Tic, tac, tic, tac… des heures qu’elle tentait de trouver quelque chose, n’importe quoi sur les photos de ce week-end, un truc qui pourrait lui donner un indice sur qui il était, son identité, son prénom, son âge, n’importe quoi qui pourrait l’aider à faire annuler ce mariage. Le prénom, elle ne s’en souvenait pas, le certificat de mariage, elle se battait avec la ville de Las Vegas pour l’avoir, mais force était de constater qu’il était facile de se marier à Vegas, mais loin d’être simple d’obtenir les documents légaux. Ca faisait trois jours qu’elle appelait tous les jours la ville pour avoir des renseignements, trois jours qu’on lui promettait de tout lui envoyer, mais elle n’avait strictement rien.
Jahia commençait sérieusement à perdre patience, et elle avait donc décidé de sortir l’artillerie lourde et de faire appel à la meilleure avocate spécialisée en divorces qu’elle connaissait. Ofelia, c’était son amie, depuis des années maintenant, elle était même présente le fameux week-end où tout ça s’était produit, mais apparemment Jahia avait pris ses propres décisions, toute seule comme une grande, et elle n’avait pas réellement demandé l’avis de ses comparses.

La belle était motivée comme jamais et c’est à vingt-trois heures qu’elle avait envoyé un texto à son amie en lui disant : « demain, rdv à 19h au Jojo’s, mission annulation du mariage enclenchée ».
Elle n’allait visiblement pas pouvoir se débrouiller toute seule, alors elle allait trouver un autre moyen, et son autre moyen ça serait Ofelia. Le lendemain, Jahia s’était levée de bonne heure comme d’habitude, elle avait été faire un jogging pour se détendre un peu avant de commencer la journée, une douche, un café accompagné d’un cinnamon roll et elle était partie direction le cabinet. Coups de fil, emails, au bout de presque trois heures de recherches, elle était parvenue à trouver un prénom, mais Las Vegas ne lui avait toujours pas envoyé l’acte de mariage. Bon, elle allait se débrouiller autrement pour le moment. A quoi ça sert d’être un requin si on n’est même pas capable d’annuler son propre mariage ?
L’après-midi, elle la passa au tribunal à régler les affaires de ses clients. Toute cette histoire ne devait pas la dévier de son objectif : devenir la meilleure avocate en droit des affaires de la ville. Et elle le deviendrait, une fois qu’elle serait débarrassée du boulet.
Dix-huit heures trente, elle devait quitter le bureau si elle voulait être à l’heure pour son rendez-vous avec Ofelia. Se refaire une beauté, un peu de fard, une pointe de gloss, elle était prête pour se rendre au bar. Elle prit un taxi pour se rendre à Manhattan et sur le chemin, elle en profita pour appeler sa mère et lui promettre qu’elle passerait la voir le week-end prochain. Une promesse en l’air, encore une. Jahia se fraya un chemin à travers les clients du bar et croisa le regard de son amie, qui l’attendait.

Désolée, les bouchons, le retard, tu sais, l’habitude !

Elle s’approcha et l’embrassa rapidement avant de prendre place sur un siège.

Comment tu vas ?

Jahia était exténuée mais ça, on ne pouvait pas le voir sous la couche de maquillage. Ou presque, seules les vraies amies étaient capables de le voir. L’inquiétude la rongeait, ça ne faisait pas de doutes.

Jahia était arrivée dans le bar complètement submergée. Evidemment, ce n’était pas quelque chose qu’elle montrait à la face du monde. Plutôt mourir que d’accepter que les gens se rendent compte qu’elle était paniquée. Paniquée à l’idée de s’être mariée avec un illustre inconnu. Mais comment ses amies avaient-elles pu la laisser faire ? Bien sûr, ce jour-là, quand elle s’était réveillée, la bague en plastique au doigt, elle avait hurlé à la mort, hurler sur ses copines, elle n’avait rien compris à ce qui lui arrivait.
Mais elle ne devait pas en vouloir à ses copines, et puis apparemment, certaines avaient tout fait pour l’empêcher de partir avec ce gars, elle était partie avec lui malgré tout, mais la suite des événements avait été bien plus compliquée et inattendue. La jeune femme avait donc pris la décision de prendre le taureau par les cornes et de demander l’annulation de cette union. Ofelia pourrait sans doute l’aider à trouver les informations dont elle avait besoin pour retrouver son mari. Ca lui écorchait d’ailleurs la langue de l’appeler comme ça, cet inconnu. Son mari… Tu parles, elle ne connaissait même pas son prénom.

Jahia arriva dans le bar après avoir pris un taxi, elle repoussa ses longs cheveux bruns derrière ses épaules puis entra en saluant quelques personnes d’un signe rapide de la main. La belle retrouva son amie qui était déjà installée dans un coin du bar, légèrement à l’écart pour qu’elles puissent discuter tranquillement. Au moins personne n’aurait à entendre qu’elle avait épousé un inconnu. Elle sourit en arrivant mais tira rapidement la tête en voyant le verre d’eau que son amie avait commandé pour elle :

Oh c’est drôle ça, merci pour la compassion, j’apprécie.

