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death and other happy endings (juleah)

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Mer 9 Sep - 21:52
Putain d’idée de merde putain d’idée de merde putain d’idée de merde. Quelle idée de merde, putain, non mais franchement ; si elle s’écoutait, elle se foutrait une claque, peut-être deux, sûrement dix - et une bonne paire à Jules, aussi, parce que décidément, bordel, quelle idée de chiottes. Leah se renfrogne et croise les bras comme une gamine alors que l’avion amorce sa descente à Knoxville, fusillant sa voisine de siège du regard pour bien ancrer l’idée que, vraiment, c’est une sale idée de merde qu’elle a eu de la prendre par les sentiments pour l’emmener jusqu’ici.

Et c’est pratique, la rancoeur, dans les cas comme ça. C’est pratique parce que ça empêche de trop réfléchir ; la haine c’est immédiat, pur, sans concessions, ça bouffe toute la place qu’elle aurait normalement réservé aux regrets, à l’anxiété, alors tant pis pour Jules qui se colle sa sale humeur et son attitude exécrable : elle s’y autorise. “Tu sais que c’est une putain d’idée de merde ?” croit-elle malgré tout bon de l’informer, se saisissant des gressins offerts par la compagnie aérienne pour les fourrer dans son sac, ceux de Jules et du siège vacant à côté d’elles aussi - sait-on jamais, la gamine pourrait avoir une fringale, ou elle-même pourrait tomber dans les pommes sous le coup de l’émotion. Elle salue les stewards d’un air peu amène et chope trois paquets en plus sur le caddie mal rangé, l’air de rien, avant de sortir du véhicule d’un pas rapide. “Et si ça se trouve elle veut même pas me voir. T’y as pensé, à ça ?” Elle sait (et n’a même pas besoin d’y réfléchir, en fait) que c’est faux. Bien sûr que sa mère voudra la voir. Parce que ce n’est pas elle qui lui inflige un silence radio depuis près de cinq ans. Mais là est tout le problème, au fond : cinq ans, ça change une personne. Une personne hospitalisée, encore plus. Et au final, c’est peut-être ça qui la paralyse le plus : retrouver le spectre de ce que sa mère était avant, parce qu’elle ne lui a pas laissé la place de changer à ses yeux. Et c’est ça, le drame, en vérité, parce qu’on ne fait pas le deuil de quelqu’un qu’on ne connaît plus, pas plus qu’on a le droit d’en vouloir à une mourante.

Chope un taxi”, qu’elle ordonne à sa blonde de colocataire, fixant ses yeux sur l’écran de son portable, la boucle de son sac, les pans de sa veste : partout, pourvu qu’elle ne retrouve pas les murs orangeâtres décrépits de Knoxville et tous les souvenirs vomitifs qui l’accompagnent. “Une putain d’idée de merde”, qu’elle marmonne en se raccrochant un peu plus à son sac, les sourcils froncés alors qu’elle mitraille son écran de ses deux pouces - une missive à Daniela pour la prévenir que son salaire est dans sa boîte aux lettres. Elle déteste d’autant plus s’absenter qu’elle ne sait même pas si celle-ci va aller crever d’une surinfection en Amazonie en tentant de récupérer une râpe à fromage antique, et lui sucrer ses revenus pour le prochain mois sans autre forme de procès. Elle ne contrôle rien, aujourd’hui, Leah, et elle déteste ça. “UNE PUTAIN D’IDEE DE MERDE !

@Jules Brown je sais pas si t'as compris mais elle aime pas trop l'idée du coup

@ Invité

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Mar 15 Sep - 10:35
J’ai jamais pris l’avion et ça m’angoisse. Surtout quand je vois tous les accidents mortels. Pourquoi est-ce qu’on a pris l’avion déjà ? Pourquoi est-ce que Leah a voulu faire 2h de vol plutôt que 11h en voiture ? Moi je m’en branle totalement si on avait mis deux jours pour arriver chez ses parents, tant qu’on arrive en vie. Je me suis shootée avec un joint avant de partir, et j’ai enfilé trois coupes de champagne dans l’avion, ça m’a un peu détendue mais j’ai pas l’impression que les effets alcools/drogues agissent plus que mon stress sur mon corps. Pourquoi est-ce que j’ai décidé de l’accompagner déjà ? Pourquoi est-ce que j’ai insisté pour qu’on aille rendre visite à sa mère souffrante et/ou mourante ? J’aurais pas pu me cantonner à ce que je fais le mieux : m’occuper de moi et c’est tout ? Y’a des secousses, putain y’a des secousses. Je m’agrippe au bras de Leah, je crois que j’ai jamais autant flippé de ma vie. Pourquoi est-ce que Leah a pas peur, elle ? Pourquoi elle est aussi détendue ? Elle s’en fout de crever maintenant ? Je sais que j’ai pas toujours fait des choses très éthiques dans ma vie, mais s’il te plait le karma, ne me retombe pas dessus aujourd’hui, me laisse pas crever dans un avion en première classe avec une coupe de champagne à la main. Laisse-moi au moins crever indignement sur Terre comme une SDF, tu penses pas que c’est plutôt ça que je mérite ?

“Tu sais que c’est une putain d’idée de merde ?”

