i'm ready to dig into all of it, abandonnement issues, dissociative episodes, my dad... Au Richmond un bébé hurle bruyamment mais il n’est pas logé dans les bras rassurants de sa maman... Une armée d’infirmières se pressent pour s’occuper du dernier né du directeur lui-même. Elles lui doivent bien ça, le bougre est trop accaparé par ses nombreux dossiers pour pouvoir assister au balbutiement de l’enfant. Et puis l’hôpital ne manque pas d’équipements, à quoi bon se lever de son siège rembourré alors qu’il est persuadé que tout se déroulera comme par enchantement.
Le blizzard soufflait sur la cité gelée quand Thomas pousse son premier cri indigné. Depuis sa mère lui rappelle à chaque anniversaire, en tout il aura soufflé 1275 bougies cette années, qu’il a volé au ciel d’hiver, la couleur douce amer de ses yeux azurés.

Sa famille est conservatrice. Rigide. Le môme fait donc ses premiers pas dans l’immense manoir glacé où personne ne parle jamais. Il ne manque absolument de rien le bambin, de rien à part de l’affection de ses parents, placés sous le sceau perturbant du silence et de l’absence. Bien sûr il est entouré le gamin, de domestiques, nourrices et précepteurs qui se succèdent à ses côtés, mais ceux qu’on appelle communément papa et maman il ne les voit pratiquement jamais. Du reste il est toujours occupé. Trop peu de moment à lézarder, à voir le temps passer, Thomas suis jour après jour ses leçons avec assiduité. La seule chose qu’il entend régulièrement ne sont pas des félicitations pour les bonnes notes ramenées ou encore un simple je t’aime, entonné non... La phrase récurrente est Tu seras médecin mon fils !

Non satisfait de lui avoir trouvé un métier, peu importe que Thomas aime le droit, on lui impose une fiancée. Elle vit comme lui dans les beaux quartiers, fera comme la sienne une formidable mère au foyer. Comme toujours il se tait. Elle ou une autre peu importe... Thomas aime les garçons mais ça c’est son secret, qu’il garde précieusement dans une boîte enfermée depuis son adolescence bousculée. 

En grande pompe les noces sont célébrées, Thomas murmure un I do désintéressé et la réception à peine achevée il retourne à ses cahiers. Il est en internat Thomas ne deviendra pas vraiment le médecin que son père attendait. Il sera grand pourtant, un chercheur de talent, et ne cesse de plancher sur une étude concernant la séropositivité. Il ne trouvera pas de vaccin non, mais du moins une manière de soulager le mal, de repousser l’épidémie déclarée, véritable fléau de société. À vingt-six ans les études menées par Thomas participe brillamment à l’élaboration de la trithérapie. 
Pourtant il ne faut pas si fier malgré des demandes insensées Thomas n’est le porte-parole d’aucune cause. Il ne défend pas les gays, n’accable pas la maladie qui semble les décimer. Le chercheur ne porte que son propre étendard, sa seule volonté est de solutionner un puzzle trop compliqué et en filigrane évincer le père toujours à la tête du Richmond qui s’approprie ses progrès. 

En parallèle sa fille voit le jour dans le même hôpital où il travail et où il est né. Comme son géniteur avant lui, il n’est pas présent dans la salle de travail et est au chevet de son patient préféré. 
Samir... Il est devenu le volontaire le plus acharné du protocole de santé, celui dont il s’use à voir renaître journée après journée, malgré des débuts emprunts de difficultés. Il va d’ailleurs bientôt se marier et le distingué docteur est invité, il en est même le témoin sacré. À force de se côtoyer est née une jolie complicité mais dans ses draps mouillés Thomas rêve de passion inavouée. C’est pour se venger d’avoir le cœur serré qu’il lui avoue son homosexualité et se jette sur le fiancé le jour où il va jurer fidélité. 

Pour échapper à sa vie sentimentale tourmentée Thomas s’entête à travailler plus de quinze heures dans une même journée. Fort de son succès il a remplacé son père à la direction mais a d’autres ambitions. Il n’aime pas forcément les gens, son manque d’empathie a été pointé notamment quand il s’est fermement opposé à ce que certains médecins séropositifs, et un en particulier, puissent exercer dans SON hôpital. Mais c’est un orateur Thomas, un charmeur. Aussi aisément qu’assurément il gravit les échelons un à un, abandonne en partie ses fonctions pour se livrer entièrement à sa nouvelle addiction. Il est aujourd’hui sénateur mais brigue un poste encore plus important, à vrai dire il y place tous ses espoirs maintenant. Il deviendra un jour, sans doute, le secrétaire du département de la santé, il a tout pour y arriver et même de quoi faire pleurer dans les foyers. Il est un veuf éploré d’une femme retrouvée étendue dans un fossé. Thomas est un peu près certain qu’elle s’est suicidée à force d’être délaissée et si ses joues sont trempées derrière le cercueil fermé il n’en est pas moins soulagé de ne plus la supporter... Elle et son regard brisé.