Les talons qui claquent sur le bitume, elle se faufile dans les rues de New-York, profitant des étincelantes qui illuminent la ville. Cette période de l’année, elle est toujours la même et pourtant toujours plus belle. Elle n’a que des beaux souvenirs de Noël, Neva. Que des souvenirs festifs, heureux, scintillants. Elle n’avait que des beaux souvenirs, avant. Lorsqu’elle était enfant, lorsqu’elle était jeune fille, lorsqu’elle découvrait à peine que le monde avait déjà de grandes attentes pour elle. Noël, c’était différent, à Washington. Loin de tout. Loin de ta vie. Et avec des angoisses, encore et toujours. Les angoisses qui montent, parfois sans raison valable. Juste parce que t’es mal, Neva. Parce qu’au fond de toi, tu ne te pardonnes pas. Mais jamais elle n’avouera, parce que ce secret doit en rester un. Parce que personne ne doit jamais apprendre ce qu’elle a fait, ce qu’elle a vécu, avec la femme qui faisait autrefois battre son cœur. Ce qu'elle a vécu, lorsqu'elle est partie.
Personne. Et pourtant, perdue dans ses pensées, ce visage apparaît. Elle percute, entre en collision, de manière inattendue tant elle est inattentive. « Oh, excusez-m… » L’arrêt, net, immédiat, sur lui. Brahms. Brahms. Comment l’effacer, comment l’oublier. Les souvenirs de cette amitié défiant toutes les règles. De la princesse bourgeoise qui s’entiche de l’homme à tout faire, passionnée par la différence qu’elle voit en lui, ne jugeant ni son malaise avec les autres ni même sa maman. Mais Brahms, tu l’aimais tellement que ton cœur s’est brisé définitivement, lorsque t’as découvert qu’il était responsable. Responsable de la perte de ton amour. Responsable d’avoir contribué à ce que ton plus gros secret se retrouve dévoilé. Et elle reste plantée là, au beau milieu de la nuit, debout dans cette rue, incapable de dire quoi que ce soit d’autre. Incapable de prononcer ne serait-ce que son nom. Parce qu’il y a ta rancœur personnelle, Neva, la colère que t’éprouves envers toi-même. Mais en tombant sur lui, tu commences à ressentir cette même colère qu’auparavant. Celle contre les autres. Celle contre ceux que tu ne souhaitais plus jamais revoir.