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Je suis célibataire, depuis bien longtemps, et ça me convient amplement. Ma meilleure amie essaye de me trouver quelqu'un, je la vois, faire de son mieux pour tenter de me caser avec ses amis qu'elle connait un peu partout. Elle se creuse les méninges pour ça, mais je ne lui ai rien demandé, moi. Elle se plaint, affirme que c'est parce que je ne sais pas ce que je veux qu'elle ne trouve pas chaussure à mon pied. Ce qu'elle ne semble pas comprendre c'est que moi, j'aime ma liberté. L'amour, la vie à deux, je m'en contrefous, c'est vraiment plus une contrainte qu'autre chose, j'en suis sûre. Certains diront que si je pense ça c'est parce que je n'ai jamais vraiment eu de petit.e ami.e, mais moi, je dis que ça ne m'intéresse tout simplement pas. Et ça, ma pote a du mal à se le mettre en tête. Alors, quand, toute fière, elle m'annonça qu'elle avait trouvé la fille "idéale" pour un blind date, j'ai naïvement acceptée.

Me voilà, assise en terrasse d'un starbucks, a avoir attendu une heure sans voir la fameuse personne pointer le bout de son nez. Heureusement que c'est un thé glacé que j'avais commandé, j'aurais eu les boules de laisser refroidir une boisson chaude et en même temps, je ne me serais pas vu commencer à boire si la personne arrivait après moi. Je suis en train d'allumer ma troisième cigarette quand je croise le regard d'un homme qui me sourit. Je lui rends son rictus, tout en détournant le regard instantanément. Ca fait une heure que je scroll les réseaux sociaux, et je m'apprête à partir, il est vraiment temps. « Hein ? » Il s'est approché de moi, et j'avoue que je mets quelques secondes avant de comprendre ce qu'il se passe. Au début, je me dis que c'est un peu creepy de sa part, mais j'essaye de voir du bon dans tout le monde. En plus, il a l'air sincère. « Ouais ça va. On m'a posé un lapin. » Et je hausse les épaules, avant de souffler ma fumée toxique à l'opposé de l'homme. J'ai rien à faire ce jour-là, j'avais prévu de passer l'après-midi avec quelqu'un qui a décidé de ne pas se présenter, alors, la proposition généreuse de l'homme ne me semble pas si terrible que ça. « J'ai rien contre faire les boutiques. Faudrait même que je m'achète quelques vêtements, tu vois. » Et je prends une gorgée de mon thé glacé à la mangue, quitte à passer du temps avec un inconnu, autant que ça soit utile.

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Certains diraient certainement que l'homme en face de moi a l'air un peu bizarre, à accoster les inconnus, comme ça, en terrasse. Moi, ça m'intrigue justement. Je n'ai pas l'impression qu'il me veut du mal, au contraire, même, ce qui me fait systématiquement penser qu'il est bienveillant. « Comme tu dis, mais bon, même s'il me sort une excuse à se coucher par terre, j'ai envie de te dire que ça ne changera pas grand chose à ma vie. C'était un blind date, j'la connais même pas de toute façon. » Ce n'est pas comme si je cherchais désespérément l'amour de ma vie, non, je m'en fiche un peu, c'est mon amie qui a toujours voulu me caser avec quelqu'un. Comme si être en couple était ce qui définissait une personne, alors que moi, je suis bien aussi toute seule, pas besoin de quelqu'un avec qui se chamailler. « Merci, c'est super sympa, » que je réponds à l'inconnu alors qu'il me dit qu'il aime mon style, « je ne savais pas que j'avais un style particulier. » Mais je suppose qu'on a peut-être tous un style différent ? Les vêtements, c'est aussi un moyen pour nous de nous exprimer en tant que personne, de montrer sa personnalité au grand jour. Enfin, c'est ce qu'ils disent à la télé ou sur tiktok. Je n'ai moi-même jamais réfléchi à la question. « J'suis Daisy. » Je me présente alors, après avoir prit une nouvelle bouffée de ma cigarette.
Sa dernière phrase me fait lâcher un léger sourire, la tête légèrement inclinée. Aimé a l'air doux, calme, léger, même. C'est si rare de rencontrer ce genre de personnes que c'en est rafraîchissant. « C'est super gentil de ta part. Tu fais souvent ça ? Aller voir les gens qui ont l'air de passer une mauvaise journée sur la terrasse des cafés que tu fréquente ? » Parce que c'est étonnant, et pourtant si gentil de sa part.

