Si elle pouvait établir un horaire fixe pour les pratique avec Golden Dandelions, elle le ferait. Elle a beau jouer régulièrement du jazz avec sa mère, parfois en solo, Golden Dandelions, même si elle est moins présentes, même si elle est moins affichée que les autres membres du groupes, il reste qu’elle en est depuis tellement longtemps que le groupe lui tient à coeur bien plus que le reste. Elle aurait aimé être plus disponible, avant, mais c’était impossible. Avec son horaire inverse du reste du monde et la présence toujours constante d’Alyson, elle ne pouvait pas donner plus de temps, jadis. Mais maintenant, elle avait un peu mis le frein sur ses sorties… elle n’en avait plus vraiment envie, en fait. Elle faisait tristement son deuil de la vie trépidante avec Alyson. Et le deuil d’Alyson, surtout. Du coup, dès qu’elle avait eu le message d’Andrea, elle s’était empressé d’accepter et de bloquer la plage horaire à son agenda. Ouais, il lui faut un agenda pour ne pas oublier les millions de choses planifiée.

Mais bon, aujourd’hui, elle est là et étonnamment, elle est la première arrivée. Oui, bon, elle a un peu d’avance. Il faut dire que la ponctualité n’est pas nécessairement leur point fort. Ça lui fera du bien de les revoir, elle les a si peu vu depuis la fin du printemps. Elle ne s’est jamais pris la tête avec eux. Non, c’est toujours divertissant et amical avec eux. Bien sûr, ils ont parfois discuter un peu fort, parce que certaines idées contrariaient celles des autres, mais ils ont généralement fini par s’entendre et faire des compromis. Bref, ce n’est pas compliqué, avec eux, même s’ils ne sont pas ponctuels.

Elle entre dans l’ancienne boutique, maintenant transformée en salle de pratique. Elle attend un peu, puis elle se met à installer les amplis et le matériel dont ils auront besoin pour une pratique en bonne et due forme. Elle est en train de resserrer le charleston quand elle entend la porte de la boutique s’ouvrir. Elle relève la tête, sérieuse et aux aguets, on ne sait jamais, mais ils ne sont pas des dizaines à avoir les clés. Elle offre un sourire radieux à Andreas dès qu’elle le reconnaît.

- Heey ! Hello, dit-elle, ravie de le voir. Elle fait un dernier tour de clé et tapote sur le disque de métal qui rend un bruit sec qui lui plaît. De toute évidence, vous n’êtes toujours pas ponctuel ! J’aurais dû me souvenir du décalage horaire Golden Dandelions, dit-elle en riant.

Oui, ils sont toujours en retard d’au moins une demi-heure, elle aurait dû s’en souvenir. Ça lui fait du bien de renouer avec un passé aussi candide.

Il n’a même pas eu le temps de parler encore qu’elle le serre dans ses bras. Ça fait longtemps, quand même qu’elle ne les a pas vu. Trop longtemps. Elle est vraiment ravie de le voir. Ça fait du bien. C’est réconfortant. Elle avait oublié, elle n’a pas tout perdu avec la mort d’Alyson. Beaucoup, mais pas tout. Mais pourtant, la réponse d’Andreas la peine, ou plutôt la déçoit beaucoup. Et après une seconde de réflexion, la contrarie beaucoup.

- Quoi ? D’autres projets ? Mais c’est Zach qui a dit que c’était urgent de faire une pratique ! Et il a d’autres projets ? Arrh ! A la dernière minute comme ça ?

Si elle a annulé des trucs ? Non… non, elle n’a rien annulé. Outre le boulot, elle doit avouer qu’elle n’a plus grand chose à annuler…

- Non… rien à annuler... en effet de sa part, c’était surprenant, elle avait une vie sociale tellement remplie avant… elle hoche la tête. Oh, bien sûr que je te pardonne ton retard, t’es là au moins, toi. Je suis pas déçue… juste un peu contrariée… en tout cas, je suis pas déçue que tu sois venu ! Toi, au moins t’es fiable, dit-elle en souriant pour qu’il ne s’inquiète pas des reproches. Ça va très bien, merci ! dit-elle avec un enthousiasme feint, mais assez réaliste pour confondre la plupart des gens.

