Le nez levé vers le ciel, il roulait tranquillement sur ses rollers comme s'il n'était nul besoin de regarder en face de lui. Image trompeuse pour celui qui le croisait car il ne perdait jamais de vue - complétement - l'horizon et les futurs obstacles qui auraient pu se présenter sur sa route. Il profitait des rayons qui réchauffaient tendrement sa peau, car il aujourd'hui il n'avait pas à faire à un soleil agressif, et il appréciait beaucoup. D'ailleurs ça lui donnait une impression de légèreté peu habituelle, alors il ne se pressait pas, adoptant un rythme de tortue. Tout s'effondrait autour de lui mais il continuait en tâchant de passer à travers les gouttes, ne doutant pas un instant que ça finirait par se stabiliser.

Grisha s’ arc boutait désespérément à ce qu'il avait construit ces dernières années, bien que ce fut loin d'être parfait, et qu'indéniablement il aspirait désormais à d'autres choses. Malheureusement le changement éveille les craintes les plus sournoises, et quand on ne grandissait pas avec des bases solides, il arrivait parfois que les choix apparaissent comme des menaces plutôt que des opportunités, déclenchant un certain déni ou un refus obstiné de regarder le monde avec une autre perspective. Ainsi le brun marchait au bord du vide avec des œillères, ce qui lui offrait la possibilité de revenir vers les terres ou sauter sans même se rendre compte de ce qu'il faisait.  

L'évidence le surpris soudainement, Il pila raide sur le trottoir fouillant directement le sac à dos qu'il trainait partout avec lui. Le brun n'y trouva pas ce qu'il cherchait, son précieux manuscrit, non pas celui qu'il devait rendre à son éditeur, et qu'il ne parvenait pas à terminer. Celui qu'il lui soumettait régulièrement avec un non à la clef, et qu'il travaillait et retravaillait depuis des semaines sinon des mois. L'image fugace de son départ du café ou il aimait se rendre, pour peaufiner ses écrits en dehors de toute interférence de son voisinage, venait de l'alerter. Il fallait rebrousser chemin, et rapidement pour récupérer cette perte, sinon il devrait faire face à la perte de son travail assidu ... Et il refusait d'imaginer une seule seconde que ce pu être le cas.

Cette fois il fit bien moins attention à ne pas bousculer ceux qui avaient le malheur de croiser sa trajectoire. La gravité de l'instant activait les battements de son cœur qui battait la chamade. Grisha il tenait à peu de chose en dehors de son supposé incognito et sa tranquillité. Deux en particuliers : Ses virées artistiques nocturnes et ce récit qu'il nourrissait dans son esprit depuis la fuite de la maisonnée de son enfance. Cette histoire il commença à la construire alors qu'il dormait sur les bancs publics ou sous les ponts, elle lui permettait de rêver, de continuer, de se battre ...

Il a poussé la porte Grisha, pour découvrir que le scénario le plus inattendu se dévoilait sous son regard. A sa place usuelle, du moins celle où il s'assoit quand elle est libre, il y voit une personne. Une femme. Et malgré le fait qu'il déteste les interactions, il pourrait encore bien composer avec ça, en passant très vite ramasser son bien comme un fantôme. Sauf que ... Sur la table trônaient plusieurs recueils. Doucement il roule vers cette femme, avec circonspection il freine assez prêt - mais pas trop - pour loucher sur les divers écrits afin de reconnaître le sien. Et éventuellement par la même occasion l'attraper et s'enfuir avec sans demander son reste. Mais il ne le distingue nulle part, il faudrait qu'il puisse fouiller dans le tas, ça risque d'être plutôt compliqué.

Tant pis ... Alors qu'il se lance ses prunelles captent celui qu'elle tient dans la main qui se révèle être le sien. Comment un simple oubli peut-il se transformer en une catastrophe mondiale ? Grisha sentait la panique monter à bord de son corps comme pour en prendre possession. Face à la femme qui jusque-là - du moins s'en persuade-t-il - n'a pas remarqué sa présence, il ignorait quelle décision prendre entre l'attaque et la négociation. Elle lui adresse alors la parole, Sans réfléchir il attrape une chaise puis s'assied « Oui, je pense que vous tenez quelque chose que j'aimerais bien reprendre ... Bonjour... »


@Meghan Taylor