En ce moment, tu es complètement débordée. Il faut dire que tu ne compte plus tes nombreuses heure supplémentaires que tu effectues dans les studios de la chaîne où tu bosses presque depuis une décennie. Tu te bats pour ta place, parce que tu sais ce que prépare les producteurs, ils attendent une seule erreur de ta part pour te remercier et te remplacer par une gamine qui vient de sortir de l'école. Cette idée t’irrites, tu t'es battue pendant des années pour prouver que tu es légitime à ce poste, tu n'as jamais manqué un seul jour, pas un seul bafouillement lors des directs. Tu es sûrement la seule présentatrice d'un journal télévisé à pouvoir te vanter de n'être jamais apparue dans un zapping où on se moquerait d'une erreur que tu aurais commise. Tu donnes tout ce que tu peux pour rester au top et qu'on ne puisse rien te reprocher. Ton emploi du temps est donc assez rempli, pour te voir, on doit même parfois prendre rendez-vous. C'est le cas avec ton neveu que tu n'as pas vu depuis un moment, tu as chargé ton assistante de réserver un restaurant chic  sur la 5th avenue, là où se trouve l'ensemble des boutiques de luxe que tu affectionne particulièrement. Tu l'as également chargé d'inviter ton neveu pour pouvoir passer un bref instant avec lui. Ou plutôt, tu l'as obligé à venir, ne laissant pas le choix à ton neveu de refuser. Il est assez habitué à tes méthodes peu orthodoxe, tu n'es donc pas gênée une seconde par ta démarche. Le jour même tu sors des studios un peu en retard, Aidan est très certainement en train d'attendre depuis une dizaine de minutes. Tu presses le pas jusque là-bas, puisque prendre ta voiture ne servirait à rien, tu y arriveras bien plus vite à pieds jusqu'à la-bas. Au bout de quelques minutes, tu arrives sur les lieux, offrant un sourire radieux à la personne qui t’accueille et qui t'offre en retour le même sourire. Tu es toujours bien traité dans cet établissement, il a l'habitude d'accueillir des personnes aux revenus élevés ou des célébrités. Tu retires ton écharpe, scrutant dans le moindre recoin le visage de ton neveu. Tu finis par le remarquer dans un coin de la pièce et ton cœur manque un battement. T'as tellement l'impression de voir ton frère à son âge, l'une des dernières fois où tu l'as vu. Il a déjà essayé de te rappeler plusieurs fois pour te demander pardon, mais tu as toujours refusé de lui pardonner. Il aurait dû te soutenir quand ton père t'as jeté dehors. Et encore pire, il a jeté son propre fils dehors aussi. Quand tu as su ça, tu l'as appelé telle une hystérique pour lui dire ta façon de pensée. Toi, tu n'as pas voulu l'abandonner, parce qu'il ne méritait pas ce traitement de la part de la famille Blackson. Tu avances jusqu'à sa table et t'installes en face de lui. « Désolé d'être en retard, j'ai beaucoup trop de boulot ce temps-ci. » Tu lèves enfin les yeux sur lui. « Pendant un instant j'ai bien cru que tu étais ton père, j'ai hésité à faire demi-tour. » tu rigoles, la blague ne fera peut être pas rire Aidan, mais ça, tu t'en fiches pas mal. Ton neveu est le mieux placé pour savoir que ça te fait du bien de descendre constamment ton frère. tu attrapes la carte que tu commences à détailler. « Prends ce que tu veux, c'est tata qui t'invites. » tu joues le cliché de la tante gaga de son neveu, mais faut dire que tu te retrouves assez en lui et qu'à l'époque, c'est ta grand mère qui jouait le rôle que tu joues actuellement. « Alors ta pièce, comment ça se passe ? J'ai malheureusement pas pu encore me libérer pour venir te voir jouer. »

