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God is dead, but faith isn't [PV Antek]

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Mer 6 Nov - 20:06
« Merci docteur. Merci … vraiment. »

« Je vous en prie. »


Un sourire rassurant aux lèvres, Leone fixa la femme d’une quarantaine d’années face à lui, solide matrone à l’écharpe colorée brodée à la main, et qui semblait le contempler avec une gratitude qui l’aurait presque rendu mal à l’aise, à une époque. Désormais, il avait appris à accepter les remerciements, la gentillesse de ses patients, peu importait ce qu’il avait réalisé pour eux. Il serra sa main, avant que son regard ne s’attarde sur les cinq enfants aux côtés de la mère qui avait l’air sur le point de s’endormir, compte tenu de l’heure avancée de la journée. Mais sa patiente était vendeuse, et n’avait pu se libérer qu’en fin de journée, aussi avait-il accepté de décaler ses propres horaires pour réaliser son avortement, parce qu’un sixième, vraiment, ce n’était plus possible, surtout à son âge. Mais au fond, si ça avait été le second, le premier, le trentième, ça aurait été pareil. Le chirurgien avait vu toutes les femmes passer sur sa table, avec toutes les attitudes possibles, tous les sentiments, toutes les configurations. Son rôle, c’était de les aider, et il le faisait avec douceur et compréhension, ne s’étant jamais posé la question une seule fois. Il avait choisi son métier pour aider les personnes dans le besoin, et cette aide, tant qu’elle était médicalement acceptable et voulue en conscience, n’avait pas à être bornée. Le reste n’appartenait qu’à sa conscience, et elle était en paix.

S’assurant auprès du secrétariat qu’il en avait bel et bien terminé, il se retira dans son bureau pour remplir la montagne de paperasse qui l’attendait et qu’il avait négligé depuis un petit moment, s’en mordant déjà les doigts. Heureusement qu’il n’habitait pas trop loin … Bon en même temps, il avait l’habitude de parcourir le Bronx en long, en large et en travers depuis tellement longtemps au milieu de la nuit vu ses horaires à l’hôpital, parfois, qu’il avait l’habitude de rentrer chez lui à des heures indécentes et de monter chez sa grand-mère pour avoir un dîner, même s’il allait se faire gourmander comme le bambino qu’il avait été, un jour. Mais parce que Anna Castelli ne pouvait rien refuser à son petit-fils, surtout quand il revenait de son travail, dont elle était si fière, elle sortirait un plat de lasagnes du frigidaire et l’écouterait lui parler de sa journée, de ses patientes, d’Act Up et du Planned Parenthood, et elle-même parlerait de ses amies, de la dernière réunion des femmes du quartier, des projets de ci ou de ça … De toute manière, malgré son âge, elle ne tenait pas en place. Ce qui ne cesserait jamais d’inquiéter Leone. Parce qu’aller la récupérer en tête de cortège d’une manifestation, et se faire à moitié assommer à coup de pancartes pour n’être pas venu défiler, c’était dangereux pour ses abattis. Il en était là de ses réflexions quand son téléphone sonna. Un peu curieux, vu l’heure, il décrocha, pour entendre l’une des réceptionnistes lui dire :

« Docteur Castelli … Il y a … bon, vous allez rire, mais il y a un curé qui veut vous voir. »

Un silence s’ensuivit, Leone étouffant un soupir avant de grommeler :

« Dites-lui que je suis le diable incarné, et d’aller voir ses amis qui braillent sur la droite depuis cet après-midi. Merci. »

Un rire gêné plus tard, la voix reprit à l’autre bout du fil :

« Il insiste, il dit qu’il a besoin de … euh … nous. Qu’il vous connaît. »


Ah ? De mieux en mieux.

« Je … vous devriez vraiment venir, en fait. »


Son assentiment marmonné, parce qu’il n’avait de toute façon pas vraiment le choix, Leone se leva et sortit de son bureau, tout en ayant la désagréable impression de sentir l’angoisse lui étreindre les entrailles. On était à New York pourtant, pas au fin fond du Mississipi, d’accord. Sauf que … des agressions de médecins, il y en avait déjà eu. Pas ici, certes, mais il ne pouvait s’empêcher, alors que le jour se finissait, de ressentir une pointe de peur irrationnelle le saisir. Parce que la haine dans certains yeux, qui s’étalait en ce moment devant la Cour Suprême un peu trop souvent à son goût, il l’avait vu aussi, quelque fois. Chassant ses noires pensées de sa tête, il arriva jusqu’à l’accueil et salua ses quelques connaissances, avant de faire signe à l’un des agents de sécurité discrètement, au cas où. Puis il ouvrit la porte et, finit par déclarer :

« Si c’est pour un prêche, vous vous êtes trompés de coin de la rue. Il suffit de suivre les prières, ça ne devrait pas être trop difficile. »

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Mer 6 Nov - 21:40
Magdalena était une jeune femme qui croquait la vie à pleine dent. Elle était douce, aimante, avait une petite fille de trois ans et passait beaucoup de temps à la paroisse St Luke. C'était là que le père Blaszczyk l'avait connue, souriante et dynamique. Malheureusement, il y avait cette lueur, dans ses yeux, qui montrait une extrême tristesse, derrière ce beau regard si fier. Et puis, il y avait ces marques, sur les bras, parfois même sur le visage. Elle n'a jamais voulu en parler, malgré la main tendue du prêtre. Il avait répété maintes fois qu'il serait là, en cas de pépins, qu'elle n'avait pas à avoir peur. Et heureusement, elle l'avait entendu. Car cette nuit-là, elle étaitvenue au presbytère. Et ils ont parlé, longtemps, toute la nuit en vérité. Le Soleil se levait déjà alors qu'Antek lui cédait son lit, à elle et sa fille, puis prenait place sur le canapé. La sieste fut rapide, une trentaine de minutes, tout au plus. Il s'était ensuite levé, avait pris le chemin de l'église pour la messe. Dès que celle-ci fut terminée, il était rentré, jetai un oeil dans la chambre où les deux demoiselles dormaient l'une contre l'autre, dans la beauté qu'offrait un sommeil paisible.
Armé de son téléphone portable, Antek appela tous les foyers qu'ils connaissaient, pour trouver une place en sécurité à la petite famille, mais se heurta à des refus. Même la maison pour jeune mère célibataire qui dépendait en partie de la paroisse était remplie. Décidément, la situation était compliquée.

Magdalena devrait bientôt faire des démarches, pour se protéger, mais la première clef était de lui trouver un endroit où elle pourrait se sentir en sécurité, intouchable par son mari. Et Antek se promit de le lui trouver. Il décida que, pour le moment, la demoiselle résiderait au presbytère, même s'il savait très bien que cela en ferait jazzer quelques-uns. Une femme, jeune, sous le même toit que le curé, jeune lui aussi. Les gens avaient de l'imagination, et pour faire évoluer les racontars, les langues de vipères étaient rapides.
Malheureusement, le jour-même, il eut une petit visite du mari de la pauvrette à l'église, qui le menaça, lui hurlant de lui dire où se trouvait son épouse, faisant une esclandre dans le lieu sacré, criant devant une dizaine de fidèle. Voyant que sa tactique ne fonctionnait pas, l'agresseur lâcha quelques obscénités. Bah oui, si sa femme venait si souvent à l'église, c'était forcément pour se taper le curé!

Après cet incident, le polonais décida que ce n'était définitivement pas une bonne idée que mère et fille restent au presbytère, pour leur bien. Il fallait agir vite, trouver un endroit vite. Il se rappela alors de cette vieille dame et de son petit-fils... Il faisait partie d'une association qui, en l'occurrence, pourrait les aider. Ni une, ni deux, il prit la voiture pour emmener ses invités à l'endroit où le trouver. La petite était exténuée, mais ne pouvait pas rester seule dans le véhicule, alors qu'ils discutaient... Elle s'endormit donc dans les bras du prêtre, étalée contre lui comme un koala, alors qu'ils frappaient à la porte.
Non loin de là, des personnes manifestaient, avec des panneaux. Antek leur lança à peine un regard tandis qu'il le hélaient pour qu'ils le rejoignent. Il ne comprit rien de ce qui était dit, mais pu lire du jugement dans leur regard, alors qu'ils voyaient le prêtre entrer dans les lieux en compagnie d'une jeune femme et d'un enfant. Cependant, cela ne l'atteignit guère. Il n'y avait pas grand chose qui l'atteignait en vérité, il essayait de prendre le tout avec philosophie et calme.

"Bonjour... Nous avons besoin d'aide, mon amie et moi...J'aimerais voir le Dr. Castelli." souffla-t-il, avant d'expliquer très brièvement la situation, sur un ton bas, question qu'aucune oreille inadaptée ne les écoute.
Finalement, on les laissa pénétrer les lieux, après petite discussion de la réceptionniste au téléphone. Le médecin présent ne les accueillit pas avec enthousiasme. On ne pouvait décemment pas lui en vouloir, cependant.