« De prendre l'avion ? Oui. »

Je sais qu'elle parle pas de ça, mais est-ce qu'elle veut vraiment aborder le sujet de ses parents là tout de suite maintenant alors qu’on est en train de jouer notre vie ? (Oui, si vous ne l’avez pas remarqué, Jules exagère beaucoup. Surtout quand elle a peur. Et je pense que vous l’avez compris aussi, en ce moment précis, Jules a très peur. Elle est obnubilée par les secousses qui se font ressentir dans l’avion, son regard fixe le siège devant elle qui bouge dans tous les sens et son champ de vision s’est volontairement rétréci à 90° - contre les 180° habituels. Elle ne voit pas Leah mettre les gressins de leurs siège dans son sac, ni ceux qu’elle vole sur le caddie du steward. Elle devrait pourtant, ça lui redonnerait le sourire : Leah ne rate jamais une occasion de prendre ce qui lui passe sous la main – peu importe si elle a suffisamment d’argent pour s’offrir ce qu’elle veut – et sur ce point-là, les deux jeunes femmes s’entendent très bien.) “Et si ça se trouve elle veut même pas me voir. T’y as pensé, à ça ?” Ok, bon, Leah a besoin d’être rassurée. Mets ta putain de peur du crash de côté Jules. C’est toi qui vous as mis dans ce merdier, ne l’oublie pas. Si vous mourez, c’est ta faute. Les secousses se sont calmées, et j’en profite alors pour prendre une grande inspiration et me tourner vers elle, serrant sa main dans la mienne (affectueusement cette fois, pas par peur). « Ban’… » (Oui, oui, ce surnom vient de Banana, qui vient de Leah Banana. Pourquoi ? Elles ne s’en souviennent même plus aujourd’hui, mais même quand elles ont des conversations sérieuses, c’est ce surnom qui ressort.) « Tu connais la réponse. Evidemment qu’elle veut te revoir. Tu es sa fille. » Je sais pas trop comment la rassurer davantage. J’ai jamais eu de mère moi, c’est pas moi qui vais donner les meilleurs conseils, mais je sais que Leah va le regretter si elle retourne pas la voir et que sa maternelle crève. « Toi tu te sentiras mieux, tu auras fait ce qu’il fallait faire. Et puis de toute façon, elle pourra pas te faire grand-chose si elle est sur son lit de mort. » Oups, est-ce que j’ai poussé la blague un peu trop loin ? Certainement, c’était pas très futile de ma part ça, mais les secousses reprennent et toute mon attention est à nouveau concentrée sur ma survie. Je veux pas mourir.

L’avion finit par atterrir (Hallelujah), et on sort de l’aéroport assez facilement. De son autorité naturelle, Leah m’ordonne de choper un taxi pendant qu’elle pianote sur son téléphone, et de ma soumission naturelle de sugar baby, je m’exécute. (En réalité, elle est tout sauf soumise Jules. Mais avec Leah c’est différent, avec Leah c’est une dynamique particulière. Elles n’ont jamais vraiment défini leur relation en posant une étiquette dessus, mais elles savent qu’elles peuvent compter l’une sur l’autre désormais, bien que Jules prenne soin de toujours garder le contrôle de la situation. Elle a vu ce que ça a pu donner avec Jina lorsqu’elle lui a accordé sa pleine confiance, elle ne veut pas faire la même erreur.) “Une putain d’idée de merde” Oui bah c’est bon, j’ai compris. Elle flippe et elle sait pas comment extérioriser sa peur, rien de plus normal, mais il va falloir qu’elle se calme avant de rencontrer ses parents après cinq ans. Un taxi s’arrête à notre niveau, et je m’apprête à lui confier nos bagages. “UNE PUTAIN D’IDEE DE MERDE !” « BAN’, CALME TOI BORDEL. » Peut-être que si je crie, ça va la calmer ? Ca fait rarement cet effet, mais autant essayer. Je coince sa tête entre mes mains. « Je sais que tu flippes ta race, mais on est là et on va pas repartir. Donc on va monter dans ce putain de taxi, on va prendre une douche à l’hôtel parce que j’ai transpiré comme un porc dans cet avion avec le pilote qui savait pas conduire aux vues des 50000 secousses qu’on a rencontrées, et on verra ce qu’on fait après. Ok ? » Je relâche sa tête alors que je crois apercevoir un timide hochement de tête, hausse les sourcils, interrogatrice, et me tourne vers le chauffeur du taxi qui attend pour lui signifier que c’est bon, on montera bien dans son taxi que j’ai insulté par la même occasion (et sans raison en plus). Tant pis, il comprendra bien que c’était pas contre lui.

On grimpe dans la voiture, Leah ne parle pas de tout le trajet et j’en fais de même. Je regarde le paysage défiler sous mes yeux. De l’aéroport à la ville, c’est franc moche quand même. Et peut-être parce que j’y suis allée un peu fort avec la Barghava, je tends ma main pour saisir la sienne qui était posée sur sa cuisse. Ce contact lui fait tourner les yeux vers moi, et j’essaie à nouveau de la rassurer. « Ca va bien se passer, ‘kay ? Et puis je suis là, tu pourras toujours m’utiliser pour les faire rager. » Il n'y a vraiment que pour Leah que j'accepte d'être utilisée de la sorte.
@Leah Barghava death and other happy endings (juleah) 3220843774