Cela fait bien longtemps que tu n'as pas mis les pieds sur cette avenue. A quoi bon traîner dans les beaux quartiers maintenant que tu ne peux plus te permettre d'acheter quoi que ce soit ici ? Tu n'aimes pas être là, à jeter un regard simplement par curiosité malsaine aux étiquettes des vêtements dans les boutiques de luxe. Dire qu'il y a un peu plus d'un an, tu aurais pu rentrer dans plusieurs d'entre elles et acheter sans te soucier une seule seconde de ton compte en banque... Ah, le bon vieux temps. Maintenant tu te retrouves à devoir gérer chacune de tes dépenses pour ne pas finir à découvert à la fin du mois. C'est un comble pour quelqu'un comme toi. Et tu sais très bien que cela risque de durer longtemps – voire pour le reste de ta vie. Rien que l 'idée de passer ton existence pauvre (plutôt dans la moyenne, mais pour toi cela reste quand même de la pauvreté) te donne envie de te jeter sous la première Tesla que tu vas croiser. Mais ce serait idiot que ta tante te retrouve à l'hôpital plutôt que dans ce fameux restaurant bien connu et réputé de la haute new-yorkaise... Tu rentres dedans avec des anciens vêtements à toi de marques que tu as payé une blinde à l'époque juste histoire de te donner une certaine contenance au milieu de tout ce beau monde. Ce n'est pas parce que tu n'as plus d'argent que tu dois te permettre de t'habiller n'importe comment ! Tu restes classe en toute circonstance, Aidan. C'est tout ce qui te reste à l'heure actuelle de toute façon. Il te suffit de dire ton nom ainsi que celui de ta tante pour être mené jusqu'à la table réservée pour vous deux et tu attends sa venue. En dehors de ta cousine, Nora est la seule de ta famille au courant de ta situation actuelle et de la véritable raison de pourquoi tes parents t'ont viré de chez eux. Elle aussi s'est retrouvée blacklistée de chez les Blackson pour son homosexualité, chose qui t'a toujours paru totalement improbable. Tu veux bien que ta famille soit remplie de sacrés cons mais à ce point-là ? L'univers de la haute new-yorkaise est impitoyable. De véritables arriérés chez les vieux qui essayent de perpétuer leurs soit disant valeurs qui ne sont que des excuses pour garder ceux qu'ils considèrent comme les meilleurs éléments parmi eux. Au final, Nora a réussi sans eux. Cela devrait te motiver, te donner une lueur d'espoir de t'en sortir à ton tour mais tu n'y crois pas. Finalement, Nora arrive quelques minutes plus tard et tu la salues tandis qu'elle s'installe face à toi. « Tu as toujours trop de boulot. » que tu lui lances avec un sourire moqueur. Ce n'est pas un reproche, loin de là. Mais la simple réalité. Tu as l'impression qu'elle ne s'arrête jamais – c'est peut-être pour cette raison qu'elle a réussi à devenir ce qu'elle est actuellement. Toi, cela a toujours été le contraire : tu t'es toujours contenté de faire le strict minimum et voilà où tu en es à présent... « A quel âge ses cheveux ont commencé à tomber ? Histoire que je sache quand je dois commencer à m'inquiéter et faire une greffe de cheveux à mon tour pour cacher les dégâts. ». Une réflexion totalement gratuite envers ton père qui n'est même pas là pour t'entendre et qui chercherait certainement à se défendre en expliquant qu'il a juste changé son alimentation pour arriver à un tel résultat... Rien qu'en y pensant, tu ne peux pas t'empêcher de lever les yeux au ciel. Nora est la seule personne avec qui tu peux le critiquer sans avoir l'impression de dépasser les bornes. « Merci de me donner l'occasion de goûter une nouvelle fois au luxe. » dis-tu avec une pointe de sarcasme dans la voix tout en haussant un sourcil en observant la carte. Des plats élaborés, un restaurant réputé... Les prix sont bels et bien comme tu les imaginais avant de rentrer. « Je crois que c'est ce qui me manque le plus. ». Ouais, définitivement la bouffe. Passer d'un cuisinier personnel à une petite cuisine d'appartement pourrie alors que tu ne sais rien faire de tes dix doigts, ce fût un véritable choc. « C'est toujours la même chose. Tu devrais venir un soir avec Holly après les fêtes, il n'y a pas mieux comme date romantique que de me voir à moitié nu sur scène. ». C'est ironique bien évidemment, inutile de le préciser.

