Te lamenter sur ton sort en restant couché sur le canapé, voilà une idée parfaite pour la journée. Il faut dire que ces derniers semaines ont été assez mouvementées dans ta vie. Une rupture, un voyage à Paris chez un ami d'enfance, un retour ici sans logement, un logement trouvé miraculeusement en vitesse, et Jules fiancée. Bon, des fausses fiançailles mais quand même. Tu vas avoir du mal à te remettre de tout cela, c'est clair et net. Rien de mieux donc que d'en profiter pour faire ton drama king devant une série Netflix à la con, un pot de glace à la main pour parfaire le cliché ambulant que tu es. Oh, sûrement que tu aurais fini la journée dans cet état-là si ta cousine n'avait pas décidé de te bouger un peu les fesses. C'est donc dans une tenue très digne de toi (non) que tu te décides à l'accueillir, c'est-à-dire en jogging avec un tee-shirt trop grand pour toi. Nouveau look pour une nouvelle vie, ou plutôt la dégaine des mauvais jours. « Tu crois que je peux faire les courses dans cet état-là ? Je suis peut-être un gueux à présent mais je vaux toujours mieux que ça. » que tu lui lances tout en lui montrant ta tenue d'un signe de la main avant de souffler et finir par te lever. C'est que tu grognerais presque. En même temps, tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même : c'est toi qui n'a pas voulu faire un quelconque effort. Comme à ton habitude. « Merci Eli, t'es la meilleure. ». Des mots que tu lui lances d'un air faussement tendre qui ne te ressemble en rien avant de lui plaquer un baiser sur la joue. Ouais, tu joues le gentil cousin juste pour te rattraper un peu de l'avoir laissé faire les courses toute seule. Car au fond, tu es sincèrement heureux de la voir. Ta cousine, c'est la seule personne pour qui tu ferais n'importe quoi. Elle est comme une petite sœur à tes yeux, la prunelle de tes yeux. C'est aussi la seule capable de te supporter plus d'une heure, accessoirement. Et ça, c'est quand même un sacré miracle. « Tu crois qu'après ça, je pourrais postuler en tant que maître sushi ? Ça me changerait de la scène. » que tu lui demandes avec un sérieux déconcertant tandis que tu commences à tout installer sur le plan de travail histoire de pouvoir commencer la cuisine en bonne et due forme.  « Quoi que... Je dois t'avouer un truc, Eli. Je commence à prendre goût à tout ça. Enfin, aux paillettes sur mon corps de rêve et au slip doré. C'est possible de tomber encore plus bas ou je suis irrécupérable ? ». Un aveux que tu fais pour la première fois à haute voix. Oui, tu commences à aimer être sur scène et à jouer la comédie. S'il y a bien une personne à qui tu fais assez confiance pour l'avouer, c'est bel et bien ta cousine. Tu sais bien qu'elle ne va pas te juger, elle. Mais ta famille t'a toujours répété qu'être artiste n'est pas un vrai métier. Juste une lubie du bas peuple dont tu fais partie depuis un an et demi.

« Tu te fous de ma gueule ? » que tu lances machinalement à ta cousine lorsqu'elle te dit que cela se voit, que tu commences à y prendre goût. « Je sais, langage Aidan. ». Tu ajoutes ces quelques mots tout en imitant la voix aiguë d'Eli avec un léger sourire tandis que tu viens l'aider pour les sushis après t'être lavé les mains. Le truc, c'est que tu ne t'y attendais pas. Faire cet aveux est une chose, savoir que ta cousine l'a compris avant toi en est une autre. Mais tu n'es pas étonné. Elle observe mieux que personne, Eli. Et elle te connaît aussi par cœur, assez pour remarquer le moindre changement sur toi. La proposition qu'elle te soumet te surprend d'autant plus. Tu mentirais si tu disais ne pas avoir pensé à passer d'autres castings dans la comédie et non dans le mannequinat, milieu dont tu commences à te lasser peu à peu tant tu as l'impression que cela ne te mènera de toute façon à rien. Tu n'as pas envie de lui dire que oui, cela te plairait. Tu as envie de mentir, encore. Mais elle n'est pas n'importe qui. Tu n'as pas à faire semblant devant elle. « Ouais... Je crois bien que ça me plairait. » dis-tu à voix basse comme si quelqu'un d'autre pouvait vous entendre alors que tes colocataires ne sont pas dans le coin. Heureusement d'ailleurs, parce que Tessa aurait sauté sur l'occasion pour te dire qu'elle peut te présenter à certaines personnes si tu es intéressé. « Mais si je tente ma chance pour une autre pièce de théâtre... Alors toi, tu dois tenter la tienne pour la danse. ». Tu sais que les choses sont beaucoup plus compliquées pour elle, qu'elle est toujours un membre de la famille contrairement à toi et qu'elle ne peut donc pas se permettre de faire « n'importe quoi » comme diraient vos parents respectifs. Mais Eli, elle est talentueuse et elle mérite de suivre sa passion. « Si t'as besoin d'un partenaire, je peux te porter comme dans Dirty Dancing même si entre nous... Je pense que je serais plus crédible en gigolo plutôt qu'en danseur. ». Tu ricanes tout en prenant un couteau en faisant attention à ne pas te couper. Ce serait con de perdre un doigt maintenant. « Mais plus sérieusement, je ne veux pas te voir pourrir en fac de droit pendant encore des années juste pour faire plaisir à ta famille. Tu mérites mieux que ça. ». Mais mis-à-part essayer de l'encourager dans cette voie-là  et la pousser à prendre les devants, tu n'es plus en position de faire quoi que ce soit pour l'aider par rapport à ses parents malheureusement.