"Bonsoir, je suis le père Blaszczyk de St Luke. Je ne viens pas prêcher, je viens parce qu'on a un problème..." dit-il, laissant Magdalena approcher à son niveau. Lorsqu'il était épuisé, son accent devenait cent fois plus audible, alors qu'il l'était déjà bien suffisamment en temps normal. De plus, il parlait mal anglais dans ces instants-là. La petite ouvrit les yeux, se blottissant davantage contre le prêtre. "J'ai cru comprendre que vous connaissiez des foyers où les femmes... en situation compliquée pourraient trouver de la sécurité." ajouta-t-il ensuite, de façon encore bancale. Magdalena parlait terriblement mal anglais et était terrorisée par les événements récents, elle préférait donc se taire, combien-même Antek aurait préféré, quant à lui, que ce fut elle qui expose ses soucis...

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Lun 11 Nov - 20:07
Leone devait l’admettre : en voyant un curé et une jeune femme débarquer au Planned Parenthood, il avait eu, l’espace d’un quart de seconde, l’idée grotesque qu’il était dans une sitcom quelconque ou une mauvaise comédie dramatique et que le prêtre allait lui expliquer que ses services étaient requis pour empêcher une naissance inconvenante, ou quelque chose de ce genre. Ce qui, autant l’admettre, eut été d’une ironie presque trop délicieuse pour ne pas, un brin mesquinement, le ravir. Certes, la pensée était idiote, pour ne pas dire puérile, mais il fallait admettre qu’on voyait rarement une telle configuration, au niveau des visiteurs. A vrai dire, c’était bien la première fois que le chirurgien y était confronté, et il devait admettre que, passé la surprise et la méfiance, la curiosité prenait le pas. En plus, en entendant le fort accent polonais et le nom, il n’avait pas mis longtemps avant de tout remettre en place. Mais que venait donc faire dans ces lieux le curé de la paroisse de sa grand-mère ? Bon au moins, cela faisait un mystère de résolu en deux en trois mouvements, parce qu’il comprenait d’où il le connaissait : merci les dimanche matins à faire le pied de gru à la sortie de l’église pour récupérer sa grand-mère et la ramener chez elle. Et depuis qu’elle évitait de se rendre à sa paroisse italienne, après un énième différent avec le ministre du culte local, il fallait se rendre dans un quartier plus éloigné, ce qui ne le ravissait que modérément. Enfin, de toute manière, quand Anna Castelli avait décidé quelque chose, ce n’était pas la peine de l’en dissuader. Donc acte. Et elle n’avait cessé de lui en dire le plus grand bien, tout en soulignant qu’il était si gentil, et si joli garçon, et que c’en était presque du gâchis, mamma mia !

Ses interrogations ne durèrent néanmoins que peu de temps, parce qu’en posant son regard sur la jeune femme qui accompagnait le père Antek, il comprit ce que ce dernier entendait par situation compliquée et besoin de sécurité. L’arête de son nez, bosselé et épaté, orné d’une bouillie de bleus noirâtre, lui donnait toutes les indications nécessaires. Et immédiatement, son œil acéré nota les petites indications qui, mises bout à bout, ne laissait que peu de place au doute : les fendillements dans le tracé des sourcils, comme si l’arcade sourcilière, trop fendue, n’avait pas été soignée correctement ; les pommettes couvertes d’un maquillage épais, trop épais. Et le regard, le regard traqué … il en avait vu plusieurs, de ces regards qui faisaient si mal. Pendant son internat, bien sûr, mais aussi dans sa spécialité, parce que la grossesse était un moment de vulnérabilité, et que des patientes en état de détresse, il en avait connu. Puis, au Planned Parenthood, que ce soit les adolescentes terrifiés, les mômes trop silencieux … A Act-Up, avec les gamins battus pour ce qu’ils étaient. Et tout cela à cause de l’ignorance, de l’alcool, de la drogue, de la difficulté, de la violence … A cause de ceux qui frappaient, et peu importe leurs excuses, parce qu’au fond, il n’y en avait pas. Ses yeux s’égarèrent vers la petite fille recroquevillée contre le curé, et son cœur se serra un peu plus. Est-ce qu’il était seulement possible de faire quelque chose ? Il était tard, obtenir un lit risquait d’être une gageure, surtout en cette période de l’année.

« Ok. »

C’était simple et rapide. Instinctivement, il avait beaucoup plus à dire, mais considérait que dans un premier temps, il y avait plus urgent. Se tournant vers la réceptionniste, il déclara :

« Georgia ? Contactez au plus vite les foyers habituels pour les codes 133. Dis qu’il y a une enfant. Oui je sais, la Maison des femmes devrait être fermée à cette heure, mais essayez le portable de la directrice, elle devrait toujours être sur place et elle me doit un service. Là, voilà. »

D’une main rapide, il avait tracé le numéro.

« S’il n’y a rien … tentez les municipaux, et après, j’essayerai par mes propres moyens. Merci Georgia, et désolé de vous retenir aussi tard. »

La brave femme haussa les épaules. Un code 133, ça n’avait pas besoin de se justifier. On restait, et voilà. Parce que souvent, il y avait des vies en jeu. Se tournant vers le curé, il déclara :

« Attendez-moi dans la salle d’attente, je vais chercher des couvertures et des boissons chaudes. »

La première étape, c’était de rassurer et la mère, et l’enfant, pour les convaincre qu’elles étaient, au moins temporairement, en sécurité, et entre de bonnes mains. Parce que Leone était un professionnel, et que sa conscience médicale reprenait le dessus. Et qu’il savait que ce n’était qu’un début. Parce que les coups, souvent n’étaient que la face cachée de l’iceberg. Une fois le tout récupéré, il revint avec lesdites couvertures et des tasses de café chaud. S’asseyant en face de ses visiteurs, il déclara, prenant garde à bien détacher les mots, histoire d’être compris malgré la panique :

« Voilà, vous serez mieux ainsi. Je suis le Docteur Leone Castelli, je suis gynécologue-obstétricien. Vous êtes en sécurité ici, et on va essayer de vous trouver un endroit où dormir. Et en attendant, je peux vous aider … et vous soigner.

Ce serait plus facile si je savais ce qu’il vous est arrivé, mais vous n’êtes pas obligée de me le dire. Et si vous préférez, vous pouvez choisir une femme, et j’essayerai de contacter une collègue. D’accord ?»

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Lun 11 Nov - 20:39
La soirée était déjà avancée, mais Antek savait qu'il n'avait déjà que trop tarder pour agir. Il aurait dû se montrer plus prudent et plus prévenant. Cela lui apprendrait à l'avenir. Il ne réagit pas aux remarques des manifestants sur son passage... Cela n'avait aucune importance. Et il en prendrait la responsabilité, si cela devait se solder par des rumeurs. Ce ne serait pas la première fois. D'ailleurs, lorsqu'il était vicaire dans sa paroisse de la campagne polonaise, il en avait entendu, des vertes et des pas mûres à son sujet, qu'il avait toujours préféré ignorer.
Il sourit, timidement, en expliquant brièvement la situation au médecin qui vînt leur ouvrir. Heureusement qu'il avait rencontré cette brave grand-mère, qui lui avait expliqué un peu les activités de son fils, sans quoi, il aurait épuisé toutes les cartes qu'il avait en main. Le Dr Castelli n'eut guère besoin de davantage d'explications, le visage tuméfiée de Magdalena parlant de lui-même, et la crainte de son regard fuyant ne faisant que prouver toute hypothèse à son sujet.

Il demanda à une certaine Georgia de passer des coups de téléphone, puis parti chercher des couvertures et des boissons chaudes. Cela se voyait que ce type savait ce qu'il faisait et qu'il avait malheureusement l'habitude d'avoir à faire à ce genre de cas compliqués. Antek lui sourit, simplement, tandis qu'il couvrait soigneusement la petite fille roulée en boule sur la chaise à ses côtés.
"Je vous remercie beaucoup et je m'excuse pour cette venue tard. Je ne savais pas quoi faire, j'ai appelé tous les foyers et maisons que je connais. J'aurais aimé qu'elles puissent rester au presbytère, mais le mari a compris, il m'a rendu visite. Elle ne sont plus du tout en sécurité là-bas, ni à l'église. Et même si, on a pas de quoi pour chauffer l'église." indiqua-t-il, laissant paraître de nouveau quelques fautes de langage, sur un ton bas au médecin. Il ne voulait pas que Magda entende car elle serait capable de se sentir mal, de se sentir tel un poids ou un souci pour le prêtre. Ce qu'elle n'était, bien évidemment, absolument pas. Et si cela arrivait, elle se refermerait sur elle-même, complètement. Peut-être même qu'elle déciderait de fuir ou qu'elle perdrait le courage si durement bâti pour retourner chez son époux.