@ Invité

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Jeu 17 Sep - 0:45
Comme souvent, Leah prend à cœur son rôle de gamine renfrognée forcée de sortir de chez elle et comme beaucoup trop souvent, Jules endosse celui de l'adulte responsable. Le monde est souvent à l'envers, avec elles, et au bout de six ans de cette relation un peu indéfinissable, c’est une réalité que Leah a accepté avec cette résignation un peu cynique qui lui est propre. Elle ne flanche même pas lorsque son surnom fleurit sur les lèvres de la blonde et l’affirmation qui suit est univoque : ça lui troue le cul de l’admettre, mais Jules a raison. Sa mère voudra la voir, elle qui a toujours essayé de la contacter ces cinq dernières années. « Toi tu te sentiras mieux, tu auras fait ce qu’il fallait faire. Et puis de toute façon, elle pourra pas te faire grand-chose si elle est sur son lit de mort. » La réplique lui arrache une légère grimace mais encore une fois, force est de constater que Jules n’a pas tort : quoi qu'elle fasse n’aura aucune conséquence sur le long-terme. Sur sa psychologie, par contre, sûrement. Et Leah aimerait le dire à son amie : elle a peur des conséquences, et elle qui s’en est toujours préservée en leur tournant le dos a peur de devoir voir celles-ci allongées dans un lit d'hôpital, le visage pâle et creusé par la maladie. Elle a peur qu’encore une fois, son traumatisme se matérialise sur les traits de sa mère comme un profond regret face à un caprice déraisonné, et elle ignore si elle en est encore capable.

Et alors qu’elles se rapprochent de Knoxville en sortant de l’avion, elle sent la pression monter, le poids des attentes qu’elle y a mis s’alourdir et Leah se demande si elle a les épaules, si elle les a jamais eues un jour. Non, sûrement pas - et c’est sûrement pour ça qu’elle est partie, mais elle se garde de faire part de ses craintes à Jules, vocifère plutôt une colère déplacée et complètement surfaite pour préserver les apparences. « Je sais que tu flippes ta race, mais on est là et on va pas repartir. Donc on va monter dans ce putain de taxi, on va prendre une douche à l’hôtel parce que j’ai transpiré comme un porc dans cet avion avec le pilote qui savait pas conduire aux vues des 50000 secousses qu’on a rencontrées, et on verra ce qu’on fait après. Ok ? » Les traits du visage de la jeune femme se sont instantanément renfrognés en une moue boudeuse, vexée et prise en faute tout à la fois et cette fois-ci, le sifflet est coupé pour de bon. Banana ne geint plus, se contente de shooter dans un caillou qui passe devant son talon bien trop haut pour être destiné à un hôpital, et suit docilement la cadette dans le taxi, encore vexée d’avoir été réprimandée.

Knoxville est toujours aussi moche et accueillante que ce dont elle se rappelle, un goût mauve et amer au fond de la gorge alors que la nostalgie remonte - les weekends à Knoxville, c’était son seul refuge de Wears Valley. Elle ne s’attendait pas un jour à ce que les excursions dans la grande ville se muent en une visite forcée à une personne perdue de vue et en train de mourir, mais elle s’y accommode avec un calme presque insultant. “Dites, vous auriez pu jeter l’emballage de Sodebo.” Elle lance la remarque au chauffeur sur un ton de Karen quinqua, sourcil haussé sur l’arcade pour bien signifier son dégoût et la pique la distrait quelques instants du vide existentiel auquel elle va devoir se confronter. Jules manifeste sa compassion (à moins que ce ne soit sa honte) en posant une main rassurante sur la sienne, et Leah se laisse fondre dans le geste affectueux, reprend un souffle qu’elle ignorait tenir. “J’y compte bien”, qu’elle marmonne, et son ton pue la vexation par rapport à plus tôt mais elle n’ajoute rien à ce propos. Un long silence s’installe avant qu’elle ne décide de le briser d’elle-même, sur un ton cette fois plus doux : “Tu dirais quoi, à ma place ?” C’est peut-être con de demander, parce que Jules, elle, n’a pas eu de mère, tout court. “J’ai jamais eu de mère sur le point de mourir”, qu’elle sent bon de préciser, les mettant sur un pied d’égalité : aucune suggestion n’est de trop.

@Jules Brown

@ Invité

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Jeu 17 Sep - 13:02

Même si je suis soulagée de voir que je suis sur la Terre ferme, je crois que je suis encore sous le stress des secousses dans l’avion, et j’ai pas vraiment de patience avec Leah quand elle se fait flipper toute seule parce qu’elle pense que ses parents voudront pas d’elle. (Il faut savoir que Jules ment à ce moment précis : elle n’a pas beaucoup de patience, et encore moins avec Leah. Elle devrait pourtant – étant donné sa position et le fait que la Barghava l’entretienne entièrement – mais comme avec tous ceux qu’elle connait depuis longtemps, tous ceux avec qui elle est proche, elle éprouve plus de difficulté à garder son calme et à prendre son temps pour expliquer les choses. Vous me direz que c’est normal, qu’on est plus exigeants avec ceux qu’on voit au quotidien et ceux qui nous supportent en retour, qu’on fait moins attention à ce qu’ils pensent de nous parce qu’on les prend de plus en plus pour acquis ; et bien vous avez raison : Jules commence sérieusement à s’attacher à Leah. C’est d’autant plus fragrant quand elle se rend compte qu’elle connait chaque expression faciales à chacune de ses humeurs, qu’elle pourrait anticiper les réactions de la mexicaine dans la plupart des situations, et qu’elle connait exactement toutes les préférences de la Barghava.) Et vu que j’ai plus de patience, je finis par lui crier dessus, par lui ordonner de monter dans le taxi en sous-entendant évidemment qu’il faut qu’elle la ferme. Elle fait la gueule, je sais qu’elle fait la gueule parce qu’elle a sa lèvre inférieure qui empiète sur sa lèvre supérieure et qu’elle cherche à s’empêcher de gonfler les joues ou de soupirer, mais tant pis : il faut bien au moins une adulte dans la situation, et c’est moi qui me dévoue.
 
