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something's changed w/ Daniel

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Lun 27 Juil - 22:30
Il y avait de ces jours qui n'en finissaient pas et, récemment, c'était tout ce que Reagan semblait connaître. Un incessant défilé de rendez-vous qui empiétaient parfois les uns sur les autres, de writing sessions pas toujours fructueuses et de répétitions nerveuses rythmé par des pauses cafés trop courtes et de cigarettes à peine entamées et déjà écrasées à la va-vite, une fatigante course après le temps dont, ironiquement, elle manquait cruellement. Il y avait de ces jours où elle regrettait presque d'avoir osé poursuivre ses rêves. La confiance en soi et le succès n'empêchaient pas les doutes d'apparaître et avec eux, la désagréable impression d'être la reine des ingrates — parce qu'elle devait être reconnaissante, elle, l'immigrée noire qui défiait les normes télévisuelles par sa seule présence à l'écran chaque samedi soir. On savait le lui rappeler sous couvert d'un compliment grossièrement grimé de condescendance et d'intolérance ordinaire. Reagan avait grandi en tâchant d'ignorer ce genre de comportements, influencée par des prêtres qui prêchaient le pardon et l'amour du prochain comme ses parents, si désireux de se fondre dans la masse. Il ne fallait pas se plaindre, jamais, surtout quand on avait réussi avec un tel bagage.

À en croire la journaliste qui avait occupé la fin de son après-midi et son début de soirée, c'était l'image qu'elle renvoyait, un succès inattendu. Parce qu'elle était noire, parce qu'elle était grosse, parce qu'elle revendait sa bisexualité dans un univers dominé par une majorité d'hommes blancs hétérosexuels. Parce que Reagan n'était pas adaptée à son monde et tout ça fascinait les Sally, Megan et Brittany qui se découvraient une conscience sociale en écrivant chez Buzzfeed et Refinery29. L'Irlandaise avait encaissé l'interview avec un sourire forcé, serrant les dents un peu plus fort à chaque mention de sa prétendue reconnaissance pour NBC et sa pseudo vie parfaite. Les questions vides s'étaient succèdées les unes aux autres, entrecoupées de réflexions maladroites. En d'autres circonstances, peut-être Reagan aurait-elle pris le temps de relever pour mieux redresser le tir mais en plus d'être un combat perpétuel, c'était épuisant. Et elle n'avait pas le temps de refaire l'éducation d'une inconnue, ni l'énergie d'ailleurs. Une moitié de sketch l'attendait encore au bureau et, avec un peu de chance, l'un ou l'autre de ses camarades susceptibles de l'aider à pondre un script potable avant qu'elle ne s'écroule pour la nuit sur l'un des sofas avec lesquels elle entretenait une complicité dont son lit était probablement jaloux. Avec un peu de chance, la bouteille de vin attrapée sur le chemin du retour aiderait à accélérer le processus. D'inspiration ou de sommeil, ça restait à déterminer.

En dehors du vigile qui salua la comédienne d'un bref signe de tête et de l'homme d'entretien qui, Dieu merci, ne chercha pas une fois de plus à lui refiler le numéro de son cousin — he loves his women with some curves, lui avait-il glissé plus d'une fois avec un sourire fort peu sympathique — l'immeuble semblait désert. Était-elle un peu déçue ? Vaguement, oui. Avoir un ou deux cerveaux de rechange pour un ping-pong d'idées était toujours appréciable. Toutefois se retrouver seule n'était pas complètement déplaisant. Elle allait pouvoir se mettre à l'aise, balancer ses basket dans un coin ou l'autre de la pièce, brancher Frank Ocean aussi fort que son cœur le désirerait, marmonner dans sa barbe en sirotant un cru californien passable et, comble du bonheur, grignoter sans risquer de se voir conseiller la dernière tendance healthy en matière de régime mais surtout ne pas redescendre dans la rue ou grimper sur le toit pour les trop nombreuses clopes que nécessitait toute bonne nuit blanche de travail. Le bonheur, vraiment.

Un bonheur qui se fit la malle bien vite lorsqu'elle poussa la porte du bureau où elle avait ses habitudes, adjacent à la writers room, un poil trop austère pour pareille activité nocturne, même en solo.

Oh, lâcha-t-elle en découvrant Daniel, un peu surprise, un peu déstabilisée, I thought I'd be alone. Did you smell the wine? ricana Reagan en soulevant sa bouteille parée de l'habituel sac en papier brun. Après tout, l'humour avait toujours été son arme de prédilection, qu'il s'agisse de se protéger d'autrui ou d'elle-même. En l'occurrence, c'était elle, l'ennemi, elle et son imagination un peu trop débordante — et, si on était un peu honnête, de son cœur encore un peu trop naïf. C'était une passade, rien de plus, le produit de sa solitude, du surmenage et de l'affection qu'ils se portaient. Loin d'être la première, probablement pas la dernière non plus.

But I'm willing to share, reprit-elle bien vite en abandonnant ses affaires sur la table tout en évitant soigneusement de le regarder — sans surprise, la tâche était plus difficile sans le reste du cast autour d'eux, ha, ha, ha. Unless you already got plans for the night. I know everyone and their nan wants a piece of you, ajouta-t-elle, malicieuse, plus à l'aise aussi, arquant un sourcil. Une blague innocente à l'oreille, comme Reagan en avait fait tant d'autres depuis qu'il faisait partie de sa vie. Une blague qu'elle avait pourtant du mal à faire sans ressentir une pointe de jalousie. Ça n'avait rien de nouveau mais elle avait toujours eu de bons prétextes pour l'ignorer. Son mariage à lui, ses fréquentations à elle, l'amitié aussi, le boulot un peu, et tout un tas d'excuses tout aussi valides. Seulement elles s'était envolées les unes après les autres, ces excuses, et c'était peut-être ça, au fond, la raison de son trouble : l'idée terrifiante que les rêveries romantiques auxquelles elle se laissait aller parfois puissent se matérialiser. Et, vraiment, elle n'avait pas le temps de se torturer avec ça, vraiment pas.

