Ce soir-là, groupe de parole hebdomadaire. Les uns partageaient leurs expériences, leurs dernières victoires ou leurs dernières rechutes. D'autres se contentaient simplement d'écouter. Il n'y avait pas de pression, chacun pouvait dévoiler ce qu'il voulait, chacun était là de son plein gré et pour son bien-être. Alors il n'y avait pas d'obligation ni de pression. Les gens n'étaient même pas obligés de donner leur nom.
Cette séance s'était bien passée et chacun commençait à sortir. Certains discutaient entre eux, quelques minutes, tandis que Antek commençait déjà à remettre la salle en état. Il déplaçait les chaises, installées en cercle, pour les empiler dans le fond. Ce fut alors qu'il croisa le regard d'un homme, qui n'était pas encore sorti, qui se tenait à proximité de la porte, comme s'il attendait quelque chose, un signe ou un geste. Antek le connaissait de vue, mais ne savait pas son nom. Cet homme était venu de nombreuses fois, mais aussi loin que l'abbé s'en souvienne, il n'avait pas dit un mot.

Le prêtre afficha un large sourire. "Salut." indiqua-t-il simplement en s'approchant du trentenaire.
"Comment ça va?" lui demanda-t-il alors simplement. Il voyait bien que l'autre avait besoin d'un peu de compagnie, ou qu'il voulait même peut-être parler, mais n'osait pas le faire de son propre chef. Il avait besoin qu'on lui pose la question, qu'on lui tende une perche.

La réponse ne se fait pas attendre bien longtemps, alors que le prêtre continue de ranger les chaises. Lors de ces réunions-là, il enlevait son col, pour que ceux qui n'étaient pas croyants ne se sentent pas rejetés. Cela avait beau se dérouler à l'église, ou plutôt dans la salle paroissiale, c'était ouvert à tout eux qui le désiraient. Pas besoin de parler, de partager, on pouvait juste venir écouter, passer un moment pour s'ouvrir à de nouvelles questions, entendre des réussites et frissonner par rapport à des échecs qu'on aurait nous-mêmes pu vivre. Pour certains, entendre le malheur des autres les aidait à ne pas céder. C'était étonnant, mais chacun fonctionnait différemment.
Antek sourit à l'attention du jeune homme, qui avait l'air surpris qu'on lui adresse la parole. Un autre aurait pu croire qu'il préparait un mauvais coup, attendant que le prêtre se retrouve seul pour le braquer, ou pire... Mais notre trentenaire, quant à lui, ne se posait même pas la question. Ce serait idiot, il n'y avait rien à voler par ici. Et Antek n'avait rien sur lui.

Mal. L'homme allait mal et cela n'avait rien d'étonnant. Le prêtre hocha la tête, compréhensif.
"Et bien, vous pouvez rester un peu, je vais prendre encore un peu de temps pour nettoyer la salle..." indiqua-t-il doucement. "Si jamais vous avez un bon coup de balais, n'hésitez pas, d'ailleurs... Je ne suis pas contre un coup de main!" ajouta-t-il en riant légèrement, de façon détendue. Il voulait mettre son interlocuteur à l'aise, alors il n'allait pas s'asseoir là à le regarder dans le blanc des yeux en attendant qu'il dise autre chose, et encore moins le bombarder de questions. Alors ranger la salle était le meilleur prétexte qui puisse exister. D'autant, qu'en effet, la salle n'avait pas été balayée depuis une longue semaine.