Charlotte était excitée, quand elle s'était réveillée ce matin. Delilah venait, dans l'après-midi et ça la rendait toute chose. Bien sûr, ce n'était qu'une amie. Au grand désespoir de Charlotte qui nourrissait un crush pour cette jolie blonde, qu'elle venait voir à la pâtisserie. Et elle n'y allait que pour la voir, parce qu'elle ramenait les pâtisseries à son père. Elle ne pouvait pas les manger, mais elle pouvait voir Delilah et c'était le principal. Ça la rendait heureuse. Jusqu'au jour où elle s'était retrouvée à l'hôpital, suite à une hémorragie. Elle était sortie, puis y était retournée pour se faire retirer la tumeur. Elle avait passé beaucoup de temps à l'hôpital, peu de temps chez elle, lors de ces dernières semaines. Lorsqu'elle s'était remise de l'opération, elle avait recommencé de la chimiothérapie et s'était retrouvée épuisée. Vidée de son énergie. Elle voulait voir Delilah, mais elle n'arrivait à rien. Le traitement l'avait achevée.

Heureusement, la blondinette s'était manifestée. Au grand bonheur de la rouquine, qui s'était empressée de lui parler. Encore et encore. Elles avaient de longues discussions et Charlotte ne quittait plus son téléphone. Elles avaient fini par convenir de se voir, pour rattraper ces visites à la pâtisserie que la danseuse avait ratée. D'où l'excitation et la joie de Charlotte, lorsqu'elle s'était réveillée. Elle s'était empressée de prendre une douche, de s'habiller et de ranger l'appartement. Elle avait réussi à manger un peu, avant de se reposer. Il lui fallait de l'énergie, avant qu'elle ne vienne. Et avec tout ce qu'elle avait fait le matin, une sieste n'était pas de trop.

Lorsqu'elle entendit sonner, elle s'était changée pour un short et un tee-shirt ample, de couleur vert. Elle cachait ses formes, son corps amaigri par la maladie. Normalement, elle aurait porté un débardeur, mais elle n'assumait plus qu'on voit ses côtes. Ça la rendait plus malade qu'elle ne l'était déjà. « Salut ! », répondit-elle, en ouvrant la porte. « Ne t'inquiète pas, ce n'est rien ». Elle fit son plus beau sourire à Delilah, l'attirant à l'intérieur pour fermer la porte derrière elle. Elle était trop contente de la voir pour s'inquiéter de son retard. « Comment tu vas ? ».

Charlotte se retourna vivement, ses cheveux suivant le rythme en virevoltant autour d'elle. Elle mit une des mèches derrière son oreille et fit un léger sourire. « T'en vouloir ? Jamais », répondit-elle avec douceur. Elle n'était pas rancunière, loin de là. Surtout pour une chose aussi futile qu'un retard. Il n'y avait rien de grave, elle avait vécu pire que ça. Pour moins que ça. Alors...à ses yeux, il n'y avait aucune raison de lui en vouloir pour un retard. Elle n'avait rien fait de mal.

Dans le salon, son chaton se redressa sur le canapé pour voir ce qu'il se passait et qui venait d'entrer dans son territoire. Il fit un léger miaulement, avant de se rallonger en boule et de fermer ses yeux. Il n'avait pas l'air plus inquiet. « Va t'asseoir. Si tu aimes les chats et que tu t'installe sur le canapé, Earl Grey se fera une joie de venir s'installer sur tes genoux pour quelques caresses ». Elle posa son regard sur son chat, un regard tendre brillant dans ses yeux. Ca ne faisait pas longtemps qu'elle l'avait, mais elle y tenait déjà beaucoup. Il avait pris beaucoup d'importance dans sa vie en peu de temps.