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Mar 28 Juil - 22:40
On lui demande encore,
any news from her? comme s’ils se parlaient encore. Comme s’ils étaient toujours ensemble, à se chamailler devant Netflix sans jamais vraiment savoir quoi regarder. Ils se disputaient si souvent pour des broutilles sans queue ni tête – ce qu’ils devraient manger à midi, et comment ils pourraient s’accorder pour cette soirée-là, puis celle d’après et celle d’ensuite à perpétuité. Dan aurait pu deviner l’adultère qui se profilait à l’horizon, au creux des ritournelles ennuyantes d’une routine si bien huilée ; pas un accroc dans l’habitude. Et il s’y est habitué, Dan. Au poids de l’alliance contre son annulaire, seulement pour mieux l’oublier un an plus tôt. Tout ce qu’il reste, c’est un anneau de chair un peu plus pâle que le reste de sa peau. Le vestige d’une décennie de mariage qui s’effacera dès qu’il bronzera. Si seulement il ne passait pas tout son temps à l’intérieur – à gribouiller des blagues de mauvais goût sur son ex-femme. Celles qui le font éclater de rire, mais aussi celles qu’on lui a implicitement ordonné de ne pas raconter à la télé. Est-ce que tu comprends, Dan, que ta carrière est autant en jeu que la sienne.
Il souffle sur sa tasse d’oolong, mais la porte du bureau qui s’ouvre à l’improviste lui arrache un sursaut le long de l’échine. Il ne s’attendait pas à avoir de la compagnie ce soir, ni à renverser un peu de thé sur son débardeur. Ah, fuck, grimace-t-il. Et il se redresse déjà pour s’essuyer avec le bout d’un mouchoir avant de darder un coup d’œil amusé sur Reagan. Un sourcil s’arque en réponse à sa remarque alors que Dan croise les bras. Nah, I was there first actually, commence-t-il en haussant les épaules d’un geste désinvolte. So does that mean you smelled me and my tea? Sa bouche s’orne d’un sourire aussi malicieux que celui qu’elle affiche. Et il se souvient encore de la stagiaire qu’elle a été. Celle qu’il croisait à peine dans les couloirs, et qu’il taquinait déjà gentiment au milieu d’une pause café. Reagan est petit à petit devenue une présence constante dans le paysage du show jusqu’à ce qu’il s’y habitue aussi.
Daniel cherche son regard alors qu’il se lève en pivotant le fauteuil en cuir vers elle. Une invitation pour qu’elle s’y assoit ; lui, il s’affale sur toute la longueur du sofa en sortant son téléphone de sa poche. Il le déverrouille d’une main et fait le tour de ses mails, de Tinder et ses textos mais il n’a que des notifications de Twitter et d’Instagram. C’est tout ce dont il a besoin pour certifier qu’il n’a rien de prévu cette nuit. Il secoue la tête dans un soupir. I got nothing worth my while, so I guess that wine of yours will do just fine, répond-il en désignant la bouteille dont il entraperçoit l’étiquette qui l’estampille de l’autre côté du continent. Too bad it’s cheaper than my tea, ajoute-t-il sans jamais se départir du sourire qui orne ses lippes. En plus d’être une plaisanterie pour se moquer de ses choix douteux, c’est la vérité. Il ne boit pas – ne peut pas boire le thé infecte que les distributeurs crachent en échange d’un dollar. Il ne boit pas non plus les boîtes mentholés de Bigelow que certains amènent, oh ça non. Dan, il n’ingère que les sachets de thé artisanal, qu’il mélange lui-même. Véritable aficionado d’ambre liquide, il ignore les boissons pleines de caféine que ses collègues utilisent pour mieux se réveiller.
Sans pour autant dédaigner le vin, aussi bon marché soit-il.
Il sait faire des exceptions, d’autant plus lorsque celles-ci sont si bien proposées.
Et il dévisage Reagan de la tête aux pieds en se demandant,
quand est-ce qu’ils se sont vus pour la dernière fois ?
Quand est-ce qu’ils ont parlé autre chose que de la météo ou du boulot.
Leurs emplois du temps s’accordent à peine, pour ne pas dire jamais ; ils ont toujours quelque chose de prévu, et déjà si peu de temps à consacrer à eux-mêmes. C’est le cas de Dan, en tout cas. Toujours en vadrouille, à bosser d’un côté et à faire la fête jusqu’au petit matin de l’autre. C’est sa revanche pour avoir eu la brillante idée de se ranger trop tôt, trop vite.
Il se penche par-dessus l’accoudoir du sofa pour ouvrir le placard qui le jouxte sans y trouver les verres qui y traînent d’ordinaire. Peut-être que l’agent d’entretien les a embarqué pour les briquer, ou qu’un collègue s’en est servi sans avoir le bon sens de les ramener ensuite.
Pas de verres, seulement une bouteille.
Et une tasse de thé encore pleine.
Un nouveau roulement d’épaules de sa part s’ensuit, et l’évidence – mais aussi la flemmardise au bord des lippes. I s’pose we’ll have to share the bottle itself.

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Mer 29 Juil - 23:26
Des semaines qu'ils ne s'étaient pas retrouvés dans la même pièce sans la moindre interférence, des semaines qui pesaient sur la conscience de Reagan avec toute l'amertume de la culpabilité. Et pourtant, pourtant il semblait si simple de retomber dans leur bonne vieille dynamique. Daniel n'avait pas changé, elle non plus. Elle aurait pu laisser faire sans se poser de question, le déni avait ses avantages mais elle n'en connaissait les failles que trop bien. Reagan avait l'habitude d'y tomber, d'y plonger même, tête la première. Ignorer ses problèmes avait quelque chose de réconfortant, la chute était douce mais l'atterrissage était toujours compliqué. Douloureux parfois aussi. Reagan avait assez connu son lot de bosses et bleus du cœur, suffisamment pour éviter de se faire bêtement du mal. Les vielles habitudes avaient du bon mais il lui fallait être vigilante.

I don't drink your hipster shit and you know it, elle fronça le nez à la simple idée de troquer son amour de la caféine, même temporairement, for one of his fancy cups of tea. Gross. Sa mère aurait probablement été profondément offensée par son comportement si elle avait su mais ce que mother Schuyler ignorait ne pouvait pas lui faire de mal.

La comédienne se laissa tomber sur le fauteuil gracieusement offert, sans grande élégance. Elle les comptait sur les doigts d'une seule main, les gens auprès desquelles elle se sentait à l'aise et libre, libérée de la peur du jugement et de ce sens d'hyper-vigilance qui accompagnait le moindre de ses mouvements. Si ses mots et sa langue s'étaient déliés au fil des années, encouragés et portés par ses adelphes de galère, Reagan restait sur ses gardes. On pouvait lui pardonner son impertinence mais elle savait que la tolérance à sa simple existence avait ses limites. Auprès de Daniel, les craintes habituelles s'étaient effacées, fait suffisamment rare pour être protégé et chéri, protégé de ses envies de romance.

