Coming home
« Alors Rhodes... Euh Gavigan, ça fait quoi de revenir à la maison ? » Je regardais tout autour de moi, cela n'avait pas vraiment changé en huit ans. Je pris une cigarette, la mettant dans ma bouche avant de regarder l'officier juste à côté de moi. Protection de témoin... Et ça faisait ce genre de blague ? Sérieusement ? Bref. J'allumais ma cigarette, avalant ce poison avant de répondre. « Ce n'est plus chez moi. Et vous le savez. On ne récupère pas sa vie après huit ans. »  J'avais quitté cette ville alors âgé de vingt-cinq ans... Allongé dans une ambulance. Pourtant c'était ici que j'avais vécu. Ici que j'étais né. Un 3 février, dans une famille aimante. Du moins en public. Mon père Mikael et ma mère Angela avaient toujours voulu avoir un fils. J'avais tout d'abord pensé que c'était par affection... En réalité non, c'était loin d'être le cas. J'étais une solution pour régler leurs problèmes de couples. Problèmes qui étaient ancrés dans leur relation, bien avant ma naissance. Comment pouvais-je à moi seul régler ces soucis ? Souvent les enfants n'étaient désirés que pour ce qu'ils pouvaient apporter aux parents et pas seulement pour ce qu'ils étaient. Vouloir prolonger sa lignée n'était que très rarement altruiste, il y avait toujours des motivations purement égoïstes. J'étais un bon exemple. Au moins je n'étais pas très pauvre. J'avais un toit et une mère qui était réellement aimant. Bizarrement c'était souvent elles qui avaient le bons rôles. Je n'allais pas m'en plaindre, tant que j'avais au moins un parent qui m'aimait. Bref, rien d'extraordinaire pour commencer sa vie. « Pourquoi être revenu alors ? » « Car ce n'est pas parce que ce n'est plus ma place que ça ne le peut pas le redevenir. »

« Et cela passe par une carrière dans la police ? » J'eus un long moment de réflexion. « Peut-être. » « Pourquoi être autant accroché aux forces de l'ordre ? » J'eus un petit sourire. Je savais quand j'avais décidé d'être policier. C'était à l'anniversaire de mes six ans. J'avais quelques amis qui étaient venus. À défaut d'être brillant à l'école, j'étais très doué pour me faire des amis. Pourquoi ? Car ils savaient que je n'hésitais pas à prendre la défense de ceux que j'aimais bien même face aux enfants plus âges. Ce qui ne m'empêchait pas de finir tête la première dans la poubelle la plus proche... Mais bon... Ma mère avait fait un gâteau. Tout était parfait. Père était même revenu du travail plus tôt pour pouvoir assister à la fête, m'offrant au passage mon premier ballon de foot américain. Malheureusement, anniversaire d'adulte voulant aussi dire fête entre parent, l'alcool était de mise.  Un père qui buvait plus que de raison... La mère qui le prévenait avec tendresse, bien qu'inquiète. Les voisins admiraient la tempérance de mon père qui écoutait ma mère. D'ailleurs après chaque reproche il l'emmenait à l'étage pour en discuter et s'excuser. Il mettait alors un slow romantique sur lequel ils dansaient, pour faire oublier à ma mère ses erreurs. Les voisins trouvaient cette scène romantique. Cela était toujours fatiguant car ma mère ne redescendait jamais, fatiguée par la danse et sans doute à cause de la musique qui était trop forte. Ce jour-là ne fit pas exception. La même scène se produisit. Les voisins insistaient sur l'aspect charmant de mon père à écouter sa femme et même à la laisser prendre un peu de repos quand il avait un écart. Mon père, ce héros. Il m'avait même offert un super cadeau que je n'avais pas montré à ma mère, encore. Voulant qu'elle le voit avant qu'elle ne s'endorme, car elle avait trop dansé, je montai les escaliers. La musique était forte, je pouvais l'entendre même avec la porte de la chambre fermée. Sans une hésitation j'ouvris la porte en grand. C'est là que je vis le style de danse que mon père faisait danser à ma mère à chaque fois. « Quand votre mère est naturellement maquillée aux couleurs de l'arc en ciel en raison de l'amour que lui porte votre père... Vous voulez vous arranger pour qu'il n'y ait plus d'arc-en-ciel. Jamais. » Il y eut un petit moment de silence. Un malaise tombait toujours quand on en parlait... Rien de plus normal. Je savais déjà ce qu'allait dire l'officier Dake. « Je suis désolé Liam... Je ne savais pas, votre père n'était qu'un con... » Je soupirai. Je m'étais juré à ce moment-là, au moment où je vis ma mère, de protéger les gens des coups... Car j'avais vite compris les choses... La pluie dans le paysage de son visage m'avait largement mis la puce à l'oreille sur la nature de l'orage qui avait provoqué cet arc-en-ciel de couleur. Pourtant... « Non officier. C'est bien le problème. Il n'était pas qu'un con. Ils ne sont jamais que ça. » Je me souvenais encore, la colère que j'avais en moi... Elle avait presque disparu quand mon père me prit dans ses bras devant les voisins une fois que j'étais redescendu, me faisant faire l'avion. Il ne m'avait jamais réservé le même traitement qu'à ma mère. Sans doute car il savait au fond de lui que s'il le faisait, il perdrait ma mère. Je n'avais donc surtout que des bons moments avec lui. Les voisins aussi avaient que des bons moments avec mon père. Ils avaient alors été surpris d'apprendre douze ans plus tard son meurtre par sa femme.

