eva regarde sa montre en soufflant. tim est tout excité tandis qu'elle traine des pieds, peu pressée d'arriver à destination. elle qui comptait se reposer et surtout se détendre entre les deux services de la journée, c'est raté. si elle n'était pas superstitieuse, elle maudirait son fils d'avoir oublié le livre qu'il doit rendre à l'école le lendemain chez la pire personne qu'elle ait trouvé pour le garder. enfin la pire personne, ça ce n'est que son avis, tim lui a adoré adrian. et ça, eva ça l'énerve encore plus. parce que tim n'a pas cessé de lui rabattre les oreilles avec adrian par-ci et adrian par-là. elle, elle le trouve bizarre avec son air peu avenant qui donne l'impression qu'il se fout de tout et de tout le monde. elle n'a toujours pas compris ce que son fils et elior lui trouve. au moins elle le voit, au mieux elle se porte, un peu comme un voisin chelon que l'on évite au maximum. si cela ne tenait qu'à elle, cette histoire de livre aurait attendu mais ce n'est  pas sûr que la maîtresse de tim soit du même avis. en plus, elle n'est pas franchement de bonne humeur eva, cela fait plusieurs nuits qu'elle ne dort quasiment pas et elle se sent prête à craquer. une fois devant l'immeuble, elle souffle une nouvelle fois. « tu fais vite, d'accord. » marmonne-t-elle à tim. elle entre à la suite d'une jeune femme, tant pis pour l'interphone, adrian la verra bien arriver devant sa porte. il a intérêt à être là d'ailleurs, hors de question qu'elle se soit déplacée pour rien. oui, elle aurait pu appeler avant de venir mais impossible de remettre la main sur le numéro...

une fois devant la porte, elle n'a pas le temps d'afficher un visage calme que tim appuie déjà sur la sonnette. le monde entier se ligue donc contre elle aujourd'hui... à peine la porte s'ouvre que son fils s'empresse de saluer adrian en lui enlaçant la taille « adriaaaaaaan ! ». eva se retient de justesse de se pincer l'arête du nez et affiche un sourire si faux qu'elle n'espère même pas le convaincre. « salut, tim a oublié un livre de l'école chez toi, il peut entrer le récupérer ? »

Le retour de Monaco était plutôt dur pour le barista. Parce qu'il se rend compte qu'Elizabeth lui manque plus que de raison, parce que le décalage horaire l'assomme plus qu'il ne le voudrait. Tant de facteurs qui le mettent de mauvais humeur dès le matin, et cette sensation d'agacement ne parvient pas à le quitter quand il range son appartement, un dessin d'Adam qui était posé nonchalamment sur le plan de travail qu'il accroche sur son frigidaire, ce qui lui décroche un sourire parce qu'il visualise un t-rex et un autre dinosaure dont il a oublié le nom. Tonton T-rex. Il secoue la tête et se fait couler un autre café alors qu'il manque de se prendre son balai sur le coin du nez et il fait chauffer l'émousseur de lait présent sur le plan de travail pour se faire un latte, pas envie de café noir. Envie d'une cigarette. Il sort par la fenêtre et s'installe sur l'escalier de secours pour s'en griller une, les pensées encore bien trop endormie pour pouvoir réfléchir correctement. Heureusement qu'il a prit sa journée, parce qu'il n'aurait pas été capable de faire des ventes correctes et il aurait sûrement été un piètre manager. Le combo ultime pour faire regretter sa décision au grand patron. Alors qu'il est en train de fuer une nouvelle bouffée, il entend la sonnerie fuck prononce t-il à voix basse avant de rentrer dans l'appartement, réajuster son tee-shirt qui avait à moitié décidé de se faire la malle et il ouvre la porte en passant une main dans ses cheveux et il n'a pas prévu de recueillir une tornade dans ses jambes, ce qui le fait passablement rire alors qu'il se baisse à la hauteur du petit garçon « Salut buddy ! » rit-il en lui offrant un câlin avant de se relever face à la mère du petit garçon, un sourire poli sur le visage. « Bien sûr ! » s'exclame t-il avant de se décaler pour les laisser entrer tout les deux. « Tim, ton livre doit être sur le côté du canapé ! Tu as même le droit de faire une caresse à Buzz qui est parti dormir sur le lit si tu veux » explique t-il avant de refermer la porte une fois que la mère du petit garçon est entrée dans l'appartement. « Est-ce que tu veux un café quelque chose ? » La moindre des politesses est de lui proposer de boire quelque chose, même s'il sent que la tension est électrique. « Je dois avoir un peu de frais dans le frigo, mais pas grand chose, il faut que j'aille faire des courses. » Mais il avait au moins le strict nécessaire.

