Depuis peu, ma vie est de nouveau un pur cauchemar. Je ne comprends pas ce qu’il s’est passé. Pourquoi le juge Stewart m’est tombé dessus comme ça. Ça n'a strictement aucun sens. Je n’ai rien fait. Oui, bon, j’ai tout à fait conscience que cette phrase tient de la défense d’un enfant de dix ans mais tout de même ! C’est la vérité !

- Qu’est-ce que tu comptes faire ?
- Qu’est-ce que tu veux que je fasse, au juste ? Il m’a totalement ba*sé, maman !
- Ton langage, Solveig !
- Oui...pardon. Bref, tu as compris ce que je veux dire.

Je ne sais même pas pourquoi j’ai appelé ma mère. Je ne le fais jamais. Pour rien. C’est Aleksej qui m’a forcé à la prévenir quand on m’a parlé de ma maladie, c’est dire. Pourtant, hier soir, une fois que j’avais eu ma “conversation” avec mon compagnon, j’ai attrapé mon iPhone et j’ai appelé ma mère qui, certainement choquée de voir mon nom apparaître sur son écran, a décroché dans la seconde.

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Aujourd’hui, rien ne va mieux et le pire c’est que tout le monde le sait. Quoi ? Ce n’est pas comme si ce genre de nouvelle n’allait pas faire le tour des bureaux concernés en moins de 24 heures. J’ai été convoquée dans le bureau de mon supérieur qui m’a demandé ce qu’il s’était passé. J’ai joué la carte de la sincérité : je n’en sais rien. A l’heure actuelle, je ne connais toujours pas les raisons qui ont poussé le juge Stewart à me flinguer.

Il est midi, je n’en peux plus mais je me dois de tenir bon. J’ai un déjeuner de prévu depuis longtemps avec William et je ne vais certainement pas me défiler. Surtout quand on sait qu’il est à l’hôpital. Ce crétin a failli finir explosé par une grenade. Pourquoi ne pas annuler, me direz vous. Tout simplement parce que William est mon ami et qu’on ne met pas des plans carotte à ses amis juste sous prétexte que ces derniers sont à l’hôpital. Au contraire, dans ce genre de situation, on fait tout pour rester auprès d'eux. On peut dire que la vie vient de lui mettre un gros coup de batte de baseball en pleine tête. Ça ne serait donc pas juste pour lui que je le laisse tomber.

Quand je quitte le bureau, personne n’a l’audace de m’en empêcher. Fort heureusement pour eux, ils ont encore l’intelligence de savoir la boucler quand il le faut. Ici, tout le monde sait ce qu’il s’est passé autant que le fait que William est mon ami.

C’est un moment après que j’arrive enfin au Richmond Medical Center avec de quoi manger (tout en espérant que Will puisse avaler quoique ce soit d’autre qu’un truc hospitalier infâme…), je demande le numéro de sa chambre qu’on me donne avec les indications pour m’y rendre. Une fois devant la porte de la fameuse chambre, je prends une profonde inspiration et toque doucement contre la paroi. Ce n’est que quelques secondes plus tard que j’ose finalement passer ma tête pour le voir, allongé là, dans son pauvre lit d’hôpital.

- Tu sais, tu n’es pas obligé de jouer avec des grenades pour que je vienne te voir. Fais donc dans la sobriété la prochaine fois, ducon.

Oui, j’ai eu peur. Comme tout le monde, je pense.

William aurait préféré être partout sauf à l'hôpital en ce moment. Il n'aimait pas être le centre de l'attention. Il aimait être celui qui s'occupait des autres, pas être le contraire. C'était la première fois qu'il se retrouvait blessé au combat si on peut le dire ainsi. Qu'il devait prendre une pause. En plus, ça tombait au moment ou il venait à peine d'accepter ce nouveau rôle, qui comportait un peu plus de risques. Il se souvenait encore d'avoir fait la promesse à sa jeune soeur, Bri que tout irait bien. Qu'il était formé pour ne pas être blessé et voilà qu'il se retrouvait blessé par une grenade. Il avait revu cette scène des milliers de fois dans sa tête. Tenté d'analyser ce qu'il aurait pu faire différemment. La réponse à tout ceci était simple. Il n'aurait pu rien faire. La personne avait sortie une grenade qui venait de nulle part. Personne ne pouvait savoir qu'il allait sortir ceci de sa poche. L'homme savait qu'il devait se rendre et il avait choisi la solution facile. Celle du suicide. William s'en était sorti pas si mal, vue l'étendu des dégâts. Ses deux collègues étaient aussi vivants. L'un deux était dans un salle état, mais il allait s'en sortir. William avait eu quelques lésions internes, mais d'ici quelques semaines, il devrait pouvoir reprendre le travail. Son cardio allait en prendre un coup. Il ne pourrait plus courir comme il le faisait avant de si tôt, mais l'important était qu'il ne devrait pas trop avoir de séquelles à long terme.