Leone prit place en face d'eux, avant de dire quelques mots à la demoiselle, lui expliquant qu'elle était en sécurité et qu'il pourrait la soigner.
Voyant que Magdalena restait terrorisée, prostrée, comme si elle ne comprenait pas ou ne voulait pas comprendre, Antek décida de prendre la parole à son tour, s'accroupissant à ses côtés. Peut-être qu'entre étrangers à l'accent trébuchant, ils se comprenaient mieux, ou peut-être simplement qu'il était la seule personne en qui elle faisait confiance à 100% en ce moment.
"C'est bon, Magda, tu peux lui parler, ce médecin est là pour t'aider, toi et ta fille." déclara-t-il doucement, prenant délicatement la main de la mère de famille dans la sienne. Il était quelqu'un de tactile et ce genre de gestes rassurants, familiers, étaient fréquents de sa part. "Tu fais confiance à moi?" demanda-t-il ensuite simplement, affichant un sourire solaire. La fatigue rendait vraiment son langage aléatoire. Cependant, il en avait le secret, de ces petits sourires lumineux qui apportait de la joie de par leur bienveillance. Son interlocutrice fit un rictus, ne pouvant sourire dans une telle situation, la terreur dans le regard, avant de hocher tout bonnement la tête. "Je ne te mettrais pas en danger, n'est-ce pas?" Encore une fois, elle hocha la tête. Visiblement, la jeune femme avait pris sa décision, et elle comptait raconter ses peines, et la souffrance endurée. Antek décida de se lever pour laisser un peu d'intimité à la conversation, mais Magdalena le retînt follement par la main, l'obligeant alors à s'asseoir à ses côtés... Et à écouter de nouveau cette histoire qui le bouleversait. Le monde était injuste. Antek posa un petit regard sur la fillette, qui se leva pour venir de nouveau s'asseoir sur ses genoux. Décidément, ces deux-là avaient encore plus besoin de lui qu'il ne l'aurait cru. La peur retombait peu à peu, mais dans un moment pareil, il était normal de se rattacher à ce que l'on connaissait bien.
Magdalena se mit donc à tout expliquer au médecin, répondant à ses questions lorsqu'il en avait, tandis que notre abbé veillait sur la petite.

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Ven 22 Nov - 22:54
« Vous avez bien fait. Vous avez été blessé ? »

La seule réponse de Leone face aux explications du prêtre avait claqué sur le même ton, très bas. Factuel, le médecin se contentait de parer au plus pressé, et à cet instant, maintenant qu’il comprenait mieux ce qu’il se passait, il avait besoin de savoir précisément combien de patients potentiels il avait, et dans quel ordre de priorité les prendre. Parce que si le curé n’avait pas de trace de coup sur le visage, cela ne voulait pas dire qu’il n’avait pas pu écoper d’un coup de poing ou de pied dans une autre partie de son corps, cachée sous les vêtements. Si c’était le cas, il vérifierait probablement s’il n’y avait rien de cassé, voir une éventuelle hémorragie interne contenue par l’adrénaline. On n’était jamais trop prudent. Cependant, à première vue, sa première urgence demeurait la jeune femme à la face tuméfiée. Manifestement, elle était de la même communauté que lui, d’Europe de l’Est vu l’accent. D’où venait-il déjà ? Sa grand-mère le lui avait dit … Après un petit effort de sa mémoire, le trentenaire parvint à se souvenir qu’il venait de Pologne. Oui, donc il voyait déjà le tableau : une communauté immigrée où l’on se sert les coudes mais où l’on évite de faire des vagues, plutôt conservatrice dans les mœurs, comme les italiens, et une femme battue qui, craignant pour sa vie ou pour celle de sa fille finissait par partir et atterrissait chez la seule personne considérée comme susceptible d’être inatteignable par les pressions, à savoir le curé. Sauf que cela n’avait pas arrêté le mari, quitte même à le rendre jaloux et/ou furieux, et donc … en désespoir de cause, les voilà au Planned Parenthood.

Le regard de Leone se perdit vers les vigiles près des portes, ces derniers ayant compris en voyant le visage de la nouvelle arrivante l’état du problème. Ils observaient d’un œil rogue les environs. Cela dit, ils n’allaient pas rester toute la nuit, sauf à les payer en conséquence, et encore. Et évidemment, il ne pouvait décemment les remettre sur le trottoir. Peut-être appeler ses contacts dans la police, creuser de ce côté, quitte à faire de l’informel au début, le temps de convaincre la victime. Parce que si le mari était violent et avait suivi sa femme et sa fille jusque dans une Eglise … Leone aurait été plus rassuré de savoir qu’une protection était assurée, a minima. Même si bon … il ne fallait pas trop espérer. Bref, chaque chose en son temps. D’abord, établir les faits, pour qu’il puisse faire son métier, et soigner ce qu’il avait à soigner. Et après, quand Georgia aurait fait le tour des foyers à appeler et aurait une réponse … on aviserait. Sauf que c’était plus facile à dire qu’à faire, parce que la victime était terrorisée, et qu’elle se retrouvait dans un environnement inconnu, avec un homme inconnu en face qui avait beau lui dire qu’il voulait l’aider … Est-ce qu’elle l’entendait, seulement, ces mots ? Est-ce qu’elle … les comprenait ? Son ami pouvait faire interprète, mais ça n’allait pas être très pratique … Et Leone ne connaissait pas un mot de polonais. Mais non, finalement, elle avait l’air de vouloir de bien vouloir parler, et en anglais. Bon, certains mots étaient à la place d’autre, mais vu que sa grand-mère faisait pareil depuis … eh bien, trente-quatre ans, il était largement habitué à traduire en cas de besoin.

« Est-ce que … on a fait du mal à votre petite fille ? Est-ce que … on vous a fait du mal … ailleurs ? »

Il montra la plaie au visage, essayant de la focaliser d’abord sur sa fille pour que ce soit plus facile, parce qu’elle avait l’air inquiète pour elle, et parlerait sans doute plus facilement de l’enfant, pour la protéger. Et ensuite, il y avait elle-même. Ce qui était difficile. Il fallait parler des violences physiques, manifestes, mais aussi … Leone savait qu’il allait devoir insister sur d’autres types de violence, parce que de son expérience, il y avait rarement violences conjugales sans violences sexuelles, et celles-là étaient peut-être les pires, parce qu’elles étaient encore plus honteuses, encore plus douloureuses pour les victimes, qui, parfois encore sous l’emprise de leur bourreau, se convainquaient que cela, elle ne l’avait pas subi. Que c’était voulu, voire mérité. Que c’était leur devoir, et qu’elles avaient failli. Et cette culpabilité-là, terrible, il fallait parfois des années de thérapie pour la lever. Lui, il ne pouvait que, éventuellement, aider ce soir, si elle voulait porter plainte, essayer d’obtenir justice, ou au moins un arrêté d’éloignement.

« Prenez votre temps, dites-moi ce que vous voulez, ce que vous pouvez. Et après, je pourrai vous aider à aller mieux. Et à faire en sorte que ça ne se reproduise plus, d’accord ? »

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Ven 6 Déc - 21:48
Avait-il était blessé? Sur le coup, la question ressembla à un coup de massue. Il ne souvenait que des cris, mais d'aucun coup. Vu l'adrénaline du moment, il aurait pu oublier ce que ce mari violent avait pu lui asséner. Mais notre jeune homme se contenta de hocher la tête, de façon négative. Non, aucun coup n'avait été porté à son encontre. Et surtout, il était loin d'être le plus important dans l'affaire. "Tout va bien, occupez-vous d'elles.." dit-il tout bas, avant d'adresser un sourire à la petite qui s'était relevée sur sa chaise en observant les deux hommes discuter. Puis, vînt le moment où Magdalena commença ses explications. D'abord, elle eut peur, si peur que pas un mot ne franchit ses lèvres, jusqu'à ce que Antek, tant bien que mal, ne l'aide à s'ouvrir un peu. Il avait déjà eu à faire à cette situation de nombreuses fois, malheureusement. Pourtant, encore à présent, il se sentait maladroit dans ces moments, comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, peinant à trouver les mots. Peut-être parce que son coeur se trouvait trop proche de ce sujet, cette problématique. Il s'y connaissait aussi en père violent. Malgré son très jeune âge à l'époque, il en avait gardé des souvenirs. Ce n'était pas des images claires, descriptifs, c'était plutôt comme des séquelles qui avaient à tout jamais marqué son âme, comme des plaies, des griffures qui n'avaient jamais totalement guéri. Mais, grâce à Dieu, grâce à la Foi, elles paraissaient moindre.

Magdalena commença à se confier, doucement. Elle avait du mal à parler anglais, mais c'était important qu'elle explique elle-même, par les gestes, par ses mots. Parfois, elle lançait un regard en direction de Antek lorsqu'elle ne trouvait pas une palabre, désireuse de le voir la traduire. Ce qu'il faisait aussitôt. Parfois, il hésitait lui-même un petit temps avant de trouver le mot anglais correspondant. A chaque fois qu'elle lui lançait un regard, paradoxalement rempli de terreur mêlée à du soulagement, il lui envoyait un petit sourire. Tout petit sourire, très simple, qui signifiait qu'elle n'avait plus rien à craindre, qu'elle pouvait être rassuré. Et ce langage non verbal avait l'air de bien mieux fonctionner avec la pauvre femme que tous les mots qu'il avait prononcé jusqu'alors.

Le coeur de Antek manqua un battement à la nouvelle question du médecin. Et surtout, lorsque Magda hocha la tête de haut en bas. Ce type avait touché leur fille... Et ce de façon si vicieuse que ce n'était pas visible aussitôt. Antek perdit son petit sourire rassurant, mais tenta de ne laisser rien paraître.

"Oui, j'ai mal aussi ici.." indiqua-t-elle, montrant ses côtes, des deux côtés, avant d'indiquer un endroit... beaucoup plus bas, beaucoup plus intime. "Et ici..." La mère de famille baissa ensuite les yeux, se murant dans un silence. Et d'un coup, subitement, c'était comme si elle ne pouvait plus regarder son interlocuteur en face. Les yeux baissés, ce fut en polonais qu'elle demanda: "Est-ce qu'il peut s'occuper d'abord d'Ewa?" Sa fille. Sa fille avant tout. Le principal soucis d'une mère.

