L’écharpe enroulée autour du cou, Arya s’enfonce dans l’ascenseur pour se rendre au Think Coffee dans le seul et unique but de prendre un café dans un peu de calme, hors de son bureau et de la cacophonie de son téléphone qui sonne beaucoup trop. Elle devrait penser à demander une secrétaire, mais elle ne veut dépendre de personne. Même si elle pourrait, même si elle devrait. Elle a hâte que le week-end arrive, même si elle sait qu’elle va sûrement bosser une partie du week-end, elle est en retard sur un dossier et pourtant, elle avait espéré le finir dans les temps. Mais c’était peine perdue, elle a l’impression que quand elle n’a pas le temps, les dossiers s’accumulent. Et elle se sent rapidement débordée. Malheureusement. Même si elle hait le téléphone sur le moment, elle prend le temps d’appeler Holia pour lui raconter les prémices de sa journée et pour lui signifier qu’elle a hâte de pouvoir retrouver son amie autour d’un verre de vin, et surtout, pour lui dire qu’elle a pleins de potins à lui raconter. Et rien que pour ça, elle a hâte. Quand elle arrive devant le Think coffee, elle reste un long moment au téléphone avec son amie, faisant quelques pas aller-retour devant le café tout en regardant autour d’elle, victime d’un mauvais pressentiment, laissant passer les gens pressés qui sortait du café avant d’elle-même s’engouffrer dedans, soufflant sur ses mains gelées, toujours avec un regard vers l’arrière. Personne. Elle suivait les gens qui faisaient la queue, un petit regard vers l’arrière, et commandait son café latte au barista qui commençait à la connaître, lui offrant un sourire poli et lui laissant un pourboire important, comme d’habitude. Elle espérait sincèrement qu’il le gardait pour lui parce que c’était le seul barista aimable ou du moins, le seul barista avec qui elle avait un bon feeling, il n’était pas rare qu’elle discute un peu avec lui quand elle en avait le temps. Après qu’elle ait récupéré sa boisson et son muffin, elle se dirigeait jusqu’au comptoir pour pouvoir sucré sa boisson et elle sentait une main sur son épaule, ce qui la fit sursauter et elle se tournait, une lueur mauvaise dans le regard « Mais vous n’êtes pas bien dans votre tête ? » Demande t-elle, oubliant toute politesse. « Ça fait combien de temps que vous me suivez ? » Une autre question, elle serrait sa main en forme de poing pour éviter de le gifler « Mais on s’est déjà vus… Mais vous êtes un pervers ?! Je vais appeler la police si vous ne partez pas dans les minutes qui suivent. » Le voilà prévenu. Elle avait envie d’en découdre et si elle devait appelé la police, elle n’hésiterait pas.

@noah denbrough

Les premiers mois qui suivirent la disparition de Riley, alors que je me débattais entre la colère, le déni et le marchandage, je croyais l’apercevoir partout, frôlant parfois la folie. Ma peine était immense à l’époque. Plus tard, les années ayant entamé leur travail de sape sur l’espoir, je cessai de reconnaître ses traits dans ceux d’une autre. Avais-je déjà, cependant, suivi une inconnue en rue sur plusieurs mètres ? Jamais. Et, pourtant, ce soir-ci, tandis que je rentrais d’une visite chez ma mère à pied, je fus victime d’une recrudescence de déraison. Cette jeune femme avec laquelle je partage un trottoir trop grand, celle qui s’élance avec élégance vers une destination encore inconnue, elle me rappelle mon ex-fiancée au point que je ne réfléchis plus. C’est elle, j’en suis certain, et je lui emboîte donc le pas malgré les protestations de mon discernement. Il hurle, mais je ne l’entends pas. L’impression d’être à deux doigts de percer le mystère de cette disparition est si vivace que je demeure hermétique aux beuglements de mon discernement. Il crie : « Tu te trompes, Noah. » Elle braille avec force et désespoir, horrifiée par mon entêtement et mon comportement qui frôle la déviance. Or, je lui ordonne de se taire, par la faute de ce parfum commun à celui de Riley qui taquine mes sens. À moins que ça soit à cause de ce rêve affreux où ma bien-aimée se tient juste devant moi, bien vivante, et me largue comme un malpropre ? Est-ce toutefois une excuse valable pour justifier ma folie ? Non, évidemment. Je n’ai rien à faire là, sous le proche du Think Coffee, à épier les allées et venues de l’inconnue. Je n’ai pas à la suivre à l’intérieur ni à poser ma main sur son épaule pour me confronter à son visage. Qu’espérais-je ? Que mon manège passerait inaperçu ? J’ai à peine le temps de réaliser ma bévue que ma cible m’incendie. Elle fait mine de m’accorder voix au chapitre, mais elle enchaîne avec plus de colère que de peur. « Je … » tentais-je en vain. Elle est lancée. « Je … Oui… Non… » Rien ne semble pouvoir l’arrêter. Alors j’attends, sans exaspération. Une femme, à New York, peut être si souvent confrontée aux dangers que je ne la blâme pas pour son attitude. « Je suis désolée de vous avoir fait peur. Je vous ai juste confondue avec quelqu’un d’autre. » Elle paraît sceptique, mais je poursuis. « Je vous suis depuis… je sais pas… cinq minutes, mais pas parce que je suis un pervers. Je crois qu’on s’est vu au bal des pompiers, mais c’était une pure coïncidence. Pas la peine d’appeler la police. » Aurais-je dû préciser que j’y étais parce que c’est mon métier ? Je ne sais pas trop. J’ai la désagréable impression que, quoi que je puisse dire, je suis catalogué.