Du coup, on finit par monter, Leah peut pas s’empêcher d’être passive agressive avec le chauffeur, mais tant que ces remarques ne me visent pas, ça me va. C’est certain, s’il nous recroise dans la rue, il nous prendra certainement pas dans sa bagnole à nouveau. Personne ne parle pendant 10 minutes, mais je commence un peu à culpabiliser de lui avoir gueulé dessus. Elle flippe, c’est normal, et j’ai fait aucun effort pour la rassurer. Alors je prends sa main et lui promets que ça va bien se passer quand bien même j’en sais foutrement rien, mais je la vois se détendre un peu. (Elle s’en sort pas trop mal dans la situation Jules, elle qui n’a jamais eu de vraie figure parentale sur qui compter ne sait pas aborder ces relations familiales. Le mieux qu’elle puisse dire à son amie, c’est que tout se passera bien et de faire semblant d’y croire. En temps normal, Jules aurait immédiatement su de quoi aurait eu besoin Leah : soit qu’on la rassure, soit qu’on rentre dans sa spirale infernale avec elle. Mais pour ce genre de sujet, la Brown ne sait pas comment se positionner. Elle ne sait rien de la relation que Leah entretient avec ses parents – en tous cas pas de façon objective – et elle ne sait pas du tout comment Leah se sent face à la situation étant donné qu’elle-même ne l’a jamais vécu : pour que Jules comprenne et soit empathique, elle a besoin de vivre les choses ou de les voir de ses propres yeux.) Je m’attendais juste à ce qu’elle me remercie silencieusement d’avoir tenté de m’excuser (oui, oui, c’est souvent comme ça qu’elle s’excuse, ce qui arrive rarement finalement puisqu’elle ne s’excuse quasiment jamais : elle fuit et donc tout est plus facile), mais elle me demande ce que j’aurais fait à sa place. A sa place ? Sérieusement ? Mais qu’est-ce que j’en sais moi, j’ai jamais eu de mère. “J’ai jamais eu de mère sur le point de mourir." Certes. « Moi non plus » que je lâche, un sourire coincé dans la gorge. Elle sait très bien que j’ai jamais eu de parents, c’est sans doute pour ça qu’elle s’est sentie obligée de préciser pour pas me mettre mal à l’aise.
 
Je hausse les épaules, gagne un peu de temps en évitant son regard pour le projeter sur le paysage derrière elle, mais surtout pour trouver mes mots. Au bout de 15 secondes, je sais toujours pas quoi répondre, mais il va bien falloir que j’ouvre ma gueule pour sortir quelque chose, Leah attend ma réponse en fait, elle me fixe. « Qu’est-ce que t’as envie de leur dire toi ? » C’est plus facile de retourner la question, au moins elle pourra pas rejeter la faute sur moi si elle leur dit des trucs pas ouf. « Je suis sûre que t’as masse de trucs à leur dire. Ou à leur reprocher. Mais tu vas peut-être éviter les reproches, non ? » Je sais pas trop ce qu’elle compte faire, alors je le lui demande directement : « Enfin, tu vas pas les incendier tout de suite, si ? » Bon, je crois que je vais la laisser parler et fermer ma gueule cette fois, j’ai pas envie qu’elle se sente mal, ni envie de lui dicter quoi faire. C’est ses parents, pas les miens, elle saura mieux que tout le monde comment agir avec eux.

@ Invité

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Ven 25 Sep - 19:10
Son humeur exécrable est à la hauteur de sa nervosité poignante et Leah ignore comment faire passer sa détresse à Jules autrement qu’en lui faisant payer sa bonne action. Pour sa défense, ç’a toujours été son mode opératoire privilégié : attaquer avant de se faire attaquer, montrer les crocs en guise de dissuasion pour qu’on ne s’approche pas trop, qu’on ne remarque pas trop ses plaies. Elle a toujours fonctionné au marche ou crève, Leah, parce qu’il n’y a que ça qui l’a protégée, et Jules, dans leur complicité acquise, dans leur six ans de colocations, était peut-être la plus proche de percer sa carapace, mais les barrières subsistaient à chaque fois. Souvent, Leah se demande si elle n’est pas injuste avec elle, si ça ne ferait pas un bien fou de s’ouvrir, rien qu’une fois, voir ce que ça fait de se laisser aller à des émotions qu’elle refoule trop sous forme de colère. Alors cette fois-là, elle s’exhorte à laisser une porte d’entrée à Jules, à ne pas la repousser d’emblée - plutôt que de lui montrer ce qu’elle craint, elle s’emploie à lui demander des conseils, quitte à ne jamais les respecter. C’est plus facile que de la faire taire, et la seule façon qu’elle connaisse de lui montrer sa confiance sans la laisser trop empiéter sur son espace cadenassé bien sécurisé.

« Qu’est-ce que t’as envie de leur dire toi ? »

Sauf qu’une fois encore Jules lui retourne la question (une habitude qu’elle a pris d’elle, sûrement), et là, Leah se sent stupide. Qu’est-ce qu’elle a envie de leur dire, au juste, après cinq ans sans aucun contact et presque toute une existence à leur faire des reproches silencieux ? Tout ce qu’elle veut leur dire, Leah a déjà essayé, et elle s’y est brûlé les ailes. Trop fort pour avoir la force de recommencer le processus. Elle le sait, pourtant : eux aussi, en ont souffert et l’omerta n’était pour eux qu’une façon comme une autre de digérer le traumatisme. Et peut-être que dans un monde où Leah aurait été plus raisonnable, moins rancunière, moins heurtée par des années à endosser le rôle de celle qui avait menti, elle aurait davantage accepté leur douleur. Pas dans celui-ci, cependant : “Qu’ils aillent crever ?” Elle ose, simplement parce que Jules saura détecter l’humour noir, comprendre le mécanisme de défense ; “Ca compte comme les incendier, s’ils méritent que ça ?