How bloody charming, ricana-t-elle, à peine perturbée par l'impression de déjà-vu qui accompagnaient ses mots — la familiarité d'un comeback trop souvent utilisé sans doute. Here I am, offering you wine and company when I could be having the time of my life at home, and you have the audacity to belittle me and judge my wine, tss. Remind me again why I put up with your arse? Rhétorique, évidemment, mais elle aurait pu donner une demi-douzaine de raisons, on the spot. Deux douzaines de plus et quelques vannes si on lui laissait le temps de réfléchir, et quelques unes supplémentaires qu'il vaudrait mieux garder pour elle.

Son regard se posa sur elle et, décontenancée, Reagan n'osa pas détourner la tête. La logique ou, peut-être, la vague notion du small talk qu'elle n'avait jamais vraiment bien saisi, aurait voulu qu'elle demande si tout allait bien, si elle n'avait rien sur le visage, une tâche, les restes d'une moustache de lait séchée des heures après la disparition de son dernier latte, n'importe quoi. Take a picture, it'll last longer, avait-elle envie de lâcher au lieu de ça. Et elle aurait pu, elle aurait peut-être dû même, mais Reagan resta silencieuse, arquant un sourcil curieux, ses questions et punchlines borderline flirty coincées dans un recoin bien gardé de sa tête.

Elle se décida finalement à s'arracher à sa contemplation au moment où Daniel lui-même sembla en avoir fini, coïncidence à la con qui nourrirait certainement son imagination galopante une soirée solitaire dans un futur pas si lointain. La bouteille quitta sa robe de papier dans un bref froissement et Reagan s'arrêta un instant sur la capsule à vis qui remplaçait le bouchon de liège sur les étagères les plus proches du sol avant de s'en débarrasser d'un bref tour de poignet. Cheaper than his tea, right. Cheap, period, mais Reagan était accommodante, surtout s'il s'agissait de préserver son compte en banque.  

My bottle, corrigea-t-elle après l'inspection des placards, jugeant l'information assez nécessaire pour retarder sa première gorgée. Oh, how I wish I could be a judgemental prick with expensive tastes. Accommodante, elle l'était peut-être, mais son palais beaucoup moins. Ça ne valait clairement pas l'open bar de l'afterparty hebdomadaire ni les cocktails avec lesquels Esteban l'attendait parfois pour se faire pardonner d'avoir oublié la lessive, mais elle s'en contenterait, même avec s'il fallait supporter les réflexions vaguement hautaines de Daniel. If anything, the jabs would make that stupid wine better. De son projet de nuit de boulot en tête à tête avec sa bouteille à, well, ça, whatever it was, l'amélioration était évidente. Pas qu'elle se serait risquée à flatter l'ego de Daniel de trop près, mais l'évidence était là.

Seriously though, reprit-elle après un moment, la goulot roulant entre ses doigts manucurés, it's been a while since we had time like this and, well, I haven't, you know, I've been busy, real busy — and definitely not actively avoiding you, nope — but I still worry about you old man. You ok? With, well, everything? Le bref mouvement de la main dont elle s'accompagna ne nommait rien en disant tout, à commencer par la gêne générée par telle question. Froisser les ignorants et choquer leurs parents était une partie de plaisir mais faire subir le même traitement à ses proches n'enthousiasmait pas franchement Reagan — et pas uniquement parce qu'elle n'était pas payée pour le faire. Elle aurait pu pourtant, si seulement elle avait été assez naïve pour se laisser avoir par la désinvolture dont Daniel savait faire preuve. Mais pas après tant d'années.

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Lun 10 Aoû - 22:02
C’est la main sur le cœur et la bouche grande ouverte qu’il se laisse retomber dans le canapé en feignant – si joliment, et avec tant d’excès, de s’offusquer. Daniel penche la tête en arrière pour accentuer l’exclamation outrée qui lui échappe dans un reniflement aussi pétri par le jugement que le regard qu’il lui jette. Il l’est vraiment. Outré. Un peu, mais juste assez pour esquisser l’ébauche d’un rictus au pourtour boudeur. Il n’y croit pas, à cette offense qu’il exagère à outrance. À cet outrage éhonté qu’elle assume dans un battement de cils qu’il fixe encore. Et quand bien même il s’agit de sa boisson chaude favorite, Daniel n’arrive pas à réprimer le sourire jovial qui efface son air grognon. On le lui reproche parfois. Ce manque de sérieux. Cette incapacité à prendre la mouche, et à en vouloir à ceux qui l’insultent et le critiquent.
On l’admire pour la même raison, car rien ne l’affecte trop longtemps.
Et c’est ce qu’il aimerait croire aussi.
Se persuader d’avoir le moral d’acier qu’on lui prête, en plus d’aimer le café en plus du thé.
Si seulement ! Il arrivait à tolérer que l’on puisse sciemment préférer des graines torréfiées amères plutôt qu’une infusion d’herbes séchées aux vertus bénéfiques qui, de plus, s’emmêlent à une fragrance odorante et mille autres saveurs différentes. Sur son palais, tous les cafés se ressemblent et ce n’est qu’en y noyant trop de sucres et quelques splash de lait qu’il parvient à un boire un sans s’étouffer sur une grimace. Même ainsi, il ne parvient pas à ignorer l’arrière-goût acariâtre, presque humiliant de ce jus de chaussette. You said so yourself, darling, susurre-t-il au creux d’un nouveau sourire aussi mielleux que les syllabes qui l’étirent. I’m bloody charming. Il joue sur les mots, car ce n’est pas tout à fait lui, qu’elle qualifie ainsi. Tout débordant d’assurance, il appuie cette idée en s’étalant contre le cuir inconfortable du canapé. La climatisation a beau adoucir la température du building, Dan tire tout de même sur le col de son débardeur pour aérer un peu sa peau collante. Il ne sait pas trop s’il a chaud parce qu’il est assis contre une matière suante, ou parce qu’il anticipe déjà le vin qui pour sûr, lui échaudera les veines et les joues par la même occasion.
Daniel étend son bras gauche contre le dossier du canapé en acquiesçant sagement en réponse au possessif qu’elle accroche devant la – non, se rattrape-t-il, sa bouteille. Your bottle, concède-t-il même sur un ton pensif. À sa diatribe amusée, il hausse les épaules en esquissant l’ébauche d’un sourire taquin. He’s a judgemental prick with expensive tastes alright, et le nier ne provoquerait qu’un éclat de rire. Il l’admet volontiers ; après tout, c’est la vérité, même lorsqu’elle se teinte d’une bonne couche d’ironie puisqu’il est incapable de chauffer quoi que ce soit sans le carboniser.
Il l’observe toujours par-dessous des paupières alourdies par la fatigue d’une journée trop longue, doublée d’une nuit écourtée par la sempiternelle insomnie que les écrans provoquent. Une faute qu’il incombe à son téléphone – auquel il jette un œil par habitude, à son ordinateur et sa console. Son regard glisse ensuite sur le goulot de la bouteille de vin qu’elle fait glisser entre ses doigts, et s’accroche finalement sur ces derniers sans qu’il ne s’en rendre compte. Pris au dépourvu par sa question, il redresse bien vite la tête en fronçant les sourcils. S’il va bien ? Of course I’m ok, lâche-t-il comme une arrière-pensée à laquelle il n’a pas vraiment réfléchi. Ce sont ensuite ses propres ongles qu’il admire. Ceux de sa main gauche, où l’absence d’alliance se fait encore – un peu, seulement, sentir. Pas parce qu’elle lui manque, au contraire ! Mais parce qu’il s’était malgré lui habitué au poids de l’anneau contre son annulaire. Il se demande s’il ne devrait pas tout bêtement y mettre une nouvelle bague – pourquoi pas l’anneau unique. À moins qu’il devrait l’offrir à Sally, comme insulte à sa cruauté aussi sombre que le noir parler.
Sans se départir de son sourire – qui a toujours plus ou moins été sa marque de fabrique, Daniel poursuit. What about you, Reagan? Lui demande-t-il en s’extirpant du canapé pour contourner le bureau et lui voler la bouteille d’entre les mains. Planning on drinking on your own seems.. Il marque une pause en penchant la tête sur le côté, à se demander comment il pourrait qualifier cette idée avec le plus de justesse possible. Il se rabat sur l’évidence dans un roulement d’épaules. ..lonely. Termine-t-il en buvant une gorgée de vin avant de lui tendre à nouveau la bouteille.
Il est un poil plus morose qu’il le souhaiterait.
Terriblement plus, car Daniel préférerait ne pas l’être tout court.
You’re lucky I’m here, souffle-t-il en s’appuyant contre le bord du bureau en laissant la moitié d’un sourire fendre le coin de sa bouche. Un peu plus honnête que les autres, il s’incurve à peine contre la fossette qui marque la courbe de sa joue.

