« Ravi de vous revoir Mrs Grant ! Et toutes mes félicitations pour votre mariage ! Puis-je vous conduire à votre table habituelle ? »

Tous ces mots qu'elle n'écoutait que de la plus distraite des oreilles, ne s'arrêtant que sur les mots qui lui plaisaient. En l'occurrence ceux qui lui rappelaient qu'elle était désormais une honnête femme. Mariée, amoureuse déterminée à demeurer fidèle et le cœur comme la tête emplie de rêves et de projets. Curtis et elle avaient les leurs, et chacun poursuivait aussi les siens propres. Le plus parfait exemple de la symbiose ! Son téléphone qui se mettait à vibrer et sur lequel elle ne jetait qu'un œil distrait jusqu'à ce qu'elle en reconnaisse l'expéditeur. Jules ! Sa si chère amie Jules ! Apparemment la sulfureuse était dans le quartier ? Parfait ! Depuis son retour de Paris les deux amies n'avaient guère eu le temps de se croiser leurs vies étant décidément sujettes à bien des bouleversements ces derniers mois. La dernière fois qu'elles s'étaient vues c'était au réveillon du nouvel an. Autant dire qu'elles auraient bien des choses à se dire !

« Oubliez ma table James. J'attends une amie. Pourriez-vous la conduire jusqu'au roof top dès qu'elle arrivera je vous prie ? Oh ! Et, vous me connaissez, je déteste être dérangée donc je compte sur vous pour faire le nécessaire ? Merci, vous êtes mon ange gardien ! »

Manière de demander, ou plutôt d'exiger comme elle le faisait toujours, que sa volonté soit faite. Et, non, elle n'avait pas même attendu une réponse qu'elle devinait aisément être positive. Entre sa fortune et son appartenance à la famille Sciarra rares étaient les gens à jamais oser lui refuser quoique ce soit ! Et c'était bien cela, leur côté princesses plus que gâtées et qui n'hésitaient jamais à en abuser, qui avait dès l'enfance pousser Jules et elle à se rapprocher. Pour elles le monde n'étaient jamais qu'un gigantesque terrain de jeu, le leur ! Et les êtres humains rien que des pions qu'elles manipulaient ou sacrifiaient selon leur bon vouloir. Et, bien que mariée et assagie, Samara n'entendait pas renoncer à son côté garce ! Un sourire qui affleurait à ses lèvres alors qu'elle voyait Jules arriver sur la terrasse et la rejoindre.

« Ma chérie ! Ca fait du bien de te voir ! » puis, entraînant la jeune femme jusqu'au milieu de la terrasse, ne prenant sa main que pour mieux tournoyer avec Jules, elle avait ri et murmuré « Que penserais-tu de ce lieu pour un mariage ? Le nôtre à Curtis et moi ? » puis, s'immobilisant et montrant son doigt ceint d'une bague de fiançailles comme d'une alliance « Et que dirais-tu d'être mon témoin et ma demoiselle d'honneur ? »

Une réponse de son amie tire Jules de sa léthargie, elle se retire du bras qui entoure sa taille, et se sort des draps en soie. Qu’est-ce qu’elle fout là ? Elle n’en sait rien. Elle a eu besoin de boire un coup hier soir et visiblement, ça s’est transformé en plusieurs. Harry est partie. Harry elle s’est barrée et elle l’a laissé. Son amie est partie et elle a l’impression que plus personne ne la comprend. Il n’y a plus personne pour la comprendre et avoir envie d’insulter tout le monde. Elle n’a personne chez qui se retrouvait quand elle. Harry est partie, purement et simplement et Jules, elle a eu l’impression que sa terre s’est écroulée. Mais elle survit de toutes façons Jules, elle n’est pas partie définitivement, pas comme son frère. Alors elle survit, elle se perd dans des draps, continue à aller aux soirées au Gotha et à chercher à titiller son père au bout de la main de Castiel. Elle retrouve sa robe qui a dû voler, elle attache ses cheveux en un chignon rapide avant de remettre du rouge à lèvres sur ses lèvres démaquillées. Elle enfile ses talons, se permet de prendre une bouteille d’eau dans le frigo et un fruit dans la corbeille, ne laisse même pas de mots jusqu’à ce qu’elle sorte de l’appartement, descend par l’ascenseur et elle sort de l’immeuble pour retrouver son amie au Soho House. L’endroit qui l’a vu la plupart du temps alcoolisée, l’endroit qui l’a vu séduire plus d’une paire de jambes ou plus d’une paire de bras. Elle n’est pas loin, fort heureusement, elle peut marcher. Quand elle arrive, on la reconnaît, elle salue, prend dans les bras, Jules est beaucoup trop tactile quand elle aime les gens, même si des fois, elle préférerait qu’on ne la touche pas. « Vous êtes attendues sur le roof top Mademoiselle Ainsworth. » Elle sourit, passe une main derrière sa nuque avant de monter sur le roof top pour voir son amie. Elle la remarque parce qu’elle exulte, elle exulte toujours Samara.