Arya n'en revient tout simplement pas. A partir de quel moment cette personne a imaginé que c'était normal d'accoster quelqu'un de la sorte. Que ce soit de sexe masculin, féminin ou même une personne non genrée. Arya pourrait même le frapper avec son code pénal pour que ça rentre que ce n'est pas possible et qu'il pourrait avoir de gros soucis. Mais la blonde ne veut pas non plus passer pour une psychopathe du travail, ce qu'elle est certainement cependant, mais elle ne se préoccupe que trop peu de ce que l'on peut penser d'elle. Elle s'en fiche comme de sa première dent. Elle avait simplement envie d'un café et voilà que maintenant, elle risque de passer pour une hystérique. « Et en plus vous me répondez oui ?? » demande t-elle du tac au tac, ne parvenant pas à redescendre. Elle en voit des femmes qui pleurent dans les bureaux parce qu'elles ne savent pas quoi faire, parce que les types sont des vraies connards et qu'elles ont besoin d'un avocat pour se défendre alors que les  jugements sont déjà tout fait. Quand il dit l'avoir confondu avec quelqu'un d'autre, Arya fronce les sourcils et serre la mâchoire, récupérant son gobelet de café. « Vous allez me dire que COMME par hasard, on s'est vus au bal des pompiers. » elle montre son index pour dire que c'est la première chose qu'elle a à dire puis elle lève le majeur pour annoncer que c'est la deuxième chose. « Vous vous rendez quand même compte qu'avec la conjoncture actuelle des choses je ne sais même pas si vous êtes sérieux ? Et si vous êtes un psychopathe ? Vous allez me suivre jusqu'à mon bureau et me tuer ? » Arya regardait aussi beaucoup trop de films. Mais elle se rendait compte que ce type était peut-être sérieux. Elle tentait alors de l'analyser comme elle pourrait le faire avec un accusé, ou avec un client en qui elle n'a pas confiance « Je ne vous crois pas. » prononce t-elle alors. « Puis déjà vous m'avez prit pour qui ? Jusqu'à preuve du contraire, je n'ai pas de soeur jumelle cachée quelque part, ni même un double. Alors je vais appeler la police. »

@noah denbrough (désolée du retard et de la qualité )

