Et un loyer de payé, le compte en banque affiche vraiment trop peu de vert. Depuis le décès de mon épouse, la stress financier et les épreuves viennent sans cesse se rajouter au deuil. Je repense à Reese, à sa maladie, à tous ces longs mois de souffrance avant la fin. Elle me manque, et elle manque beaucoup aux enfants. Le petit dernier a tout juste quatre ans et cela fait près de deux ans déjà qu'il n'a plus de maman. Chaque jour, je cherche une nouvelle façon d'aborder les choses, de nouvelles idées pour rendre notre quotidien plus facile. Pour l'instant, on se débrouille, on fait avec ce qu'on a. Je pense qu'on est heureux, les enfants ne manquent de rien. Certes, ils n'ont pas le téléphone dernier cri ou des vêtements de marque, mais aucun n'en demande. Chacun fait des efforts au quotidien. Des crises d'ados? Certes, il y en a eu, il y en a et il y en aura, mais... Je sais me montrer persuasif et sévère lorsqu'il le faut.

Je songe à tout le travail qui m'attend, alors que j'ai mis mon manteau sur mes épaules et range mes affaires dans mon sac à dos, prêt à prendre le chemin de retour à l'appartement. Nous avions une maison, avant, achetée avec mon épouse, j'ai dû la vendre, lorsqu'elle est tombée malade, et louer un appartement - assez grand, mais les mômes sont tout de même deux par chambre.
J'aime mon travail. Mon père était québécois, je parle français depuis ma plus tendre enfance, j'ai toujours aimé le monde de la francophonie, alors, étudier cette langue et devenir professeur était une voie toute tracée.
"Monsieur Leveque... Ce n'est plus possible tout ce bruit. Hier, c'était infernal." Ah Madame Mcguire, la voisine du dessous... Je l'ignore, traçant mon chemin, après lui avoir jeté un sourire malicieux. Qu'elle aille se faire voir! Dès qu'on ose faire tomber quelque chose, elle rappelle à quel point on peut faire du bruit. Certes une famille où vit six enfants est plutôt bruyante, mais je veille à ce qu'ils ne dérangent pas les voisins. Alors je sais que son histoire, c'est du flan. J'ai laissé jouer les enfants au pied de l'immeuble, elle est venue me dire qu'ils avaient rayé les voitures garées là. MES enfants, rayer des voitures. Idiotie. Je l'ai remise à sa place, depuis, elle essaye toujours de trouver quelque chose qui ne va pas. Elle est aigrie.

Je me hâte de monter les marches qui restent, prendre les escaliers, c'est mon seul sport de la journée. J'ouvre la porte. Potato vient m'accueillir, ainsi que certains de mes enfants, Anna, la plus grande est allé les chercher dans leur école respective -elle m'a enlevé une grande épine du pied, je ne la remercierai jamais assez. Tom, Frank, Ben et Sacha (le plus petit) viennent tour à tour m'embrasser. Lily dort chez une amie ce soir. Tout va bien.

Bon, à présent, procédons avec méthode. D'abord, réchauffer le plat préparé la veille, pour le dîner, nourrir le chien puis les enfants. Ah non, d'abord les enfants, puis le chien. Ensuite, aider aux devoirs ceux qui en ont besoin, mais je peux toujours compter sur la plus grande -19 ans- pour s'atteler à la tâche. Elle fait beaucoup pour m'aider, toujours bienveillante, mais je ne veux pas qu'elle passe ce qui reste de son adolescence à jouer les mamans de substitution.
Quand les petits seront couchés, je laisse les grands s'occuper tout seuls, puis correction de cette pile de copies de latin que je devais déjà rendre la semaine dernière. Et si, j'ai le temps, quelques minutes de dessins: les aventures de Potato en bande-dessinée. 23h: extinction des feux pour tous ceux encore debout, et personne ne peut négocier.