Il y a bien longtemps que tu ne fréquentes plus les petits restaurants de quartier ou encore des fast-food. Tu as bien trop le palais précieux maintenant et tu n'avales que des bonnes choses dorénavant. Bien sûr, aucun plat ne peut être aussi bon que ceux de ta femme, même les plus grands chefs n'y mettent pas autant d'amour qu'elle. Tu es toi une quiche totale en cuisine, bien trop habituée à te rendre au restaurant ou au cuisinier qui était à la maison quand tu vivais encore chez tes parents à l'époque. Tu n'as jamais su cuisiner, ne serait-ce qu'un œuf. Tu as eu de la chance d'être tombé sur une femme qui adore cuisiner de bons petits plats ou alors tu aurais dû te faire un abonnement aux meilleurs restaurants de cette ville. C'est pour cette raison que tu as pensé à inviter ton neveu dans un restaurant où tu es sûre de bien manger et de ne pas être dérangé par des personnes qui te reconnaîtraient. Tu détestes être importunée pendant un repas privé par des personnes qui te demandent des photos ou des autographes. Bien sûr, tu ne peux pas refuser et tu dois tenir un sourire de façade pour qu'on ne puisse pas te juger désagréable par rapport à ton image d'adorable présentatrice que les gens ont te concernant. Ce restaurant fréquentait par les plus haut revenus de la ville sera donc t'accueillir et te faire passer un bon moment tout en discrétion avec le seul membre de ta famille que tu acceptes de voir encore. Tu t'excuses de ton retard en le rejoignant à votre table, il constate que tu as toujours beaucoup trop de boulot. « C'est vrai, mais pas le choix. » Tu ne veux pas l’assommer avec tes problèmes, mais les producteurs rêvent de te remplacer, tu dois donc toujours donner le meilleur de toi-même et bien plus encore. Tu fais une blague sur sa ressemblance avec son père qui n'est autre que ton frère. Cet être détestable qui n'a pas pris ta défense face à vos parents et qui en plus a mis à la porte son propre fils. Aidan te demande à quel âge son père à commencer à perdre ses cheveux afin de savoir quand il doit commencer à s'inquiéter. « Quand je vivais encore avec lui, il avait les mêmes magnifiques cheveux que toi, mais c'est certainement la méchanceté et la lâcheté qui l'ont fait perdre sa chevelure. » C'est totalement mérité d'après toi, les gens méchants méritent de s'enlaidir. Ton neveu te remercie de lui donner l'occasion de goûter de nouveau au luxe et que les bons repas sont ce qui lui manque le plus. Tu ne peux t'empêcher de t'attendrir face à sa détresse. « J'ai toujours cette chambre d'ami qui t'attends à la maison si tu le souhaites, Holly n'y verra aucun inconvénient. » Et au moins, elle pourra le chouchouter elle qui te parle constamment d'avoir des enfants, elle aura là un grand gosse à s'occuper sans devoir changer ses couches. Pendant que tu feuillettes le menu, tu parles de la pièce dans laquelle joue Aidan et que tu n'as pas encore pu assister. Tout semble bien se dérouler d'après ses dires, il t'invite même à venir le voir avec Holly pour pouvoir le voir à poil. Tu ris à ses propos. « Tu n'essayerais pas de me voler ma femme dis-moi ? Tu sais j'ai déjà pleins de photos de toi cul nu quand tu étais encore qu'un petit gnome. » En effet, ce n'est pas les photos de lui enfant qui manque dans tes albums souvenir.

