Ton plus gros problème à l’heure actuelle ? Quand vous pensez magazine féministe, vous pensez à quoi? J'imagine, si vous êtes une bonne personne, que vous imaginez une bande de nanas travaillant d'arrache-pieds sur des contenus inclusifs et innovants, de superbes photos qui ne s'inclinent pas face au male gaze, des critiques fines d'artistes féminines émergentes, des conseils lecture au top… Et évidemment, c'est tout ça et bien plus encore. Mais c'est aussi un loyer astronomique à payer pour des locaux à Manhattan qui nous donne un semblant de crédibilité, des deadlines toujours plus serrés, une impossible gymnastique éthique entre la nécessité de faire de la publicité et l'impossibilité de promouvoir des marques néfastes pour la planète ou dont le C.E.O a fait une sortie transphobe. Il faut aussi payer les gens, payer ses propres factures, essayer d'avoir une vie sociale. A New-York. Donc ouais, je dirais que mon plus gros problème à l'heure actuelle c'est de trouver comment vivre de façon responsable et bénéfique dans une société qui ressemble de plus en plus à une dystopie capitaliste patriarcale. Et toi, ça va?

Une addiction à déclarer ? (Le café et les réseaux sociaux comptent aussi bien entendu on est là pour être honnêtes). La réponse est dans la question précédente je suppose, je suis un poil accro à mon travail. Et, par extension, au café, qui me permet de me lever le matin et de faire mon travail. Mais j'ai arrêté de fumer et je ne vais sur Instagram que pour le boulot. Même si du coup, c'est souvent au réveil ou à une heure du matin quand j'arrive pas à dormir. Ecoute, on fait ce qu'on peut dans la vie hein, j'ai résisté mes prédispositions génétiques pour l'alcoolisme et la dépression, c'est déjà pas mal.

Comment s’est terminé ta dernière relation ? Ma dernière relation sérieuse date probablement d'avant mon arrivée à New-York et cela remonte maintenant à quelques années… A la surprise de personne, un déménagement sur la côté opposée, ça fait du mal à une relation. Et depuis que je suis ici, j'ai passé tellement de temps à construire le magazine, à essayer de me faire des ami.e.s fiables que je n'ai pas franchement eu le temps de me consacrer à mes relations amoureuses. Chaque chose en son temps, pas vrai?

Le dernier texto que tu as envoyé ?"Tu es en de ton article? Appelle-moi s'il te plaît."

Ta relation avec tes parents on en parle cinq minutes ? Hmm, ok, mais cinq minutes alors. Mes parents sont mariés depuis 38 ans et se connaissent depuis l'enfance, c'est un couple on ne peut plus typique de la classe moyenne du New Jersey. Mon père est chef de chantier, ma mère faisait des ménages et de la garde d'enfants au black en plus de s'occuper de nous - j'ai un grand frère et deux petites sœurs - et dépend donc entièrement de mon père pour sa retraite, ce qui n'est pas un scénario idéal. Mais bon, ils s'entendent encore bien - même s'ils gueulent souvent, mon père est d'origine irlandaise et ma mère italienne, on ne fait pas dans la délicatesse quand il s'agit d'exprimer ses émotions - et ils nous ont élevé avec amour. Mon coming-out n'a pas été la meilleure expérience de leur vie, ni de la mienne, mais ils s'y sont faits et maintenant que ma mère a appris que les lesbiennes peuvent avoir des enfants, elle ne lâche pas son rêve de voir toute sa progéniture se marier et se reproduire. C'est mes parents quoi, je les aime, mais des fois je ne réponds pas au téléphone quand je vois qu'ils m'appellent et le marathon des fêtes qui approchent me fatiguent d'avance.

En dehors du boulot, des études, tu fais quoi ? C'est drôle ça dis-donc. Mais j'essaie de voir mes amis, je vais au cinéma voir des trucs qui ne me donnent pas envie de pleurer ou frapper des gens, je lis des thrillers (de préférence, ceux où la meuf se venge de son mari ou alors un gang de vieux volent un musée, ce genre de trucs) je voyage quand je peux, je teste tous les restaurants de mon quartier… Des fois, je regarde des séries problématiques des années 2000 pour débrancher mon cerveau, je fais du bénévolat, je vais boire des coups… Je vis quoi, qu'est-ce que tu veux que je te dises Michel?

Un fait peu glorieux à nous raconter ? Mmmh, j'ai abandonné la fac? En soi, ce n'est pas si dramatique et j'avais mes raisons, mais ouais, c'est un peu stupide, surtout vu le prix que ça coûte et le fait que j'avais une bourse qui couvrait la quasi totalité de mes frais de scolarité. Bon, je m'en sors bien dans la vie quand même, mais c'est pas super glorieux et je me dis que, aujourd'hui, j'aurais eu les épaules pour tenir jusqu'au bout. Tant pis hein, j'y suis allée, c'est déjà pas mal.