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i'll be good (leone)

@ Invité

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Dim 1 Mar - 21:30
Comme à son habitude, c'est ton meilleur ami qui te dépose devant le lieu où se trouve l'association pour qui tu es comptable. C'est lui qui fait en sorte de modeler ses horaires de travail pour toi, pour t'éviter de devoir affronter les transports en commun tout seul avec ton fauteuil. El Halito reste l'un des rares endroits où tu acceptes de te déplacer – en dehors de la clinique privée où tu es et l'endroit où a lieu le groupe de soutien pour les malades dans ton genre. C'est aussi l'un des seuls endroits où tu te sens réellement bien, peut-être parce que tu te sens pour une fois utile quelque part en faisant en plus quelque chose que tu aimes. Personne ne te traite différemment aussi, personne ne te regarde étrangement parce que tu es en fauteuil roulant. Ils savent mais ils ne disent rien. Et cela fait un bien fou d'être entouré de personnes capables de te voir autrement que comme quelqu'un de malade et qui ne te demandent pas sans cesse comment tu vas. Tu ne vas pas bien, c'est un fait. Mentalement, physiquement... C'est compliqué. Pas pour autant que tu te plains. Tout cela, tu le gardes pour toi. Parce que tu te dis qu'il y a toujours pire ailleurs, n'est-ce pas ? Peu importe après tout. Tu es là, et c'est tout ce qui compte. C'est dans ton bureau que tu trouves refuge, passant une bonne partie de la matinée dans les chiffres, à tout remettre en ordre. Tu ne réfléchis pas pendant ces moments-là, concentré uniquement sur ta tâche sans faire attention à tout ce qui t'entoure. Drôle de passion, les mathématiques. Mais c'est bien ce qui te ressemble le plus après tout, car toi, tu as besoin d'une logique dans tout ce que tu fais. C'est uniquement lorsque tu te rends compte qu'il est peut-être temps de manger que tu t'autorises à faire une pause et sortir de ton bureau, te baladant dans les locaux pour arriver jusqu'à la cuisine où... tu tombes sur Leone. C'est un bref sourire qui se dessine sur ton visage lorsque tu l'aperçois, sincèrement heureux de le voir dans un autre contexte que celui de l'hôpital où il t'a vu faire des allés retours au début de ta maladie. Il est néanmoins plus rare de le croiser à l'association car c'est quelqu'un de plutôt occupé. Toi-même tu te demandes comment ce dernier fait. Une sorte de super-héros en quelque sorte. En même temps, c'est un passionné. « Bonjour Leone. Ça faisait longtemps que je ne t'avais pas croisé ici. Jour de repos ? » que tu lui demandes tout en te dirigeant vers le frigo. Il est clair qu'entre son métier et toi qui fait en sorte de passer le minimum de temps en dehors de ton appartement, difficile de vraiment vous voir tous les deux à l'association. Tu ouvres la porte du frigo et fronce les sourcils lorsque tu remarques que ton sandwich n'est plus là mais... a été déplacé plus haut. Sérieusement ? Tu te doutes bien que cela n'a pas été fait exprès, surtout que personne ne peut savoir que le sandwich t'appartient. Mais cette frustration que tu ressens, tu n'arrives pas à la contrôler. Elle cohabite avec toi depuis bien trop de mois maintenant. La frustration de dépendre des autres, comme dans ce genre de situation. C'est donc de nouveau vers le jeune homme que tu te tournes, un sourire forcé mais surtout désolé sur le visage. « Tu peux m'aider à attraper mon sandwich s'il te plaît ? ». Tu pourrais essayer de te lever toi-même. Tu es capable de rester debout quelques secondes mais... Tu ne veux pas prendre le risque de tomber, là, face à lui. Face à ton meilleur ami ou ta sœur, oui. Face à quelqu'un qui n'est pas aussi proche de toi, c'est hors de question. Pourtant, Leone t'a déjà vu de cette façon. Mais c'est honteux pour toi. Honteux de ne pas avoir le courage de te battre ou ne serait-ce qu'essayer.

@ Invité

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Lun 2 Mar - 15:30
Soufflant et ahanant, Leone arriva dans les locaux d'El Halito plus rouge que jamais et suant comme un boeuf de labour, les mains pleines de son énorme carton. Pourquoi se retrouvait-il toujours dans la même situation? A croire qu'il avait raté sa vocation de déménageur. Mais voilà, il avait promis à Jan de lui rapporter les fascicules édités par le Planned Parenthood à destination des adolescents et des enfants sur le consentement, et s'était donc retrouvé à faire le trajet à pied depuis la clinique, parce qu'il répugnait à prendre la voiture pour si peu. Sa conscience écologique était certes en paix, mais ses muscles criaient au martyre. Petit sacrifice pour la planète, pouvait-il dire. En attendant, il avait donc posé ses affaires et attendait le retour du maître des lieux, pensif. Cela faisait un moment qu'il n'y avait pas mis les pieds, hormis furtivement pour les répétitions en vue de la chorale de fin d'année. Sinon, évidemment, avec leur problème relationnel, à défaut d'un autre choix de terme plus adapté, il avait complaisamment fui l'endroit, au prétexte de son emploi du ministre, ce qui, pour toute personne le connaissant, était de toute façon parfaitement vraisemblable. Heureusement, tout s'était arrangé. Et ils étaient donc revenus à leur situation d'avant, reprenant plus fermement leur collaboration, que ce soit avec le planning ou avec Act Up. Alors, quand Jan avait parlé d'un atelier sur le consentement pour ses jeunes, Leone n'avait pas hésité à proposer les dépliants réalisés par le PP, en ajoutant une version pour les plus petits, car l'éducation au consentement commençait très tôt, avec des mots adaptés, et de grandes illustrations pastels pour ceux qui n'avaient pas encore l'âge de lire ou le faisaient avec difficulté, le tout de manière aussi compréhensible que possible. Et honnêtement, le chirurgien n'était pas peu fier du résultat, car il était le fruit d'une longue collaboration de plusieurs mois avec différents spécialistes. 