En réponse à la remarque d'Aime, je hoche la tête les lèvres pincées. « Je ne l'avais jamais vu comme ça. » C'est vrai, je n'avais jamais réfléchi à la possibilité que tout le monde avait son propre style, en même temps, je n'y connais pas grand chose en matière de mode. Ne n'y connais pas grand chose en matière de... tout, de toute façon. L'homme m'a l'air atypique, sortir un peu des codes et des règles qui flottent au dessus de chacun de nous comme l'a société l'a voulu. Parce que normalement, on n'accoste pas les inconnus en terrasse du Starbucks et on ne leur propose pas d'aller faire du shopping tous ensemble. Mais Aime a l'air de s'en foutre royalement. Très franchement, j'admira ça chez une personne. « Y'a pas beaucoup d'inconnus qui me proposent des idées farfelues comme celles-là. » que je lui réponds, un sourire se formant sur mes lèvres. Je prends quelques gorgées de mon thé glacé, et hoche la tête, acquiesçant son idée suivante. « Une bonne bière après, pourquoi pas ! Je connais un super bar à Brooklyn, The Overkill, t'y as déjà été ?  » Je hausse les épaules, mais j'ai toujours ce doux sourire sur mon visage. Aime me fait me sentir bien. « Si t'aimes le rock, c'est l'endroit où aller ! » Et hop, je fais un peu de pub pour le bar d'Eryn au passage. Ne suis-je pas une superbe petite soeur ?

Discuter avec Aime me change un peu des gens que j'ai l'habitude de fréquenter. Il me fait porter un nouveau regard sur la vie, une nouvelle perspective que je n'avais pas envisagé du tout. Je hoche la tête à sa remarque, en balayant un peu mon regard autour de nous, et il a raison. Tout le monde est unique, chacun semble avoir son propre style à sa façon, et ça ne s'arrête pas qu'aux vêtements, mais aussi à leurs mimiques, leur façon de se comporter. Oui, on est tous différents, et ça rend le monde beau et intéressant. « Alors, allons-y. » Je lui souris, en commençant à me lever de ma chaise. « Ca fait pas longtemps que tu es à New York ? » je demande à l'homme alors que l'on s'apprête à sortir du café, pour se diriger vers les rues commerçantes de Manhattan. Curieuse, autant faire la discussion et apprendre à se connaître si on veut passer un peu de temps ensemble. « Payée, non, mais c'est tout comme. C'est ma soeur qui le gère, ce bar. » Et elle serait sûrement contente d'entendre que je lui fais de la si bonne publicité aux gens que je rencontre. Faut dire que s'il y a bien un endroit où j'irai pour me poser et profiter d'une bonne bière, c'est le bar d'Eryn, où l'ambiance et les gens me mettent à l'aise plus facilement que dans d'autres pubs qui se veulent trop fancy ou hipsters à mon goût. J'aime les gens simples, qui ne jugent pas les autres, j'aime ne pas avoir besoin de penser à mon image et à ce que je dégage. Et c'est sûr qu'à l'Overkill, je n'ai pas besoin de tout ça. Les rooftops trop bobos, ce n'est pas fait pour moi. Je ne dis pas que les gens qui les fréquentent sont tous des vantards qui ont fait des études d'ingé, mais je sais pertinemment que je ne serais pas dans mon élément si je mettais les pieds dans ce genre d'endroits.

