Il aime pas dormir chez ses parents. Enfin, pas là en tout cas. Pas envie d’entendre son père râler parce que guichetier au cinéma c’est pas un métier convenable, pas envie de se prendre la tête avec sa mère qui s’inquiète pour lui, pas envie de croiser sa petite sœur aux grands airs de princesse. Il a trouvé un canapé ce soir là, lui, le roi du canapé. Il donnait un cours à l’association, du solfège, l’air sérieux, les sourcils froncés et les conseils avisés. Et souvent, quand il est là bas, il finit par dormir chez le président. Une petite habitude prise sans le faire exprès, presque par maladresse. Il a dormi deux trois fois sur les lits d’appoints et on a fini par lui proposer autre chose. Il est loin d’être à la rue, il a juste l’état d’esprit d’un chieur. Ce matin là, quand il se réveille, c’est parce qu’il a senti le café. Il lui a fallu un peu de temps pour émerger, six heures du mat, c’est tôt. D’habitude, c’est plus dix heures, mais il va pas rechigner, il a pas la légitimité nécessaire. Il se frotte les yeux, baille, s’étire avant de finalement se redresser, les cheveux en bataille et les traits fatigués. Il a un rire, qui le tire doucement de sa torpeur, quand il l'entend prononcé quelque chose, impossible à déchiffrer. Il se tourne, pose les deux pieds par terre. 6h30, déjà. La nuit passe vite. Il sourit alors, en se levant, pour amorcer le geste et voir si ça le motive. Ça a l’effet totalement inverse. Il se laisse tomber sur le canapé et rabat le plaid sur lui. Je sais pas comment tu fais pour te lever aussi tôt. Beaucoup de personnes se lèvent aux mêmes heures mais Teddy est né avec le gène du couche tard, lève tard. Bonne nouvelle ! J’espère que le dieu du café t’as éclairé dans ta recherche de la bonne cafetière. Il a une petite voix, le ton se veut entraînant. Alors il se sert une tasse, et même si le liquide est encore chaud, il en voit une gorgée, se cramant la langue au passage. Il hoche quand même la tête, pour confirmer que celui là, c’est un breuvage de qualité. Alors, quoi de prévu aujourd’hui ? Il demande en reposant sagement la tasse. Vaut mieux attendre que ça refroidisse. Teddy, lui, il sait pas encore ce qu’il va faire. Éclairer la journée des gens dans le métro avec sa musique ? Trop tôt. Flâner dans la rue ? Flemme. Il va finir par rentrer discrètement chez ses parents, juste pour faire le plein d’affaires. Il finira par s’échouer à l’association, pour continuer ses cours.

Il a encore les paupières lourdes de sommeil, va sûrement se mettre à bailler deux ou trois fois, selon l’humeur du matin. Là, il parierait plutôt sur trois fois. C’est qu’il a veillé hier soir, il a trouvé drôle de fixer le plafond jusqu’à ce que le marchand de sable daigne venir. Il attache machinalement ses cheveux avec l’éternel élastique distendu qui se trouve à son poignet. Sa mère jure qu’elle lui les couperait pendant la nuit s’il n’allait pas de lui même chez le coiffeur. C’est peut être aussi pour ça qu’il aime pas trop aller chez ses parents. Il l’aime bien sa tignasse. Il rit, répond après un bâillement à la limite de lui décrocher la mâchoire. Il est clairement pas du matin. Je suis à deux doigts de venir avec toi à l’association. Parce que rien qu’à l’évocation d’un petit déjeuner, son ventre se met à gargouiller. Il voit déjà une montagne de pancake, ou juste des tartines beurrées, ça lui va aussi, il est pas chiant question nourriture. Ses pensées sont détournée lorsque Alejandro gronde gentiment le chat. C’était donc ça le truc qui lui avait lacéré les mollets pendant la nuit avant de s’allonger sur son dos. Il oubliait parfois le chat. Il le regarde amusé, prendre Cala dans ses bras. Cool l’atelier peinture, c’est à quelle heure ? Il répondit alors. C’est toujours sympa de voir ce que font les autres intervenants. Teddy est une tanche en peinture, mais il pourra toujours s’essayer à l’art et la manière de dessiner une pomme, à l’occasion. T’aider à finir ton dossier ? Il préfère préciser, avant de se lancer dans une réponse. C’est qu’il a jamais été très fort en maths, ou dans les autres matières d’ailleurs. Il a pas l’intelligence des études, il a plutôt celle de la pratique, de la musique, mais pas des mathématiques ou des sciences. Je peux toujours essayer de t’aider, mais ça risque pas de voler haut. Et puis, ça pouvait aussi l'occuper pendant une partie de la journée. Quoi de mieux qu’un dossier de subventions à monter, rempli de chiffres et de pourcentages pour qu’une journée soit parfaite ? Teddy avait bien quelques idées derrière la tête mais la perspective de faire des maths l’enchantait autant que ça enchantait son ainé. Le jeune homme reprit sa tasse dans ses mains, souffla un peu dessus avant de pouvoir enfin boire une gorgée sans se cramer aucune papilles. Tu pars dans combien de temps ? Pour voir si j’ai le temps d’enfiler quelque chose de propre. Et peut être de me laver, éventuellement... Parce que forcément, de temps en temps, le musicien avait encore aussi l’hygiène d’un adolescent. Est ce que ça craignait ? Certainement, mais il était de ces personnes qui s’en souciaient peu. Enfin, là, il savait quand même qu’il allait devoir faire un effort.

Parfois trop gentil, cette gentillesse lui servait pourtant beaucoup pour se faire accepter un peu partout. Suffisait d’un sourire, d’une parole polie et son jolie minois faisait le reste. Il se fichait que Jan habite dans un manoir ou dans un studio, il lui était déjà reconnaissant de lui offrir son canapé de temps en temps, jamais il se permettrait de demander plus. C’était déjà beaucoup, il ne voulait pas abuser de la gentillesse des autres. Ne fait pas aux autres ce que tu n’aimerais pas que l’on te fasse. Va pour la douche à l’asso ! Parce qu’il lui faudrait un peu plus de dix minutes pour nettoyer ses cheveux et les démêler. Parfois, à cause de ça, il avait l’impression d’être une princesse disney. Genre Raiponce. Sans le prince charmant, sans la tour, sans la sorcière mais juste avec les cheveux. Le jeune homme après s’être allègrement étiré, finit par se remettre sur ses deux pieds. Alors que l’homme lui expliquait le programme de la journée, il enfila son pantalon et ses chaussettes, laissées dans un coin de la pièce. Au vu des poils dessus, il soupçonnait le chat d’avoir pris ses vêtements pour un lit. Il lui lança un regard mauvais avant d’enfiler son sweat, les matinées étaient fraîches dans le coin. Il haussa un sourcil, surpris. Ça faisait quand même quelques mois qu’il côtoyait Alejandro, et de mémoire, c’était la première fois qu’il le voyait comme ça. Moi non plus, j’ai jamais licencié quelqu’un. Une mauvaise blague, certes, mais une blague quand même. Il s’excusa bien rapidement de sa blague un peu mal placé, compte tenu de la situation. Y’a sûrement des méthodes en ligne pour virer quelqu’un, tu devrais regarder. Il reprit sérieusement avant de reprendre sa tasse de café. Au fait, ça tient toujours l’heure de solfège que je t’ai demandé pour la semaine prochaine ? J’ai des élèves très motivés ! Il aimait bien enseigner, encore plus à ces gamins et même aux grands gamins, qui avaient envie d’être là, devant lui et apprendre.