eva affiche à nouveau un air neutre. il faut qu'elle se contienne, sa mauvaise nuit ne peut pas l'affecter autant. elle doit apprendre à relativiser et ne pas laisser ses problèmes empiéter sur ses relations sociales. plus facile à dire qu'à faire avec un restaurant où rien ne se passe comme prévu, un deuil qui n'en finit plus et un enfant à élever seule. un sourire légèrement plus avenant que le précédent étire ses lèvres face à la joie de tim alors qu'adrian l'invite à entrer dans l'appartement. elle regarde son fils se précipiter vers le chien, elle l'entend rire et ça l'aide à se détendre un peu. mais sans la présence de tim entre elle et adrian, l'ambiance est étrange, elle ne se sent pas vraiment à sa place face à cet homme qu'elle ne connait finalement pas mais qu'elle a décidé de ne pas apprécier pour autant. elle redescent sur terre lorsqu'adrian lui propose quelque chose à boire. elle se râcle la gorge avant d'hausser maladroitement les épaules. « un café, ce sera très bien, merci. » finit-elle par répondre plus sincèrement. eva joue avec le paquet de cigarettes qui traine dans sa poche alors qu'elle prend le temps d'observer la cuisine tout en cherchant quelque chose d'intéressant à dire. le silence devient gênant et elle n'a aucune idée de la façon qui serait la plus appropriée pour le briser. elle peut entendre tim parler au chien sans comprendre ce qu'il dit. elle essaye de ne pas se focaliser sur les minutes de sa pause qui sont en train de défiler un peu trop vite à goût. bientôt il faudra retourner au restaurant et subir à nouveau la mauvaise humeur et la pression de ses collègues tout en languissant la fin du service. elle soupire discrètement, du moins elle espère être discrète. « et sinon, ça va toi ? » demande-t-elle finalement à adrian afin d'entamer la conversation le temps que tim retrouve son livre.

Adrian, à l’origine, n’était pas très attiré par les enfants ou du moins,il ne se sentait pas à l’aise avec eux. Non pas parce qu’il pensait mal fait mais parce qu’il avait peur de l’image qu’il pouvait leur renvoyer. L’image de l’alcoolique fini, qui titube et qui cherche à tout prix à avoir sa dose d’alcool pour vivre décemment. Il ne voulait pas imposer ça à un enfant, il ne voulait pas imposer ça à un petit être qui n’a rien demandé, mais depuis qu’Adam est arrivé dans sa vie, il veut bien faire, peut-être qu’Adam est arrivé dans sa vie à un moment opportun, quand il venait de sortir de sa réhab, quand il avait l’impression que tout le monde lui avait quasiment tourné le dos, quand il avait l’impression qu’il allait devoir se battre tout le temps, pour lutter contre cette addiction, contre cette maladie qui le rendait fou. Et qui avait failli lui faire perdre sa soeur. Et maintenant, il y avait Tim qui était venu se greffer à sa sphère des enfants qu’il connaissait et il était plutôt heureux parce qu’il appréciait vraiment ce gosse, bien que la mère ne semblait pas l’apprécier vraiment. Mais Adrian ne s’en préoccupait guère. Il levait un pouce en l’air quand elle parlait de café et il s’activait en face du percolateur, pour lui préparer un café et il faisait chauffer l’émousseur de lait, pour rajouter un peu de lait si elle le désire, il lui sert une tasse et rajouter le lait dans un récipient spécial pour qu’elle se serve avant de rire quand il entend Tim. Il la regarde du coin de l’oeil, et fronce les sourcils quand il l’entend soupirer, il se demande si c’est à cause de lui, mais il ne lui en tient pas rigueur et il boit une gorgée de café, avant de lui répondre « Oui, je vais bien, merci et toi ? Tu sembles… agacée ? » demande t-il, essayant de sonder ce qu’elle pense. « Je reviens de Monaco, je suis allé voir ma… copine, et j’avoue que le jet lag est en train de me tuer sévère, mais je résiste, je reprend le boulot demain. » Il ne sait pas vraiment pourquoi il lui raconte sa vie, mais il essaie de lui montrer qu’il n’est pas quelqu’un de mauvais ou même quelqu’un de méchant. « Si jamais tu as besoin de parler, n’hésite pas, je sais qu’on a sûrement commencé sur de mauvaises bases, mais ça ne me dérange pas d’essayer de recommencer. »