Le prêtre se contenta de transmettre, de traduire. "Elle veut que vous vous occupiez d'abord de son enfant." indiqua-t-il. "Elle s'appelle Ewa."
La petite leva les yeux, toujours sur les genoux du prêtre, comme paniquée à l'entente de son prénom, deux fois d'affilée en si peu de temps.

@ Invité

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Lun 16 Déc - 0:28
Pendant le temps qu’il fallut, Leone recueillit la parole de Magalena, en silence, ne posant pas de questions. Il ne prit la parole qu’au moment où la jeune femme indiqua qu’elle avait mal, pour demander quelques précisions, essayant d’être le moins intrusif possible pour le moment. Il avait besoin de comprendre où il allait, même dans les grandes lignes, afin d’éviter autant que possible des examens intrusifs. Cela ne le dérangeait pas, d’attendre, quand les mots ne venaient pas, ou difficilement. Ce n’était pas sa place de les trouver, de verbaliser la douleur, le traumatisme, la peur et la honte, aussi, parce qu’il savait que dans ces situations, la victime pouvait avoir du mal à se détacher de ce sentiment qui s’insinuait tel un chancre putride. Il n’était qu’un soignant. C’était peu, et c’était déjà beaucoup à la fois, pour cette femme qui faisait face, bravement, qui avait trouvé la force de chercher de l’aide, et d’emmener sa petite fille avec elle. A vrai dire, l’italien se sentait toujours très humble, face aux survivantes, parce qu’il avait l’impression d’être confronté à des héroïnes, qui un jour, avait réussi à dire stop, malgré l’emprise, la terreur. Il n’était qu’une poussière dans leur parcours, qu’une béquille sur laquelle s’appuyer, parfois, pour continuer à avancer sur le chemin qu’elles avaient choisies.

Lorsque la jeune femme revint au polonais, et que le prêtre traduisit sa demande, Leone se contenta de hocher la tête, comprenant son désir de s’occuper d’abord de la petite fille. Et peut-être que c’était aussi un excellent moyen pour continuer à établir le contact, pour instaurer de la confiance, parce qu’il avait confiance qu’il restait un homme, sous sa blouse blanche, un étranger, qui ne parlait même pas sa langue maternelle. Souvent, confronté à de telles situations, le trentenaire avait souhaité furtivement appartenir à l’autre sexe, pour apporter un peu plus de confort, de sécurité, pour ne pas réveiller des souvenirs douloureux par une voix trop grave ou une allure trop masculine. Ce soir, il ne restait plus que lui, et une part de son être aurait souhaité qu’il en soit autrement, pour que Magdalena se sente peut-être un tout petit mieux, un peu plus en confiance. S’accroupissant face à l’enfant, Leone demanda d’une voix douce :

« Ewa ? Tu veux bien m’accompagner avec ta maman ? J’ai quelque chose à te montrer. Tu me donnes ta main ? »


Tendant sa main à la petite fille, il attendit un long moment qu’elle la prenne, ressentant le poids de la responsabilité quand les doigts menus s’enroulèrent autour de ses propres phalanges, pour ne plus les lâcher. Se tournant vers les deux adultes, il déclara :

« Suivez-moi, on va aller dans une des salles d’examen, ce sera mieux. »


Heureusement, il n’y avait pas beaucoup de marche à faire, puisque la porte bleue était à quelques mètres de l’entrée. Leone entra et alluma de sa main libre, avant de soulever la petite fille pour la poser sur le bord de la table d’examen. Il laissa Magdalena et Antek s’installer à leur tour, fouillant pendant ce temps dans une grande armoire. Finalement, il trouva l’objet de son empressement et revint devant Ewa, un sourire aussi doux que possible aux lèvres. Il lui tendit la peluche de l’ours infirmier, faite pour permettre aux enfants d’indiquer où ils avaient mal.

« Je te présente Doc’ Nounours. Il voudrait t’aider, mais il ne sait pas où tu as mal. Alors … tu pourrais lui montrer ? Sur lui ? Comme ça, il saura comment être ton meilleur ami. »

Evidemment, il fallait du temps pour que l’enfant apprivoise la peluche, mais après quelques tentatives de gros câlins, elle finit par parler au nounours, Leone se tournant vers le prêtre pour traduire le mélange d’anglais et de mots polonais qu’il ne comprenait pas – et qu’il aurait sans doute préféré ne pas comprendre. Une fois certain de ce dont il retournait, il se tourna vers la mère de famille, pour lui demander si elle était d’accord pour qu’il examine sa fille, et donc l’aider à le faire, pour ne pas l’effrayer. Afin de la garder occupée, Leone commença à fredonner les chansons de la Reine des Neiges, espérant que ce hit planétaire serait parvenu jusqu’aux oreilles d’Ewa. Par miracle, c’était le cas, et cela leur offrit la distraction suffisante pour l’auscultation, le médecin essayant d’emmener le prêtre avec lui, discrètement, pour faire une sorte de chorale improvisée afin de lui faire penser à autre chose. C’était sans doute un peu idiot … mais cela fit son effet, au moins un peu. Restait à annoncer son diagnostic, parcellaire compte tenu du manque de moyens immédiats : il voulait que la petite fille passe une radio du bassin pour vérifier l’état de ses côtes, et prescrivait plusieurs médicaments pour le reste des traumatismes.

S’éloignant de l’enfant, Leone se positionna face à Magdalena, et, murmura, pour pas que l’enfant n’entende :

« J’aimerai vous examiner. Et … je peux procéder à la récupération de preuves. Pour … montrer ce que votre mari a fait. Quand vous le voudrez, si vous le voulez un jour, vous pourrez. Parce que, après, quand vous allez vous doucher, reprendre le cours de votre vie, ce ne sera plus possible. Mais vous n’êtes pas obligée. Vous en avez simplement la possibilité.

Et si vous acceptez … je vous demanderai votre accord pour chaque chose, même la plus petite. J’arrêterai dès que vous le désirerez. »


Il attendit. Et l’accord vint, faible, même si Leone crut voir une lueur de détermination dans les prunelles. Se tournant vers le curé, il déclara, toujours à voix basse :

« Je pense qu’il serait mieux que vous emmeniez la petite. Je vous appelle dès que j’ai fini. »

Et il laissa Ewa partir, accompagnée d’Antek et de Doc’Nounours. Quand enfin, ce fut accompli, quand il eut bandé les plaies, prescrit les médicaments pour la douleur et le traitement anti-VIH post-exposition, proposé la pilule du lendemain, il sortit, laissant à sa patiente un peu d’intimité pour se rhabiller, pour se retrouver aussi, après cette épreuve, il sortit de la pièce, et se dirigea vers l’accueil.

« Toujours rien ? »

Toujours rien. Et c’était un autre problème. Qui allait devenir, de minute en minute, de plus en plus pressant.

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Lun 16 Déc - 16:57
S'occuper d'abord de sa fille, la mettre en sécurité. C'était d'ailleurs aussi pour Ewa, sa fille, que Magdalena avait décidé d'agir, de trouver sécurité et assistance auprès du curé de la paroisse St Luke. Malheureusement, elle n'avait pas été la seule cette année à frapper à sa porte pour ce genre de circonstances. Et elle ne serait pas la dernière. Heureusement, Antek se félicitait d'avoir créé suffisamment de confiance pour que les personnes en situation délicate viennent se confier et surtout, s'ouvre à davantage, entrevoir la possibilité de se sauver, d'avoir le droit à une autre vie. En vérité, d'avoir simplement le droit de vivre dignement, dans le confort et le respect naturel.

Antek ne put s'empêcher de sourire tandis que le médecin attrapait la fillette par la main, pour la mener en salle d'examens. Ils avaient cela en commun, savoir s'y faire avec les enfants. D'ailleurs, le sourire para davantage les lèvres du jeune prêtre tandis que le docteur sortait une peluche, après avoir installé la fillette sur la table d'auscultation. Un ourson en peluche, vêtu comme un infirmier. Une excellente façon de dédramatiser la situation et de donner à l'enfant un objet rassurant, grâce auquel il pourrait se confier. Sans barrière de la langue, sans barrière de la timidité.

L'abbé observait la scène avec désarroi tandis que la petite, qui prenait finalement ses marques et apprivoisaient la peluche en douceur, montraient les zones qui étaient sensibles. Magda quant à elle, tendit la main pour qu'Antek puisse l'attraper, la serre, de façon rassurante. Il n'y avait là, rien d'ambigu, juste une pauvre femme qui voyait la douleur de son enfant, et qui, quelque part, se sentait coupable. Coupable de ne pas avoir agi plus tôt, coupable d'être restée, peut-être même croyait-elle être la fautive, et peut-être songeait-elle qu'elle avait mérité certains des coups qui avaient plu contre son corps de porcelaine. Finalement, après avoir prescrit quelques médicaments et une radiographie du bassin, Leone revînt vers les deux jeunes gens pour discuter avec la mère. A son tour d'être auscultée et aidée. Magdalena lança un regard apeuré au prêtre. Certainement que, dans son état, elle ne réfléchissait pas aussi vite, et le vocabulaire lui manquait. Antoni lui expliqua doucement en polonais, répétant mot pour mot ce que venait de dire le médecin, évitant de déformer au maximum. Elle donna alors son accord. Et pendant les longues minutes qu'elle passa dans la salle d'auscultation, le prêtre se contenta d'occuper la petite fille, qui venait de voir sa mère la laisser subitement, et de jouer avec le nounours infirmier. Il rassura l'enfant, à plusieurs reprises. Ewa en oublia le reste, s'amusant simplement avec le jouet, et le nez d'Antek par la même occasion. Elle laissa échapper quelques rires insouciants. Il n'y avait rien de plus beau que les rires d'un enfant, songea notre abbé.