Assoiffé par son effort brutal, l'homme se dirigea donc vers la cuisine et entreprit de prendre un verre pour se servir de l'eau, non sans avoir déposé son cadeau pour les bénévoles dans le frigidaire. Il était en train d'avaler goulûment quand une voix vint le sortir de ses pensées, ainsi que le léger bruit des roues sur le sol. Tournant légèrement sa tête pour avoir un meilleur angle de vue sur l'arrivant, Leone lui offrit un petit signe du chef ainsi qu'un clin d'oeil, levant son verre d'eau comme pour une célébrité, avant de déclarer :

"Salut Roman. Oui, ma cheffe de service m'a mis dehors ce matin, comme j'avais fini ma garde, donc une petite sieste et hop, je suis venu pour apporter de la documentation que Jan m'avait demandé, qu'on a fait au Planned Parenthood."

Leone avait à peine fini ses explications que le jeune homme, perdu dans les méandres du frigidaire, se retira pour lui demander d'attraper son sandwich D'un coup d'oeil, il observa le bout de l'objet du délit, et comprit qu'il avait été rangé sur l'étagère la plus haute, donc hors de portée du fauteuil et de son occupant cloué dessus. Posant son verre, l'italien s'approcha donc et prit le sandwich dans sa main, avant de le tendre à Roman, un gentil sourire aux lèvres, mais sans commenter ce qu'il venait de se passer. Honnêtement, il n'y en avait pas trop besoin. C'était toujours désagréable, d'être contraint et de devoir quémander de l'aide de la sorte. Enfant, cela le rendait fou, d'être toujours à la merci de la bienveillance des autres. Alors il se contenta simplement de souffler un simple :

"Tiens."

Puis il ajouta, pour dérider le jeune homme :

"Tu veux de la panna cotta en dessert? J'en ai ramené, ma grand-mère en a fait plein hier soir." 

Mamie Castelli et sa cuisine, tout un poème ! Curieusement, quand Leone arrivait sur ses jours de repos quelque part, il avait l'impression parfois qu'on attendait davantage ses tupperwares que lui-même. D'un autre côté, il pouvait aisément comprendre le sentiment : en matière de cuisine, personne n'arrivait à la cheville de sa grand-mère. En fait, si elle avait eu plus de chance dans la vie, il était certain qu'elle aurait pu ouvrir un restaurant. Cela n'avait jamais pu se faire, et il était bien trop tard pour y remédier, vu son âge. Alors, comme dans un soucis de rattraper cette occasion manquée, elle avait décidé de nourrir tous ses amis, ainsi que sa paroisse. Et les siens, aussi, donc. Une fois sorti du frigidaire, il termina par une nouvelle question, histoire de prendre des nouvelles sans toucher, pour le moment, à l'éléphant dans la pièce, à savoir comment il allait : 

"Tu es parvenu à mettre de l'ordre dans les comptes de Jan? J'ai essayé une fois pour filer un coup de main, je suis parti en courant, c'est pire que chez Act Up."

Un léger rire lui échappa. Jan et les chiffres, c'était une grande histoire d'amour. Presque aussi romantique que celle entre Jan et son banquier : un homme si assidu qu'il l'appelait tous les jours ou presque ... 

@ Invité

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Dim 22 Mar - 14:38
« Il faudra que tu me dises ton secret pour tenir le rythme. La majorité des gens rêvent de leur lit toute la journée... Toi, c'est ton lit qui doit se demander pourquoi tu ne viens jamais. » que tu lui lances avec un léger sourire. Toi, tu ne sais pas ce que c'est que d'avoir un rythme de vie effréné, de ne jamais s'arrêter. Sauf quand tu te retrouves devant ton ordinateur, à faire de la programmation ou du codage. Là effectivement, difficile de t'arrêter lorsque tu es lancé. Mais depuis la maladie, tu te dois d'écouter ton corps, de ne pas en faire trop. Et qu'est-ce que c'est chiant... Mais quand tu vois Leone, connaissant son parcours depuis son enfance, tu ne peux qu'être admiratif face à lui. Il est ce que tu aimerais devenir, quelqu'un capable de continuer malgré la fatigue et la lassitude, quelqu'un capable de se battre et de faire le bien autour de soi sans s’apitoyer sur son passé. Toi, tu n'as pour l'instant pas la force de quoi que ce soit. « Merci. ». Un simple remerciement pour avoir attrapé ton sandwich, tandis que tu viens t'installer à la table pour commencer à manger à ton tour. « Tu sais que je ne peux jamais refuser quoi que ce soit venant de ta grand-mère ! ». Il est vrai que la grand-mère de Leone est connue au sein de l'association et dans l'entourage du jeune homme lui-même pour être une cuisinière particulièrement douée. Toi, tu te débrouilles aussi dans ce domaine-là mais tu ne pourras jamais être au même niveau que cette dernière. En même temps, cela ne fait pas longtemps que tu t'es trouvé une certaine passion pour la cuisine. Cela fait uniquement quelques mois, depuis que la sensation de faim n'en fait qu'à sa tête. Tu manges surtout en petites quantités, mais plusieurs fois par jour. Alors tu trouves des alternatives et la cuisine a été la bienvenue dans ta vie. « Tu penses qu'elle pourrait me donner une bonne recette avec des légumes ? J'ai un enfant à la maison qui refuse de manger tout ce qui est vert. J'aimerais le piéger pour qu'il comprenne que si, des légumes ça peut être très bon. ». Qui dit être à l'appartement presque toute la journée et vivre à deux, dit que tu t'occupes plus souvent de ce genre de tâches et cela ne te dérange pas, loin de là vu que tu aimes cuisiner. Le problème, c'est que ton cher meilleur ami est difficile à ce niveau-là et tu n'es pas contre un bon conseil de Madame Castelli qui, jusqu'à présent, t'a toujours donné de bonnes astuces pour t'améliorer. « Je dois t'avouer que c'est compliqué mais je commence à en voir le bout. Il y a Thulani avec moi maintenant pour m'aider, je ne sais pas si tu l'as déjà rencontré ? ». A vrai dire, pour une petite association, il y a tout de même pas mal de monde et cela te fait plaisir de voir qu'elle s’agrandit jour après jour, attirant de plus en plus de personnes bienveillantes, prête à venir en aide. Pour être comptable, tu sais très bien que la situation a de nombreuses fois été catastrophiques mais ces derniers temps, tu as l'impression que vous commencez peu à peu à sortir la tête de l'eau. « Et toi ? Tout se passe bien ? ». A l'hôpital, chez Act Up, au planning...En règle générale, quoi. Toi, mis-à-part l'association, il n'y a pas grand chose à raconter. Ou plutôt, rien de très intéressant.