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Mar 11 Aoû - 17:17
Combien de fois avait-elle pardonné cette attitude impertinente, l'apparente nonchalance insolente qui l'agaçait tant chez bon nombre des gens du milieu, si égocentriques qu'iels en étaient étouffant·e·s ? Daniel, lui, portait le manque de sérieux et l'irrévérence à merveille dans les yeux de Reagan. Oh, elle se serait bien gardée de lui en faire part, par crainte de gaver un ego que leurs paires et les médias nourrissaient suffisamment. Par peur de ce que signifiait une telle indulgence aussi, le déni était bien plus agréable. Safer too. Mais pouvait-on encre parler de déni lorsqu'elle avait conscience lui offrir un laisser-passer qu'elle refuserait à qui n'avait pas ses yeux ni son sourire ? I'm bloody charming. Pas exactement ce qu'elle avait voulu dire, jamais vraiment ce qu'elle voulait dire — sauf que si, justement, si et c'était bien là le problème.

Whatever, marmonna-t-elle, se sachant parfaitement incapable de répliquer autre chose, excepté yeah, yeah you are sans suffisamment d'ironie pour rester dans le royaume de la vanne innocente. Il y avait des victoires qu'il fallait savoir concéder et Reagan n'était pas assez fière, pas assez têtue non plus pour s'engager sur ce terrain-là. Trop prudente, surtout. Il y avait de ces relations dont elle pouvait encaisser la perte, dont les potentiels dégâts ne la laisseraient pas hébétée, en ruines sur le bas-côté de sa vie. Il y avait de ces gens qui finiraient par partir, tôt ou tard, c'était inévitable et Reagan savait qu'elle l'accepterait sans trop de mal, mais Daniel ne comptait pas parmi ceux-là. S'il lui fallait faire quelques concessions avec elle-même pour éviter d'en arriver là, then so be it. Elle avait su ravaler sa fierté et faire taire ses propres envies un partie de sa vie pour tenter de se fondre dans la masse d'une société qui méprisait son existence, elle pouvait aisément faire de même pour protéger l'une de ses relations-repères. Elle s'était pourtant promis de ne plus tant se reposer sur quelqu'un d'autre après les désastres de ses 20s mais ha, life was funny like that.

La blague était plus cruelle pour certains cependant, et malgré l'assurance du contraire, Reagan ne pouvait s'empêcher de penser que le divorce était bien plus difficile à encaisser que Daniel ne voulait le laisser entendre. On ne tournait pas si facilement la page sur tant d'années à deux, surtout lorsqu'elles s'en trouvaient déchirées par la trahison et l'amertume. Elle aurait aimé avoir les mots justes, les mots réconfortants — et désintéressés, surtout — et être d'un quelconque soutien, qu'il en exprime le besoin ou non. Mais que dire, sinon qu'elle en voulait à cette idiote de Sally d'avoir piétiné la confiance de Daniel et de la forcer, indirectement, à mesurer chaque réflexion, chaque geste avec une précision qui frôlait la paranoïa. I'm glad you're fine but your divorce really isn't convenient for me, how selfish. Elle ne pouvait pas dire ça, ne pouvait rien dire devant cet air songeur qu'affichait Daniel devant son annulaire nu. Elle ne pouvait rien dire et Reagan détestait ça. Elle se plaisait à penser qu'elle était une amie fiable, du genre sur lequel on pouvait compter à toute heure du jour ou de la nuit. Et, certes, elle était pleinement capable de remplir son rôle pour Esteban, pour Kate et pour les autres, peu importait les circonstances mais elle avait clairement failli Daniel, par pur égoïsme.

Elle le regarda se lever sans un mot, maudissant le tressaillement nerveux de ses doigts autour de la bouteille qu'elle lui abandonna sans résistance. Toute tentative, même par principe, aurait été inutile.

Lonely ? Elle haussa un sourcil, pas sûre de savoir comment encaisser ça. Being alone and being lonely are two different things, you know that, right? Plus, more wine for me and at least, I'm sure the company won't disappoint or disappear the morning after without a word. Been there, done that more than enough, and I know I'd rather have a drink on my own than chase after meaningless encounters. Well, that escalated quickly. Et elle détestait le sous-entendu qui s'était glissé entre ses mots par manque de réflexion. Not my thing but to each their own, you know, se rattrapa-t-elle, maladroite, son sourire forcé disparaissant contre le goulot de la bouteille. Ce n'était rien, rien qu'une erreur de débutante, le faux-départ d'une vigilance constante rouillée par l'absence.