Finalement, le Docteur Castelli revînt vers l'accueil. Le père Blaszczyk se leva pour entendre les nouvelles. "Alors, comment est la situation?" demanda-t-il naturellement, inquiet. Il réfléchissait déjà à une issue de secours pour cette nuit, du moins.
Mais alors que les deux hommes discutaient, Ewa s'était levée à son tour de sa chaise, traînant la mascotte médicale derrière elle.
"Tu ne vas pas regarder si père Antek va bien?" demanda la petite, les yeux ronds, à l'attention du médecin.
"Non, ma puce, c'est pas la peine, je vais bien." répondit simplement le trentenaire,se baissant vers elle, affichant un sourire solaire, rassurant à la gamine. Mais celle-ci ne semblait pas encline à laisser passer les choses. Ewa avait une inquiétude et elle devait trouver le moyen de la faire passer, à tout prix, un moyen de se rassurer, de trouver sérénité. Un peu comme si elle transposait la peur qu'elle ressentait pour sa maman et son état, sur Antek. Trop petite pour tout comprendre, mais assez grande pour se poser quelques questions. "Si tu as peur, tu peux aussi utiliser Doc'Nounours. Il est très gentil, tu sais?" indiqua-t-elle en tendant simplement la peluche au jeune prêtre, qui lui sourit de façon timide, les joues rouges.

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Mar 17 Déc - 18:45
« Non, pour le moment, soit ça ne répond pas, soit il n’y a pas de places. Bon, Georgia n’a pas fini toute la liste … J’ai également une connaissance bien placée à la brigade des mœurs, qui pourrait sans doute accélérer les choses en passant par d’autres canaux que les nôtres, mais ça nécessiterait une plainte. Qu’il faudrait déposer à mon avis, surtout que les simples preuves médicales pourraient constituer un dossier très solide, mais je sais aussi que c’est un parcours difficile et coûteux. Un de mes amis est avocat et je pourrai fournir son numéro, cela dit … le reste n’est pas de mon ressort. »

A vrai dire, s’ils ne trouvaient vraiment rien, Leone proposerait sans doute d’hospitaliser la mère et la fille pour quelques nuits dans son service, au Richmond, ce qui était très loin d’être idéal, car il faudrait avertir tout le personnel de ne laisser passer le mari sous aucun prétexte, sans parler de toutes les autres complications. Et séparer la mère de l’enfant ne lui paraissait pas vraiment une bonne solution, pourtant les deux avaient besoin de soins et d’examens individuels. Restait l’option de trouver une âme charitable pour la nuit, et il ne voyait que lui à ce moment précis, avec les risques personnels attenants. Non pas qu’il craignit pour lui, du moins, pas davantage que n’importe quelle personne normalement constituée consciente des dangers d’une telle proposition, mais davantage pour sa grand-mère, qui descendrait fatalement voir ce qu’il se passait si elle l’entendait ramener une mineure et une femme chez lui – sans parler de son curé, et qui restait d’être prise dans la mêlée en cas de problèmes. Et ce ne pouvait être que très temporaire. En plus, il se doutait qu’être hébergée chez un homme inconnu, quoiqu’on en dise, n’allait pas aider Magdalena à se remettre. La pauvre sursautait à chaque bruit, et continuait à jeter des regards furtifs à la porte.

Heureusement, Ewa vint les sortir de cette difficile discussion et de leur impasse, ils l’espéraient, temporaire, pour demander à ce que Leone examine le prêtre. Il est vrai qu’il n’avait pas insisté après que ce dernier ait certifié aller bien, et son esprit était occupé par les victimes immédiates et apparentes, pour autant, après un rapide coup d’œil critique sur Antek, Leone ne put que convenir du fait que quelques vérifications ne seraient pas de trop, car quelques bleus commençaient à apparaître sur sa peau. Sans doute que, submergé par l’adrénaline, l’homme n’avait pas vraiment réalisé l’impact direct que la confrontation avait eu sur lui-même, obnubilé par son désir d’aider deux femmes vulnérables dans le besoin. Il répugnait cependant à laisser la mère et sa fille seules, pour ne pas les faire paniquer. Peut-être que Georgia pouvait continuer à appeler près d’elles, à une distance raisonnable pour ne pas les déranger avec sa voix, mais juste … être là ? Avoir une présence féminine discrète pour les rasséréner, au moins un tout petit peu ? Allez, ce prêtre aux joues rougies – ce qui, en d’autres circonstances, l’aurait sans doute poussé à une taquinerie peu glorieuse – devrait passer lui aussi sous son œil inquisiteur.

« Je crains que vous ne puissiez échapper à la consultation. Et je crois que vous en avez besoin. »


Leone avait montré les bleus du doigt avant d’ajouter gentiment pour Ewa :

« Doc’ Nounours a des frères, si le père Antek se montre très sage, il en aura un aussi. »

Laissant la petite fille à ses rêves de famille constituée d’un couple de Doc’ Nounours, Leone indiqua sa mère discrètement à la standardiste, qui comprit le message et passa devant son comptoir, son portable en main, avant de s’installer une rangée derrière Magdalena. S’adressant à cette dernière, le chirurgien déclara :

« Magdalena … Je vais examiner le père Antek, nous revenons dans quelques minutes. Au moindre problème, vous pouvez vous adresser à Georgia, d’accord ? Ça ne prendra vraiment que peu de temps. »

Retour en salle d’examen donc. Leone laissa l’autre homme s’installer, le temps de récupérer ses propres instruments, et entreprit de refaire les mêmes examens de base. Appliquant pommade et prescrivant déjà des anti-douleurs, il arriva jusqu’au bras, orné d’une marque noire :

« Mmh … Vous allez aussi me faire une radio, histoire de vérifier qu’il n’y a ni fissure ni fêlure. Pour le moment, vous ne ressentez pas la douleur, mais mieux vaut être certain. Comme ça, vous pourrez accompagner vos protégées quand elles iront faire les leurs, d’accord ? »

Ce serait sans doute le plus facile. Tout en soignant une coupure sur son visage, Leone commenta :

« C’est bien, ce que vous avez fait. »

Les aider, venir ici, en dépit des … divergences philosophiques probables entre un prêtre catholique et le Planned Parenthood. Au moins, il s’agissait de quelqu’un qui était capable de mettre ses convictions de côté quand la situation l’exigeait, ce qui était plus que ce beaucoup auraient été capable de faire. Terminant son point, Leone ajouta :

« Je comprends mieux pourquoi ma grand-mère vous aime bien. C’est par elle que vous avez su que j’exerçais ici ? »

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Mar 17 Déc - 20:55
Les nouvelles n'étaient pas bonnes. Ou du moins, bien stressantes. Aucune place d'accueil n'avait été trouvée pour le moment afin de mettre la mère et la fille à l'abri. Antek hocha la tête, vivement. Si Magda ne portait pas plainte, rien ne pourrait être débloqué, et la situation ne pourrait qu'empirer. Elle serait condamnée à se cacher et à fuir sans cesse, alors qu'il existait des moyens de rendre la situation légalement plus simple. En bref, elle devait aller au bout de sa démarche, sans quoi tout cela n'aurait servi à rien, sans quoi, elle pourrait aisément retomber sous l joug de son époux violent.

"Oui, il faut qu'elles portent plainte, je vais encourager Magda à le faire et y aller avec elle. Je pense qu'elle est d'accord. Elle a déjà fait un grand chemin." dit-il, laissant paraître un petit sourire. "Et si jamais on ne trouve rien, je demanderai à un prêtre que je connais de les prendre sous son toit." Et oui, c'était aussi une solution. Demander à l'un de ses collègues, qu'il connaissait bien, d'accueillir la petite famille au presbytère. Cependant, cela ne serait très certainement pas la meilleure solution, bien que temporaire, parce que se retrouver chez un inconnu dans de tels circonstances, cela engendrerait stress et craintes supplémentaires. Magdalena était d'ailleurs assise dans la salle d'attente, de retour, encore tremblante. C'était comme si elle était dans un état second, qui lui était pourtant bénéfique. Si l'était second se rompait, elle perdrait tout courage pour effectuer les démarches ultérieures.

Ce fut à ce moment précis que la fillette s'approcha des deux hommes, coupant court à leur conversation et à leurs questionnements. D'un air mignon, doux, elle demanda au médecin s'il n'allait pas aussi ausculter le prêtre. Ce dernier tenta de la rassurer, mais elle eut le dernier mot, alors qu'elle lui proposait simplement d'utiliser sa peluche pour expliquer à son tour où il avait mal. Avait-il mal, vraiment? Non, il ne sentait rien. Mais peut-être que quelqu'un d'aussi maladroit que lui devenait, au fil des années, insensible à la douleur.