Et Jules ne sait pas, et souvent Leah oublie qu’elle ne sait pas, parce qu’elles respirent le même air, partagent le même espace et que trop souvent, la cadette s’est précipitée dans sa chambre pour la réconforter alors qu’elle sortait de ses terreurs nocturnes - et c’est déjà en soi une énorme preuve de confiance, qui devrait l’encourager peut-être à s’ouvrir davantage. La brune adopte un faux air de décontraction, croise ses jambes et sort son portable pour pianoter un message rapide à Amber : elle aura besoin d’elle au retour ; le message est nébuleux mais elle aura amplement le temps d’inventer un prétexte d’ici leurs retrouvailles. “Ils ont fermé les yeux sur quelque chose qui m’est arrivé. Ils ont choisi sciemment de ne pas être là.” Alors pourquoi le serait-elle, elle ? Personne ne l’avait alors protégée et elle n’avait plus de comptes à rendre. “Ce n’est pas le genre de choses qu’on pardonne, Jules.” Mais peut-être est-ce le genre de choses qu’on peut oublier, le temps d’un après-midi.

L’hôpital est froid et blanc et il pue la maladie autant que le deuil et Leah n’a aucune envie d’être ici - la grimace de malaise placardée sur son visage en dit plus long qu’elle qui, mutique, sillonne le couloir jusqu’à l’accueil. C’est la file d’attente, ou peut-être l’ambiance sinistre, qui la bloque et la force à pivoter sur ses talons, toujours est-il qu’elle reprend une expression impassible lorsqu’elle annonce : “On va à un bar. J’ai soif.” Le bar de l’hôpital, décide-t-elle, fera amplement affaire et elle commande le bourbon le plus cher de la carte avant d’intimer à son amie de faire son choix : qu’importe l’heure, les conditions lui donnent un pass qu’elle n’aura peut-être plus jamais. Elle s’installe à une table en retrait, traçant les bords de son verre de la pulpe de l’index et elle se sent plus vulnérable que jamais, là, face à Jules, cette gamine impertinente, son amie de toujours, et peut-être la seule qui ait jamais compté. “Je t’ai dit un truc important. A ton tour.” Question d’équité.

@ Invité

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Sam 26 Sep - 1:06
« Qu’ils aillent crever ? Ca compte comme les incendier, s’ils méritent que ça ? » Bon, elle a pas l’air de partir sur des retrouvailles pacifistes apparemment. Elle fait la grande gueule comme ça mais ça se trouve c’est juste une image qu’elle se donne. Si ça se trouve, c’est encore une gamine face à eux, qui n’osera pas leur tenir tête. Si ça se trouve, elle veut juste se donner des airs de grande femme forte qui n’a peur de rien, mais qu’elle va se liquéfier une fois sur place. Enfin bon, si ça se trouve aussi, je dis de la merde et qu’elle va vraiment les envoyer chier. Dans tous les cas, j’ai dit que j’allais la soutenir coûte que coûte. Pourquoi j’ai dit ça déjà ? Est-ce que je sais faire ça, moi, soutenir les gens ? Comment on fait déjà pour soutenir ? Wah, pourquoi je me suis lancée dedans déjà ? (Oui, Jules prend un peu peur parce qu’elle se rend compte que c’est une grosse responsabilité d’être quelqu’un sur qui on compte. C’est peut-être normal et inné chez certains, mais absolument pas pour Jules. Elle a toujours fait en sorte qu’on ne puisse pas s’appuyer sur elle parce qu’elle a toujours eu peur de décevoir. La seule personne qui fait l’exception, c’est Raven. Et là, elle n’avait pas eu trop le choix en fait. Leur relation n’a rien à voir avec aucune autre relation de toute façon, ne comparons pas l’incomparable. Bref, Jules ne sais pas comment faire avec Leah.) Je soupire du coup en guise de réponse, parce que je sais pas quoi répondre à ça. Je m’humecte les lèvres pour les occuper et retarder la prise de parole, mais je finis par lui répondre un truc en faveur de la promesse que je lui ai faite : je suis de son côté coûte que coûte. « Je sais pas pourquoi tu éprouves autant de haine pour eux, mais si tu penses que c’est la bonne solution, alors je peux rien ajouter de plus. » C’est pas un reproche que je lui fais, c’est pas non plus des explications que je lui demande, c’est juste ma façon à moi de lui dire "Je suis pas hyper d’accord avec toi parce que t’as quand même la chance d’avoir des parents en vie à qui tu peux parler, mais si tu veux juste les envoyer chier, fais, je vais pas te larguer pour ça."