Tu sais très bien que sans Eli, tu n'arriverais pas à te pousser toi-même vers le haut. Elle est la seule capable de te faire dire que tu peux peut-être aspiré à mieux, à progresser dans ta vie. A voir une foutue vie capable de te plaire même si tu n'as plus l'argent de papa et maman pour te permettre de faire ce que tu veux. Ce ne sera pas aussi simple qu'auparavant, c'est sûr. Mais tu peux tout de même essayer de faire quelque chose de bien pour une fois. « Tu es obligée de m'accompagner de toute façon. Tu sais bien que sinon, je vais t'appeler et faire une crise de nerf. ». Tu lui souris mais pourtant, c'est bel et bien la vérité... même si la crise de nerf s’apparente plus à une crise de panique. Tu as mis des mois avant de monter sur scène sans avoir mal au ventre, sans avoir la sensation de ne pas être à ta place, d'être un moins que rien. Alors passer des castings, cela ne va pas être simple pour toi contrairement à ce que tu laisses paraître. Le rôle de Rocky, c'est un coup de chance. Tu as été pris uniquement pour ton physique, pas pour un quelconque talent. Maintenant, il est peut-être temps de prouver autre chose. « Pas à moi. » que tu lances à ta cousine lorsqu'elle ose te dire que le droit, ce n'est pas si mal que cela. « Commence par ce qui te semble le plus important... » que tu lui lances, en pleine réflexion. « … ou alors, plutôt par ce qui t'emmerde le plus. ». Autant ne pas passer par quatre chemins. Il ne faut pas compter sur toi pour la douceur dans les mots, même si tu es capable d'en montrer de temps en temps mais tu préfères être direct avec ta cousine. C'est une façon comme une autre de chercher à la faire réagir, de la faire s'ouvrir à toi. Elle a aussi le droit de dire merde de temps en temps, de ne pas se plier aux règles entretenues par sa famille quand elle est avec toi. Elle a le droit de vivre et de dire ce qu'elle veut, tout simplement. Sauf que voilà, tu ne t'attends pas vraiment à ce qu'elle te dise qu'elle a revu Lou. Tu connais leur histoire, même si tu te doutes qu'Eli ne t'a pas raconté tous les détails. « Ah. ». C'est une tentative ratée de ne rien montrer dans le ton de ta voix mais la surprise se manifeste plus que prévu.   « Qu'est-ce qui s'est passé ? » que tu finis par lui demander tout en lui jetant un bref coup d’œil. Sujet délicat. Tu n'es pas idiot, Aidan, tu te doutes bien que cela a de l'importance pour elle. Et si c'est important pour elle, alors ça l'est pour toi aussi. Tu ne veux pas qu'elle soit blessée, Eli. Mais peut-être que le mal est déjà fait. Encore une fois.