Qui aurait cru que j'allais finir ma journée à faire les boutiques avec un inconnu ? Parce que pour être honnête, pas moi. Je ne suis pas du genre à faire beaucoup de lèche-vitrine, ni du genre à discuter autant avec quelqu'un que je ne connais pas. Pourtant, Aime a une façon particulière de me mettre à l'aise, il semble bienveillant et s'intéresse. Alors, je me laisse porter par la situation assez rigolote et je m'intéresse en retour au personnage. « Fière ? Pire que ça même ! Son pub marche vraiment bien, elle a une vie super. » C'est peut-être l'admiration de la petite soeur en moi qui parle, mais ma soeur, c'est la meilleure. Elle est forte, courageuse, indépendante, bosseuse... elle a toutes les qualités que je ne pense pas avoir. Toutes celles que je rêverais d'avoir. « Oui, elle est plus âgée. Elle a neuf ans de plus que moi. » C'est vrai que l'homme pose pas mal de questions, mais honnêtement ça ne me choque pas. Au contraire, ça fait du bien de voir quelqu'un s'intéresser à la personne qu'il a en face de lui. C'est si rare maintenant, tout le monde est toujours obsédé par ses problèmes, à en oublier qu'on n'est pas seuls au monde. « Pas de problème, je te le dirais. » Et il peut me croire quand je lui dis ça, parce que je suis vraiment le genre de personne qui osera s'exprimer quand quelque chose me met mal à l'aise. Je ne sais pas me taire quand c'est comme ça, je pense que j'ai été assez attaquée dans ma vie pour savoir me défendre, maintenant. « Mais pour l'instant tout va bien, » je le rassure, « c'est rafraichissant. »

Il me fait entrer dans une petite boutique dans laquelle je n'aurais jamais mis les pieds sans lui, et me montre une robe qui n'a rien à voir avec ce que j'ai l'habitude de porter. Je la regarde un moment, cherchant la réponse à sa question. Est-ce que je devrais sortir de ma zone de confort, pour une fois et tenter de nouvelles choses ? Il semblerait que ça soit le moment parfait pour faire ça, justement. « Je... je pense que je vais te laisser carte blanche. » Je ne lâche pas la robe qu'il a dans ses mains des yeux, parce que je n'arrive pas du tout à me visualiser là-dedans. Mais pourquoi pas ? Qu'est-ce qui m'empêcherait de posséder quelque chose de ce style là ?

« Tu ne m'embêtes pas. » Au contraire, même, si tu veux mon avis. Tu fais de ce qui aurait dû être pour moi une après-midi de lose totale après m'être fait poser un lapin une journée rafraîchissante, qui change totalement de mon quotidien ordinaire. Comme quoi parfois, il faut que quelque chose de pas très cool se passe pour qu'une autre plus sympa en découle. Ben oui, Aime ne serait pas venu me parler si la personne qui avait ce blind date avec moi avait décidé de pointer le bout de son nez. « Et toi, tu as de la famille ? » je lui demande, parce que la sympathie de l'homme me donne l'envie de m'intéresser à lui, d'en apprendre plus sur sa personne.

« Ah, ben comptes sur moi là-dessus. » Parce que même si je te donne carte blanche, ça ne veut pas dire que je vais me forcer à essayer des choses qui me mettraient mal à l'aise. J'aime bien mon petit confort quand même, et bien que je décidé de bousculer un peu mes habitudes aujourd'hui, faut pas abuser non plus. Je jette un oeil dans le magasin moi aussi, mais je prends aucun article de moi-même. Je veux voir ce que Aime lui décidera de me faire essayer, parce que ça m'intéresse, ce que quelqu'un de totalement extérieur comme lui pourrait me voir porter. Alors qu'il me tend plusieurs tenues, il me complimente, et je souris largement, peu habituée à recevoir ce genre d'agréables commentaires. On m'a plus souvent dit "tu fais pas assez gracieuse" ou "t'es trop nonchalante, Daisy" que "tu as un joli sourire". Ca fait tellement de bien d'entendre ce genre de choses. « Wow merci beaucoup. T'es vraiment quelqu'un de direct toi, j'aime bien. » Je préfère largement ça aux personnes hypocrites ou à celles qui préfèrent cacher ce qu'elles pensent. « Je dois essayer tout ça du coup ? T'as trouvé ton bonheur ? » Je demande en riant légèrement à la vue des multiples cintres qu'il me tend alors que je les prends dans mes mains.