@ Invité

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Dim 26 Avr - 0:11
« Les micro-siestes. Tout est là. Mes premières semaines d’internat, je ne tenais pas le rythme alors que maintenant … la moindre pause, je ferme les yeux et hop, je recharge les batteries.

Même si du coup, je le confesse, je fais pas mal d’infidélités à mon matelas. Je ne suis pas l’homme d’un seul sommier, hélas. »

Leone ne plaisantait pas pour le caractère très réparateur de tous les sommes qu’il piquait à l’hôpital. C’était quelque chose qu’il avait appris très tôt dans sa carrière, à s’entretenir. L’un de ses titulaires avait coutume de répéter qu’être chirurgien, c’était comme être marathonien. En un sens, il n’avait pas tort : il fallait une bonne hygiène de vie pour tenir les gardes, et aussi la capacité à récupérer rapidement. Ainsi, peu à peu, il avait développé cette formidable faculté à s’endormir partout, n’importe quand. Après, de là à dire que c’était un style de vie sain, il y avait un pas qu’il ne franchirait pas, voire même un gouffre. Honnêtement, il était surmené, mais il partait du principe que cela finirait par diminuer quand il commencerait à monter dans la hiérarchie de l’hôpital, ce qui signifierait que son volume de chirurgie diminuerait, et qu’il pourrait laisser les consultations plus classiques de côté, même s’il en garderait sans doute quelques-unes une matinée ou deux. Mais pour le moment, il n’avait pas réellement de raison de s’arrêter : personne pour l’attendre, même pas un chat ou un chien, voire un poisson rouge. Seulement sa grand-mère, qui l’attendait souvent avec un repas suffisant pour nourrir la moitié du quartier, et qui ne lui reprochait jamais rien, parce qu’elle lui avait toujours répété qu’il fallait travailler dur pour réussir, et qu’elle était si fière de son petit-fils, Anna Castelli, quand elle le voyait avec sa blouse blanche et son air concentré, raconter comment il avait mené telle ou telle opération, amené tel ou tel enfant sur cette terre. Elle se contentait de veiller à sa santé, de le dorloter et de veiller sur lui, comme un ange gardien, ce qu’elle avait toujours été d’ailleurs.
Tout en déballant sa dernière œuvre pour en servir une petite part à Roman maintenant qu’il avait accepté, Leone hocha la tête à sa question, essayant de se rappeler des meilleures recettes de sa grand-mère. Honnêtement, il faudrait qu’il demande, mais de mémoire, il se rappelait qu’elle était particulièrement appréciée des parents qui lui confiaient leurs enfants pour sa capacité à transformer le pire des légumes en une farandole de saveur. Pensivement, alors que lui-même à présent se servait une portion du célèbre dessert italien, salivant déjà à l’avance après avoir posé l’assiette remplie devant son ami dans un même élan de service général, et qu’il goûtait la première bouchée avec un plaisir non feint, il finit par déclarer :

« Je ne connais personne qui ne mange pas d’aubergines en antipastis. Ou de courgettes. C’est impossible. Tu découpes la courgette en lamelles fines et tu la fais frire. Personnellement, je rajoute une pointe d’épices avec un petit filet d’huile d’olive, et je défie ton coloc d’y trouver à redire.

Sinon, personnellement, je préfère le cake aux carottes. Tu y ajoutes plein de petits cubes de viande, ou d’autres légumes si tu veux faire une recette végétarienne. Le tout, c’est qu’il soit bien moelleux. Attends, j’ai une photographie du dernier que j’ai fait, pour le pot de départ d’un infirmier. Là, regarde. »


Sortant son téléphone de sa poche, Leone avait pianoté dessus tout en discutant, faisant défiler ses images jusqu’à trouver la bonne. On pouvait y trouver le fameux cake trôner au milieu de quelques autres douceurs que l’équipe de gynécologie/obstétrique avait préparé pour fêter le départ en retraite d’un des leurs. Même si le trentenaire n’avait pas la prétention d’égaler sa grand-mère en cuisine, il avait été le récipiendaire de ses enseignements, et pouvait clamer en toute franchise se débrouiller parfaitement dans ce domaine, bien qu’il n’ait pas forcément le temps de s’adonner beaucoup à ce loisir. Cela participait néanmoins probablement, quand il avait le possibilité de préparer à l’avance son déjeuner, à son bon équilibre, car il veillait toujours à ce qu’il soit à la fois nutritif et léger. Suffisamment en tout cas pour ne pas l’endormir ou lui peser sur l’estomac, tout en lui apportant tout ce qui était nécessaire pour affronter de longues journées de travail. Ecoutant ensuite Roman lui parler de la nouvelle personne engagée par Jan pour l’aider à tenir les comptes, Leone secoua la tête et répondit :

« Non, pas encore, mais j’avoue que je n’ai pas été très présent durant les dernières semaines. J’étais débordé à l’hôpital et en plus j’ai dû combler pas mal de trous au niveau des permanences au Planning et Act Up donc j’ai un poil perdu le fil …

Raison de plus pour venir au plus vite me replonger dans le bain !

