|	Quiproquo ; Kiana

Le coeur qui se perd et qui vagabonde, je me demande bien ce que je vais pouvoir faire de cette soirée qui s’annonce longue, et interminable, seul face à moi-même. Mais comme un coup du sort, mon téléphone se met à vibrer dans la poche de mon jeans. Un rapide coup d’oeil jeté sur l’écran me permet de découvrir ton prénom : tu as pensé à moi, au même moment. Si c’est pas un signe du destin, qu’est-ce que ça peut bien être ? Tu me proposes de te rejoindre ce soir, dans le bar au sein duquel nous nous retrouvons habituellement. Tu sais que j’peux rien te refuser, Kiana, alors je serai là. La pulpe de mes doigts martèlent l’écran tactile et en quelques secondes à peine, tu obtiens ma confirmation. J’espère que tu dois être transcendée par la joie, un peu comme moi, à l’idée de passer une nouvelle soirée à mes côtés. Du moins, c’est ce que je me plais à penser lorsque je rentre chez moi pour me débarrasser de ces vêtements que j’ai portés toute la journée et qui sont encore imprégnés de cette odeur d’hôpital qui ne me quitte jamais vraiment, me suit comme une ombre dans chaque pièce au sein de laquelle je m’aventure.

Je me débarrasse des bouts de tissus, en enfile d’autres que je juge plus élégants, dans l’unique but de te plaire un peu plus. Je me pare d’une veste et de toutes mes belles attentes, avant de quitter mon chez moi pour te rejoindre sur notre lieu de rendez-vous. Dehors, le temps est maussade mais ce n’est qu’un détail, finalement. Parce que bientôt, je serai avec toi et à cet instant précis, c’est tout ce qui m’importe.

Je pousse la porte du bar, te cherche du regard, m’attends à te voir surgir d’un instant à l’autre de la foule mais tout ce que je vois, c’est ton corps qui se déhanche au même rythme qu’un autre. Pas le mien, celui d’un inconnu. Pourquoi tu fais ça ? Ca me contrarie. Tu le sais que ça me rend dingue ? Peut-être que oui. Tactique un peu puérile pour faire naître de la jalousie, sans doute. Mon regard se dérobe et je m’avance déjà vers le comptoir, déterminé, essayant de sortir de mon esprit cette image qui m’a tant brusqué. J’ai pas l’intention d’aller te voir, te trouver, te faire le plaisir de te laisser croire que j’en ai quelque chose à faire. Et pourtant.

Je commande un verre sans attendre et là, ta voix résonne par-dessus la musique. Je tourne la tête et t’es juste là, à un pas de moi à peine, rayonnante, comme d’habitude. Ton sourire me dévaste, comme à chaque fois.

- Je vois ça.

J’essaye de pas te montrer que je suis contrarié parce que finalement, tu ne me dois rien. J’aurais l’air de quoi si je te montrais que j’suis jaloux ? Tu me prendrais pour un cinglé, non ?

- Ca va, semaine plutôt tranquille, ça change… Et toi ?

J’veux pas que tu penses que j’suis touché en plein coeur, que cette vision de toi dansant avec un autre me hante plus qu’elle ne le devrait. Mais c’est plus fort que moi, j’peux pas m’empêcher d’y faire une allusion.

- Tu le connaissais, ce gars ?

Mon air nonchalant pourrait presque paraître crédible, mais tu me connais trop bien pour savoir que je mens.