La belle déposa son sac sur la chaise à côté de la sienne puis prit place en face d’Ofelia avant d’attraper la carte des boissons qu’elle lui tendait. Bien sûr, la vanne du verre d’eau était drôle mais elle ne se voyait pas prendre un verre d’eau pendant que son amie buvait un cocktail. Un serveur passa, elle lui commanda un Cosmopolitan avant de reporter son attention sur Ofelia.

Oh ça j’imagine bien, si tu savais les nuits de merde que je passe. Et quand je bosse pas, je passe mon temps au téléphone pour essayer de trouver n’importe quel élément qui m’aiderait à le retrouver.

Lui, le, le mari, celui dont elle ne pouvait même pas citer le nom. Elle était crevée, elle s’en voulait à mort, elle en voulait au monde entier. Et elle en voulait à ce conard qui avait probablement profité de son ébriété avancée. Assise sur so siège, la jeune femme sortit son téléphone portable de son sac qu’elle posa sur la table avant de recevoir le cocktail qu’elle venait de commander. Elle trinqua avec Ofelia avant que celle-ci ne lui demande comment se passait sa vie de femme mariée. Jahia leva les yeux au ciel avant de répondre :

Certainement pas comme je l’aurais imaginé, avec la belle robe, la lune de miel à Cuba et la belle villa avec barrière blanche. On est loin du rêve, là j’ai juste envie de me débarrasser de ce boulet.

Elle avala une gorgée de son Cosmopolitan avant de reporter une mèche de cheveux derrière son oreille. Elle était carrément dans la merde mais elle voulait croire qu’il y avait un moyen de se sortir de tout ça. Mais ça lui semblait de plus en plus compliqué, heureusement, Ofelia était douée dans son métier.

Cette rencontre avec Ofelia, c’était non seulement un bon moyen de voir une vieille copine et de discuter de cette abomination qu’elle avait réalisée sous l’emprise de l’alcool, mais c’était aussi la possibilité de discuter d’une éventuelle annulation de mariage, voire d’un divorce si les choses s’avéraient plus compliquées que prévu. C’est vrai qu’elle se sentait mal Jahia, elle passait ses journées à chercher l’information qui pourrait lui permettre de retrouver son mari, mais le fait était qu’il pouvait être n’importe où dans le monde. Après tout, Las Vegas est la capitale du jeu, des gens du monde entier viennent dans cette ville pour parier, jouer, et visiblement pour se marier avec des inconnues aussi.
Mais comme venait de le lui rappeler son amie, mettre fin à un mariage n’avait rien de facile ni de rapide. Elles allaient devoir user de leurs compétences pour pouvoir le faire et ça n’allait pas être de tout repos. Ofelia avait sans doute des filons dont Jahia ne disposait pas pour retrouver l’identité de son mari, et ça serait déjà une avancée par rapport à elle…

Je sais je sais… C’est juste que… Je comprends toujours pas comment j’ai pu en arriver à faire ça, c’est complètement aberrant.

Bien sûr qu’elle comprenait comment c’était possible : il avait suffi de beaucoup trop d’alcool et d’une décision complètement débile, elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même.
Elle s’en voulait parce qu’elle avait toujours eu de grands espoirs. Si pendant longtemps elle s’était dit que le mariage n’était pas pour elle, elle avait fini par changer d’avis, se disant que le rêve de la carrière professionnelle et de la vie personnelle, ça pouvait être pour elle aussi. Elle avait le droit aussi d’avoir un gentil mari avec une belle maison, une barrière blanche, de beaux enfants, elle avait le droit d’avoir tout ça au même titre que n’importe qui, et elle avait foutu en l’air ses chances en épousant un inconnu.

Ah c’est clair qu’il est hors de question que ça soit avec lui. Et puis t’imagines, le jour où je vais rencontrer l’homme de ma vie, il va falloir que je lui avoue que j’ai été mariée à un inconnu. La honte !

Mais Jahia avait confiance en Ofelia, elle savait qu’elle la débarrasserait rapidement de ce problème et d’ailleurs, c’était exactement ce qu’elle venait de lui promettre. Savourant la première gorgée de son Cosmopolitan, la belle ferma les yeux et sourit avant de lui répondre :

Beaucoup trop bourrées. On m’y reprendra plus tu peux me croire !

La jeune femme prit une nouvelle gorgée qu’elle savoura. Bon sang, ça lui faisait du bien de se poser tranquillement, sans avoir de dossiers à gérer au boulot ou ce genre de trucs. Juste profiter de la soirée et discuter avec une copine. Copine qui se posait la question de savoir si, éventuellement, son mari ne serait pas l’homme de sa vie. Difficile de répondre à une question quand on ne sait rien de la personne en question.

Un mec qui épouse une fille complètement bourrée, j’espère vraiment que c’est pas l’homme de ma vie. En fait j’en sais rien, faudrait déjà que je sache qui c’est pour le connaitre.

Ses sentiments étaient partagés, il n’y avait pas de doutes. D’un côté elle était curieuse de savoir qui c’était, et d’un autre côté elle avait envie de se débarrasser du problème le plus vite possible.
Quand Ofelia lui demanda si elle n’avait pas une idée plus précise de l’identité du gars ou juste une information, elle réfléchit mais la seule chose qui lui vint était tellement insignifiante…

Je crois me rappeler qu’il venait de New-York aussi… Mais c’est tellement vaste…

Autant chercher une aiguille dans une botte de foin…