Et ce qui répond à ta seconde question je crois. J’ai un peu couru partout ces derniers temps. Avec les baisses de subventions, c’est un peu la galère et on a perdu quelques bénévoles qui ont eu du mal avec le rythme. »


Soupirant, il conclut :

« Souvent, les gens viennent et ne se rendent pas forcément de ce que ça implique, en termes de charge émotionnelle, et même … de sacrifices personnels. Tu vois, quand tu as une femme de quarante-cinq ans qui es là, qui a déjà quatre gosses et arrive à peine à boucler les fins de mois et qui ne peut pas se libérer hormis en soirée sans poser une journée, ce qui alerterait son patron hyper religieux … oui, tu sais que le créneau pour l’IVG va te manger la soirée, mais tu le fais quand même. Sauf que parfois … certains refusent, et on se retrouve à devoir faire la tournée des disponibilités en urgence. C’est un peu usant. »

Oui, il avait le ton d’un vieux militant désabusé, ce qu’il était à n’en pas douter. Affichant néanmoins un sourire, il agita sa cuillère comme pour chasser ces mauvaises pensées et déclara avec de l’entrain dans la voix :

« Enfin, ça, c’est la cuisine associative, on retombe toujours sur nos pattes à la fin ! Ici, tout est ok ? Toi aussi d’ailleurs ? »

@ Invité

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Dim 2 Aoû - 16:38
Il suffit que tu entendes parler de cuisine pour sentir ton estomac se réveiller un peu plus. Il est clair que le sandwich que tu t'es fait en vitesse ce matin ne te satisfera pas vraiment alors un tour dans ta boulangerie préférée va s'imposer à la fin de ta journée. « Ça a l'air délicieux ! Je vais suivre tes conseils alors. Je t'en dirais des nouvelles la prochaine fois qu'on se croisera. ». Enfin, en espérant que vous ne mettiez pas autant de temps pour vous recroiser ou que cela ne soit pas à l'hôpital – même si les possibilités sont moindres car tu ne passes pas par le service où travaille Leone. Et puis tu préfères largement le croiser dans un lieu comme El Halito, où tu te sens assez bien pour parler sans avoir envie de rentrer chez toi ou prendre la fuite. Leone est une personne que tu apprécies, assez pour ne pas avoir envie de lui dire de but en blanc que tu ne te sens pas bien et que tu préfères t'isoler. Même si lui est certainement la mieux placée dans ton entourage pour comprendre. Seulement, ce n'est pas parce qu'il est capable de comprendre que tu as envie de lui imposer quoi que ce soit. « Oh, je comprends mieux pourquoi on ne te voyait plus trop ici... Je n'ai pas osé te demander de tes nouvelles par message pour ne pas te déranger car je sais que tu es très occupé. ». Et de toute façon, tu n'envoies pas de message tout court sauf en cas d'extrêmes urgences. Il est clair que tu n'es pas doué pour gérer les relations sociales, Roman. Pas pour rien que tu as très peu de personnes qui t'entourent et que ce sont toujours les mêmes depuis des années. Toi aussi, ton métier te prend du temps, que ce soit ici à El Halito ou chez toi mais tu ne cours pas partout comme Leone le fait. Il est clair que tu l'admires pour sa capacité à se donner autant pour les bonnes causes. « Je sais que ce n'est pas grand chose mais... Tu voudrais que je fasse une affiche pour trouver des bénévoles qui pourraient être intéressés par Act Up et le planning familial ? Je... Je gère les réseaux sociaux de l'association et je suis sur que Jan serait d'accord et que des personnes pourraient être intéressés ici. ». C'est une petite idée qui t'est venue en l'écoutant, peut-être pas l'idée du siècle pour l'aider mais cela pourrait peut-être permettre de trouver de nouveaux bénévoles. Beaucoup fonctionnent au bouche à oreille, mais les réseaux marchent très bien – même si toi, tu refuses de t'inscrire sur quoi que ce soit en ligne et il est impossible de t'y trouver. C'est pourtant ce qui fonctionne le mieux de nos jours, avec la société actuelle. Si cela peut aider Leone et qu'il est d'accord, eh bien tu le feras avec plaisir. Toi-même tu te serais proposé en tant que bénévole si tu étais capable de téléphoner ou parler à une personne inconnue sans angoisser. Mais ce n'est pas le cas. Et tu as beau essayer de faire bousculer ton quotidien, de franchir tes limites, tu ne te sens tout simplement pas capable de le faire pour le moment. Autant trouver des personnes réellement motivées. « Ce n'est pas ça qui va te permettre de souffler un peu mais... ça peut toujours être utile. ». Comme à chaque fois que tu proposes quelque chose à quelqu'un, tu as envie de te cacher dans un trou et de ne plus en sortir car tu as l'impression de dire n'importe quoi. Pas pour rien que l'on ne t'entend jamais lors des réunions à El Halito. Si personne ne prononce ton prénom, alors tu te tais même si tu as des idées. Hors de question de prendre la parole devant tout le monde. « Il y a eu une réunion avec plusieurs intervenants organisée par Jan pour trouver des nouvelles idées maintenant que nous avons le budget pour alors tout va bien ici. ». Tu souris tandis que tu passes une main dans tes cheveux avec nervosité. « Ça va en ce moment. Je vais toujours à mon groupe de soutien, tu sais ? J'ai rencontré quelqu'un. Enfin, je me suis fait un ami. ». Tes sourcils se froncent légèrement tandis que tu fais cet aveux à Leone. Ta vie n'est pas intéressante, tu ne sais même pas pourquoi tu lui dis cela. « Mais je ne parle toujours pas là-bas. C'est mieux d'écouter. » ajoutes-tu avec un bref haussement d'épaule.

Spoiler:

@ Invité

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Ven 14 Aoû - 18:52
" N'hésite pas, au cas où. Je ne réponds pas forcément dans la minute mais ... Les SMS, je maîtrise un minimum quand même."

