can your hear the silence? can you see the dark? can you fix the broken? can you feel my heart?

Il y a ceux qui restent et ceux qui partent.
Le vent s’engouffre dans l'entrebâillement de la fenêtre. Léger frisson lui parcourt l’échine humide. Des sueurs froides comme tout autant de stigmates d’angoisses faussement refoulées. Il pourrait presque sentir les cicatrices de ses souvenirs lui griffer le dos. Grognement rauque d’un homme qui se retourne dans les draps. Des nuits trop courtes, trop agitées, trop inquiétantes. Des réminiscences persistantes qui hantent un sommeil trop fragile. Un cerveau trop agité pour déconnecter tout à fait. Un milliard de questions sans réponses qui s’imposent en boucle, jusqu’à épuisement. Une remise en question sur le parcours de vie un peu hasardeux d’un garçon mal aimé de parents peu attentionnés. Il voudrait pouvoir tout reprendre à zéro Lewis, naître ailleurs, connaître une enfance dans une famille aimante. Comme si se demander si vivre un peu plus entouré l’aurait rendu meilleur aller être une issue. Pourtant il est résigné, attend que l’horloge tourne et que les jours passent avec un arrière goût d’ennui et de frustration.

Les premiers rayons de soleil s’infiltrent aux travers du voilage qui se perdait déjà dans une valse maladroite. Les ombres dansent dans la pièce et la baignent d’une atmosphère tamisée. Un livre ouvert dont les pages se tournent subitement, poussées par le vent qui se fraye un chemin à l’intérieur. Le rideau virevolte et Lewis se redresse avec pénibilité pour attrapper son téléphone. Pas de message. Pas de réponse. Soupire las. L’impression qu’il ne parviendra pas à renouer avec sa soeur lui noue l’estomac. Elle était devenu son seul ancrage familial. La seule qui était restée à ses côtés, celle qui avait essayé de le comprendre. Mais il était peut-être trop tard. Il était peut-être aller trop loin. C’est un sentiment de honte qui lui ronge le corps. Et pourtant, il n’avait jamais voulu la rejeter. Agacé par la pitié qu’elle semble éprouver pour le rejeton. Lewis n’avait pas mesuré ses mots, comme toujours il avait transposer une haine familiale sur la mauvaise personne. Parce que perdre son temps à joindre sa mère pour lui dire tout le mal qu’il pensait d’elle n’en valait pas la peine. Parce que faire des reproches à son père était une perte de temps. Lewis avait trouvé dans sa demie-soeur la seule qui le voyait autrement que comme l’iceberg du coin. Celle qui dès le départ avait essayer de percevoir ce qui se cachait sous la surface et quelle était l’ampleur du monde secret qui l’habitait. “Tu pourrais au moins me dire si tu vas bien..” C’était tout ce qui l’importait au fond. Savoir que ça va, qu’elle est toujours là quelque part à garder un oeil sur lui de loin. L’impression que tous ses proches finissaient par partir l'empêchait parfois d’avancer.

Ses doigts glissent sur la couverture en cuir usée de l’un de ses carnets de note, celui qui traîne sur sa table de chevet. Sans doute celui qui accueille ses pensée les plus secrètes et les plus inavouables. Des réflexions parfois aléatoires, d’autres plus personnelles et réelles. Ecrire lui permettait de garder le contrôle, du moins en avait-il l’impression. Mettre à plat la fugacité de ses pensées lui permettait de mieux les appréhender, canaliser l’agitation d’un esprit trop pressé. Le papier buvait l’encre qu’il y déposait et son esprit s’apaisait aussitôt. Ecrire l’indifférence de son père, le rejet de ses frères, l’acharnement de sa mère. Son coeur s'emballe à peine le visage de sa mère effleurait son esprit. Le carnet vole à travers la pièce et s’écrase sur le mur dans un grognement las. Il aurait pu lui pardonner, mais détester était une solution de facilité.  Grandir l’esprit emplit de peur, le visage crispé de craintes qui ne lui appartenaient pas. Avec le recul Lewis aurait pu comprendre l’appréhension d’une mère pour son enfant. Cardiaque de surcroît. Si tel avait été le cas. Rien ne justifiait l'indifférence d’une tyrannie. Brider son enfant pour flatter un ego dominant sous couvert de protection. Son père au moins avait-il finit par prendre conscience de la nature de la femme qu’il avait épousé. Il n’en était pas pour autant plus préoccupé pour Lewis. Guidé par un instinct primaire presque inconscient, il l’avait éloigné d’elle malgré son indifférence notoire.

C’est le nez dans le cousin de la place vide à ses côté qu’il trouvait refuge. Percevant presque encore les effluves d’un parfum lointain. Mécanisme d’un esprit en peine en mal d’attention. Conscient qu’il ne méritait en rien l’attention qu’elle lui portait, les gestes du quotidien qui lui apprenaient à vivre autrement. Il avait pensé Lewis, qu’elle aurait réparé le pantin cassé qu’il était. Chaque jour sa tendresse pansait les cicatrices de son âme, lui apportant un amour qu’il n’avait jamais reçu jusque là. Lui apprenant avec patience à faire confiance, à la laisser entrer dans l’intimité d’un coeur estropié. Trop bousillé pour aimer correctement. Trop haineux pour apprendre à pardonner. Trop maladroit pour exprimer ce qu’il cachait. Ca s’était brisé comme un verre tombé aux sol. Et lui, il avait piétiné les éclats de verre avec une condescendance inappropriée. Se réfugiait encore dans son monde fait de lettres, de chiffres et de symboles. Imaginait des mondes à défaut de savoir vivre dans le sien. L’évasion était une planche de salut, un repaire virtuel rassurant où éprouver des sentiments était plus simple. Un coeur cassé coincé dans une boucle où il n’a cessé de se détériorer. Pourtant elle avait su commencer à lui réparer.
Elle avait des bras où il faisait bon vivre mais elle aussi, elle est partie...