Tu souffles, puis lève les yeux au ciel face à sa remarque avant de sourire et de tenter de faire quelque chose de potable dans cette foutue cuisine. Si quelqu'un ose lui dire que faire des sushis c'est quelque chose de simple... Parce qu'à cet instant, tu galères et tu te laisses facilement déconcentrer. « Je ne sais pas faire deux choses en même temps contrairement à ma merveilleuse cousine. Je ne suis qu'un homme, ne l'oublie pas... C'est toi qui fait partie du sexe fort. ». Tu sais bien que les compliments ne marchent pas avec elle et qu'il va falloir que tu te concentres un minimum sur ces fameux sushis. Le poisson n'est pas du tout coupé à la perfection, parfois les tranches sont bien trop grosses ou trop fines mais tant pis. Vous ferez avec. Tant que cela se mange, c'est l'important. « Demande des cours à ton frère. Ouvrir sa bouche pour un oui ou pour un non, c'est sa spécialité après tout. ». La réflexion fuse, trop facile. Tu parles bien évidemment du plus grand de ses frères, celui avec qui tu as une relation très compliquée. Heureusement, vous ne vous voyez plus depuis que tu t'es fait virer de chez tes parents mais tu sais très bien qu'à tout moment, l'animosité peut revenir. Personne n'a le droit de faire du mal à Eli. Surtout pas les personnes censées la soutenir et qui ne le font pas du tout. Puis le sujet dérive sur la fameuse Lou... qui a rencontré quelqu'un d'autre. Cela devait finir par arriver un jour ou à l'autre, à l'une ou à l'autre. Tu aurais préféré entendre une bonne nouvelle mais il a suffit du ton qu'a employé ta cousine pour comprendre que ce que tu allais entendre n'allait pas te plaire. « T'as le droit, tu sais. D'espérer encore. Mais ça voudrait dire que tout n'a pas été dit entre vous ou que tout n'est pas clair. ». C'est facile de se laisser bercer d'illusion, de vouloir continuer à croire en quelque chose qui s'est brisé, de se rattacher à quelque chose qui n'a l'air de ne plus exister. C'est plus simple que de décider de mettre un terme à tout cela. « Tu as l'impression que c'est vraiment terminé cette fois-ci ? Pour de bon ? ». Tu ne la jugeras jamais, Eli. Tu peux même comprendre ce qu'elle ressent. « Je réponds à ta question uniquement si tu réponds à la mienne. Mais pour ta gouverne, j'ai revu Jules récemment. ». Sauf que c'est d'Eli que vous parlez en premier, que tu n'as pas envie qu'elle s'empêche de dire tout ce qu'elle pense. Tu n'es certainement pas le mieux placé pour donner des conseils vu ta vie sentimentale totalement merdique mais... Tu peux l'écouter et être là pour elle du mieux que tu peux même si tu n'as pas forcément les bons mots.

Cool n'est certainement pas le mot que tu utiliserais pour définir son grand frère. Plus quelque chose comme sombre crétin, abruti, idiot fini... Bref, tu en as en stock et encore, tu restes poli simplement parce que ce n'est pas ton rôle de l'insulter même si... Bon, disons que si tu te retrouves un jour face à lui, tu n'hésiteras pas une seule seconde à lui faire comprendre à quel point tu le détestes et oh combien Eli mérite bien mieux qu'un frère comme lui. De toute façon, Eli mérite tout simplement mieux dans sa vie. Certes, tu as aussi de nombreux reproches à faire à tes parents mais tu as eu en quelque sorte la chance d'être né dans une famille pas aussi fermée d'esprit que celle d'Eli. Disons que ta mère a eu l'intelligence d'évoluer contrairement au reste des Swindell – même si cela ne l'a pas empêché de foutre son seul fils dehors. Mais tu préfères te taire cette fois-ci, ne pas répliquer. Même si tu te doutes que le sujet Lou est plus douloureux que celui de son frère et son balais coincé entre les fesses. Tu ne peux pas réellement comprendre ni te mettre à sa place car toi, tu n'as pas connu cela. Enfin, tu as connu l'amour mais pas de la même manière qu'Eli. Et chacun à sa propre manière d'aimer. « Tu sais, pendant des années je me disais toujours ce n'est pas parce qu'il y a un gardien qu'on ne peut pas marquer un but. ». C'était le moment réplique beauf de la journée, il fallait bien que tu en cases une à un moment ou un autre sinon tu ne t'appellerais pas Aidan Blackson. Sans même observer Eli, tu peux deviner sa tête (certainement désespérée) devant tes mots. Il est clair que tu n'es pas l'exemple à suivre, toi qui a déjà fricoté avec des femmes déjà en couple sans aucun état d'âme. Disons que tu as eu une période assez « libre » de ta vie où tu n'avais aucune limite à ce sujet. Peu importe que ce soit la nana de ton pote, tu t'en fichais pas mal tant que tu plaisais. Mais Eli n'est pas toi. Et heureusement pour elle ! « Plus sérieusement, ce serait quand même con de passer à côté de quelque chose qui n'est pas totalement terminé juste parce qu'elle a soit disant quelqu'un. Puis bon, à moins que ce soit Emily Ratajkowski, elle ne pourra pas trouver mieux que toi. Si c'est vraiment Emily par contre, je veux bien faire en sorte de t'aider à ce qu'elle s'en débarrasse. Mais par charité uniquement. ». Aucun état d'âme, Aidan. Tu ne vois pas pourquoi elle devrait se priver parce qu'il y a quelqu'un d'autre dans l'équation même si c'est plus facile à dire qu'à faire... Enfin, surtout pour elle. « Tu le savais, que Jules était fiancée ? » que tu lances alors à ta cousine, restant dans le thème des personnes de votre entourage qui ont décidé de se mettre en couple sans vous demander votre avis avant. « La foudre s'est abattue sur moi effectivement mais moins que ce que j'avais imaginé. Elle a accepté mes excuses. Ouais, je me suis enfin excusé de... tout. Mais c'était... bizarre de se retrouver face à elle, de lui parler normalement. ». Il y a cette pointe de nostalgie qui apparaît subitement, comme à chaque fois que tu parles de Jules. « Mais c'est encore plus étrange de se dire qu'elle a une bague au doigt. ». Non, tu ne t'en remets définitivement pas. « Je ne me suis jamais imaginé me marier mais je pense que c'est la seule que j'aurais pu demander en fiançailles. ». Tu hausses les épaules tout en continuant de préparer les sushis avec autant de précision que tu peux mais disons que la conversation ne t'aide pas vraiment à te concentrer sur la nourriture.