Curieusement pour un militant de l'ère 2.0 et quelqu'un d'aussi geek, Leone n'avait jamais été très attiré par les réseaux sociaux, d'abord parce qu'il n'avait pas vraiment le temps d'être actif dessus, et pour se protéger également de certaines choses. Il avait des comptes, mais ne mettaient que de la communication institutionnelle presque, relayant souvent les publications de ses associations. En plus, il se voyait mal poster des photographies de ses propres actions. Bref, il mettait une certaine distance, se contenant parfois de répondre aux sollicitations de certains amis, et cela n'allait pas plus loin. En revanche, les messageries instantanées, ça, c'était une autre histoire. Déjà parce qu'il passait souvent ses pauses avec une main dans un paquet de chips et une autre sur son téléphone à échanger des bêtises - et quelques fois des choses sérieuses - avec son meilleur ami, et puis, tout simplement car il avait un tel emploi du temps qu'il était plus aisé de prendre des nouvelles de ses amis de la sorte. Cela ne signifiait pas qu'il passait son temps à envoyer des messages, à vrai dire, il avait tendance à oublier de le faire la moitié du temps, son cerveau un peu trop plein de préoccupations diverses, variées et un brin pesantes. Mais il répondait toujours, ça, oui. Peut-être avec de très nombreuses heures de retard, cependant, il y mettait un point d'honneur. Et s'il y avait besoin de passer un coup de fil, il sacrifierait ses heures de sommeil pour le faire - après tout, il n'était plus à une nuit blanche près. Néanmoins, à force d'entendre qu'il était pire qu'un courant d'air, le trentenaire ne put s'empêcher de se dire, l'espace d'un instant, qu'il commençait à devenir pire qu'un fantôme pour pas mal de personnes. Alors, évidemment, ce serait bien de passer le flambeau, mais ... le ferait-il vraiment ? Non, bien sûr : il s'occuperait des formations, donnerait un coup de main, et ceci et cela, dans un tour perpétuel. Après tout, il y avait toujours quelque chose à faire. Pour autant, avoir du renfort serait une excellente nouvelle, sauf qu'il n'avait pas envie de profiter d'un espace pour en en aider d'autres, du moins pas sans l'accord de Jan. Bon, il se doutait qu'il serait d'accord, certes. Cela n'empêchait pas de vouloir être bien transparent.

" Ce serait formidable, mais demande à Jan avant. Je veux dire, on est d'accord, techniquement, ça ne va pas le déranger mais ... le voir affiché de la sorte, certains parents pourraient ne pas apprécier.

S'il te donne le feu vert, par contre, fonce ! Je suis curieux de voir quelle affiche tu serais capable de faire. Des idées ?

Disons qu'hormis les logos visibles et des coordonnées, je ne suis pas un artiste dans l'âme."


Leone aimait les choses simples, qui allaient droit au but. Quand il donnait son avis, il se bornait souvent à juger du caractère pratique de la création, tout en appréciant évidemment le travail réalisé, mais honnêtement, il aurait rarement été capable de dire autre chose que des compliments, puisqu'il était incapable d'accomplir le quart du commencement de telles manipulations graphiques, minus le basique du basique parce qu'à force de combler les trous associatifs, on finissait par acquérir des compétences minimales dans un nombre de domaine vertigineux : la communication, le management, la comptabilité, la gestion administrative ... De vrais couteaux suisses. Pas étonnant que ça devienne un argument de choix sur un curriculum vitae.

Au moins, tout allait pour le mieux à El Halito, qui, selon Leone, commençait véritablement à percer, avec les donations qui se multipliaient, et offraient une sécurité bienvenue à la petite structure qui, à force, n'était plus si petite. Un soucis de moins pour les malheureux comptables de Jan ! Après tout, Roman avait largement de quoi s'occuper ailleurs. Il était content que le groupe de parole puisse l'aider, d'une façon ou d'une autre. Ce n'était pas grave s'il ne prenait pas la parole. L'essentiel, c'était déjà de pousser la porte. Puis de revenir. Et ainsi de suite. Peut-être qu'avec le temps, un jour, il voudrait partager son expérience, ou juste, discuter avec les autres. Nouer une amitié, c'était un premier pas. Autant le dire, être positif.

" L'essentiel, c'est que ça t'apporte quelque chose, peu importe la forme. Et j'ai envie de dire que si tu as noué une relation avec quelqu'un, c'est déjà un sacré avantage.

Quand j'étais gamin ... j'étais fou de joie, quand j'ai eu mon premier ami. Je ne manquais pas d'amour ou quoi que ce soit, mais juste ...

C'est différent, d'avoir quelqu'un qui te connaît à partir de ce moment, avec qui tu peux partager des choses. Que ce soit personnelles, ou juste une glace."


Il s'incluait dans cette difficulté à échanger avec des personnes avec qui Roman pouvait ne pas avoir envie de discuter autant que quelqu'un rencontré dans ce cadre particulier. Ce n'était pas le même support émotionnel. Lui-même avait rencontré nombre de personnes, plus tard, mais aucune n'avait la même importance que Sirius à ses yeux, parce qu'il avait été celui qui l'avait accepté à un moment où aucun ne pouvait le faire, qui savait tout de lui, de ce qu'il avait traversé. Cela ne signifiait pas que ses autres amitiés ne comptaient pas, au contraire. Elles apportaient des choses différentes, voilà tout.

" Sincèrement, ça me fait plaisir de t'entendre dire ça. Ce n'est peut-être pas grand chose mais ... d'expérience, je sais que parfois, ça peut être beaucoup, pourtant."

Avant de demander, intéressé:

" Qu'est-ce qu'il fait dans la vie, ton nouvel ami ?"

@ Invité

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Dim 13 Sep - 18:48
« Oui, bien sûr ! Je – Je ne comptais pas faire quoi que ce soit sans demander ton autorisation et celle de Jan. Je t’avoue que j’ai besoin d’être devant mon ordinateur pour réussir à… faire quelque chose de créatif. ». Un aveux que tu fais les joues rougies par la gêne, conscient que tu te fais d’autant plus passer pour quelqu’un de pas forcément sociable avec ce genre de phrase. Tu es incapable d’être créatif si tu n’es pas devant ton ordinateur, incapable de penser avec cohérence alors que tu parles avec quelqu’un. La solitude te permet d’être dans ton propre monde, de pouvoir réfléchir sans avoir la pression ou l’impression de devoir absolument donner une réponse. Cette idée de faire des affiches, elle t’est venue subitement mais tu n’as clairement pas encore d’idée à donner à Leone quant au design que tu comptes faire. En te voyant, on peut s’imaginer quelque chose de sobre ou neutre et pourtant, si Jan t’a donné l’autorisation de t’occuper des réseaux sociaux de l’association, c’est que tu es capable de faire quelque chose qui peut attirer l’œil. Le but est tout de même de trouver des personnes motivées, prêtes à utiliser de leur temps libre pour la bonne cause – une cause qui les intéresse. « Mais si jamais Jan accepte, je vous montrerais pour avoir votre aval. Je veux faire quelque chose qui soit en accord avec votre façon de voir les choses et qui vous plaisent à tous les deux. ». Hors de question pour toi de prendre les devants, de faire quelque chose sans avoir l’avis des concernés. Tu sais pourtant que tu es doué de tes doigts face à un ordinateur mais tu es tout simplement incapable d’être en totale autonomie lorsque cela implique d’autres personnes. Surtout pour une cause qui tient à cœur à Leone. Tu sais bien qu’en rentrant dès ce soir, tu vas faire des recherches sur le planning familial pour commencer à travailler si Jan te donne son aval. Outre le fait que cela t’ajoute une tâche supplémentaire, tu le fais pourtant avec plaisir. Cela te force à faire quelque chose de bien et d’utile pour les autres. Et toi qui a souvent l’impression de ne pas être si utile que cela, cela t’aide à tenir en quelque sorte. A te forcer à avancer.

