Une nouvelle soirée s’annonce et une fois plus on me paie pour jouer les photographes et ça en devient lassant, mais je n’ai pas trop le choix, c’est plutôt bien payé, ça arrondis les fins de mois, mais ce n’est pas ce que je préfère faire. Je préfère enquêter pour le journal, partir en investigation. Je me retrouve encore au milieu de tout ces gens que je déteste, toutes ces mêmes personnes qui se sont moqués tellement de fois de moi quand j’étais au lycée, parce que j’étais bizarre soi-disant. Ils se sont acharnés sur moi et j’ai très mal vécu cette période alors chaque fois que je vois ces adultes qui se lancent des piques je me crispe. Je repense à tout ça et ça me fait toujours autant de mal, mais j’ai quand même accepté d’aller à cette soirée, ça permet de me faire connaitre un peu.

Je n’ai pas mis de costume aujourd’hui je ne ressemblerais pas à un pingouin comme l’autre soir ou on m’a pris pour le serveur. Je me suis senti légèrement humilié. J’ai mon appareil photo autour du coup et j’ai déjà pris pas mal de photos des personnes les plus connues, et j’en prends une de cette femme que j’ai croisé l’autre soir. Agnès. Elle est plutôt photogénique, très même. Je baisse mon appareil quand je me rends compte qu’elle a dû s’apercevoir que je la prenais en photo alors je vais la voir.

« Bonsoir, j’imagine que vous ne vous souvenez pas de moi, mais je suis William. On s’est croisé à la soirée du nouvel an, je suis journaliste et photographe pour la chaîne ABC. J’espère que ça ne vous ennuis pas d’être prise en photo … »

J’espère parce que sinon je devrais supprimer les photos sur lesquelles elle apparaît et ça serait dommage. Elles sont plutôt réussis.

« Pas du tout ! Il se trouve que j’adore être prise en photo ! »

Répondit-elle à William le journaliste-photographe-pas-serveur du Mandarin Oriental en esquissant quelques poses de starlettes dans les colonnes mondaines. Si Agnes avait bien un don dans la vie, c’était celui de retenir les têtes et les noms des personnes d’intérêt. Comme une espèce d’instinct à demi-conscient qui lui permettait d’encrer dans sa cervelle la morphologie des profils intéressants et leurs petits noms tandis qu’elle glissait comme une bouse vache sur la banquise sur ceux qui ne lui étaient d’aucune aide. Parfois elle savait pourquoi elle les retenait, et d’autres fois, elle devait s’en remettre à son instinct et se faire confiance.

Ce monsieur Stenford entrait dans cette catégorie. La brune se souvenait parfaitement de lui, même si elle ne savait pas grand chose de lui ni même pourquoi son visage n’avait pas été effacé de son disque dur central après une bonne nuit de sommeil. Personne ne lui en aurait voulu pour ça : la nuit du Nouvel An avait été longue, pleine de visages nouveaux ou revus, et ils ne s’étaient pas parlé tant que ça…

Enfin… il était journaliste et photographe, ce qui était toujours utile mais il était peut-être plus que le pauvre homme envoyé dans la cage aux lions parce que le tenant du titre était occupé ailleurs. Monsieur… Larson ? Lane peut-être ? Oh non ! Lance !

« Alors, cher monsieur William… que faites-vous là ce soir ? Vous êtes encore là pour vous rendre utile ? »

Sentant sûrement qu’Agnes allait en avoir pour un moment - quel que soit sa durée -, son interlocuteur s’éloigna en prenant le verre presque vide de la jeune femme pour la laisser parler en toute tranquillité avec William. Elle le remercia d’un petit mouvement de tête, pas mécontente de faire une pause dans cette discussion devenue un vrai challenge à cause de cette tête de mule de Jeff et sourit derechef au journaliste en croisant les mains derrière son dos, pas mécontente de ne se retrouver qu'avec lui. Jeff aurait été du genre à demander à ce que les photos soient détruites et que leurs cendres soient mises sous scellés, enfermées quelque part dans la zone 51.

Je souris à Agnès, soulagé, j’aurais pu perdre de belles photos ça aurait été dommage. Je décide de lui montrer les différents clichés et je me rapproche d’elle. J’ai déjà pris pas mal de photos depuis mon arrivé, j’ai une mémoire suffisante et j’ai au cas ou une autre carte mémoire. On ne sait jamais, tout comme j’ai de quoi le recharger. Je suis prévoyant, c’est une de mes qualités, certains diraient que c’est un défaut chez moi. Je lui fait un sourire timide quand elle me demande si je suis là pour me rendre utile. Elle s’est souvenue de ça aussi.