Spoiler:

Somewhere only we know

New-York, Bronx, 12h30.

Plus question de faire semblant, la blonde rit aux éclats en entendant Aidan et ses histoires de gardiens, de but, et ses louanges à Emily Ratajkowski. Elle a essayé de lui faire les gros yeux au début, ça a duré dix secondes.

- Si, justement, on respecte les gardiens Aidan. On a pas le droit de les tacler.  

Et elle ose même surenchérir, la monde va sûrement tomber en miettes dans les prochains jours, Eli Swindell ose faire de l'humour gras. Avec une voix moralisatrice, certes, mais quand même. Pour ce qui est d'Emily, elle apprécie le fond et le lui fait savoir en souriant légèrement.

- C'est pas Emily, mais elle a autant de qualités, crois moi. Peut-être pas celles auxquelles tu penses, mais de super qualités. Elle a sûrement trouvé mieux.

Et elle, tout ce qu'elle fait c'est s'auto-flageller, parce que c'est quand même plus sympa que d'oser se donner un peu de valeur. Le message reste pourtant le même : Louisa a le droit d'être heureuse, elle n'interférera pas. Quant à Jules...

- Ouais... ouais j'en avais entendu parler.

Elle laisse souvent ses oreilles traîner Eli, mais elle ne savait pas que c'était plus qu'une rumeur. Elle grimace un peu, ostensiblement désolée pour son cousin.

- T'es sûr que c'est sérieux ? Selon les critères de notre milieu super sectaire, ça parait un peu précipité.

Et elle s'y connait. Elle n'a pas le souvenir de les avoir souvent vus ensemble en dehors des grands événements auxquels elle se traîne derrière ses parents. Elle n'en fait pourtant pas part à Aidan, parce qu'elle n'en sait finalement pas grand chose et qu'elle est loin d'être la mieux placée pour en juger.

- Je suis contente que tu aies pu t'excuser. Et je suis contente que tu aies eu le courage de le faire aussi, c'est une bonne chose. Une vraie bonne chose. Si en plus tu n'as été que moyennement foudroyé... c'est fabuleux.

Enfin, ce serait fabuleux si son cousin n'avait pas le cœur à moitié passé au mixeur. Sa confession la rend triste, très triste. Suffisamment pour qu'elle cesse de bouger.

- Tu devrais lui dire, Aidan.

La voilà qui lui sort sa voix tremblante et ses yeux larmoyants de petite fille qui ne regarde que des Disney.

- N'attend pas qu'elle soit mariée pour ça, elle t'aimait, elle t'aime sûrement toujours. Ça s'efface pas ce genre de choses.

Elle détourne finalement le regard, consciente d'être un peu niaise, un peu naïve aussi. On ne se refait pas, malheureusement.

- Et puis bon, c'est pas parce qu'il y a un gardien qu'on ne peut pas marquer un but.

Ou peut-être que si, ou en tout cas elle essaie.

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