Lorsque tu oses parler du fait que tu t’es fait un ami au groupe de soutien, c’est la gêne qui revient. Tu ne comprends pas pourquoi tu n’arrives pas à parler librement sans avoir l’impression d’être à côté de la plaque. Pourtant, avec Leone, tu n’as pas l’impression d’être un espèce de boulet incapable de communiquer correctement. Il ne te fait pas te sentir comme tel, en tout cas. Et tu ne peux que hocher la tête à ses mots. « Tu as cette capacité à… à mettre des mots sur ce que je ne sais pas exprimer. » dis-tu tandis qu’un léger sourire vient prendre place sur ton visage. Kit te comprends, contrairement aux autres. Tu n’as pas à faire semblant avec lui d’aller bien lorsque tu vas mal. Tu n’as pas besoin de trouver des excuses pour ne pas le mettre mal à l’aise. C’est étrange mais cela te fait un bien fou de l’avoir dans ta vie à cet instant. « Il est mécanicien. Je commence à le voir en dehors du groupe et j’ai l’impression… Comment dire… de ne pas être malade avec lui. Je – Je veux dire, il ne voit pas mon fauteuil ou ma maladie. Il me traite normalement. Il ne… Il ne cherche pas à prendre soin de moi comme si j’étais un enfant. ». Tes doigts jouent nerveusement entre eux tandis que tu observes tour à tour Leone et le mur derrière lui. Et soudain, tu inspires un bon coup avant de lui poser une question qui te tient à cœur. « Est-ce que… Est-ce que les gens te traitent différemment quand ils savent que... ». Tu t’arrêtes aussitôt, conscient que c’est personnel et qu’il n’a pas à te répondre. « Désolé, je n’ai pas à te demander ça. C’est juste que… j’ai l’impression que toute ma vie, je devrais me justifier sur… ça. ». Pas envie de nommer ta maladie, pas envie de lui donner de l’importance. Mais tu sais que Leone peut comprendre ce que tu veux dire. En fait, tu as tout simplement besoin d'être rassuré à cet instant. Le voir, lui, continuer de vivre, donnant autant aux autres... Tu te dis que tu as peut-être une chance aussi.

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Lun 12 Oct - 19:13
« Je suis sûr que tu nous proposeras quelque chose d’exceptionnel, comme toujours. »

Leone le pensait sincèrement, et il était certain qu’un tel partenariat serait formidable, surtout avec la patte de Roman. Ce qu’il était capable de faire avec un ordinateur au bout de doigts ne cesserait jamais de l’émerveiller, surtout comparé à ses piètres tentatives en la matière. En vérité, à force de donner un coup de main partout, notamment à Act Up, plus prolixe là-dessus, il avait fini par développer quelques compétences, mais loin d’égaler celles d’un professionnel. Il pouvait être une force d’appoint, une petite main aux services de quelques finitions ou pour du travail de gros qui devait être terminé rapidement, mais rien de plus. Et il reconnaissait l’intérêt d’avoir quelque chose de travaillé, de léché finalement, qui attire l’œil tout en étant clair, précis, concis. C’était la clé : réussir à transmettre les bonnes informations en si peu de place, tout en étant suffisamment agréable pour ne pas rebuter. Voilà pourquoi il avait tellement insisté auprès de Marisol pour que les numéros de ses associations soient dans des encarts visibles. Il avait hâte d’apprendre la réponse de Jan, motivé malgré ses apparentes réserves, et surtout très reconnaissant au jeune homme en face de lui pour sa proposition plus que bienvenue. Alors, s’il pouvait l’aider en retour … Echange de bons procédés ? C’est pourquoi il répondit en riant à ce que disait Roman, histoire aussi d’alléger la conversation, devenue soudain plus difficile, ce qui était normal au vu des thématiques abordées :

« Avoir un meilleur ami psy, ça force à passer beaucoup de temps à mettre des mots sur plein de choses. Même mon addiction au thé ! »

Evidemment, ce n’était qu’une boutade, Sirius n’ayant jamais vraiment tenté de l’analyser, surtout que cela n’aurait pas eu beaucoup d’intérêt vu qu’ils se connaissaient tous les deux par cœur, pour se côtoyer depuis bien trop longtemps. Il n’y avait pas de secrets entre eux, et Leone était certain qu’il pouvait prédire les réactions de Sirius au muscle facial près dans à peu près toutes les situations possibles. Et pour le coup, il n’exagérait même pas. Ou si peu. Cela dit, c’était vrai que sa fréquentation assidue avait fini par lui donner quelques réflexes en matière d’analyse et de confidences, sans parler de ses quelques cours de psychologie et psychiatrie durant ses années de médecine, bien qu’elles fussent fort maigres. Sans parler de son expérience de terrain, au sein de groupes de parole puis plus tard comme accueil dans ses associations, et enfin comme médecins. A force, on finissait par comprendre les silences et les non-dits. Difficile de faire autrement. Donc forcément, quand en plus, il y avait une forme de communauté de destin, de compréhension instinctive, c’était plus facile pour lui, surtout qu’il maintenait un regard extérieur, et par conséquent cette capacité à analyser, ce qui était toujours plus difficile quand on s’attardait sur ses propres problèmes. Sa question, néanmoins, le força à se plonger dans les méandres de ses propres difficultés.