Mais son sourire s’efface un peu quand elle relève les yeux sur Andreas. C’est Andreas, pas n’importe qui. Il n’a pas posé la question juste par habitude et parce que c’est la bonne question à poser durant une conversation. Alors comment va-t-elle ? Elle même n’est pas certaine de savoir comment elle va. C’était difficile à déterminer. Elle hoche la tête. Elle apprécie assez Andreas pour lui dire la vérité.

- Ça va, je crois. Je sais pas trop, des fois ça va, puis j’y pense et ça ne va plus. Presque instantanément, parce qu’elle y pense, ses yeux s’humidifient. Elle glousse pourtant. Tu vois, c’est comme ça, tout le temps. Je suis plus aussi effondrée que cet été, alors je suppose que ça va. Et tu vois, je suis ici, je suis sortie pour autre chose que le boulot, je suppose que c’est sur la bonne voie.

Elle essuie ses yeux pour ne pas totalement ruiner son maquillage. Ouais bon, c’est pas non plus une oeuvre d’art, mais c’est pour la forme, quoi.

- Désolée, je veux pas te mettre mal à l’aise. Je pleure, mais ça va. Et je suis vraiment contente d’être ici. Bon, j’aurais préféré qu’on soit tous là, mais je suis contente que ce soit toi qui soit venu. Leur dit pas, mais t’es mon préféré, dit-elle sur un faux ton de confidence.

Mais concrètement, c’est vrai. C’est toujours avec lui qu’elle s’est le mieux entendu. Plus d’affinités, peut-être.

- Et toi, ça va ? Pour vrai ?

Ah ouais, il sont marrant ces deux là, sérieusement ! Mais en même temps, c’est pas si étonnant. Ils partent souvent sur des trips un peu incompréhensible ces deux là. Enfin, peut-être que c’est juste elle qui ne les comprend pas, leurs trucs. Reste que tout ça est bien contrariant, puisque c’était du genre hyper important. Deux poids deux mesures semble-t-il.

- Duh, moi j’arrive de Manhattan ! C’est pas comme s’ils pouvaient être beaucoup plus loin. Pfff, mieux vaut que j’y pense plus, dit-elle en essayant de se convaincre qu’à la base, y’avait que Andreas et elle.

Ouais, comme ça c’est moins contrariant. Ce sera plus léger et moins stressant. L’air de rien, Julian est assez exigeant… enfin, quand il est là, mais bon, elle sait très bien qu’il peut tout aussi bien exiger qu’ils soient de retour ici dans trois jours. Oh grands dieux, si jamais il lui fait le coup, elle va lui dire sa façon de penser ! Ouais, bon, d’accord, elle anticipe un peu trop là… Allez, zen, Andreas est là, tout ira bien, ce sera divertissant et amusant. Enfin, après les quelques larmes. Bon sang, pourquoi elle n’arrive pas à ne plus pleurer. C’est fatiguant. Mais, ça attire les câlins, ce qui est très réconfortant et certains plus que d’autres. Ouais, les câlins d’Andreas sont bien les plus réconfortant après ceux d’Alyson et de sa mère.

- Merci., elle a un petit reniflement. Elle s’éloigne un peu pour fouiller dans son sac et elle se mouche, tandis que Andreas lui avoue avoir eu un crush sur elle au lycée. C’est vrai ? Bon sang, t’as été discret. Je savais pas. Si t’avais été moins discret, ça aurait peut-être pu marcher. Mais tu serais mort d’ennui pendant mes études, révèle-t-elle, amusée.

Ouais, bon, elle sait très bien que non seulement elle s’était entièrement consacré à toutes ses études, mais que la seule personne qui arrivait à lui faire quitter ses bouquins c’était Alyson et les pratiques et concerts de Golden Dandelions. Et puis il y avait eu la mort d’Alyson et elle avait laissé un peu tout le monde tomber. Oh, elle s’était présentée à toutes les pratiques et tous les concerts du groupe, mais elle n’avait pas prit de temps pour chacun d’eux. Elle sait que Andreas a eu quelques moments pas mal difficile, mais elle n’avait pas pu… elle n’avait pas su être très présente.

- Si t’as besoin de quoique ce soit, tu m’appelles. Tu le sais, hein ?