eva observe adrian lui préparer un café. un instant, elle admire l'aisance que l'habitude confère à ses geste. elle le remercie en récupérant sa boisson avant d'y tremper ses lèvres. toujours gênée, elle cherche quoi dire, tout ferait l'affaire, seulement rien ne vient. elle n'est pas à sa place dans cet appartement alors qu'elle entend tim parler au chien. elle sait qu'il n'a pas commencé à chercher son livre, elle connaît son fils par cœur. elle sait aussi qu'il adore les chiens mais elle n'a pas le temps, ni malheureusement l'énergie pour lui permettre d'en adopter un, alors elle ne veut pas trop le presser, pas tout de suite. de plus, ce serait terriblement impoli vis-à-vis d'adrian à qui elle doit déjà donner l'impression d'être une connasse hautaine avec son air froid qui lui permet de dissumuler légèrement son épuisement. « hum... désolée... » fait-elle en se raclant honteusement la gorge alors qu'il lui signale qu'elle semble agacée. il enchaîne avant qu'elle ait le temps de se justifier. si elle est surprise qu'il parle de lui, elle tente de ne rien laisser paraître. après tout, c'est peut-être la première fois qu'ils entament une réelle conversation. elle sent un vrai sourire, un sourire sincère cette fois, passer la barrière de ses lèvres alors qu'adrian lui propose de parler et surtout de reprendre leur relation quasi inexistante sur de nouvelles bases. que sait-il d'elle ? que sait-elle de lui ? rien, mais il n'est sans doute pas trop tard pour rectifier le tir se dit eva. c'est pour tim tente-t-elle de se convaincre, pour que deux adultes qu'il aime ne se détestent pas. mais dans le fond, elle doit avouer qu'il a piqué sa curiosité en hésitant avant de prononcer le mot copine et en mentionnant monaco. « oui, tu as raison, on devrait repartir sur de bonnes bases. » confirme-t-elle. surtout parce que je n'ai aucune raison valable pour ne pas t'apprécier pense-t-elle en se retenant de lever les yeux au ciel. bon sang, il faut vraiment qu'elle se détende. elle plonge à nouveau les lèvres dans sa tasse avant de secouer la tête pour se reprendre. « excuse-moi, je manque vraiment de sommeil en ce moment. c'est une... phase... un peu compliquée... ». comme si ce n'était qu'une phase... « ce café était vraiment le bienvenu ! » ajoute-t-elle dans un nouveau sourire. plus tard peut-être elle parlera de sa vie. « tu reviens d'un voyage en europe alors ? je ne peux qu'approuver la destination. » elle rit doucement. « ta copine est monégasque ? » demande-t-elle par dessus sa tasse. « on ne va pas rester longtemps avec tim, on va te laisser te reposer, je sais que le jet lag est assez violent. »

Adrian n’est pas franche ment l’homme le plus compliqué de la vie et il aime à peu près tout le monde qui n’est pas son beau père. Et il sait bien, il voit bien qu’Eva semble ne pas l’apprécier mais il s’en fiche. Après tout, il n’a rien à se reprocher, il n’a rien fait et ne fera jamais rien qui lui donnera l’opportunité d’alimenter le ressentiment qu’elle a à son égard. Quand elle s’excuse, Adrian ne trouve rien de mieux que d’hausses simplement les épaules avant de rajouter « Tu n’as pas à être désolée tu sais, on a tous nos bons et nos mauvais jours. » Adrian y connaît quelque chose. Quand il était dans un pire état que celui cî, il les comptait les jours sans. Les jours où tout ce qu’il avait en tête c’était de boire à outrance jusqu’à oublier son nom, son prénom et tout ce qui s’en suit. Alors il en connaît un rayon, lui et ses casseroles. Comme pour lui prouver qu’il ne lui en veut pas, il continue à parler pour que le silence ne la gêne pas. Il était soulagé qu’elle accepte de repartir sur de bonnes bases et serait presque capable de lui tendre la main pour sceller cette phrase. Il avalait une gorgée de sa propre boisson chaude et il la regarde quand elle lui parle d’Elizabeth, Adrian secoue la tête « Non, elle est américaine, mais elle est pilote de F1 alors elle voyage régulièrement... J’ai eu des jours pour aller voir le Grand Prix de Monaco, et donc voila. » Il n’avouera pas qu’il avait eu l’impression que son cœur allait s’extraire de sa poitrine un nombre incalculable de fois à cause des virages en tête d’épingle mais il lui avait dit l’essentiel en tout cas. « Oh oui je déteste le jet lag mais je préfère reprendre rapidement le rythme parce que je dois bosser demain alors autant te dire que je vais carburer au café » explique t’il en riant avant de boire une nouvelle gorgée de café. « Tu es européenne ? » ose demander le barista, parce qu’au fond il ne la connaît pas si bien. Buzz qui arrive en courant avec Tim a ses trousses fait rire Adrian avant qu’il ne secoue la tête « Ma sœur est allé se perdre à Londres alors il faut croire que l’Europe n’en a pas fini avec moi visiblement.