Meurtre... Oui. C'était ainsi que la justice avait qualifié l'acte de ma mère. D'autre parlerait de légitime défense. Quand on danse depuis plus de vingt ans, il est normal d'avoir des crampes et de riper sur la gâchette à l'idée d'un nouveau tango. Le juge ne l'avait pas vu ainsi. Malgré tous les témoignages, dont le mien... Oui, j'avais témoigné contre mon père décédé, car je savais que si ma mère avait fait ce qu'elle avait fait ce n'était que pour se défendre. Peu importait que mon père ait toujours été correct avec moi... Il ne l'avait jamais été avec ma mère. C'était ce qui m'avait poussé à quitter la maison à dix-sept ans. Malheureusement, ma mère ne m'avait pas suivi, ni écouté mes conseils sur les plaintes à déposer contre mon père. Elle disait gérer, qu'elle savait qu'au fond c'était un autre homme... Elle prit alors de la prison. Prison à laquelle elle ne survécut pas. Les conséquences du procès, de sa culpabilité et une santé fragile en raison de vingt longues années à être « maquillée » par mon père avaient forcément laissé des séquelles. Je perdis ma mère presque en même temps que lors de la fin de ma première année. Et cela déboucha sur le pire été de ma vie. Débauche au possible, je m'étais mis dans un sale état. La police était devenu un fardeau, me rappelant un peu trop ce passé, pendant que je devais payer des factures sans aucune garantie de mes parents en cas de défauts. « Pourquoi vouloir continuer ce domaine si vous... Si cela vous donne trop de mauvais souvenirs ? » La réponse était simple... Le pire été de ma vie avait débouché sur la meilleure année de ma vie. Il y avait des choses dans l'univers qui étaient universellement vraies. L'une d'elle était la suivante : Le mauvais temps n'était là que pour laisser place au beau temps. Ce fut donc après le pire été de ma vie et perdant deux personnes qui m'étaient chères que je rencontrais la femme qui changea mon quotidien à jamais. Morgana. « Car... La police n'est pas une bonne ou une mauvaise chose pour moi, elle fait partie de moi. Elle m'a forgé sur tant de points cruciaux de ma vie... Et elle m'a aussi beaucoup apporté. » Je n'avais jamais connu femme aussi têtue, aussi caractérielle, aussi emportée, aussi bornée qu'elle... Et jamais je n'avais aimé une femme comme elle. Jamais je n'avais aimé d'autre femme tout simplement. Même après huit longues années sans la voir. Notre relation avait été passionnelle. On se déchirait pour mieux se retrouver. Sans doute un peu trop passionnelle d'ailleurs. Quelques temps après nous avions eu notre premier enfant, Gabriel. Très jeune, trop jeune. Néanmoins il ne fut jamais un regret. Si une personne pouvait rivaliser avec Morgana en terme d'importance pour moi, c'était bien lui, mon fils. C'était une relation idéale. À quelques détails près, dont le travail.