Et c’est dans ces moments précis où mentir serait le bienvenu qu’un trop-plein de sincérité m’envahit. Répondre oui, c’était idiot. Quand bien même s’accompagne-t-il d’emblée de la négative, il est trop tard désormais. La jolie blonde, brillant par son aplomb, s’offusque, s’irrite et me gratifie d’un regard noir et accusateur. Je comprenais. À sa place, Dhalia, aussi délicate puisse-t-elle être, n’aurait pas fait mieux. Le pire reste donc à venir et je m’y prépare alors qu’elle hausse le ton à juste titre. À défaut d’être convaincants, mes aveux sont inquiétants. « Je vous jure que je ne vous veux aucun mal, même si tout pourrait porter à faire croire le contraire parce que ça peut paraître complètement dingue. » Mal à l’aise, je creuse encore quand il conviendrait mieux de se taire. « Eh oui. Oui, je suis bien conscient que c’est bizarre, mais je vous dis la vérité. C’est peut-être bien le problème d’ailleurs. » déclarais-je une main glissant dans ma nuque. Je ne sais plus où me mettre ni où poser le regard. Une œillade trop appuyée suffirait à faire exploser mon interlocutrice. « Mais, je le répète, je n’ai l’intention de tuer personne, vous m’avez simplement rappelé quelqu’un. » Alors que la ressemblance était tout, sauf frappante. L’une est blonde quand l’autre est son opposé. Là encore, c’était peu plausible, mais quitte à mettre le doigt dans l’engrenage, autant y aller jusqu’au bout. «  Je vous ai pris pour ma fiancée. Enfin, mon ex-fiancée. Mais, c’est une histoire compliquée… Elle est partie et…. Enfin, elle ne m’a pas quittée, elle est partie et elle a disparu. Mais, là encore, je suis sûre que vous ne me croyez pas. Alors, voilà ce que je vous propose. » C’était quitte ou double parce que je n’avais aucune envie d’expliquer aux flics – qu’il m’arrivait souvent de côtoyer – que j’étais accusé à tort même si tout était contre moi. « Je vais reculer de dix pas, je vais lever les mains et vous allez faire une recherche sur internet à Riley Hopkins. » Je lui donnai quelques détails sur la tragédie qui me frappa plus tôt. « Vous allez tomber sur un tas d’articles la concernant. Et, ensuite, vous ferez une recherche à Noah. Noah Denbrough. C’est moi. Vous verrez que je suis pompier de profession, que mon métier, c’est de sauver les autres, et que vous pouvez donc me croire si je vous dis que je suis inoffensif. Et, si ça ne vous convainc toujours pas. J’appellerai les flics moi-même. Ça vous va comme deal ? »

« Vous savez, j’étais actrice avant et nous ne sommes pas dans un film ici, alors vos histoires à la mord-moi le noeud, je n’y crois pas une seconde. » Arya est mauvaise et elle siffle entre ses dents, se pinçant la lèvre inférieure pour éviter de le gifler. La prend t-elle pour une idiote ? Quelle vérité ? La vérité dans la tête d’Arya était qu’il la suivait depuis sûrement un moment et qu’il venait d’être prit la main dans le sac. C’est tout. Elle déglutit Arya et serre un peu plus son gobelet de café, si elle le serre encore un peu, il risque simplement de lui exploser à la figure. Mais tout cela est une autre histoire. « Vous abordez toujours les gens qui vous rappellent quelqu’un vous ? » Demande t-elle, acide. Elle n’a pas envie de polémiquer et elle aimerait bien reprendre le cours de sa journée, mais elle doit aussi en découdre. Elle ne peut pas laisser couler ça, après tout ce dont on entend parler, agressions sexuelles et tout le toutim, elle veut défendre ça Arya, alors si elle peut commencer avec elle-même, elle le fera. Elle, pourtant, n’avait jamais abordé quelqu’un qui lui faisait rappeler un ex, elle aurait pu, parfois, mais elle se retenait, toujours. Arya arborait alors une tête digne du plus grand étonnement quand il lui expliquait, et son coeur se serrait. Elle venait d’agresser un pauvre homme qui avait perdu quelqu’un. Quelqu’un qui a disparu. Ça lui rappelait sa situation, sauf que son ex n’avait pas disparu pour de bon, il était juste rentré chez lui, en Suède et n’avait pas jugé bon de l’emmener avec lui, elle n’avait plus de rancoeur Arya mais elle préférait tout de même sa situation, voilà que ses pensées étaient tirées par les cheveux et elle avait perdu le fil, mais elle écoutait l’inconnu en face d’elle. Quand il lui proposait de faire une recherche, Arya était sceptique mais elle sortait son téléphone de son sac à main en fronçant les sourcils. Les gens autour d’eux semblaient peu intéressés et c’était tant mieux, elle tapait ce qu’il lui disait et elle lisait en travers les articles. « Mais qu'est-ce que ... » Elle n’avait pas le temps de se prendre la tête à lire tout correctement. Puis elle tapait le nom de ce qui semblait être le nom de l’inconnu en plissant les yeux, alors il disait vrai. Elle déglutit Arya, se sentant complètement idiote et elle range son téléphone. « Bon, il faudrait que vous pensiez la prochaine fois à ne pas faire peur aux inconnues comme ça, avec tout ce que l’on entend, c’était pas bien malin aussi. » Puis elle se mordait l’intérieur de la joue « Est-ce que vous voulez que je vous offre un café ? Pour me faire pardonner de vous avoir agresser un peu. » Un peu ? Beaucoup même, mais elle faisait taire la voix qui était dans sa tête. « S’il vous plaît ? »