Et Daniel ne rendait pas le démarrage facile, le bougre. Qui lui avait donné le droit d'envahir son espace personnel comme ça ? Reagan le connaissait depuis trop longtemps pour se méprendre et l'imaginer inconscient de l'effet qu'il avait sur autrui. Leurs années d'amitié auraient sans doute dû la vacciner contre sa proximité.

Yeah, laissa-t-elle échapper sans réfléchir avant de se secouer, la casquette de la bonne copine sassy et rigolote jamais bien loin — Reagan avait beau détesté ce rôle-là, il lui avait permis de survivre. Wait, please tell me that's not how you pull, that's absolutely terrible, the confident dickhead act is so early 2010s mate. Mate. Good job Reagan, boundaries first. You shouldn't rely so much on, you know, sa main libre se leva pour trouver le chemin du visage souriant et son index, de presser cette stupide, stupide fossette, it's not gonna work forever. But no worries, the day it stops, I'll be there with cheap wine to tell you you're lucky I'm here. Le clin d'œil, conclusion logique inspiré par des années à se planquer derrière cette comédie et, il fallait bien l'admettre, les premières vapeurs alcoolisées, ne lui semblait même pas si forcé que ça. Peut-être qu'elle pourrait, finalement, rester naturelle en étant prudente dans le même temps.

@ Invité

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Jeu 20 Aoû - 22:21
Right, right, acquiesce-t-il sans trop y penser. Sans vraiment le réaliser. Il arque seulement un sourcil amusé tout au long de sa tirade alors qu’elle bute autant sur les mots que sur le goulot. Et il n’arrive pas à s’empêcher de penser, it’s endearing alors qu’un nouveau sourire s’ébauche sur ses lèvres. Il débarrasse en même temps le coin du bureau contre lequel il s’appuie pour mieux s’y asseoir définitivement. Moins confortable que le canapé dans lequel il était encore affalé quelques minutes plus tôt, cet emplacement-là a le mérite de faciliter l’échange de la bouteille. Une promiscuité qu’il impose sans arrière-pensée. Sans trop, se corrige-t-il. Car il y a malgré tout cette tendance à chercher à la faire réagir, qu’importe de quelle façon, qui persiste. Qui se développe d’autant plus que son alliance ne noircit plus ni le paysage ni son doigt.
Il opine du chef à nouveau d’un air pensif, mais ne partage pas son avis – au contraire, ils se contredisent. Après tout, les relations insensées se mêlent souvent au fond de son lit. La critique insidieuse n’en est pourtant pas une ; seulement un point de vue différent. Et ça les sépare, comme tant d’autres choses. Le thé et le café les divise. La croyance en une entité supérieure est réfutée par la certitude que l’être humain n’est qu’un rouage de plus dans le mécanisme si bien huilé du cosmos où, la science règne au-dessus de l’idée de Dieu. Le printemps, l’automne. La marque des cigarettes qu’ils fument. La taille, et l’humour aussi. Mais Daniel ne se prend pas assez au sérieux pour s’offusquer face à l’évidence : c’est un Don Juan raté, réduit à un simulacre qui, au lieu d’être charismatique dans l’enveloppe qu’il a choisi, se délite au creux d’une vanne un peu trop pétrie d’auto-dérision. My meaningless encounters and I are doing just fine, though, lâche-t-il alors que ses épaules roulent au rythme de la désinvolture. Si vous le lui auriez demandé un an et demi plus tôt, un reniflement indigné aurait été sa réponse automatique. Fidèle à une femme, et une seule, aurait-il dit ; à Sally, qu’il aurait ajouté. Tout aveuglé qu’il était par un idylle qu’elle mettait déjà consciencieusement en pièces. Encore amer, et si acrimonieux.
Un sentiment qu’il fait disparaître dans une nouvelle gorgée vaguement sucrée.
Tout est calculé sans vraiment l’être. Il s’est habitué en si peu de temps à offrir des sourires plus francs à toutes les personnes qu’il côtoie ; un peu de soleil dans la vie des autres pour masquer celle qui lui manque un peu, au dedans. Celle qui est partie en fumée aussi vite que dix ans de mariage, dix ans gâchés. Toutes ces idées-là se dissipent alors que Reagan envahit son espace du bout du doigt. Sa tête bascule sur le côté dans l’exagération la plus totale – s’il ne s’offusque jamais, il le feint si bien. Si mal. Mate?, répète-t-il, hébété par cette expression qu’il n’avait plus entendu depuis.. depuis qu’un pote d’Australie y a à nouveau fui.
Et son clin d’œil ne vaut pas mieux que son sourire.
Il se rétracte dans un rictus artificiel. Was that.., he gasps, was that a wink? Tell me how that looks better than the smile I just gave you! Daniel chasse l’incrédulité de son crâne en se passant la main en arrière dans les cheveux. Besides, that’s not how I pull the lads and lasses, commence-t-il d’un ton piteux alors qu’une moue boudeuse prend ses aises sur ses lèvres bien vite chassée par le goulot de la bouteille de vin. Il marque une pause délibérée, dardant un regard taquin sur sa collègue. He’s building momentum with a light tease. En la reposant, ses sourcils se froncent sur la réalisation de son état. À moitié vide d’un côté, à moitié plein de l’autre. C’est une faute qu’il incombe à l’été, et sa chaleur toujours aussi étouffante malgré le crépuscule assombrissant et rafraîchissant la pièce. À peine. Tant de proximité humaine n’aide pas à y voir plus clair non plus.
Mais Daniel se penche seulement en arrière. S’appuyant sur ses mains, il se positionne de telle sorte qu’il n’a plus besoin de se craquer les vertèbres pour la regarder. I simply asked them out nicely, répond-il en haussant les épaules. C’est si facile que ça, et si bête aussi. Une réponse aussi aisée que sa façon d’être ; aussi agréable et abordable. Toujours ouvert aux autres – d’autant plus que rien ne l’arrête désormais, il s’offre tel qu’il est.
Lumineux.
Still, I will gladly take on your offer, dear, ajoute-t-il malgré tout dans un soupir. To bring your cheap wine, and your admirable wits.