Oui le travail était un problème. Pas comme on avait tendance à l'imaginer. Nous travaillions ensemble. Ce qui était pratique quand on était deux acharnés de travail, cela permettait de se voir. Surtout qu'il fallait s'occuper de Gabriel aussi. Si bien que malgré notre sérieux au travail on ne ratait que très rarement des occasions pour s'embêter mutuellement. Une bonne Morgana était une Morgana exaspérée par mes piques sarcastiques. Sadique ? Elle était pareil. Nous formions un excellent duo. Nous étions pourtant différents. Je devais l'avouer, elle était bien plus polyvalente que moi. Elle était plus douée pour tout ce qui était profilage et criminologie. Quant à moi, j'étais quelqu'un du terrain. Pas un policier brillant, plus le genre de policier à jouer des muscles en cas de problèmes. Pas un cow-boy, il ne fallait pas déconner. Enfin... Si. Sans doute. Je n'étais juste pas un cliché, loin du policier raciste ou qui ne se sentait exister qu'avec son arme. Non, je me sentais aussi exister avec mes poings. Pas pour dominer les autres, mais bien pour les protéger, faire souffrir ceux qui faisaient souffrir. La loi du Talion. Ce qui me séparait des barbares qui pouvaient garnir nos rangs c'était mon code. Un code de treize commandements. Il me permettait d'éviter de sombrer du mauvais côté, Morgana le savait. Malheureusement tout bascula. « C'est pourtant elle qui a fait que vous êtes... mort. » Alors que l'on avançait petit à petit dans notre carrière, nous prenions en importance. Forcément, les tâches que nous avions gagnaient en importance. Je me souvenais encore quand tout avait commencé. Mon coéquipier n'avait jamais été net. Néanmoins j'en eus le cœur net en le voyant ouvrir un mail. L'adresse ne me disait rien, je l'avais donc noté dans un coin de ma tête pour faire mes recherches. De fil en aiguilles, j'avais trouvé ma réponse. Il était en contact avec un chef d'entreprise de Chicago qui voulait étendre son activité à New York. Le problème dans une telle ville c'était la difficulté à trouver un emplacement pour s'établir. Faire détruire des habitations était donc souvent quelque chose de très prisé par les requins. Sauf que ce n'était pas la chose la plus populaire, le maire faisait donc attention à ce genre de pratique. Il ne changeait d'avis que quand, à tout hasard, la criminalité était trop importante et un projet d'investissement ambitieux permettrait de faire monter sa popularité. En quoi cela concernait un policier ? Et bien à votre avis... Comment on faisait pour faire grimper la criminalité ? Un policier violent ou véreux, laissant passer certains actes ou les encourageant... C'était très utile. Malheureusement pour lui, une fois au courant, je lui avais tant collé aux fesses qu'il lui était impossible de faire ce pour quoi il avait été payé. N'appréciant pas trop la chose, il me pris à part dans un vestiaire. Là, je lui avais tout avoué. Quel idiot j'avais été. Dire la vérité dans les années 2000... Nous n'étions pas dans une série policière... Même si pour le coup ça y avait ressemblé. « Vous m'avez pas mal aidé dans cette mort. »

Quelques semaines après, l'officier Dake vint chez moi, sans que Morgana y soit. Il m'expliqua la bourbier dans lequel je m'étais mis. Bien sûr, Smouth répéta tout à son employeur. Ne reculant devant rien, cette raclure avait donc demandé des renseignements sur moi. Quel style ? Oh... Si j'avais une femme, des enfants... C'était toujours utile. Smouth avait donc des instructions si j'étais trop dérangeant. Des instructions du style des accidents pour me faire rentrer dans le rang et l'aider. Dake qui travaillait sur un dossier visant à faire plonger ce chef d'entreprise, il avait intercepté le mail. Pas assez clair pour l'incriminer. Néanmoins, il voulait me prévenir. Je devais me montrer prudent. Soit Smouth me mettait dans son camp, soit il me faisait taire, soit... C'était ma famille. Et vu l'affaire sur laquelle travaillait Morgana... Il aurait été si facile de s'en prendre à elle. J'avais donc essayé, à son retour, le même soir, de lui dire de lever le pied. Je me souviens encore de ce que j'avais dit à ce moment-là... Elle était rentrée tard, fatiguée par son travail sur son enquête. J'étais assis dans le canpé, l'officier Dake était parti depuis quelques minutes. « Morgana, il faut qu'on parle. » Ce fut ainsi que la dispute débuta. D'habitude en cas de dispute Gabriel nous réconciliait. Là ce serait plus compliqué, car je ne pouvais pas tout lui dire... Je devais la protéger. Après des piques de part et d'autre, finalement se fut moi qui donna le coup de grâce. « Arrête de penser qu'à toi Morg. Arrête de penser qu'au boulot. C'est ça la vie que tu veux pour Gabriel ?! Qu'il grandisse sans sa mère ? » Elle avait bien répondu quelque chose, mais c'était trop tard, on venait de nous appeler. Un fusillade avait débuté dans le quartier visé par Smouth. Je devais aller sur place avec lui. Morgana m'accompagna, juste le temps de se préparer, elle me suivait de près. Une fois entrée dans la voiture il me demanda si Morgana était au courant pour cette histoire, avant qu'elle ne monte. Je lui avais dit que non. C'était la vérité. Ce fut à ce moment-là que je pris ma décision. Une fois sur place, deux groupes se tiraient dessus. La raison ? Je ne le savais toujours pas. Sans doute un coup monté par Smouth. J'étais doué pour ce genre de situation. Mais pas ce soir. Ce soir-là je sorti de la voiture, insigne à la main, bien à découvert, avant de lancer un regard à Smouth. J'entendais encore Morg qui essayait de me retenir, de m'empêcher d'être trop agressif. Regardant de nouveau vers les deux groupes, je me mis à crier « Police, cessez le feu et rendez-vous. » Tout ce qui ne fallait pas faire... Crier, donner des ordres et leur dire de se rendre. La réponse ne se fit pas attendre. Trois balles. Une à l'épaule, une à la jambe, une dans l'estomac. Morgana appela directement une ambulance, me mettant à l'abris des balle derrière la porte de la voiture. Elle me dit que tout allait bien, que j'étais un idiot, que je ne devais pas parler. Et moi... Idiot... Je lui dis que j'étais désolé et que je l'aimais. Quelques secondes après je sombrai dans l'inconscience entant l'ambulance. Chose étrange... En deux minutes elle était là... Comme si elle m'avait attendu que cet appel.

