Naomi, c’est avant tout un sale caractère, et ce depuis la plus tendre enfance. Ses parents disent d’elle qu’elle a commencé sa crise d’ado à 18 mois – et qu’elle n’en est jamais sortie. Vers une dizaine d’années, sa famille déménage à Staten Island. Elle y grandit au rythme d’une relation conflictuelle avec son père, un éditeur de renom. Voisine d’Isaac et Raf, Naomi a d’abord été l’archétype de la « girl next door ». Vous savez, la nouvelle arrivante qui fascine car elle bouscule la monotonie du quartier, la fille (créature étrange et terrifiante) avec qui quelques mots échangés à travers la clôture prennent la dimension d’un événement planétaire.

À la préadolescence, les disputes avec son père deviennent intenables. Elle commence donc à passer énormément de temps chez ses deux voisins. Ces derniers découvrent alors une personnalité bien moins douce que celle qu’ils avaient imaginée. Naomi est toujours prompte à se moquer des deux prépubères qu’ils sont, pourtant elle apprécie leur compagnie, même si elle aurait préféré se damner plutôt que de l’avouer. À cette époque, évidemment, elle trouve les garçons stupides de façon générale, les seuls qui trouvent miraculeusement grâce à ses yeux étant Raf et Isaac. Pas spécialement sociable, un peu trop attirée par les faits divers bizarres pour être une cool kid, elle ne développe pas vraiment d’autres amitiés. En revanche, son affection pour Isaac se transforme petit à petit en attirance et il devient son premier amour… Puis, quelques années plus tard, son mari.

Alors que les années lycée du petit trio se terminent, Naomi entame un cursus en littérature à la Columbia University. En parallèle de ses études, elle rédige son premier roman. Elle adore les ambiances oppressantes des polars nordiques, alors c’est tout naturellement vers le registre policier qu’elle se tourne. Frustrée par les représentations féminines dans la littérature actuelle, Naomi cherche à se démarquer avec des personnages féminins différents, surprenants et réalistes. Ça ne suffira hélas pas à faire décoller sa carrière : son manuscrit, une fois publié, connaît un succès très, très discret.

Consciente que sa carrière d’écrivaine ne lui permettra pas de subvenir à ses besoins (dans l’immédiat du moins, elle n'abandonne pas l’idée de s'y consacrer pleinement un jour), Naomi se fait embaucher à la Columbia en tant que prof de littérature. Si vous ne la verrez jamais faire ami-ami avec ses étudiants, elle n’en demeure pas moins une bonne pédagogue, dont l’attention se porte particulièrement sur les étudiants les moins doués – n’essayez pas de fayoter avec elle ou elle se fera un plaisir de vous rabattre le caquet, certains y ont laissé des plumes.

Récemment, Naomi tente de publier un second roman. Celui-ci rencontre un accueil très mitigé, que ce soit au niveau du public ou de la critique. C’est la douche froide pour Naomi, qui doit faire face aux rumeurs selon lesquelles son père l’aurait pistonnée – ce qui n’a bien entendu jamais été le cas. Sa légitimité de professeure d’université est elle aussi remise en question. Isaac, lui, passe beaucoup de temps au boulot avec Raf. Et si elle les soutient de toute son âme, elle ne peut s’empêcher de se sentir un peu évincée. Le sentiment d’échec se mêlant à celui d’abandon, Naomi finit par demander le divorce. Elle sait pertinemment que ce qui lui arrive n’est pas la faute d’Isaac, alors elle lui sert le discours classique : il n’y est pour rien, le problème vient d’elle, mais il faut qu’elle parte. C'est pas toi, c'est moi. De quoi semer la pagaille entre les trois inséparables…