Est-ce que les gens changeaient de comportement quand ils apprenaient qu’il était séropositif ? Bien sûr. La plupart, en tout cas. Il y avait toujours ces quelques secondes de latence, la gêne dans le regard, cette ombre pensive qu’il avait appris à connaître, lorsque la personne scannait instinctivement tous ses faits et gestes en sa présence pour s’assurer qu’il n’y avait aucun risque, sans en savoir davantage. C’était un réflexe, et il en avait conscience. Puis, il y avait ceux qui reprenaient le cours de la conversation comme si de rien était, ou s’intéressait. Et ceux qui faisaient exactement la même chose, mais sans parvenir à se départir de leur gêne soudaine. Certes, il y avait aussi d’autres réactions. Celles-là le marquaient au fer rouge. On s’habituait, bien sûr. On s’habitue à tout, y compris au pire. Et pourtant, c’était impossible de s’habituer entièrement. Il y avait toujours, inconsciemment, cette piqûre au cœur, ce bourdonnement dans les oreilles. Cela passait. Cela passait toujours. C’était juste un rappel désagréable, un de plus. Il y en aurait d’autres. Il y en avait toujours. Il ne voulait pas décourager Roman en lui livrant cette vérité crue. Mais mentir lui paraissait inconcevable. Alors il opta pour l’honnêteté, avec ses bons et ses mauvais côtés :

« Est-ce que les gens me traitent différemment en apprenant que je suis séropositif ? Oui, j’ai envie de dire évidemment. Il y a toujours trois secondes de latence, le temps d’assimiler l’information, et je sais qu’ils ont tous en tête des images terribles, qu’ils se demandent furtivement s’il y a une possibilité pour que …

J’ai du mal à leur en vouloir. Par manque d’informations, presque tout le monde a encore une vision du VIH proche de celle de Philadelphia, alors que tout a changé depuis mon enfance. Personne ne sait que les personnes traitées ne sont plus contaminantes. Que la Prep existe pour les personnes séronégatives qui ont des relations sexuelles sans préservatif. Qu’on peut vivre normalement, en fait. Et c’est difficile, parce que d’un côté, ces messages-là, on essaye de les faire passer, tout en répétant sans cesse qu’on reste porteur à vie, que notre système de santé rend parfois l’accès aux trithérapies difficiles, qu’il faut rester vigilant lors de la prise des traitements … Donc je pense que le message est brouillé, et qu’on avance pas. Et donc, oui, ça engendre un traitement différent, même inconscient. Enfin, pour mon banquier, il est très conscient … »


Un bref instant, l’amertume l’avait saisi, et la boutade résonna davantage comme un aveu méprisant plutôt que comme une plaisanterie innocente. Merci les taux exorbitants, parce qu’il était considéré comme une personne à risque. Même aujourd’hui, même face aux progrès de la science.

« Au-delà de ça … Forcément, la particularité du VIH fait qu’au niveau des relations intimes, ce n’est pas franchement évident. Ouvre une application de rencontre quelconque et regarde tous les profils qui disent élégamment qu’ils ne veulent que des hommes cleans. Parfois en termes encore plus définitifs.

Quand tu les rencontres dans la réalité … Non, ce n’est pas vraiment agréable. »


Cette triste réalité, il l’exposait sans fard. Peut-être parce que, de temps en temps, cela faisait aussi du bien, d’en parler, pour lui aussi.

« L’important, ce sont les personnes pour qui ça n’a que l’importance que cela doit avoir dans une relation, amicale ou autre : aucune. Je veux dire, oui, il y a forcément des choses à savoir, mais … les vraies relations, ce sont elles pour qui on est une personne comme les autres. Avec ses qualités et ses défauts. Sans empathie excessive ni jugement marqué.

Les bonnes personnes, celles qui comptent, ce sont celles auprès de qui on ne ressent pas ce sentiment de se justifier en permanence, quand on n’en a pas envie. Comme ton ami, donc. »

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Dim 8 Nov - 16:35
Tu écoutes avec une attention toute particulière Leone, hochant la tête à ses paroles tout en finissant le dessert qu’il t’a offert fait par sa grand-mère. Il a toujours eu cette particularité à savoir capter ton attention plus de trente secondes – pas parce que tu t’en fiches de ce que peuvent te raconter les gens… Plutôt car la majorité du temps, tu es totalement ailleurs. Mis-à-part devant ton ordinateur ou devant ton piano, tu n’as pas la capacité de rester concentrer trop longtemps sur la même chose. Ajoutons à cela que les interactions sociales te prennent souvent plus d’énergie que nécessaire et de ce fait, tu es souvent incapable de tenir une conversation trop longtemps sans ressentir le besoin de t’isoler. Là, les conditions sont propices à l’échange. Il n’y a personne d’autres que vous dans la cuisine et tu sais très bien que Leone comprendrait si tu venais à vouloir t’éclipser. Alors tu arrives à te laisser aller à la discussion et surtout à écouter ce qu’il a à te dire même si ce n’est pas forcément ce que tu as envie d’entendre. La vie n’est pas toute rose, c’est une évidence. Et les gens sont bêtes, c’est une autre évidence. Mais tu n’es clairement pas prêt à affronter le monde extérieur, ce monde-là où tu n’es pas la bienvenue partout. C’est pour cette raison que tu sors uniquement juste pour te rendre à l’association ou à ton groupe de soutien. Là-bas, personne ne te dit rien et cela te suffit amplement.

