Nana est à New-York. Tu l’as su lors d’une de tes promenades dans un quartier huppé (dans le simple but d’observer un peu les alentours), en la voyant sortir d’une boutique avec un homme à ses côtés. Pas le genre de type comme toi, non. Le genre de mec bien coiffé, avec une chemise parfaitement repassée, qui l’a regardé comme toi tu as pu la regarder dans le passé. Ce n’est pas de la nostalgique que tu as ressenti en la voyant… mais un mélange de colère et de soulagement. Soulagé de savoir qu’elle est bien vivante, qu’elle est toujours là. En colère de la manière dont elle t’a abandonné sans un mot, en te laissant avec la peur dans les tripes qui lui soit arrivée quelque chose. Tu l’as cherché pendant des mois, même des années sans aucun succès. Tu as toujours cru qu’elle finirait par revenir, tu n’as jamais perdu espoir. Jusqu’à il y a quelques années, où tu as décidé de ne plus te poser des questions. Mais cela n’a pas été aussi simple. Elle a toujours été là, Nana, dans un coin de ta tête. Où elle est ? Qu’est-ce qu’elle fait ? Qu’est-ce que lui est arrivé ? Eh bien en la voyant resplendissante au côté de cet homme, tu comprends que tu t’es inquiété pour rien. Que tout ce que tu as vécu avec elle ne signifiait strictement rien. Alors tu as fait demi-tour ce jour là, Ash. Sans ressentir le besoin d’une esclandre. Juste celui de t’isoler totalement.

Les jours sont passés depuis que tu as revu Nana. New-York est grand, pourtant tu ne peux pas t’empêcher d’avoir ce doute dans ta tête à chaque fois que tu passes le pas de la porte du théâtre. Est-ce que tu veux des explications ? Toi-même, tu n’en sais rien. Tu ne sais pas ce qui te passe par la tête lorsque ce jour-là, tu croises son regard à nouveau. Elle t’a vu, cette fois-ci. Et comme la dernière fois, tu te dépêches de faire demi-tour pour rentrer chez « toi ». Dans ce théâtre que tu continues de squatter de temps en temps. Arrangement avec le proprio qui vous convient parfaitement à tous les deux. Il faut croire que les personnes âgées t’aiment bien. Enfin bref, tu ne regardes pas derrière toi tandis que tu avances en sentant les battements de ton cœur s’accélérer subitement. Tu la détestes. Tu la détestes de t’avoir laissé sans un mot et d’être de nouveau ici. Voilà, tu sais ce que tu ressens à présent pour elle. Tu rentres dans le théâtre vide à cette heure-ci, t’adosse contre un mur en essayant de reprendre une respiration normale. Le regard rivé vers le sol, tu le relèves uniquement lorsque sa voix retentit dans le hall. « Salut... » que tu répètes en l’observant avec un sourire quelque peu moqueur. « C’est tout ce que tu trouves à dire après dix ans ? » ajoutes-tu tout en mettant une de tes mains dans tes poches. Toute la rancœur que tu ressens à cet instant s’entend dans ta voix. Nana ne peut pas faire comme si de rien n’était. Pas avec toi. Elle te demande d’attendre mais toi, tu n’as pas envie. « Donne-moi une seule bonne raison de rester là, face à toi, alors que toi… Toi, tu t’es barrée sans me laisser le temps de te demander d’attendre. ». Œil pour œil, dent pour dent. Tu n’as jamais été conciliant avec qui que ce soit, ce n’est pas maintenant que tu comptes l’être. Même si avec Nana, cela a toujours été différent. Et tu ne peux pas t’empêcher de te dire qu’elle est toujours aussi belle, que tu pourrais certainement lui demander de te rejoindre dans ta piaule. De l'embrasser. De lui faire l'amour une dernière fois. Mais c’est fini. Tu ne peux pas te laisser avoir par ses beaux yeux une nouvelle fois. Pas après tout ce temps. Pas après tout le mal qu’elle t’a fait subir.

c'est tout ce qu'elle trouve à dire, la seule chose qui accepte de sortir de sa bouche. mais, qu'est-ce qu'elle est censée lui dire nana ? qu'est-ce qu'elle est censée faire après dix ans d'absence ? dix ans sans une lettre, sans un message, pas un seul appel ? comment est-ce qu'elle est censée réparer ses erreurs ? lui dire que ce n'est pas ce qu'elle voulait mais, que c'est ce qu'elle devait faire ? pour le bien de sa famille ? pour elle ? « je.. » je ne sais pas ? elle voudrait pouvoir lui dire tellement plus, simplement le serrer dans ses bras et lui dire à quel point cette distance entre eux, cette rupture, à quel point c'était difficile de ne plus voir son sourire, de ne plus se réveiller chaque matins à ses côtés dans le grenier de ce théâtre. que tout était plus difficile sans lui mais, aujourd'hui nana est fiancée. aujourd'hui elle est promise à quelqu'un d'autre, un homme merveilleux qu'elle ne peut pas trahir.. pas même pour son premier amour. pas même pour ash, pas vrai ? et au lieu de sortir, au lieu de repartir une seconde fois, faire comme si de rien n'était encore une fois. nana reste debout face à lui, debout à lui demander d'attendre, lui demander de l'écouter, lui demander ce privilège qu'elle n'a même pas été foutue de lui accorder et il le lui rappelle bien ash. il a toujours été le seul à mettre autant de doute dans son esprit, le seul à la remettre en question, le seul pour qui elle aurait été prête à tout. pour qui elle est toujours prête à tout. mais, son silence. ce silence de mort.. ce n'est certainement pas la réponse qu'il attendait, certainement pas ce qu'il voulait. certainement pas ce dont il a besoin aujourd'hui, surtout pas venant d'elle. est-ce qu'il attend encore seulement quelque chose d'elle ? il lui tourne le dos ash, après tout.. elle aurait fait la même chose dans le cas inverse, bien trop rancunière, bien trop fière pour pardonner. et dans son esprit c'est la panique, la troisième guerre mondiale, un tsunami d'émotions toutes plus intenses les une que les autres. « je.. j'ai merdée ok ! » qu'elle balance en venant hausser la voix, ses mots qui resonnent dans ce théâtre vide et qu'elle aurait aimée garder pour elle. putain « j'ai merdée. » qu'elle répète à nouveau lorsqu'il lui accorde un nouveau regard. sans doute qu'il s'en fiche, sans doute que c'est pas ses oignons. « j'étais jeune ash, ma mère arrêtait pas de prendre contact avec moi. mon père n'était qu'un gros con et.. dans ma tête, je pensais que c'était le mieux à faire et j'avais peur ! » peur de lui dire, peur d'admettre ses faiblesses, peur de lui dire à quel point elle ressentait le besoin de revoir sa mère.. sa propre mère qu'elle insultait encore quelques semaines auparavant. nana ne voulait pas passer pour une folle mais, pire encore.. pour une petite fille fragile incapable de prendre ses propres responsabilités. « je ne savais pas comment te le dire alors.. je suis juste partie ash. parce que c'était mieux que tu m'oublies.. et que tu ne me retiennes pas.. » mieux que tu me détestes, mieux que tu ne puisses jamais me pardonner « mais, j'ai merdée ok ! » elle le sait maintenant qu'elle lui fait face pour la première fois depuis dix ans. nana sait que les choses auraient pu être différente, qu'elle aurait pu lui demander de le suivre, de recommencer une vie saine ailleurs. si elle avait trouvée seulement le courage de tout lui dire.. nana serait peut-être encore avec lui aujourd'hui.