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Ven 21 Aoû - 18:34
L'affaire Grisha l'avait définitivement dégoûtée contre les aventures sans avenir, dont la seule satisfaction physique ne durait pas suffisamment longtemps pour la combler réellement. Reagan avait compris, avec déception et rancœur, qu'il lui fallait plus. Plus qu'une étreinte rapide et la sensation éphémère d'être désirée pour une nuit ou deux. Plus que la complicité illusoire qui accompagnait ses flirts mais de la stabilité et la certitude, complète et sincère, de ne pas être choisie par défaut, ni pour passer le temps.

Good for you, lâcha-t-elle, sans sourire. She meant it though. Nul besoin d'être diplômé·e en psychologie pour savoir que le divorce et, surtout, la trahison de sa femme l'avaient secoué. Et certes, oui, il y avait des jours où Reagan se demandait si l'homme qu'elle avait rencontré à ses débuts chez NBC et cette version post-heartbreak de Daniel était bien la même personne. But at the end of the day, he was still her friend and all she had to do was support him. Peut-être y trouvait-il réellement son compte, peut-être que tout ça l'aidait réellement à se remettre de sa séparation, peut-être qu'il était heureux, finalement.

(Peut-être que c'était ça, aussi, qui la dérangeait, que d'autres puissent lui apporter ce qu'elle ne pouvait pas, mais c'était une conversation pour un autre jour).

Le sourire, plus amusé que moqueur, revint finalement, en même temps que la légèreté, cette façade rassurante. Rassurante mais pas si solide, lézardée par des fissures que Reagan n'avait plus la présence d'esprit de protéger. Elle avait eu des raisons de le faire, avant, mais cette ligne de défense-là s'était effondrée depuis de nombreux mois.

You're too old for me to call you love and that's too cute a nickname for you, old man. Le réflexe de vouloir mettre de la distance entre eux était déjà ridicule en soi, son exécution plus encore et Reagan avait clairement l'impression de s'enterrer dans un trou dont elle avait elle-même mesuré les dimensions. En théorie, pourtant, ça avait un semblant de sens. Elle avait encore dans l'oreille le ton affectueux, maternel même, des femmes de sa paroisse qui balançaient des love à n'importe quel môme qui croisait leur chemin, et elle s'était construite sur ce modèle, avait fait sien leur vocabulaire, adopté leur approche généreuse et affable — ou l'idée qu'elle s'en faisait, gamine. Mais Reagan se savait tout à fait capable de rester dans les limites de l'amitié — parce qu'elle en avait envie, parce que c'était ainsi — avec Esteban, avec Kate, avec les stagiaires dont elle avait oublié le prénom. Avec Daniel, ses certitudes s'étaient fait la malle le jour où il lui avait annoncé son divorce. Dans la pratique, donc, cette vaine tentative de redéfinir des frontières qu'elle avait perdu de vue n'était rien sinon vaguement pathétique. La preuve, si il en fallait une, qu'un peu d'attention et un sourire enjôleur suffisaient encore à l'atteindre. Et cette idée, aussi détestable qu'elle pouvait être, restait plus séduisante que l'autre alternative, moins superficielle, bien plus dangereuse pour son équilibre.  

Elle chassa la question d'un bref geste de la main, abandonnant l'envie d'avoir le dernier mot pour une fois, gotta pick your battles and all that. La blague pouvait aller loin, ils en avaient le talent, mais Reagan savait très bien qu'elle finirait par le regretter, d'une manière ou d'une autre. Elle rattrapa la bouteille, presque au vol, tant pour se distraire que se donner une consistance. From your sassy black friend to the local drunk, deux rôles dont elle connaissait les ficelles, bien courtes et terriblement usées, mais ô combien rassurantes, des masques qui valaient mieux que l'air béat qu'elle afficherait sans doute si elle faisait l'erreur de le regarder trop longtemps. She scoffed at his antics, s'étranglant autour du vin et des images un peu trop précises qui lui passaient par la tête.

Good boy, parvint-elle à articuler après une quinte de toux aussi gênante qu'inattendue, as if she was still 15 and given her first blunt in a smoky flat in Dublin. Let's hope for your sake that I don't get too successful or the hot dude who will open my door when you finally come knocking won't be my flamate but my assistant telling you I'm too busy to deal with your arse. Or my husband. Oh yeah, perfect timing for marriage jokes, good one Schuyler. Sorry, didn't think that one through. Blame it on the wine, yeah? Besides, I feel like I'd be more of a butler person if I got like, suddenly super loaded and all. It'd fit my aesthetic alright. On avait vu mieux, pour dissimuler la gêne, but hey, it had been a Day and alcohol was known to ruin performances. Of any kind, clearly.

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Dim 30 Aoû - 17:07
Il hausse les épaules avec détachement en réponse à la boutade sur son âge. Redondante, et certainement pas offensante – après tout, il admet volontiers que vieillir l’ennuie un peu. Ce n’est pas tout à fait l’usure qui l’accable, mais plutôt l’impression morose d’avoir gâché une bonne partie de sa trentaine à s’attacher à la mauvaise personne. En pensant, naïvement, que ça durerait encore un bon bout de temps. Coupé dans son élan, en pleine impulsion sur le ressort d’un tremplin désaxé, Daniel s’est seulement écrasé sur le sol pour tutoyer de près l’expression avoir les pieds sur terre. Ou la tête, en l’occurrence. Et plutôt que de l’aider à se remettre la face à l’endroit, le vin le déséquilibre un peu plus. Un peu, seulement. Énormément. Ça a le mérite de le détendre, au moins. De se désinhiber au fur et à mesure que les gorgées avinées s’échangent entre eux, et s’enchaînent pour lui. Ses sourires remontent plus facilement sur ses joues – et ils s’esquissent déjà avec allégresse sur ses traits si aisément.
Il incarne bien son nom, Sun. C’en est presque ironique. Car ni ses parents ni ses frangins l’expriment – cette jovialité solaire débordante et enjouée. Teintée d’un peu d’amertume, certes, mais pas assez pour ternir tout à fait l’impression qu’il laisse sur les autres. Ses amis, ses collègues, ceux qui le suivent sur Twitter et Instagram, les passants, et les inconnus qu’ils croisent dans la rue tous les matins. Quoique, songe-t-il, c’est sûrement ceux-là qui le voient tel qu’il est vraiment, à l’aube. Bougon et grognon, tant qu’il n’a pas pu se délier les nerfs sur une gorgée de thé. La faute aux aléas du métier, mais aussi aux conséquences d’une journée trop courte – toujours trop courte – pour son emploi du temps. À trop essayer de concilier tant d’activité en moins de vingt-quatre heures, c’est son sommeil qui trinque. Pourtant il dédaigne ostensiblement la pendule au-dessus de la porte du bureau, et son tic tac incessant qu’une nouvelle gorgée de vin lui fait oublier. Ce soir, ça ne le dérange pas de s’attarder, au contraire. Surtout pas en si bonne compagnie.
Et Dan l’écoute – enfin, essaye. D’être attentif malgré la façon dont les doigts manucurés de Reagan s’enroulent autour du goulot de la bouteille. Celle qui se vide de plus en plus, à son plus grand désarroi. Alors il opine du chef sans comprendre, jusqu’à ce que les mots se fraient enfin un chemin le long de ses synapses jusqu’à un neurone un peu plus conscient que les autres. Appuyant son coude sur sa cuisse afin de faire reposer son menton sur la paume de sa main, Daniel arque un sourcil circonspect. Il n’ignore pas son estomac qui se crispe à la mention du mot mari. Son sourire se dissipe, et ses yeux s’assombrissent. Getting married is overrated, don’t do that to yourself, soupire-t-il en balayant cette idée du revers de la main. Sans oublier qu’un divorce, même à l’amiable, is expensive as hell. Presque autant que la cérémonie de mariage en elle-même.
Daniel se redresse pour darder son regard sur le galbe du visage de Reagan seulement pour esquisser l’ébauche d’une moue pensive. So will that hypothetical butler be hot?, souffle-t-il au rythme d’une intonation pensive. Un autre soupir lui échappe alors que ses yeux papillonnent sur une pensée libidineuse qu’il n’essaye pas de cacher. Cuz I might hit on him too. Sans se départir de son air rêveur, Daniel se recule un peu sur le bureau pour mieux s’y asseoir ou plutôt, s’y avachir. Aussi à l’aise qu’un poisson dans l’eau, il se mordille la lippe en contemplant l’idée de sortir pour se griller une clope. C’est une épopée, lorsque l’on est si haut perché ; sur le bureau contre lequel il s’appuie, mais au quinzième étage aussi.
Il se contente d’une lichette de vin en lui dérobant à nouveau la bouteille. Let’s get to the bottom of that fantasy of yours, commence-t-il alors que l’ivresse lui dessine un sourire sur le visage. Describe him to me.