"Très bien." déclara-t-il avant de laisser s'échapper un soupire. Il lança un dernier sourire rassurant à l'enfant et à sa génitrice, avant de suivre Leone dans la salle prévue pour les auscultations. Là, il se laissa faire. Il laissa le médecin appliquer des pommades, observer la moindre de ses blessures. Il sursauta presque en observant l'immense hématome sur son bras. Il ne se souvenait pas que le mari agressif l'avait frappé. Mais à présent, des images lui revenaient. Il avait protégé son visage, en plaçant ses avant-bras en barricade.
Dieu merci, le docteur ne remarqua pas, ou ne fit pas de remarque sur ses cicatrices.

Antek allait hocher la tête à la négative, refusant la prescription de radio, mais les mots de son interlocuteur le poussèrent à accepter. En effet, ce serait vraiment très rassurant, surtout pour Ewa qui s'était attaché comme un petit animal au curé de sa paroisse, de se rendre à l'examen accompagnée. "D'accord." déclara-t-il. "Vous pensez vraiment à tout, vous devez être un excellent médecin." dit-il en souriant, son regard s'ancrant dans celui de l'italien. "En plus, vous êtes très très très mignon." ajouta-t-il. Mignon. Non, Antek, ce n'est pas ce mot-là que tu voulais dire! Tu voulais dire 'gentil'! Notre abbé ne remarqua même pas le fait que sa phrase prenait un tout autre sens – qui était loin d'être faux, à vrai dire, soyons honnêtes.

"Bien?" répéta-t-il après le gynécologue, rougissant quasi-instantanément. "Non, c'est normal." ajouta-t-il ensuite, parant son visage d'un sourire solaire tandis que ses yeux restait ancrés dans ceux de son interlocuteur, avec intensité et douceur. Et oui, c'était normal. Comment aurait-il pu réagit autrement? Qu'aurait-il pu faire? Et même en cet instant, il songeait qu'il n'avait peut-être pas fait assez, qu'il aurait pu faire mieux.

Il hocha ensuite la tête à l'affirmative en réponse à la question de Leone. "Votre grand-mère est une femme exceptionnelle." indiqua-t-il. Ah oui, Madame Castelli s'était fait remarquée dans la paroisse, et c'était peu dire. Et Antek la portait fortement dans son coeur. Il rougit d'ailleurs, en y songeant: elle était l'une de ses favorites! Un bon prêtre n'a pas à avoir de favoris parmi ses ouailles!
C'était alors qu'il se jugeait lui-même sur ce cas de conscience que l'on frappa à la porte. Antek avait déjà remis son haut et la personne entra. Il s'agissait de Georgia, la secrétaire de l'accueil.
"Bonne nouvelle! On a trouvé une place!" s'exclama-t-elle avec jovialité.

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Ven 3 Jan - 15:38
« En effet … une partie du plus difficile est faite mais … la suite n’en sera pas moins douloureuse. C’est pour cela que je préférerai qu’elle soit placée avec sa fille dans une association, pour avoir le soutien adéquat. Sinon, je peux proposer mon appartement, temporairement, et m’installer chez ma grand-mère, mais ce n’est pas optimal. Il faudrait qu’elles soient entourées, protégées, suivies par des professionnels. Pas à être bringuebalées d’un inconnu à un autre. »

Les démarches prenaient du temps, que ce soit au niveau administratif ou judiciaire. Déjà, le plus urgent serait d’obtenir d’un juge une injonction pour éloigner le mari et un contrôle judiciaire, à minima, voire une incarcération préventive. Eventuellement, un système d’aide en urgence si Magdalena revenait vivre chez elle et non en foyer. Sans parler du reste : auditions, confrontations, et ainsi de suite. Sans parler d’intéresser le cabinet du procureur pour prendre l’affaire et éviter une négociation potentielle au rabais : merveilles du système américain. En l’occurrence, il avait bon espoir : ce genre d’affaires était toujours porteur, surtout pour apparaître politiquement comme un défenseur acharné des droits des femmes. Présenté ainsi, c’était cynique, bien sûr, mais Leone était un homme qui avait appris à être réaliste, et à jouer des failles du système à son avantage. Comme il le répétait, jeune, il rêvait du monde tel qu’il devait être. Les années passant, il avait appris à tenter de transformer le monde tel qu’il était, et chaque petit pas était une victoire.

Et ce constat, il se le répétait en soignant Antek, ne pouvant s’empêcher de constater que l’agresseur n’avait pas ménagé non plus celui qui était venu en aide à sa femme et à son enfant, comme Leone l’avait rapidement compris. Ce n’était parfois pas par lâcheté, que l’on n’intervenait pas, mais pour protéger les siens, voir pour se protéger soi-même. Il était facile, de juger les autres. Mais tout le monde n’avait pas l’âme d’un héros. A son avis, ce qu’il convenait de faire, c’était louer le courage des uns, et encourager les autres à faire des petits pas, même minimes : une donation, c’était peut-être banal, peut-être rien, même quelques dollars, mais cela pouvait servir à remplir leur stock de petits médicaments, racheter des fournitures, de la nourriture, une couverture … Les petites rivières faisaient les grands fleuves, et il appartenait à chacun de faire avec ce qu’il pouvait, quand il le pouvait, comme il le pouvait. Lui, après le militantisme activiste de sa jeunesse, à Act Up, s’était plongé dans la médecine pour soulager d’autres maux que les siens, et il en avait fait à la fois sa carrière et sa mission. Souvent, son cœur saignait face aux souffrances, aux vicissitudes imposées par la vie et les humains à des personnes qui n’avaient rien demandé, sinon à exister tranquillement, à avoir leur petite part de bonheur, une fois de temps en temps. Pourtant, il continuer à avoir foi dans les petits riens qui faisaient tout, les mains tendues, parce que s’il était conscient de la banalité du mal, il aimait à penser que la banalité du bien existait aussi. Lui, il la trouvait dans son travail. Aussi douloureux, parfois, soit-il. Une aiguille dans la main pour faire un point sur cette vilaine coupure, Leone sourit tandis que le prêtre le complimentait sur son exercice de l’art médical.

« J’ai simplement l’habitude. A l’hôpital, je vois beaucoup de familles avec enfants qu’il faut occuper et rassurer, et je travaille en partie en chirurgie néo-natale, dans le service de pédiatrie donc … J’ai pris le coup de main grâce à mes collègues. Sans compter le fait qu’ici … beaucoup de gens passent cette porte car elles sont en détresse, et nous sommes formés à les accueillir du mieux que nous pouvons, peu importe pourquoi elles ont besoin de nous. »

D’une part, c’était une chose que d’ouvrir les patients, et une autre que de parler aux familles, les aiguiller dans les méandres de la maladie ou de la grossesse, suivant les cas dans sa spécialité. On apprenait à consoler un enfant qui voyait sa mère ou sa grand-mère en pleine souffrance, à soulager les conjoints et conjointes déboussolés, et on s’inspirait de la patience infinie des chirurgiens pédiatriques et de leur capacité à mettre des étoiles dans les yeux de petits malades … comme de leurs parents. Et puis, le meilleur ami de Leone étant psychiatre, et parce qu’ils aimaient parler chacun de leur travail et de leurs patients, il avait fini par retenir quelques petites astuces pour mettre à l’aise les personnes les plus récalcitrantes, ou faire face à d’importantes tensions. Un clin d’œil ponctua sa dernière phrase. Il n’avait pas voulu relever immédiatement la remarque du curé pour ne pas le mettre mal à l’aise, considérant qu’au vu de certaines de ses difficultés d’élocution en anglais, il devait avoir confondu les mots, tant il lui paraissait très incongru qu’un homme d’Eglise flirte, de une, avec un autre homme, de deux. Mais cela ne l’empêcherait pas de le taquiner gentiment. C’était bien trop tentant.

« Pour le reste, mon Père, je vois crois sur parole. Ma grand-mère le dit souvent, mais c’est bien plus charmant quand ça vient d’un homme de mon âge. »

Bon, cela restait gentillet, il n’allait pas non plus le mettre mal à l’aise. Pas trop en tout cas. Rangeant ses instruments, il vérifia son point, satisfait de son travail, avant de commencer à ranger, hochant simplement la tête de dos quand Antek complimenta ladite grand-mère. Se retournant pour aller se laver les mains, une expression de franche douceur passa sur son visage, comme à chaque fois qu’il entendait parler en bien d’Anna Castelli, et murmura avec une affection claire et perceptible dans sa voix :

« Oui. Elle n’a jamais reculé devant rien. Peu importe la difficulté. »

Il aurait aimé ajouter qu’elle lui avait sauvé la vie, mais préféra garder cela pour lui. C’était un rien trop personnel. Heureusement, le cri victorieux de Georgia le tira de ses pensées et il la remercia immédiatement, avant de déclarer doucement :

« Excellent. Vous êtes décidément une vraie perle, Georgia. Bien, ils envoient une voiture, ou je les conduis ? Je conduis ? D’accord. Allons, on va pouvoir fermer. Antek, vous voulez bien prévenir Magdalena et Ewa, et on se retrouve dehors ? »

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Ven 3 Jan - 16:42
Antek hocha simplement la tête doucement suite aux explications de son interlocuteur. C'était vrai, il ne serait pas raisonnable de trimballer la pauvre mère et sa fille de foyer en foyer, d'autant que Leone était un inconnu pour elle, tout comme le prêtre auquel songeait notre jeune curé. La situation n'était pas des plus simples et le risque de devoir trouver une solution d'urgence loin d'être optimale était sans cesse présent. Déjà, l'esprit d'Antek partait à la recherche d'autres solutions, plus acceptables, moins dérangeantes pour tous les partis.