« Ils ont fermé les yeux sur quelque chose qui m’est arrivé. Ils ont choisi sciemment de ne pas être là. Ce n’est pas le genre de choses qu’on pardonne, Jules. »

Je me doute bien que c’est quelque chose de pas cool qu’ils lui aient fait pour qu’elle coupe contact avec eux pendant 5 ans, mais qu’est-ce qui peut bien la retenir de les pardonner ? Ca reste sa famille, non ? Comment est-ce que c’est possible d’être en froid autant longtemps avec ses parents, et que ce soit moi qui ai du la forcer pour qu’elle rende visite à sa mère qui est sur le point de crever ? Je comprends pas, non, décidément, je comprends pas. (Elle est assez radicale Jules, c’est soit tout blanc soit tout noir, et c’est difficile pour elle de trouver un juste milieu. Sur le coup, elle ne peut évidemment pas savoir que le traumatisme que Leah a vécu dans son enfance la poursuit toujours aujourd’hui, que c’est un fardeau que beaucoup de femmes portent finalement. Mais Jules ne sait rien du passé de la Barghava, elle ne sait rien de la souffrance qu’elle a enduré, et si Leah ne développe pas cette partie-là, la Brown risque de ne toujours pas comprendre, peu importe à quel point elle essaie.) « Hm… » Oui ben c’est tout ce que je trouve à dire, je sais pas quoi dire de plus, est-ce que c’est de ma faute ? J’ai rien demandé de tout ça moi. Du coup Leah parle pas du reste du trajet, et moi non plus. On arrive à l’hôpital, on traverse les couloirs jusqu’à l’accueil, mais Leah n’a pas l’air d’avis de rester. Elle flippe, encore une fois. Il nous reste une semaine, ça va, on va bien finir par y arriver dans la chambre de sa mère, no stress. Pour l’instant, on a pris l’avion jusqu’ici, c’est déjà bien. On est montées dans un taxi pour venir à l’hosto, c’est encore mieux. Alors si Leah veut aller se bourrer la gueule aujourd’hui pour se détendre, je peux pas le lui refuser.

Je la suis alors jusqu’au bar de l’hôpital, elle commande un bourbon alors qu’il est 11h du matin seulement, mais tant pis, je la suis avec un mojito. J’ai dit que je la soutenais dans tout le processus, non ? Se bourrer la gueule ça fait partie du truc apparemment. Elle a l’air songeuse à en voir son doigt qui glisse sur les bords de son verre, mais j’ai pas envie de jouer la psy ou la conseillère à nouveau, d’autant que mes conseils puent la merde. (C’est mignon de voir à quel point elle essaie tout de même. C’est pas pour tout le monde qu’elle se démènerait autant. Habituellement, elle aurait déjà lâché l’affaire. Bien avant d’avoir pris l’avion d’ailleurs.) Je me tais, bois mon cocktail en silence, jusqu’à ce que Leah me retourne la question. Putain. Un truc important ? Euh, quoi ? A en croire son regard, elle rigole pas du tout. Je suppose qu’elle se sent vulnérable de s’être confiée sur les raisons pour lesquelles elle veut pas pardonner à ses darons, mais moi j’ai pas vraiment eu d’infos en fait : je sais juste qu’ils ont volontairement fermé les yeux quand Leah avait subi quelque chose. Oh, putain, que, quoi ? Subit quoi ? Elle a subi quoi ? Putain mais je suis si conne que ça de pas avoir compris plus tôt ? Elle a subi un viol ? Une agression sexuelle ? Une agression tout court ? Du racket ? De la maltraitance ? De la persécution ? Quoi ? Elle a subi quoi ? Je suppose que quoi que je demande, elle répondra pas. Il faut que je me confie avant. Mais j’ai pas grand-chose à dire en fait. Ma vie n’est pas si palpitante que ça. Elle sait que je suis orpheline, que je sous-loue une caravane de merde et que je profite clairement d’elle, c’est tout ce qu’il y a à savoir, non ? « Je… Euh. Je sais pas, tu veux savoir quoi ? Tu sais déjà beaucoup plus de choses que la plupart des gens que je côtoie, et je vois pas ce que je pourrais ajouter de plus en fait. J’ai jamais compté sur personne, tu le sais, donc personne n’a jamais pu me décevoir. » Sauf pour Jina bien sûr, mais ça n’a rien à voir avec des parents qui ferment les yeux sur quelque chose de grave qui m’est arrivé. « Si tu veux tout savoir, t’es ma plus longue relation en fait, si on peut appeler ça une relation. J’ai jamais gardé quelqu’un comme ça aussi longtemps que toi. Faut croire que t’es plutôt facile à vivre », que je finis par dire en haussant les épaules, faut pas qu’elle prenne trop la grosse tête non plus. (C’est sa façon à elle de dire à Leah qu’elle compte un peu-beaucoup pour elle quand même, et que même si elle s’est jurée ne jamais faire dans l’affection à nouveau, elle commence à éprouver beaucoup trop de sympathie pour Leah et a de moins en moins envie de profiter d’elle ainsi. Et puis, c’est aussi sa façon à elle de lui dire qu’elle n’a jamais voulu s’attacher à qui que ce soit, elle n’a jamais voulu offrir de son temps personnel pour une relation, elle n’a jamais voulu avoir à dépendre de personne. Elle se considère comme un loup solitaire qui n’hésitera pas à bouffer ceux qui la gênent sur son passage, mais avec Leah, ça risque d’être différent.) « Tu m'as jamais parlé de tes relations à toi, pourquoi tu me vires pas de chez toi ? T'en as pas marre ? Ca a jamais fait défaut dans tes relations ? T'as des relations au fait ? » Ca fait beaucoup de questions d'un coup, mais si on pouvait éviter de revenir sur mes propos à moi, ça m'arrangerait quand même.

