Et ça éclate les soirs d'orage. Deux tempêtes qui font virevolter les meubles, qui jouent de leur voix. Quand les défauts qu'on a appris à aimer se transforment en cœurs inanimés. Deux fleurs qui s'aimaient, qu'ils disaient. Le problème c'est pas l'amour que je lui porte, je l'aimerais toujours et encore, qu'importe. On a peut-être manqué de temps, trop peu de battements restants. D'autres regards ont joués sur nos corps, notre relation, nous ont probablement mené à la mort. Je rentre et je crie, elle entre et elle soupire, spirale infernale du non désir. Je crie pour qu'elle me voit, me remarque, me marque de milles baisers, de ses doigts qui autrefois me caressaient. Je serais heureuse, rien que si elle m'effleurait.

Je ne suis plus aimée, plus désirée, et c'est peut-être ma faute. C'est peut-être à cause de moi, qui rentre plus tard le soir, qui prends toutes les fermetures au bar. J'ai arrêté les efforts, plus de dîners préparés, plus de films à regarder, c'est peut-être là mon tord. Mais je l'aime, bordel que je l'aime. Ses grimaces quand elle se met à rire, la manière dont son visage se déforme quand elle mange quelque chose de trop acide, le rictus qu'elle a quand je fais une mauvaise blague, la manière dont elle lève les yeux au ciel quand j'insiste sur le fait que j'ai raison. Comme elle remet une mèche derrière son oreille, comme sa langue passe sur ses lèvres quand elle réfléchis, comment ses yeux me voyaient, doux et amoureux. Je l'aime, Robin, pour un nombre incalculable de petites choses.

Sauf que je sais. Je sais que ce soir, ce sera comme tous les autres soirs. Je sais que la mort sera notre temple, qu'on ne feint même plus l'amour, qu'on ne sait même plus faire l'amitié. Etrangères. Les clefs s'offrent à la serrure. J'inspire. Parfois j'aimerais qu'elle ne soit pas là, quand j'ouvre. Parce que de la voir me rappelle ce que je suis entrain de la perdre. Je vois qu'on s'écroule, Robin. Je vois qu'on tombe, et ce pont, on a mis deux ans à le construire, et je te promet que je ferais tout pour qu'il nous amène au bout. Je ferais tout pour qu'il tienne encore un peu. Je m'accrocherais, même si toi, tu serais de celle qui me lâcherais. Je m'accrocherais comme jamais. Et c'est pas grave si parfois mes yeux dévient sur d'autres corps, c'est pas grave si tes envies se délient sur d'autres êtres. Va voir ailleurs une fois, j'y vois pas le mal. Je conjuguerais tous tes écarts, si tu me laissais être ton point final.