L'abbé se laissa soigner. Il redoutait cet instant, mais étrangement, sous les mains de Leone, il ne sentait aucune gène, il était parfaitement à l'aise. Il regarda avec un peu d'inquiétude l'aiguille que le trentenaire prenait en main. Enfant, il avait peur des aiguilles. C'était une véritable calamité à l'hôpital. Il hurlait, se débattait, fuyait les infirmières comme la peste. C'était sa grand-mère qui parvenait à le calmer, et sans sa présence, il était incapable de rester serein, incapable de se laisser toucher, même pour prendre une vulgaire tension. Mais, depuis, il avait grandi, il avait mûri et il n'avait plus les mêmes craintes que dans son enfance.
Antek sourit en écoutant le Dr. Castelli.
"Finalement, on est pas différents sur ce point." L'accueil bienveillant. C'était peut-être l'essence même de la vie de notre petit polonais. "Et vous faîtes ça très bien." ajouta-t-il ensuite. C'était bien de complimenter lorsque quelque chose était bon, et faisait du bien à l'entourage. Ce centre était important.

Puis, à la remarque suivante, notre jeune homme finit par comprendre qu'il avait probablement confondu deux mots. Il rougit, comme une petit tomate bien mûre, baissant les yeux. Il ne répondit rien, espérant que l'autre n'allait pas en dire davantage. Et il ne dit rien de plus.
La conversation bifurqua sur la grand-mère de Leone. C'était une femme tout à fait charmante, même si elle avait certaines pratiques peu orthodoxes. Antek l'appréciait et elle semblait avoir le même ressenti le concernant...Pas étonnant que son petit-fils soit si doux et charmant, si c'était elle qui l'avait élevé.
"On a besoin de gens comme elle." répondit-il simplement, osant relever la tête, et souriant, de cette façon solaire qui lui était habituelle.
Ce fut à cet instant-même que Georgia entra en trombe dans la pièce, annonçant l'excellente nouvelle. Ils avaient trouvé un foyer pour Magda et Ewa! Antek faillit sauter de choix à l'entente de ces mots, d'ailleurs, il eut un petit sursaut, comme un enfant, qui s'arrête subitement net avant de bondir.
"Très bien, j'y vais tout de suite!" s'exclama-t-il avec jovialité, avant de prendre la direction de la salle d'attente. Là, il transmis l'information à la jeune mère, absolument ravie et soulagée. Ils enfilèrent ensuite manteau et écharpes et sortirent au-dehors, pour y attendre le médecin qui, visiblement, d'après ce qu'avait compris le jeune prêtre devrait les conduire.

A quelques dizaines de mètres de l'entrée, les manifestants étaient toujours là. Ils l'interpellaient, ainsi que la demoiselle, scandaient des slogans... Et si Antek pouvait tout entendre sans ciller, son sang ne fit qu'un tour dans ses veines, bouillant, presque douloureux, lorsqu'il vit la crainte dans le regard de Magdalena, perdue. Ces gens-là ne pouvaient pas se comporter avec tant de violence et se dire bons chrétiens. Il venait à l'église le dimanche matin, (ou au temple), et passait le reste de la journée à juger les autres.
L'abbé ne remarqua même pas que Leone venait de passer la porte de sortie pour les rejoindre. Il savait que ce n'était pas le bon moment, qu'il devrait se contenir, mais... Il ne pouvait se taire alors que l'on semait le mal devant lui. Il se hâta, d'un pas décidé, afin de venir se positionner devant la troupe, derrière un cordon de sécurité.
"Pourquoi vous faîtes ça?" demanda-t-il finalement, simplement, sur un ton plutôt calme vu la colère qui pulsait dans l’entièreté de son corps. Il était tendu et cela se voyait, car il ne souriait plus à présent. "Pourquoi vous essayez de faire peur? Vous avez fait quoi pour toutes ces filles à part les effrayer? Elle est où la main tendue? Et l'amour de son prochain?" ajouta-t-il ensuite, en les observant presque un à un. 

"Quoi, mon père? Vous soutenez ces criminels?" Antek hocha nerveusement la tête. "C'est facile pour vous, de dire ça. Mais si seulement vous discutiez, vous essayiez de comprendre. Si seulement, vous regardiez tout ça par le filtre de l'amour et de la bienveillance." souffla-t-il. "Bien sûr, je préfère le choix de la vie. Mais ces jeunes femmes, ça leur coûte beaucoup, ce n'est pas une partie de plaisir. Et on en parle de vos aides? Convaincre par l'intimidation, puis après... quoi? C'est pas 2 mois de couches et de biberons qui vont les aider, par la suite!" s'exclama-t-il. Celles qui faisaient 'le choix de la vie' se retrouvaient rapidement dans les plus grands des embarras, parfois même paria, alors qu'on leur avait promis bien plus. On les convainc puis on les abandonne. L'avortement, sujet très sensible. Antek n'allait pas soutenir l'acte en lui-même, mais il était capable de comprendre le désarroi, de comprendre qu'on veuille venir en parler, qu'on soit tenté d'y songer, sous le poids de cette nouvelle vie à venir, qu'on ne se sentait pas capable de soutenir. Il en avait vu et entendu des choses, en confession, à ce sujet. Des regrets. Et il comprenait que les situations étaient compliquées, que jamais personne ne faisait cela sur un coup de tête ou de gaieté de coeur. Certes, étant très croyant et prêtre, la vie à venir prenait le pas, dans son âme... Mais lui, il préférait discuter, donner des clefs pour réfléchir, songer à tout ce qui serait ou est possible lorsque l'enfant sera né. Et pas des fausses, des qui font peur, des colériques, à coup de "punition divine". Simplement un dialogue. Et de l'aide, morale et financière (si possible). Une renaissance de l'espérance, aussi. Les personnes devaient ensuite décider en leur âme et conscience. Elles seules étaient maîtresses de leur choix, même si celui de l'ivg peinait grandement Antek.Et n'était-il pas mieux de parler du problème à la source? D'instruire les gens pour éviter qu'ils aient à se retrouver devant ce genre de dilemme à l'avenir, de responsabiliser l'acte sexuel au lieu de le banaliser?  "Tendez la main, essayez d'aider, de les écouter, ainsi que les enfants, au lieu de perdre votre temps et votre énergie à intimider! Déchainez la haine et la colère, c'est un péché, et c'est un péché très grave! Vous n'êtes pas là au nom de Dieu!" s'exclama-t-il, levant la voix sous les huées et le flots d'insultes. "La violence, la haine, la peur, l'intimidation, c'est cela que vous retenez, c'est cela que vous aidez à grandir, encore et encore?" demanda-t-il, fronçant les sourcils. La discussion n'était, évidemment, pas possible, et les manifestants encore plus en colère qu'auparavant. On lui lança quelque chose, il ne sut pas trop quoi, car il eut tôt fait de se recroqueviller et repartir en direction de la petite famille et du médecin. Il savait qu'il ne pouvait rien y faire, concrètement, qu'ils ne l'écouteraient pas et ne s'en iraient pas. Mais cela faisait du bien de hurler un peu, parfois, même quand on était un bisounours comme Antek. Il n'aimait pas qu'on déprave l'Amour.
"Désolé, j'ai pas pu m'empêcher, ils m'énervent. Ils font du mal en scandant que c'est le bien. Ne pas être d'accord est une chose, agresser en est une autre." expliqua-t-il. Cette scène avait été inutile, somme toute... Il avait cédé à trop d'entrain, un peu d'orgueil, aussi.

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Ven 10 Jan - 22:45
Leone avait du mal à cerner Antek Blaszczyk. L’homme n’avait pas cessé d’être accommodant, et si au départ il avait considéré qu’il agissait ainsi par politesse, parce qu’il avait besoin de lui et de l’association, il finissait par se poser quelques questions. Sa grand-mère lui avait décrit son nouveau curé avec force hyperboles, qui portaient pour moitié sur sa prétendue maigreur à faire peur, le pauvre canard n’était forcément pas assez nourri, tout seul dans son église, et il fallait bien entendu lui amener des petits plats, enfin, on n’allait pas le laisser s’affamer de la sorte. En même temps, comme avait tendance à penser l’italien à force, pour Anna Castelli, on manquait forcément de nourriture. Par moment, il se demandait si les privations subies dans sa jeunesse, en raison de la pauvreté de sa famille, puis durant la guerre, et durant in fine la majeure partie de son existence, n’avaient pas mené à un besoin presque pathologique à ce niveau. Néanmoins, elle lui avait également assuré que sa nouvelle paroisse était charmante, et qu’elle avait même le droit de lire les intentions de prières et d’en donner de son cru, ce qui … avait pu mener à de menus problèmes avec le curé précédent. Mais là, pour le moment, non, tant qu’elle parlait d’amour pour son prochain, cela allait. Soit ? Il attendait, un peu cyniquement, le moment où ce ne serait plus possible, ne serait-ce que parce que les autres fidèles finiraient par se plaindre, comme à chaque fois. Néanmoins, le prêtre en face de lui correspondait objectivement à ce qu’elle avait dit, avec son sourire doux. Et déjà, il avait fait l’effort de franchir les portes. C’était quelque chose qui n’était pas anodin, surtout dans sa situation. Sans parler du fait qu’il était toujours difficile de se rendre « chez l’ennemi », même face à un adversaire commun. Est-ce que, si les rôles et les démarches étaient inversées, lui-même l’aurait fait ? Pas sûr. Il l’admettait volontiers : sur certains points, avoir à se battre sans cesse pour réussir à sauvegarder les fonds des associations dont il était membre contre divers groupes religieux avait eu tendance à durcir ses positions. Sans parler des tombereaux d’ordures qu’il lui était arrivé de recevoir, au sens propre comme au sens figuré. Bien sûr, il ne laissait rien transparaître de cela, attaché à son professionnalisme. Mais cela l’interrogeait, bien entendu. Il ne savait s’il était semblable à un homme ayant consacré sa vie à un culte, dont la plupart des membres condamnaient ses idées, ses pratiques, parfois sa propre existence. Toute une part de lui criait que ce n’était pas le cas, se révoltait même à cette simple idée. Et pourtant … il aurait aimé y croire. Se dire que sa grand-mère n’était pas un cas hétérodoxe et totalement isolé, forgé par des circonstances douloureuses. Finalement, il se contenta de sourire. C’était suffisant. Et de hocher la tête en approuvant ce que le prêtre disait de sa grand-mère. Sans doute oui, que s’il y avait plus d’Anna Castelli, le monde se porterait mieux.