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Ven 2 Oct - 23:49
« Je sais pas pourquoi tu éprouves autant de haine pour eux, mais si tu penses que c’est la bonne solution, alors je peux rien ajouter de plus. » Et après ça, Leah se referme complètement, tout aussi incapable d’essayer de la convaincre que de se raisonner elle-même. Bien sûr, que c’est la bonne solution, et c’est peut-être la seule, parce que les quelques fois où elle s’est autorisée à imaginer des retrouvailles, elle n’a pas su se figurer d’alternatives. Il en allait de sa santé mentale : ça ou rien. Expier sa hargne et sa peine, ou en crever à petit feu, sûrement tout comme eux avant elle. Pour autant, les mots lui échappent, et elle est proprement désarmée face à Jules. Qu’est-ce qu’on donne, comme justification de son rejet envers sa famille, à une personne qui n’a jamais eu la chance d’avoir la sienne ? C’est lorsqu’elle s’autorise à donner un peu plus de contexte qu’elle réalise : elle n’en a jamais parlé, avant. Pas à haute voix, pas à quelqu’un qui n’était ni un animal ni incapable d’en dire un mot. Elle s’imagine un instant un effet un peu à la Hollywood : des épaules qui s’affaissent d’un coup sous le soulagement d’enfin en parler, de libérer une partie d’elle-même si longtemps renfermée. Elle est un peu déçue lorsqu’elle s’aperçoit que, d’une part, ça ne change rien, et que d’autre l’arrivée à l’hôpital ne la rassure absolument pas.

Ca la taraude, sans répit, jusqu’à l’hôpital, jusque dans le bar où elle choisit de se réfugier parce que c’est le seul endroit familier dans un endroit qui la débecte et l’effraie tout autant, et il lui semble que la seule façon de faire face à ce blocage, c’est de mettre Jules dans l’embarras à son tour. « Je… Euh. Je sais pas, tu veux savoir quoi ? Tu sais déjà beaucoup plus de choses que la plupart des gens que je côtoie, et je vois pas ce que je pourrais ajouter de plus en fait. J’ai jamais compté sur personne, tu le sais, donc personne n’a jamais pu me décevoir. » Leah ne cille pas, s’applique à ne montrer aucune expression outre un très léger hochement de tête : c’est ce qui a toujours défini leur drôle de relation, l’omerta la plus parfaite. Elles n’ont jamais eu besoin de parler pour communiquer, c’est davantage par les gestes et le silence qu’elles ont appris à se connaître. “Ta plus longue relation ?” Elle ricane ouvertement, porte le verre fraîchement amené à ses lèvres : “Je dois rire ou pleurer ?” Toujours, la dérision plutôt que la franchise : la métisse n’admettra jamais ouvertement qu’elle est flattée.

Tu n’égorges pas ton chat dès qu’il commence à te saouler, si ?” Son sourire taquin comble le manque de sens là où ses mots chutent : Jules remplit le vide, la réconforte d’une manière inédite dont elle n’ose plus se séparer. “Je ne parle pas de toi quand je rencontre des gens, Jules. Ils le découvrent souvent après.”

Une grimace orne ses traits là où un sourire perdurait la seconde d’avant : c’est pas dans ses habitudes, à Leah, de mettre des embûches dans son propre chemin, et jamais elle n’avouerait spontanément à un coup d’un soir qu’il y avait quelqu’un dans la chambre d’à côté. Jules, elle, était sûrement habituée, bien qu’elle n’ait jamais posé la question frontalement. “Et j’ai pas de relations. C’est pas pour moi.” Elle ne s'étend pas davantage, parce que ce serait trop en dire d’un coup. Ses pupilles se plantent pourtant dans celles de Jules pour essayer de la sonder : est-ce qu’elle avait su, pour Noé ? Elle s’était forcément doutée de quelque chose, de ses absences répétées au début jusqu’à son humeur en permanence exécrable à la fin, mais à quel point ? Pas le temps : “Et toi, Jules ? Ca fait un moment que j’ai pas vu Klemen…” Dieu qu’elle fait maman soucieuse, en cet instant. La rasade suivante de bourbon n’aide même pas.

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Dim 18 Oct - 1:24
Elle m’a confiée un truc sur son enfance et j’ai absolument pas tilté sur ces infos. Moi je pensais que c’était une petite histoire de famille toute mignonne, sans grandes conséquences, je pensais que Leah était ultra rancunière et que c’était la raison pour laquelle elle leur faisait la gueule. En fait, j’avais aucune envie de m’immiscer dans tout ça : c’est sa vie, sa famille, et je suis juste une pauvre meuf qui profitede sa gentillesse, c’est pas ma place de dire quoi que ce soit. Sauf quand j’ai appris que sa mère allait crever et que là, pour le coup, j’avais fait de mon mieux pour convaincre l’autre tête de mule d’aller lui rendre visite une potentielle dernière fois. Mais en aucun cas j’aurais pu deviner que leurs différends venaient d’une histoire plus sordide. Elle a pas dit grand-chose, Leah, mais quand j’ai compris que c’était un peu plus compliqué qu’une simple engueulade, qu’elle m’a demandé de lui confier quelque chose à mon tour, j’ai pas pu faire autrement que de parler. Mais c’est clairement pas dans mes points forts que de confier quelque chose qui me touche personnellement ou quoi, il n’y a pas grand-chose qui me touche personnellement d’ailleurs. (Ce niveau de déni est incroyable. Pas grand-chose qui la touche personnellement ? Et si on parlait de sa culpabilité à chaque fois qu’elle abandonne quelqu’un à cause de son manque de confiance envers les gens ? De ses grandes peurs concernant les personnes qui rentrent dans sa vie ? De cette fatigue d’avoir toujours à fuir au moindre problème parce qu’elle a peur de s’impliquer, de donner du sien sans savoir si on va abuser d’elle ? De son ego surdimensionné et de son sarcasme pullulant qui cache simplement son besoin de réconfort ? De cette fierté qu’elle n’arrive pas à mettre de côté, même avec les gens qu’elle aime profondément, parce qu’elle est effrayée à l’idée qu’on puisse la décevoir et déshonorer la promesse qu’elle s’était faite qui n’est rien d’autre que de s’en sortir seule ? Rien que ne la touche personnellement avec son passé ? Vraiment, Jules, tu es sûre de toi ? Evidemment, c’est bien trop difficile à avouer tout ça. Elle préfère largement parler de choses qui restent en surface.) Leah se fout clairement de ma gueule quand je lui annonce qu’elle est ma plus longue relation. En même temps, il y a de quoi en rire, mais ça me vexe un peu, quand même. (Beaucoup même. Elle a beau avoir tendu la perche, elle n’apprécie pas qu’on se moque d’elle alors qu’elle vient de se confier, peu importe si c’est quelque chose qui n’est pas censé la toucher "personnellement", hein Jules ?)