« Non, je suis là pour le travail. Je suis journaliste et photographe et sans vouloir vous vexer, je n’ai pas autant de moyens que vous, pas que je sois dans le besoin, mais disons que ça fait toujours du bien d’être payer un peu plus et puis … J’ai toujours aimé prendre des photos, ça montre vraiment la nature des gens. Je trouve que les photos décrivent très bien une personne. »

J’ai souvent hésité à devenir photographe professionnel et je n’ai pas réellement renoncer à ce rêve, mais l’écriture fait également partis de moi alors même si ce genre de photo n’est pas exactement celles que je voulais faire, je me contente de ça pour l’instant, peut-être qu’un jour j’arriverai à réellement manier les deux.

« Et vous alors ? Vous êtes toujours invitée à ce genre de soirée ? Elles ne se ressemblent pas ? »

Je lui pose la question mais pour ma part, toutes ces soirées sont les même, je ne sais pas comment ils font pour s’y amuser.

Se penchant par une politesse automatique sur l’appareil du journaliste, Agnes découvrit avec plaisir les clichés qui la représentaient, très à son avantage. Elle jeta un regard impressionné à William, hochant de la tête d’un air appréciateur avant de reprendre son éternel sourire de cérémonie. Il fallait absolument qu’elle mette la main sur ces photos. Elles feraient un malheur en photo de profil sur les réseaux sociaux. Surtout que ça faisait un petit moment maintenant qu’elle ne les avait pas modifiées.

Un petit rire faillit lui échapper, vexée d’avance avant même de savoir pourquoi simplement parce qu’il lui demandait de ne pas l’être. La brune se tourna vers son voisin avec un rictus. Elle n’avait pas le moindre mal à deviner ce qu’il pensait d’elle : une gamine pourrie-gâtée d’une oisiveté révoltante qui s’occupait en fréquentant les soirées du gotha dès qu’elle en avait l’occasion ? Il n’avait pas tort sur un point au moins : elle aurait eu les moyens de se laisser aller à ce genre de vie.

« Ah oui ? Et qu’est-ce qu’elles disent de moi, alors ? »

Son envie de travailler, elle pouvait la comprendre au moins. Un serveur passa non loin, Agnes tendit la main pour attraper un verre qu’elle sirota en regardant autour d’elle pour dresser un plan de bataille mental de tous les gens qu’il lui faudrait affronter avant de pouvoir rentrer dans ses pénates. C’est qu’elle avait un projet à financer. Elle haussa des épaules à sa question avant de répondre sans grand enthousiasme :

« Bof, ça dépend desquelles... »

Elle s’arrêta avant de se retourner vers le journaliste pour le défier du regard, avec un accent amusé dans la voix qui ne l’était pas vraiment.

« A vrai dire, je ne suis pas là pour le plaisir non plus. Malgré ce que vous semblez penser de moi, je suis aussi là pour le travail. »

Relâchant son regard, Agnes embrassa de nouveau l’assemblée grouillante autour d’eux. Il s’agissait de voir et d’être vu. Peu étaient ici pour le plaisir, l’événement relevait plus de réseautage qu’autre chose.

Je suis rassuré qu’elle ne m’en veuille pas de trop. Ça aurait été dommage de perdre ces belles photos d’elle. Je ne suis pas étonné qu’elle me demande ce que je vois d’elle et je lui réponds :

« La beauté évidement, la droiture, et l’ambition, il y a quelque chose dans vos yeux qui ne trompe pas. »

Je me trompe peut-être, mais c’est comme ça que je la vois et je la trouve vraiment jolie. Elle dégage quelque chose de fort que je ne sas pas expliquer, quelque chose qui m’a intrigué déjà quand je l’ai vu la dernière fois. Je hausse un sourcil à sa réponse, je pensais que toutes les soirées se ressemblaient, me serais-je trompé ? Sans doute, je me fais peut-être des idées de ces soirées, de ces gens. Elle est là pour le travail. Je suis curieux de savoir ce qu’elle fait dans la vie alors je me renseigne :

« Vraiment ? Qu’est-ce que vous faites comme travail ? »

Je garde mon appareil dans ma main et je le tripote signe que je ne suis pas vraiment à l’aise dans c genre d’endroit. Je ne trouve pas que j’ai mas place dans la haute société, mais pourtant je suis là. Je suis là et je n’ai pas l’intention de bouger. Je dois rester jusqu’au bout, prendre ces photos et les donner à mon patron, même si je me doute qu’il va chercher la petite bête et qu’il voudra une bonne histoire à raconter, tout ce que je déteste. Je ne suis pas devenue journaliste pour faire le buzz, mais certains journalistes peu scrupuleux adorent ça. Je ne serais jamais ce genre-là. Je trouve ça très immorale et je déteste que mon patron se serve de moi parce qu’il sait que je connais un peu de monde. Je me demande si je ne vais pas quitter cette chaîne, je me déciderai plus tard, pour le moment je suis là.