Une fois que j'avais repris conscience dans l'ambulance je vis Dake. Il avait empêché Morgana de monter. Ensemble nous avions fait croire à ma mort. Liam Rhodes était mort. Blai Gavigan était né. Je fus mis sous protection des témoins. Avant de partir pour toujours de New York je rentrai chez moi, alors que Morgana était allée à l'hôpital pour l'annonce de mon décès. Je pris le dossier que j'avais monté sur Smouth avant d'embrasser Gabriel, le réveillant au passage. Je m'étais excusé platement lui disant que papa l'aimait et qu'il l'aimerait toute sa vie et de prendre soin de sa soeur que je ne verrai pas à sa naissance. Après quoi, l'ambulance me fit quitter New York. Ma destination ? Chicago. Pendant huit ans avec Dake nous avions monté un dossier contre cette raclure. Pendant huit longue années j'étais connu comme Blai Gavigan, détective privé. Au départ assez lamentable, j'appris très vite ce métier. Je me voyais comme un policier mercenaire en quelque sorte. Néanmoins cela payait bien et le dossier avançait. Lentement, mais sûrement. Jamais la simulation de la mort de Liam Rhodes fut révélée. Ce fut ma condition. Je ne voulais pas que ma famille souffre de représailles. « Vous regrettez ? » Le procès avait pris deux ans sur les huit de ma mort.  Pourtant, je ne pouvais pas dire que je le regrettais. J'avais fait ce qui fallait, ce qui était juste. Malgré ça, un sentiment de vide s'était emparé de moi une fois la victoire acquise. J'avais vécu huit ans loin de ma femme et de mon fils... Dake m'avait aussi appris la naissance de mon second enfant. Une fille, Angela... Que je n'avais encore jamais vu. Il m'avait juste trouvé une photo, mais ce n'était pas la même chose. Huit longues années avec un but. Et maintenant... Est-ce que ça en valait le coup ? « Je ne peux pas regretter là où je n'ai pas eu le choix. » « On a toujours le choix. » Tirant de nouveau sur ma cigarette, je regardai pour la première fois Dake dans les yeux. « Le choix est pour les hommes de peu de principes. »

« Si vous le dites... Et maintenant ? » La question que je me posais depuis quelques jours. J'étais libre... J'aurai pu reprendre mon ancienne identité, mais Smouth était encore en procès. Mon ancien partenaire avec quelques relations, je préférais donc éviter de crier sur tous les toits que j'étais Liam Rhodes. Seules quelques personnes allaient être au courant. Personne dont ne faisait pas encore parti Morgana. « Je vais voir... Cela dépendra de beaucoup de chose. » On ne pouvait pas espérer revenir après huit ans et récupérer sa vie... Ni sa famille. Je ne me faisais guère d'illusion. J'avais été fidèle à Morgana pendant ces huit ans... Mais je l'avais été car je la savais en vie alors qu'elle... « Et votre femme ? » « Je vais enquêter sur elle avant de revenir... Je ne veux pas m'imposer après... Huit ans d'absences. » Un long silence plana. Enquêter n'était jamais une très bonne chose. Néanmoins c'était tout ce qu'il me restait désormais. La seule chose pour combler le vide. Ça et les cigarettes accompagnées d'un verre de whisky. « C'est ici que nos chemins se séparent. » « On dirait bien. » Après une dernière poignée de main, il me quitta devant ma maison... Les années à Chicago m'avaient vraiment bien réussies financièrement. Voyons voir si New York serait aussi prospère pour le plus dur des détective.