« Tellement de bien ! » Elle se laisse attirer en riant, ses talons qui claquent sur le sol. Elle avait eu vent de la rumeur de mariage entre Curtis et Samara et elle ouvre la bouche en forme de O quand elle entend la question. « Mais quelle question ! Ce serait l’endroit parfait. » annonce t-elle en tapant dans ses mains, en proie d’une excitation certaine. Et elle attrape la main de Sam pour admirer sa bague de fiançailles; Quelle beauté. « Tu … tu veux vraiment que je sois ta demoiselle d’honneur et ta témoin ? » La réaction ne se fait pas attendre et Jules fond contre son amie en souriant, pour la prendre dans ses bras. « Ce serait avec honneur que je serais ta témoin et ta demoiselle d’honneur. » sourit-elle avant de faire signe au serveur posté dans le coin pour qu’il ramène deux coupes de champagne. Elle les attrape, glisse un billet dans la poche du serveur, et en tend une à son amie. « A notre amitié. » prononce t-elle en trinquant avec son amie, un sourire éternel dressé sur ses lèvres. « Tu sais si Harry pourra venir ? » Ça l’étonnerait fortement, mais elle a besoin de savoir. « Je ne sais pas si je demande à Castiel de m’accompagner, peut-être que je devrais cesser cette mascarade. »

Le plaisir de ce moment partagé avec celle qui, jamais, ne l'avait ni déçue ni trahie. Jules, elle, était de ces êtres qui étaient d'une loyauté absolue envers celle qui ne se cachait pas pour afficher clairement, et tout aussi fièrement, toute son affection pour celle qui en cet instant lui offrait le plus radieux de ses sourires et cette marque d'effusion qui amenait aux lèvres de la jeune mariée le plus cristallin et joyeux des rires. Et ces mots qui s'écoulaient maintenant de la bouche de celle que Samara regardait avec une tendresse non feinte. Oh oui ! Les joues de la jeune avocate s'étaient empourprées quand, de ces mots prononcés sur le plus léger des tons, elle confessait cet événement auquel elle ne s'était pas le moins du monde attendue mais qui venait si bien de chambouler son existence toute entière. Mariée... Elle s'était mariée ! Avec cet homme dont elle ne murmurait jamais le prénom que de cette voix et de ces intonations qu'elle n'avait jamais que pour lui. Dans cette ville à juste titre réputée comme étant celle des amoureux. Et pour cette éternité que Samara n'avait jusque là jamais imaginée. Son seul regret ? Ne pas avoir pu fêter cela aussi dignement qu'elle l'aurait souhaité. Ne pas avoir pu être entourée par tous ces êtres qui, dans sa ville natale, composaient son univers. Ces hommes et ces femmes auprès de qui elle avait grandi et qui, quoiqu'il ait pu se passer dans leurs existences, étaient toujours demeurés auprès d'elle. Harry et Jules en étant les meilleurs des exemples. Et si la première avait pu faire le voyage, chose dont Samara se souviendrait à jamais, les choses s'étaient si bien précipitées que la brune n'avait pas eu ne serait-ce qu'une chance de prévenir celle dont elle prenait la main pour mieux laisser leurs doigts se nouer en une étreinte aussi chaude que sincèrement amicale. Celle à qui, dans un pourpre de gêne à ses joues, elle confessait, demandait à demi-mots pardon aussi