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Dim 30 Aoû - 18:12
Avec qui que ce soit d'autre, Reagan se serait sans doute lancée dans un petit laïus débordant d'un optimisme teinté de compassion, la mine grave mais pas sombre, la main prête à tapoter gentiment une épaule. Difficile, toutefois, de servir un tel discours à Daniel quand tout ce qui lui venait en tête était yes, your ex is a colossal bitch, why'd she have to go and ruin everything. Elle n'était pas sûre non plus qu'il ait particulièrement envie d'entendre ça.

Don't let my mother hear you say that, she still got high hopes for me, pouffa-t-elle et elle avait encore dans l'oreille les injonctions pressées de la matriarche, malheureuse mère d'une fille unique peu intéressée par les joies matrimoniales ou, pire encore, par la maternité. But when will you settle, when are you gonna find a nice man and give me grandchildren. C'était toujours le même refrain, les mêmes espoirs naïfs, répétés encore et encore, peu importait la conversation et les circonstances qui les réunissaient. Mama Schuyler aurait certainement bondi de rage devant un tel conseil, prête à étaler quarante ans d'albums photos d'un bonheur conjugal sans faille et à parler confiance, sacrifice et pardon en citant ses versets favoris, bonne épouse catholique qu'elle était.

Reagan se redressa, haussant un sourcil surpris. Oh, pas par la question, pas vraiment — par le ton plutôt, par l'air pensif qui l'accompagnaient — avant de comprendre. Amusée, vaguement agacée aussi, she kicked him in the shin. That's my butler, you dick, find your own to lust after. La jalousie était un bien vilain défaut, a deadly sin even, mais il y avait des limites à ne pas dépasser, des choses — des gens — qu'elle ne s'imaginait pas partager, even if they weren't hers to begin with. Son temps, ses idées, son vin, elle les abandonnait de bonne grâce, s'épanouissait dans le partage, really. Ses fantasmes et ses sentiments, en revanche, c'était une autre histoire.

I don't have a type and if you think so, then you don't know me that well, répliqua-t-elle, un peu abrupte, l'accusation faiblarde, abandonnée à mi-chemin entre la vanne et le reproche. La fatigue et l'alcool, mélange peu recommandable, avaient toujours nuit à ses efforts et Reagan regrettait presque d'avoir perdu quelques dollars pour oublier un après-midi pourri. I guess they'd have to know how to take a joke reprit-elle avec un soupir, les yeux perdus au plafond, bonus points if they're funny too but not funnier than me, my ego wouldn't be able to take that. Kind, obviously, can't have dickheads around me. Oh, they must know how to make good coffee and mojitos. And be able to lie for me when I don't wanna see people but not, you know, lie to my face, honesty is the best policy and all. Yeah, that's about it. Also they gotta be ready to come running when I call even if it's 3 in the morning and I need a ride from a fancy party. Standard butler stuff, really, although that does sound very partnerish. Except I wouldn't pay someone to like me, not that desperate. Not yet anyway. Hopefully not ever. And I'd have it in the fine print that they wouldn't be allowed to get involved with you. There, perfect description. Can't wait to become the black queen of New York so I can make that a reality. Ah, l'idée n'était pas déplaisante, loin de là, pas tout à fait près d'arriver but a gal could dream. Especially when under the influence.