Will rêvait qu'on lui ramène quelque chose qui n'était pas de l'hôpital. Il espérait pouvoir obtenir son congé d'ici quelques jours pour cette raison. Retrouver de bons petits plats, sa propre salle de bain et surtout son lit allait lui faire le plus grand bien.

Will était concentrer à échanger quelques messages sur son téléphone regardant la télévision du coin des yeux lorsqu'on toqua à sa porte. Il ferma aussitôt la télévision et un grand sourire se posa sur son visage lorsqu'il aperçu la tête brune de son amie. Il put s'empêcher de rire, hochant de la tête.

Pour le coup, je n'aurais pas pu faire mieux pour avoir l'attention de tous et prendre une peu de vacances.

Il prit une petite pause.

J'aurais préféré un tout inclus avec une plage et quelques étoiles supplémentaires.

Mieux valait mettre une peu d'humour dans la situation. Il fit signe à Solveig de s'asseoir.

Je crois qu'on a assez parlé de moi. Dis-moi plutôt comment tu vas.

Will avait l'impression de devoir raconter son histoire à tout le monde. Il préférait de loin avoir des nouvelles du monde extérieur que devoir pour un millième fois, parler de sa personne et de son état de santé qui semblait stable malgré la situation. Son coeur battait toujours, il avait ses deux jambes et ses deux bras et il n'était pas prêt de mourrir de si tôt.

Le simple fait que William soit en mesure de me répondre sur le ton de la rigolade lève un poids terrible que j’avais sur le cœur. Je savais qu’il allait “bien”, mais le constater de moi-même me fait un bien phénoménal.

- Tiens, dis-je à l’homme en prenant place dans le fauteuil mis à disposition dans la chambre d’hôpital avant de lui tendre un sac dans lequel se trouve la nourriture fraîchement achetée.

Il veut savoir comment je vais mais je ne trouve pas particulièrement juste de me mettre sur le devant de la scène alors qu’il est celui qui se trouve à l’hôpital. Mon froncement de sourcils traduit sans doute mon hésitation.

- Tu devrais plutôt te concentrer sur toi, tu en as conscience au moins ?

Vu le regard que l’homme allongé me lance, je comprends vite que je ne pourrais pas me défiler aussi aisément que je le souhaiterai. Ce n’est qu’après une profonde inspiration que j’ose enfin me lancer.

- C’est pas la joie, j’imagine.

Et encore, c’est un euphémisme.

- Le juge Stewart m’a fait virer du barreau de New York. Si j’avais espéré un jour pouvoir de nouveau pratiquer ici, mes rêves sont officiellement réduits en poussière.

Je lance un petit sourire timide à William pour lui faire comprendre à ma façon que je m’en remettrai mais qu’il me faudra quelques semaines pour accuser le coup. Remettre mon rôle d’avocate n’était pas dans mes plans tant je souhaitais me faire petite mais à bien y réfléchir, rien ne dit que je n’aurai jamais voulu retrouver les tribunaux un jour. La question ne se pose plus. Du moins, pas tant que je vivrai ici.

William prenait tout ceci avec un peu d'humour, mais au fond, on savait tous que ça n'avait pas été facile. Il venait tout juste de commencer ce nouveau boulot et il avait déjà passé à un cheveux d'y passer. Son nouveau boulot était différent. Il aimait bien l'action, mais ça comportait un peu plus de risque et moins d'un mois plus tard, il se retrouvait déjà sur la touche. Bon pour le coup, personne n'aurait pu prévoir que l'homme en question allait sortir un grenade.

Solveig lui tendit un sac.

Ohhh merci! Ça sent très bon tout ça. Je ne sais pas si tu le sais, mais je t'aime là maintenant.

Il n'avait pas mangé un repas autre que ce que l'on lui rapportait à l'hôpital depuis quelques jours maintenant. Les repas était comestible, mais ça ne pouvait pas égaler les repas que l'on pouvait trouver dans des bons restaurant et un repas fait maison.

Will fronça des sourcils.

Oui, mais quant à être pris dans ce lit à te raconter ce que tu sais déjà, mieux vaut prendre de tes nouvelles non?

Vue la tête de Solveig, il se passait un truc dans sa vie. Encore plus après l'euphémisme qu'elle lui sortit. Will la regarda avec des points d'interrogations dans les yeux, comme s'il attendait la suite.

Quoi? Will était un peu surpris. Il avait l'impression d'avoir manqué quelque chose. Je suis sincèrement désolé Solveig. Il n'y a pas moyen de te battre contre cette décision? Qu'est-ce qu'il s'est passé

Will haussa des épaules.

Au moins, tu peux tout de même rester consultante. Mettre de nouveau les pieds devant les tribunaux n'était pas trop dans tes plans d'après ce que je me souviens mais tout de même, je suis désolé

Ne pas vouloir quelque chose et ne plus y avoir droit, c'était deux points totalement distinct. Will connaissait tout de même Solveig. Il savait que malgré tout, elle se retrousserait les manches et irait de l'avant, mais c'était tout de même un peu nul tout ça.