« Je voulais te dire... Je suis désolée Jules. De ne pas avoir été la meilleure des amies quand, sur un coup de tête et de cœur que je ne m'explique pas encore vraiment, Curtis et moi avons décidé de nous pendre. » un baiser qu'elle déposait à la joue de celle qui lui offrait une coupe de champagne «  Mais tout s'est passé si vite ! Je ne réalise pas même encore je pense... » des étoiles à ses prunelles de jade et ces mots qui s'écoulaient, presque rêveurs «  Il est venu me chercher à Paris tu te rends compte ? Il est venu me chercher et une fois la colère apaisée … » et cette phrase qu'elle murmura d'une voix si timide qu'elle s'en agaça elle-même «  Il m'aime vraiment Jules... Il m'aime ! Et, oui, je suis folle de lui ! »

Concédait-elle dans un autre éclat de rire et avant que de s'en aller rejoindre ce muret qui cernait la terrasse et sur lequel elle s'accouda laissant son regard embrasser cette ville qui, à Jules, Harry et elle était depuis toujours leur royaume. Elles qui avaient tout vécu, tant partagé et s'était trop souvent promis de ne jamais rien laisser les séparer. Aujourd'hui, c'était avec ces deux amies que, plus que toute autre, elle aurait voulu partager son si parfait et incroyable bonheur. Mais, Samara le savait, l'une manquerait à l'appel. Un soupir qu'elle exhala lentement quand, se retournant vers celle qui venait de la rejoindre, elle répondait d'une voix atone cette-fois, à la question qui venait de lui être posée.

«  Non, Harry ne sera pas des nôtres. Figure-toi que notre chère amie était avec nous à Paris et que, cela lui ressemble tant que je ne puis lui en tenir rigueur, elle a fait une rencontre. Une sublime femme dont elle s'est si bien entichée qu'elle a décidé de tout plaquer pour mieux s'envoler avec elle pour un tour du monde. Rien de moins... » son visage qui se voilait une poignée de secondes de tristesse avant qu'elle n'ajoute comme en une prière païenne «  Mais elle nous reviendra... Elle reviendra ! J'en suis certaine ! Pas toi ? »

Non, Samara n'était pas le moins du monde certaine que Harry leur reviendrait jamais. Mais elle avait besoin de le croire encore un peu et, oui, elle comptait sur son amie pour l'aider à conserver encore un peu ses douces illusions. Heureusement, Jules abordait un sujet qui amena aussi bien aux lèvres de la mariée un sourire tendrement amusé qu'à ses yeux les plus curieuses des étoiles. Oh, oui ! Castiel ! Le fameux et si mystérieux homme qui, par un hasard que Samara ne s'expliquait toujours pas, était entré dans la vie de celle vers qui elle se tournait maintenant. Son dos reposant sur le muret, sa coupe venant de nouveau tinter contre celle de son amie comme en une invitation à en dire plus, et sa tête qui dodelinait un moment avant que sa voix ne s'élève de nouveau

«  Et si, justement, tu commençais par m'en dire plus sur cet homme ? Je veux tout savoir Jules ! Parce que peu importe ce que j'en sais, à te regarder en évoquer ainsi le nom, je me dis qu'il y a bien des choses à en dire, non ? » un haussement de sourcils et un léger coup d'épaules plus tard «  Et évidemment que tu l'invites au mariage ! Il sera ton cavalier ! De toute façon tu n'as guère le choix si tu veux que cette mascarade perdure aux yeux de tes parents ! » un rire qu'elle pouffait, tendrement moqueuse «  Mais, si je puis me permettre... Es-tu sûre qu'il s'agisse encore d'une mascarade ? Ou, comme la femme romantique que je suis devenue aurait tendance à le croire, ne serais-tu pas un peu en train de t'attacher à lui ? Allez ! Balance ! Je veux tout savoir ! Absolument tout ! »

Du plus anodin au plus croustillant. Comme toujours entre elles, non ?