“Je dois rire ou pleurer ?”
« Etouffe-toi avec ton bourbon plutôt. »

Je change rapidement de sujet, l’interroge sur les raisons pour lesquelles elle m’a toujours pas virée de chez elle. Je comprends qu’elle puisse avoir besoin de compagnie, mais dans ce cas-là, pourquoi ne pas trouver quelqu’un avec qui se mettre en relation ? Ce serait beaucoup plus simple, non ? “Tu n’égorges pas ton chat dès qu’il commence à te saouler, si ?” Parce qu’elle me compare à son chat maintenant ? Elle cherche vraiment la merde la Barghava là. « Pfff. » Je sais qu’elle rigole simplement, mais après ce qu’elle vient de me dire, ça me fait pas vraiment rire pour l’instant. “Je ne parle pas de toi quand je rencontre des gens, Jules. Ils le découvrent souvent après.” En même temps, qu’est-ce qu’elle pourrait leur dire ? "Salut, j’ai une meuf chez moi, ça fait 6 ans que je l’entretiens, on baise régulièrement mais on n’est pas en couple" ? Ouais, pas ouf. Et elle entend quoi par "ils le découvrent après" ? Qu’ils fuient tous quand ils le savent ? Pourquoi elle me vire pas alors ? Sans parler de m’égorger. “Et j’ai pas de relations. C’est pas pour moi.” Ah. Dans ce cas. « Pourquoi ? Ils te supportent pas, c’est ça ? » que je balance, un sourire taquin sur les lèvres. De nous deux, je sais vraiment pas qui supporte l’autre au fond. Elle est pas méchante Leah, mais de ce que j’ai pu voir, elle est pas très impliquée dans les relations humaines en général. Pas du genre à réclamer des câlins ou des bisous, à s’attarder sur les mots doux : tout passe par les gestes avec elle. Je sais qu’elle m’aime bien en réalité – elle m’achèterait pas tout ça sinon –, mais entre nous, les gestes tendres, c’est pas vraiment ça. Elle est peut-être différente avec les autres, peut-être que c’est qu’avec moi qu’elle agit comme ça, mais très honnêtement, j’en doute fortement. (Ca l’arrange bien Jules, qu’elles ne soient pas trop proches physiquement. A part les moments charnels qu’elles partagent, il n’y a pas vraiment de gestes affectueux en dehors. Ni avant l’acte sexuel, ni après : seul le pendant compte. La Brown s’attache déjà bien trop assez de celle qui l’entretient, il ne faudrait pas rajouter tout ce qui relève de l’intimité d’un couple : ce serait trop d’attachement à gérer d’un coup, et elle est loin d’être habituée à ce genre de relation.) Elle ne répond pas à ma question l’autre Barghava, sans grand étonnement, elle préfère plutôt retourner la situation à son avantage : “Et toi, Jules ? Ca fait un moment que j’ai pas vu Klemen…” Je lève les yeux au ciel alors que je lis dans son regard toute sa bonne volonté de me mettre mal à l’aise à mon tour. « C’est fou c’que t’es bornée, toi, hein. Je sais même pas si ça sert à grand-chose que je te contredise à nouveau. » Au moins vingt fois que je lui avais répété qu’il s’était jamais rien passé entre lui et moi, et qu’il ne se passera jamais rien. C’est mon ami, c’est tout. « Tu sais, si t’as tant envie de te le faire, suffit de me dire hein. J’suis sûre qu’il serait pas contre. Mais ce sera sans moi. » M’imaginer avec Klemen au lit, ça me dégoûte. Non, impossible pour nous deux.

Je fais claquer mon verre contre le sien pour lui rappeler qu’on est là pour boire avant d’aller rendre visite à ses parents. « Tu comptes finir ton verre d’ici demain ou pas ? » que je lui demande avant de boire le reste du mien cul sec, et de commander un mètre de shooters. « On s’enfile ça rapidement, et on y va après. Y’a pas de non qui tienne. » Suffisamment d’alcool pour se détendre, pas assez cependant pour ne pas se pointer à l’hôpital. On est venu dans un but précis, je vais pas la laisser se défiler.

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Ven 20 Nov - 12:33
« Pourquoi ? Ils te supportent pas, c’est ça ? » Petite moue amusée : Jules cherche à se venger, comme toujours et comme toujours encore, ça ne prend pas. Telle a toujours été leur relation – l'affection toute relative qu'elles se portent ne passe que par les gestes les plus indirects, et le reste n'est que chamailleries sur les sujets les plus variés et les moins sérieux possibles. