagesse, oui, c'est tout moi! » Debbie offre un large sourire à l'éditrice et ajoute « En vrai, je dis plein de choses intelligentes mais comme je suis une actrice blonde qui parle trop, les gens m'écoutent pas toujours. Je parle pas pour toi hein, mais, eux... » Elle désigne d'un vague geste le reste du bar et de l'humanité. « Mais tant pis pour eux! Tu pourras d'autant plus profiter de mon intelligence émotionnelle et de ma grande expérience des rapports humains. » Etrangèment, Debbie ne déblatère pas que des idioties d'ivrogne. Même si elle se refuse à appliquer ces qualités à sa propre vie sentimentale, on ne peut nier que la trentenaire possède une empathie certaine et est le genre de personne à qui on peut se confier en toute confiance. Et qu'elle a vu pas mal de scénarios divers se jouer autour d'elle au fil des années, suffisamment pour savoir quand ils se répètent et comment éviter les erreurs du passé. Et ne serait-il pas merveilleux d'utiliser cette perspicacité dans sa propre vie?

Mais ce sera pour une autre fois, Meghan préférant se déhancher sur le semblant de piste de danse qui s'est formé au centre du bar plutôt que d'entrer dans plus de détails sur ses mésaventures amoureuses. Ce qui s'entend tout à fait. Debbie finit son verre et lève les bras en l'air d'un air victorieux « Hell yeah, let's dance baby! » Elle prend la main de la blonde et l'entraîne à sa suite, dans un semblant de rock sur une musique rythmée. Elle fait tournoyer Meghan sur elle-même, puis la rattrape habilement en la ramenant vers elle. C'est qu'elle est formée professionnellement la petite. Deb passe alors ses bras autour de la nuque de son amie et lui chuchote/crie à l'oreille « Je suis trop contente qu'on se voit! Ca faisait longtemps et ça me fait super plaisir, je t'adore tu sais! » Elle lui plante un baiser sur la joue et reprend son dandinement, évacuant un peu d'alcool et beaucoup de stress à travers une bonne suée sur le dancefloor.

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