Évidemment, elle savait que si jamais elle avait eu besoin de quoique ce soit, elle aurait pu compter sur Andreas, mais elle n’avait rien fait. Mais Ariadne avait toujours eu cette attitude protectrice, maternelle, prudente et, il faut bien l’avouer, un peu rabat-joie.

La chanson. Oui, oui, elle se souvient, un peu. Pas assez, mais elle se souvient que c’était bien ! Elle ne sait pas trop ce que Julian avait en tête, mais il n’est pas là pour se plaindre. Alors ouais, c’était une excellente idée de travailler la musique de cette chanson.

- D’accord, mais faudra que tu me la joue encore, parce que bon, je suis arrivée un peu en retard, alors j’ai manqué le début. Et puis je l’ai entendu qu’une fois. Et puis t’avais une base mélodique, puisque tu l’as joué… on joue sur cette mélodie ou tu veux réinventer ?

Cette idée de création titille son intérêt. Elle n’avait pas créer quoique ce soit depuis… pffft… des mois, ça c’est certain. Non, elle s’était contenté de survivre et de rester sur elle-même. Elle s’installe derrière son clavier et tapote quelques notes.

Andreas un premier de promo ? Ariadne en doute un peu. Pas parce qu’elle estime que Andreas est idiot ou bête, au contraire, mais les cours, c’était pas tout à fait son moment préféré quoi. Mais elle ne s’est pas ennuyée en cours avec lui dans ses classes. Ils se sont bien amusés. En fait, si elle n’avait pas été aussi obsédée par ses études, elle aurait surement mit beaucoup plus de temps en cours. Et pis bon, ses cours d’informatique, d’électronique, de musique en parallèle avec l’académie de police, eh ben voilà, ça fait… un ennui mortel pour les amis et la vie sociale.

- Ouais, y a qu’en musique que j’aurais pu craindre de me retrouver dans ton ombre. Mais ouais, pour ça je t’aurais détesté, dit-elle en rigolant. Mais j’aurais été injuste, concède-t-elle, parce qu’elle estime que Adreas a vraiment beaucoup de talent en musique.

Évidemment, elle est bien contente de l’avoir comme allié plutôt que comme compétiteur. Rivaliser avec lui serait difficile, bien que outre Golden Dandelions, ils n’ont pas tout à fait le même style. Elle est beaucoup plus jazz, à la base. Ça toujours été un peu de challenge pour devenir plus rock pour satisfaire les gars, mais elle estime qu’elle y est bien arrivée puisque depuis plus de dix ans et ils ne l’ont pas encore viré du groupe. Mais quand même, c’est un peu bizarre que Andreas propose dès le départ le violon. Ah ouais ? D’accord, le clavier et… hum… sa voix, c’est… fréquent, après tout, elle est la seule voix féminine du groupe… généralement. Mais bon, le violon ? Elle doit généralement insister ou leur balancer son accompagnement par surprise pour qu’ils envisagent de le prendre en considération. Mais bon, Andreas est tout seul, là et c’est sa composition à lui.

- Ah oui ? D’accord, je vais voir ce que je peux faire…

Et elle se penche au-dessus du cahier de note d’Andreas. Le fameux cahier. Il est pas mal plein. Pour lire attentivement. Heureusement qu’elle connaît sa manière de prendre des notes, sinon elle n’y comprendrait rien. Elle est plutôt du genre à s’enregistrer quand elle compose quelque chose. Elle a des heures et des heures d’enregistrements. D’elle seule ou du groupe. Et d’ailleurs, c’est ce qu’elle faisait, juste avant de se pencher sur les notes d’Andreas. Elle a allumé son portable et a démarrer l’enregistrement. Il est branché, c’est bon, il y en a pour des heures.

- Ok, j’aime vraiment les paroles. Elle poursuit sa lecture un petit moment, puis relève la tête. Sérieuse. Alors maintenant, on va devoir la jouer et la rejouer jusqu’à ce qu’on trouve quelque chose de trop bien. Elle prend son violon et fait des retouches pour l’accorder au son, puis elle est prête. Allez, à toi de jouer, je te suis.

Parce que c’est sa chanson et que c’est lui qui décide.