Machinalement, tu passes une main dans tes cheveux juste pour vérifier qu'ils soient bien tous en place. Car niveau lâcheté et méchanceté, tu as quand même pas mal donné durant des années, à dénigrer toutes les personnes qui ne font pas partie de ton milieu. C'est tout de même sacrément ironique quand tu y réfléchis, toi qui a toujours dit aux autres qu'ils n'avaient qu'à se bouger les fesses pour être à ton niveau alors que tu as fini par comprendre que tout le monde n'a pas la faculté de naître riche ou mais aussi de le devenir. Ce n'est pas aussi simple que tu le prétendais et maintenant que tu es dans la même situation que les personnes dont tu t'es allègrement moqué, tu te rends compte de la vraie vie. Le Gotha est un autre monde, un monde sur lequel tu ne cracheras jamais car tu as apprécié en faire partie mais... C'est différent de tout ce que tu connais maintenant que tu as retrouvé à peu près les pieds sur terre. « Bon, je vais penser à être un peu plus sympa avec la troupe alors. » répliques-tu avec un sourire en coin malgré le sérieux de tes paroles. Certes, cela va beaucoup mieux qu'au début avec la troupe du théâtre mais cela reste quand même tendu par moment. Tu ne peux pas non plus te rabaisser pour leur faire plaisir ! Pas de ta faute si tu sais ce que tu vaux quand même. « Avoue que tu me proposes ça juste pour voir si je suis réellement capable de faire une lessive par-moi même maintenant. ». Tu te rappelles très bien quand tu t'es retrouvé pour la première fois face à la machine à laver de l'appartement où tu vis et que tes colocataires se sont royalement foutus de ta gueule quand tu leur as dit que jamais tu n'utiliserais cet appareil de toi-même. C'est ta tante que tu as fini par appeler pour savoir comment cela fonctionne. Malgré la froideur qu'elle présente au premier abord, c'est une bonne personne Nora et tu es bien placé pour le savoir. Elle a la patience de te supporter alors qu'elle aurait pu de nombreuses t'envoyer balader avec tes questions logiques – et qui pour toi, pourtant, ne le sont pas tant tu as été habitué à ne faire strictement rien par toi-même. « Plus sérieusement, une amie avec qui j'ai renoué m'a proposé d'emménager dans sa maison à Staten Island après les fêtes. Malheur pour Holly et toi, vous risquez de me voir plus souvent. ». C'est de l'humour bien évidemment, tu ne comptes pas t'immiscer dans la vie de ta tante et sa femme simplement car tu te rapproches de chez elles. Mais peut-être que cela vous donnera l'occasion de vous voir plus souvent et ce n'est pas plus mal. « Rappelle-moi de ne jamais te présenter qui que ce soit dans ce cas-là, je sais très bien que tu serais capable de ressortir ces photos. ». Un serveur arrive alors pour prendre votre commande et une fois que ta tante finit de choisir, tu parles à ton tour. Tu as essayé de prendre les plats les moins chers simplement car tu n'aimes pas te sentir redevable à ce point-là et tu sais très bien que toi, tu ne pourras plus jamais inviter ta tante dans un restaurant dans ce genre. Ce comportement, tu ne l'aurais jamais eu auparavant. C'est bel et bien la preuve que tu apprends chaque jour la valeur de l'argent. « D'ailleurs... Ma cousine m'a dit que mes parents voulaient me parler. Ils attendent que ce soit moi qui viennent les voir. » avoues-tu à ta tante de but en blanc. « Sophia me dit d'essayer d'avoir une discussion avec eux. Mes amis aussi. Mais je n'ai pas envie. ». Au secours Nora, j'ai besoin de tes conseils, voilà ce que tu aurais pu lui balancer à la place mais tu lui fais passer le message autrement car tu ne supportes pas demander de l'aide pour quoi que ce soit. Mais sur ce coup-là, tu n'as aucune idée de ce que tu es censé faire et tu penses sincèrement qu'elle est bien placée pour t'aiguiller dans ton choix. Tu n'es pas certain d'avoir la maturité nécessaire pour affronter tes parents sans cracher ton venin tant tu leurs en veux de t'avoir laissé dans la merde du jour au lendemain.