Tu ne pourrais pas faire le quart de ce que fait Leone. Vivre librement, aider les autres comme il le fait. Avoir des causes qui te tiennent tant à cœur que tu serais capable de faire un foutu effort. Mais tu en es incapable. Tu préfères t’enfermer sur toi-même, ne pas te plaindre, te taire et t’empêcher de faire ce que tu as envie. Faire des rencontres ? Hors de question. Mais lorsque justement Leone te parle des applications de rencontres, tu secoues la tête de gauche à droite. « J’ai connu quelqu’un qui pense comme ça mais je ne le savais pas. » avoues-tu avec un brin d’amertume dans la voix. Tu parles bien évidemment de ton ancien copain qui t’a quitté après des années de relation dés qu’il a appris ta maladie. Comme si tu étais devenu un espèce de pestiféré. Tu te doutes bien qu’il fait partie de ces personnes dont parle Leone sur les applications de rencontre. Quelqu’un qui cherche une personne « clean ». Raison de plus pour ne jamais t’inscrire là-dessus même si ton meilleur ami t’a plusieurs fois répété que cela ne te ferait pas de mal de juste discuter. « Dans mon groupe de soutien, certains disent qu’ils refusent de rencontrer des personnes qui ne sont pas comme eux pour éviter justement les mauvaises rencontres comme nous pouvons en faire. D’autres disent que c’est trop facile, que c’est vivre caché. Mais c’est compliqué de réussir à gérer sa maladie et vivre normalement pour beaucoup. Quand je te vois, je t’envie en quelque sorte. Enfin… Ce n’est pas de la jalousie ! Je disais ça dans le bon sens du terme. ». Tu observes soudainement la table avec un intérêt soudain. Tu n’es pas doué pour discuter, tu as toujours l’impression d’être à côté de la plaque. « Parce que tu arrives à en parler librement et d’être capable de faire part de ton expérience sans… sans te mettre en colère. ». Tu vois bien les personnes de ton groupe, qui se mettent à crier ou à pleurer parfois pour la simple et bonne raison qu’ils ne supportent plus leur vie. Toi, tu te contentes de tourner le regard à chaque fois. Ne pas affronter les émotions des autres pour enfermer les tiennes dans un coffre scellé, c’est ainsi que tu fonctionnes. Tu prends alors une inspiration avant d'ouvrir à nouveau la bouche. « Merci de parler avec moi. Et d'être honnête. J'en ai besoin, parfois. ». D'entendre la vérité en face, comme Leone vient de le faire.

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Ven 22 Jan - 15:52
Souriant à son interlocuteur, avec un clin d’œil complice pour montrer qu’il avait bien compris que ce dernier n’éprouvait pas évidemment de jalousie à son égard, Leone le laissa parler, conscient que s’il lui avait posé la question, c’était aussi pour s’épancher, pour réfléchir. Alors, il attendit que Roman déroule le fil de sa pensée. Et termine en le remerciant. Quelques années auparavant, tant de compliments l’auraient mis mal à l’aise. Désormais, si une partie de lui demeurait persuadée qu’il n’y avait là rien d’extraordinaire, il avait appris à mieux les recevoir, ou en tout cas, à éviter un rougissement inopportun et des bégaiements peu glorieux. Sa voie professionnelle comme sa montée dans la hiérarchie associative lui avaient appris à rester relativement coi. Pour autant, il savait que, dès qu’il reprendrait la parole, il glisserait une phrase pour démystifier, relativiser, minimiser, parce qu’il était fait ainsi. Le chirurgien traçait sa voie, sans réellement y faire attention, ne se rendant pas compte de l’effet qu’il pouvait éventuellement provoquer. Pourtant, ce n’était pas la première fois qu’il entendait une personne louer sa capacité à mener son existence sans prêter attention au reste. Sauf que … ce n’était pas vrai. Bien sûr que cela lui faisait mal, bien sûr qu’il doutait, qu’il aurait pu vouloir se réfugier dans des zones plus confortables. Mais il avait passé une enfance, puis adolescence, et même une partie de son âge adulte, à ne pas avoir le choix. En quelque sorte, il était un exemple des études de sociologie interactionniste qui montraient la propension de certains individus à revendiquer leur stigmate. En soi, c’était une stratégie d’évitement comme une autre. En affichant directement la couleur, il évitait que cela ne devienne un objet de débat, de supputation, il en faisait son identité. Et c’était plus supportable ainsi. Pareillement, la colère lui était familière. Mais contrairement à d’autres, à Roman par exemple, il vivait avec son stigmate depuis trente-quatre ans. C’était une partie de la différence de perception, de vécu : malgré son âge, il était un ancien, avec des souvenirs d’une époque révolue, rompu à toutes les techniques possibles pour vivre au mieux avec son virus à présent endormi, et pourtant toujours présent, tapi dans l’ombre, prêt à revenir en cas d’arrêt de la trithérapie. Forcément, cet état de fait conditionnait sa vision : on ne réagissait pas de la même manière en naissant avec quelque chose qu’en contractant une maladie au cours de sa vie, parfois tardivement. On n’avait pas la même réalité quand il n’y avait pas d’avant. Leone ne pouvait pas, ne pourrait jamais comparer avec une vie d’avant – et s’il le faisait, ce serait pour comparer une épée de Damoclès à des progrès évidents et indéniables. D’une certaine façon, lui allait mieux en avançant, alors que pour une pathologie comme celle de Roman, il y avait un avant libre de toute contrainte médicale, et un après. Et ce choc, brutal, rendait les comparaisons difficiles. Ce qu’il tenta d’expliquer après avoir haussé les épaules in fine :

« C’est normal. »

Et après cela, il reprit :

« Tu sais, ça fait trente-quatre ans que je vis avec le VIH. Je suis passé par toutes ces phases : la colère, de se demander pourquoi moi, pourquoi toutes ces difficultés … Parfois, l’envie de rester uniquement avec Act Up, ma famille d’adoption parce que j’ai réellement grandi avec les militants les plus âgés.
Et puis, j’ai aussi appris avec le temps qu’il valait mieux consacrer mon énergie à améliorer les choses, et aussi à me focaliser sur moi-même et mes proches plutôt que de m’énerver. Même si parfois, ça me brûle un peu. Plus jeune, j’aurai fait des choix différents. Maintenant … disons que je priorise mon temps. Et j’ai aussi appris à planter les gens là où ils sont. Ça aide aussi.

Mais c’est parce que je me connais, je connais mes limites, je sais aussi ce que je veux faire, ce que je peux faire, et ce qui ne servira à rien hormis me donner l’illusion d’une satisfaction immédiate qui ne m’apportera rien.

En quelque sorte, la colère nourrit trop la colère. Et quand tu finis par devoir l’alimenter pour trouver un sens à ta vie, car c’est devenu ton principal moteur … J’ai conscience que parfois, c’est dur de ne pas réagir ainsi, mais … c’est aussi difficile d’éviter le burn-out mental, dans ces conditions. Donc il faut apprendre à se préserver.

Cet équilibre s’apprend avec le temps, tu y arriveras aussi. C’est juste … un nouveau monde, en quelque sorte. Dans lequel tu dois apprendre à naviguer, tout en gérant tout ce qui se passe en toi. C’est beaucoup. Et conjuguer tout ça …

Tu as déjà le courage d’essayer d’y réfléchir. »

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