Ce n’est nouveau pour personne, je n’aime pas être le centre de l’attention. Surtout quand j’ai un ami actuellement dans un lit d’hôpital après avoir échappé à la mort de peu. Pourtant, cela ne semble pas arrêter William qui est bien décidé à en savoir plus sur ce qu’il m’est arrivé récemment. Il y a tant de choses et, finalement, comparé à ce qui lui est arrivé, tout me semble ridicule. Probablement parce que ça l’est.

– J’en sais rien… Il m’avait dans le viseur depuis des mois, j’aurai dû le voir venir. Aleksej a voulu essayer d’arranger les choses mais au final, à quoi bon ?

Comme le souligne très justement William, je n’avais pas pour ambition de retourner dans des tribunaux mais le fait qu’on m’ait retiré cette possibilité me gêne. On a (encore) décidé pour moi et je trouve ça particulièrement injuste. Aussi, le fait que ce soit un homme qui ait pris cette décision m’énerve d’autant plus mais nul besoin de m'appesantir là-dessus.

– Non, non c’est vrai. J’ai tiré un trait sur ma carrière en tant qu’avocate.

Je n’ai plus trop le choix, de toute manière, maintenant.

– Ils t’ont dit quand ils te relâcheraient ?

Les séjours dans les hôpitaux, personne n’en est véritablement fan. Parce que je connais le bétail alité, je sais qu’il va vite se montrer dur avec le personnel hospitalier car il ne voudra qu’une chose : rentrer chez lui. Oh, il ne sera aucunement méchant. Ce n’est pas dans sa nature. Mais il va vite faire comprendre à tout un chacun qu’ici, ce n’est pas chez lui et qu’il ne compte pas y rester éternellement.

– Non parce que j'aimerai tout autant qu'on mange en terrasse sur la 5e, la prochaine fois.

Solveig était tout comme sa petite personne. Elle n'aimait pas être le centre de l'attention. William en avait marre de parler de son accident et de ce qui était arrivé. Il en avait pour une longue convalescence qui allait duré quelques mois. Il allait devoir trouver le moyen de s'occuper. S'intéresser à la vie de ses amis et rattraper le temps perdu était une bonne occupation non?

Alors c'est une peine perdu d'après ce que je peux voir. Je suis vraiment désolé Solveig.

William hocha des épaules.

Au moins vois le bon côté des choses, tu reste malgré tout la meilleure des consultantes et je sais que malgré tout, tu trouveras le moyen de retomber sur tes pattes comme tu le fais toujours.

Mieux valait être optimiste non? Les coups dures étaient toujours fait pour se relever encore meilleur par la suite. C'était tout comme si William était devenu un sage. C'était surement ce lit d'hôpital ou la médication qui lui montait un peu à la tête.

Solveig lui demanda quand il pensait sortir de l'hôpital. C'était la question que lui-même se demandait en ce moment. Il espérait que ça soit très bientôt.

Le docteur m'a dit que d'ici une semaine je devrais être de retour dans mon lit et je dois t'avouer que j'ai plutôt hâte. La blouse bleu ne va pas avec mon teint

Will sourit vite fait. Mieux valait être un peu rigolo non? Will s'était un peu montré impatient avec sa sorti, mais il savait tout de même que le personnel hospitalier voulait son meilleur.

Et on pourra faire ça. Je te le promet.

Il ne disait jamais non à manger en bonne compagnie, encore plus sur une terrasse et ce, peu importe l'endroit.

– Je trouve que tu portes très bien la blouse bleue, mon cher.

Oui, je mens mais je ne vais tout de même pas en rajouter une couche en lui disant qu’il a une sale gueule. Ce n’est vraiment pas le moment. Bien-sûr, il me connait assez pour savoir que je n’ai pas été totalement honnête sur ce coup-là mais je pense qu’il me pardonnera sans trop d’effort.

– Quelqu’un d’autre que moi est venu te voir depuis que tu es là ?

En vérité, je me force à poser la question de façon la plus vague possible parce que je n’ose pas prononcer le nom de celle qui, je crois, reste ancrée dans l’esprit du blond. Impossible de le blâmer, je n’arriverai pas à me retirer Aleksej de la tête non plus à sa place. Finalement, de cette histoire, je ne connais que les grandes lignes parce que je me suis toujours dit que tout ceci ne me regardait pas. J’aime le peu d’amis que j’ai mais il est vrai que j’ai beaucoup de mal avec l’idée de m’immiscer dans leur vie privée. Pourtant, ce n’est pas faute de me répéter à longueur de temps que poser des questions à ce sujet-là n’a rien à voir avec le fait de s’immiscer mais bon… J’ai la tête dure, visiblement et certaines habitudes que je ne parviens pas à changer. Paraît-il que cela ne va jamais en s’arrangeant, surtout lorsqu’on prend de l’âge. Malheureusement pour tout le monde, je ne vais en rajeunissant non plus.