« Tu veux quelque chose à boire ? », demanda-t-elle en se dirigeant dans la cuisine, qui était ouverte et lui permettait de continuer à discuter avec Delilah. Elle sortit des verres et en attendant sa réponse, elle lui fit un sourire. « Des pâtes à la bolognaise, j’espère que tu aimes ça ». D’un coup, elle se sentit très nerveuse. Et si elle n’aimait pas ça ? Comment allait-elle faire ? Qu’est-ce qu’elle pourrait faire ? Elle avait plein de choses dans le frigo, mais elle ne voulait pas faire de boulette. Elle ne lui avait même pas demandé si elle était végan ou végétarienne, alors qu’aujourd’hui, c’était le plus en plus rependu. Son coeur s'emballait, espérant ne pas avoir fait de boulette.

Elle mélangea sa préparation de bolognaise, écoutant attentivement Delilah parler. Son sourire s’étira. Si elle voulait partager quelque chose avec elle, c’est qu’elle l’aimait bien, non ? Elle espérait ne pas se tromper, ayant elle-même un coup de cœur pour cette blondinette. « J’ai hâte de voir ça », répondit-elle doucement.

Charlotte voyait comment Delilah la regardait, la scrutant pour voir s’il n’y avait pas de problème. Il n’y en avait aucun, d’ailleurs. Elle n’allait pas s’écrouler au milieu de la pièce ou vaciller à cause de la fatigue. Aujourd’hui, elle se sentait en forme et ça n’était pas arrivé depuis un long moment. Depuis qu’elle était malade, en réalité. Et tout s’était enchaîné : l’annonce de son cancer, le début de la chimiothérapie, les complications, l’opération, de nouveau de la chimio… jusqu’à aujourd’hui. Il n’y avait plus de trace de tumeur, mais il faudrait attendre longtemps avant d’admettre une rémission. Il y avait toujours cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Et cette manière de la scruter, ça lui rappelait qu’elle était malade. Tout le temps. Charlotte détestait ça, pourtant elle savait que ça ne partait pas d’une mauvaise attention. C’est juste que… elle n’aimait pas qu’on ait pitié d’elle, parce que ça lui rappelait sans cesse la maladie et le fait qu’elle était condamner à arrêter ce qu’elle aimait faire.

« Qu’est-ce que tu veux boire ? », demanda-t-elle, se penchant au bord du comptoir pour la regarder, sa jolie tête rousse dépassant. Elle disparut de nouveau, lorsque Delilah lui donna sa réponse, avant d’apparaître avec deux verres et de lui en donner un. Elle s’asseya à ses côtés, repliant une jambe sous elle. Il y eu un silence de quelques secondes, avant que la rouquine ne pose sa main sur la sienne avec un sourire compatissant. « Je… », hésita-t-elle un instant, ayant peur que son honnêteté ne lui fasse défaut. « Je vais bien, d’accord ? Je sais bien que je t’ai annoncé mon cancer brutalement, mais me regarder comme si j’allais m’écrouler ne m’aidera pas. Il n’y a plus de trace de tumeur et j’ose espérer qu’il n’y en aura plus jamais… Alors ne t’inquiète pas pour moi, s’il te plait. Je vais bien ». Elle pencha légèrement sa tête sur le côté, un léger sourire sur ses lèvres. Elle espérait qu’elle ne l’ait pas brusquée ou froissée dans son discours, mais elle avait besoin d’être honnête et de lui dire. Elle ne voulait pas qu’on continue de la regarder ainsi.

La rouquine se détendit, quand celle-ci approuva le plat. « Ça me rassure que tu aimes, pendant un instant je me suis dit que je ne t’avais jamais demandé si tu étais végétarienne ou vegan. Je t’avoue que j’aurais paniqué ». Elle émit un léger rire, remettant une de ses mèches rousses derrière son oreille. Pour l’instant, tout se passait bien et ça l’enchantait.

Quand Delilah se mit à parler de ce qu’elle allait faire, Charlotte se frotta les mains. « Je suis impatiente de voir ça », répondit-elle avec enthousiasme. Elle était toujours intéressée par les choses nouvelles, qu’on lui fasse découvrir ce qu’elle ne connaissait pas ou mal.