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Dim 13 Sep - 16:46
Ça le rend un peu triste, et désabusé aussi – le vin qu’il ingère. Car il ne comprend toujours pas les espoirs que certains parents abattent sur les épaules de leurs rejetons, persuadés qu’ils suivront sagement le chemin qu’ils tracent résolument pour eux. Daniel hausse les épaules. Il les reconnaît, ceux qui assènent et répètent encore et encore ces espérances-là jusqu’à assommer les gosses avec. Alors il rigole, car le vin le facilite. Cette inconstance, et l’aisance avec laquelle il s’esclaffe. À le dégriser plus qu’il ne l’est déjà d’ordinaire et pourtant, il y pense toujours. De lui rappeler à nouveau de se préserver d’un mariage qui finira de la même façon que le sien – sur une note désastreuse. Et dans un divorce houleux pour les journaux, alors qu’ils l’ont expédié si vite que Daniel ne se souvient même plus du nom de son avocat. Il ignore cette réflexion dans une grimace ; marriage is still, and always will be a touchy subject. Alright, alright, s’esclaffe-t-il en esquivant son coup de poing taquin. À peine. Ses phalanges l’effleurent, et c’est une drôle d’impression qui s’invite au creux de son ventre. Il lui cède toujours si facilement, à Reagan. Et à ses exigences aussi, auxquelles il répond avec la même désinvolture qui le caractérise tout au long de la journée. Ça épuiserait n’importe qui – de sourire autant, et de rire encore. Sauf lui. Son identité s’articule tout autour de cette aisance à rigoler que le vin facilite et exacerbe. Il se dégrise d’autant plus qu’elle partage encore sa bouteille avec lui. I swear I won’t touch your butler, soupire-t-il au milieu d’un sourire. Il exagère encore et toujours, à hausser les épaules avec désinvolture. Il respecte néanmoins les limites qu’elle lui impose, bien que l’esquisse d’une moue boudeuse resserre un peu les coins de sa bouche. L’alcool le rend toujours un peu triste aussi ; à le désabuser au fur et à mesure que la bouteille se vide. Elle roule entre ses doigts et c’est le fond qu’il admire par le trou alors qu’il écoute sa reproche. Il la corrige. I’m not talking about a type, but whatever strikes your fancy at the moment.
Même si ça s’en rapproche un peu, d’un type. Car il y a toujours un trait d’esprit qui s’exacerbe par-dessus tous les autres ; un peu d’humour, d’après ce que Reagan lui décrit. Un soupçon de gentillesse, et de la diligence professionnelle. Il acquiesce, en accord avec sa description du parfait majordome jusqu’à ce qu’elle lui mentionne un bon café. He scoffs. Il jugule l’envie de la corriger trop vite – la bienséance, même dérangée par une nouvelle lichée de vin, l’empêche de l’interrompre. Il ne relève pas ce qu’elle lui assène encore, car ses mots se noient contre le goulot de la bouteille. Il la repose ensuite sur le bureau, à un centimètre seulement de sa tasse de thé qu’il désigne. You’re dead wrong about what a good butler excels at, darling. À quoi le cliché du majordome ressemble vraiment. If he’s any good, he’ll make you a cup of tea. Son index effleure les lèvres de sa collègue pour l’empêcher de le contredire. Before you say anything, lemme tell you that a fine butler’s always fond of tea which means I probably missed my true calling. Et l’idée ne lui déplaît pas, au contraire. Daniel se surprend à y songer, l’ébauche d’un sourire laconique peint sur les lèvres. Il suffit d’y ajouter encore un peu de vin pour qu’un peu de brillance s’allie à cette élucubration. I’d rock that outfit too. Le nœud papillon, la queue-de-pie et les gants. Besides, if I’m your butler, your fine print’s safe. I can’t be involved with myself.. uh,  without ruining my perfect set of gloves. I’d take them off for sure, and you’d be none the wiser. Tout pétri de fierté par une conclusion qu’il imagine plus fine qu’elle ne l’est vraiment, il ajuste son débardeur comme il le ferait d’un veston. So, what do you think? qu’il demande en redressant ostensiblement l’échine. Am I hasbeen enough yet to twist my career around?

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Ven 18 Sep - 21:37
Ah, yes, the never-ending debate, tea or coffee and which one was the superior beverage, la cristallisation même de toutes leurs différences dans une simple tasse. Évidemment qu'il s'arrêtait là-dessus, le contraire aurait été étonnant. Le détail aurait glissé, totalement inaperçu, dans les oreilles de n'importe qui, sans doute plus intéressé·e par le reste d'une description dans laquelle Reagan se perdait, plus certaine de se souvenir de la question. La fatigue des dernières semaines, un après-midi qui s'était étiré en longueur, la bouteille qui allait et venait entre eux deux en s'allégeant un peu plus à chaque trajet, autant de très bonnes raisons de perdre le fil et la proximité n'aidait guère. La promiscuité, elle connaissait, n'avait guère de problème à partager un miroir avec l'une ou l'autre de ses collègues entre deux sketchs dont l'orchestration et le timing serré relevaient presque de l'art, ne faisait plus attention aux techniciens dont les mains courraient sur les nuques et les hanches pour s'assurer de la tenue d'un micro. Reagan avait appris à se faire toute petite très tôt mais paradoxalement, la place que prenaient les autres, empiétant parfois sur son propre espace, ne l'avait jamais gênée. Mais il n'y avait pas, avec les inconnu·e·s du métro, avec ses collègues, ni même avec ses ami·e·s, cette sensation d'être intensément consciente de l'autre et de ses mouvements. Elle pouvait blâmer l'alcool, les heures de sommeil sacrifiées sur l'autel de son inspiration et d'une mauvaise gestion de son agenda, la solitude et le manque d'affection aussi, mais elle savait, dans le fond, que sobre, reposée, entourée et épanouie, elle aurait la même impression. Et, malgré elle, l'Irlandaise baissa les yeux, juste une seconde, rien qu'une seconde, sur la main qui passa sous son nez. Amusée ? Vaguement. Frustrée surtout. De ne pas réussir, après tant d'années, à ranger his lil lover boy act dans le même sac que tous les crétins qu'elle avait pu voir passer, pire, de trouver ça distrayant, charmant même. De rester bien sagement derrière des limites qu'elle s'imposait toute seule, jusque dans la vanne. Il y avait toujours un moment, après la ligne de trop, où l'alarme retentissait, lui rappelant qu'il y avait une frontière à ne pas dépasser entre la vanne et le flirt. Elle n'était pas sûre, à cet instant précis, que Daniel fasse la différence. Or that he really cared about it.

I do my own laundry and may I remind you I live with a man? I think I'd know. Reagan haussa un sourcil, retenant une réflexion sur son ego qui menaçait d'éclater. And there goes the alarm, ringing in my head. Or so the song went, even if it truly had nothing to do with this situation at all. Mais elle était là, l'alerte, le réflexe bien huilé après tant d'années. Seulement elle n'avait plus guère de raison de rester tranquillement derrière la ligne, eyeroll at the ready and fake smile plastered on her face. Who said I'd want you? Ouh, le vilain, vilain mensonge. Besides, I'm truly not sure what you got to offer. The whole pretty boy thing been done before, reckon most of the competition would go down that road too and it doesn't really do it for me. If you wanna be my boy toy, just use your words. Now that would be refreshing. Elle abandonna son siège pour aller attraper son sac, ears ringing with what sounded like regrets and what the fuck did I just said, mains tremblantes à la recherche du paquet de cigarettes, réponse à toute poussée nerveuse. Gonna go for a smoke. You wanna come or stay here to choke on that hipstery shit? lança-t-elle avec un bref regard de dégoût à peine feint pour la tasse qui trônait encore sur le bureau.

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