Le temps de ramasser ses affaires et ses clés de voiture, il était dehors, attendant stoïquement que le reste de la troupe sorte, près de la porte néanmoins pour essayer de barrer la vue des manifestants à Magdalena et sa fille, qui n’avaient pas besoin de subir cela. Silencieusement, il les contempla, son visage reflétant une neutralité qu’il était loin de ressentir, mais qu’il s’imposait par devoir. Il savait pourquoi il avait choisi de s’engager là. A vrai dire, que ces gens pensent ce qu’ils vociféraient l’indifférait. Mais il ne supportait pas qu’on puisse vouloir empêcher les autres de faire un choix en raison de ses propres convictions. Bon sang, beaucoup ne partageaient absolument pas leur foi, dans les personnes qui venaient ! Et les autres n’avaient pas besoin d’entendre … tout ça. Ou de voir. Lui-même pouvait encaisser. Ce n’était pas le cas de tout le monde, surtout des publics très vulnérables qu’ils accueillaient dans cette clinique, essentiellement fréquentée par des minorités et des personnes pauvres, certaines parlant difficilement l’anglais, sans parler du reste.

Finalement, tout son monde sortit, et alors qu’il essayait toujours de faire barrage de son corps autant que faire se peut, Antek se porta à la rencontra des hurlements et de leurs propriétaires pour … leur hurler dessus. Alors celle-là, il ne l’avait pas vu venir. Les bras ballants, définitivement interloqué, Leone resta quelques secondes immobiles, les yeux ronds, avant de se souvenir qu’il avait autre chose à faire, et profita donc de la commotion pour escorter Magdalena et sa fille plus loin. Puis lorsqu’elles furent en sûreté, il referma la portière et attendit dehors que le prêtre revienne, non sans écouter ses paroles. C’était un discours qu’il pouvait entendre, qui ne reniait pas ses principes, et en même temps, il n’y avait que sa grand-mère pour tenir un discours en faveur de l’avortement dans une église, il ne fallait pas trop en demander, mais qui au moins essayait de se poser de bonnes questions … certaines qu’il avait jeté à la figure des mêmes personnes quand il débutait et n’avait pas encore développé des nerfs d’acier. En plus, c’était tellement rare, de voir un tel spectacle, qu’il n’allait pas pinailler. Parfois, il fallait aussi apprécier les mains tendues, les efforts. Sinon, l’on n’avançait pas, même si on pouvait se draper dans la certitude qu’on était pur. Mais la pureté, ça n’avait jamais beaucoup aidé, parce que bien vite, les attentes devenaient telles qu’elles finissaient par ne pas pouvoir exister. Observant l’homme revenir, Leone déclara d’un ton neutre :

« Vous les avez distraits suffisamment pour que je fasse sortir les dames tranquillement, ce qui n’est pas un mince exploit. »

Il se retourna, ne voulant pas en dire plus et ouvrit la portière avant de se raviser. Il se retourna vers Antek et déclara :

« Vous risquez de finir sur les réseaux sociaux, avec un titre du style le prêtre pervers emmène une femme au PP et hurle des diableries, est-il possédé ou je ne sais quoi.

Néanmoins, même si pour être franc, ce n’est pas qu’il soit en désaccord qui est gênant, mais que des personnes considèrent que leur choix doit prévaloir sur celui des autres qui l’est … Au moins, c’était courageux de votre part. Nous avons l’habitude de les entendre, moins que quelqu’un vienne nous défendre, et encore moins que ça vienne d’un homme d’Eglise.

Alors merci, et si une seule personne réfléchit après votre diatribe, ça aura été bénéfique. »


Puis il entra dans sa voiture et mit le contact avant de filer à l’adresse donnée. Là, ils conduisirent brièvement Magdalena et Ewa à l’intérieur, lui-même remercia pour la prise en charge et discuta rapidement avec les bénévoles, avant de s’en retourner. Il était atrocement tard, et il avait plusieurs interventions à mener le lendemain. Rien que le temps de rentrer … Il en était fatigué par avance. Néanmoins, il se souvint que le prêtre risquait d’avoir le même problème aussi, se tournant vers lui, il déclara, ses clefs en main :

« Venez, je vous ramène. »

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Ven 10 Jan - 23:22
Antek sourit face à la remarque de Leone. Bon, au moins, son petit discours n'avait finalement pas été aussi inutile qu'il l'avait cru, puisqu'il avait permis à Magda et Ewa d'avoir un peu de répit, de ne pas être directement agressées par cette foule pleine de haine. La haine, c'était le pire de ce que ces gens pouvaient donner... Il y avait tant d'autres façons de 'protéger la vie'. Celle qu'ils utilisaient étaient la pire. Antek hocha la tête, ensuite. Il n'avait pas vraiment tout compris, et la fatigue se faisait sentir, surtout après une journée et une soirée si riche en émotions.
"Après mon quoi?" demanda-t-il, articulant les mots du mieux qu'il le pouvait, tandis que sa langue natale se battait ardemment pour reprendre le dessus. Il hocha de nouveau sa caboche, haussa les épaules, avant de s'approcher pour ouvrir la portière de la voiture, lançant un nouveau regard à Leone. "Ce qu'on dit de moi n'a aucune importance. On n'arrête pas les langues de vipère, ce qui compte, c'est la vérité. Si vous alliez lire ce qui se dit de moi sur les réseaux, peut-être que vous ne m'adresseriez même pas la parole." indiqua-t-il ensuite doucement, laissant paraître un nouveau sourire, toujours aussi sincère et tendre qu'auparavant.
Il aimait bien ce Leone. Sa grand-mère ne cessait de lui en parler et Antek aurait bien aimé le croiser à la messe. Mamie Castelli inondait parfois le jeune abbé de paroles à propos de ce petit-fils dont elle était fière, elle lui racontait comme il était bon, intelligent... et même parfois comme il était beau. Mais Leone n'était pas croyant, alors son absence à l'office était on ne peut plus normale, et ne serait sans doute jamais terminée. Et pour ce qu'il en avait vu, ce type était excellent : professionnel, et surtout capable de mettre de côté ses avis et croyances personnelles, pour le bien commun.
Le jeune abbé poussa un large soupire en montant dans le véhicule, s'installant à côté de Magda et de sa fille. La petite aussitôt, se lova contre lui, après avoir fait parlé Doc Nounours en polonais quelques instants. Elle était exténuée. Mais elle dormirait en sûreté ce soir, et Antek l'espérait, jusqu'à ce que la situation soit réglée entièrement.
Il sourit tandis qu'il observait Magdalena la tête posée contre la vitre. Elle semblait aussi prêtre à visiter le monde des rêves. Peut-être que cette nuit, elle aurait droit à autre chose qu'un cauchemar?

Finalement, ils s'arrêtèrent à proximité du fameux centre. Ils déposèrent les demoiselles, les accompagnant le temps de la prise en charge et ce fut le moment de se dire au revoir. Ewa dormait déjà, dans les bras de sa mère. Elle était si chétive, pour son âge...

Il était déjà très tard à ce moment-là, et Antek se demandait comment il rentrerait. A pieds, certainement, car il n'osait pas demander à Leone le sacrifice supplémentaire de le raccompagner. Mais, il n'eut pas à le faire, car celui-ci lui proposa de le déposer. Aussitôt, le prêtre sourit avec douceur, remontant dans la voiture. Le trajet fut silencieux, et devant le presbytère, Antek ancra son regard dans celui du petit-fils Castelli, presque intensément. Il n'avait pas le pouvoir de lire les âmes, ce don ne lui avait jamais été donné, mais à cet instant, il voyait comme une intense lueur danser dans les prunelles du médecin: celle d'un homme bon. Un dernier sourire, alors qu'il ôtait sa ceinture de sécurité. "Merci." déclara-t-il simplement. "Merci pour elles, surtout." dit-il. Puis, il finit par tourner la tête pour ouvrir la portière.
"Bon courage." Pour quoi? Pour cette nuit qui s'annonçait courte? Pour le travail du lendemain? Pour le reste de son existence?
"A bientôt." souffla-t-il ensuite. Il ne savait pourquoi, mais il avait l'intime conviction qu'ils se reverraient bientôt, tous les deux.

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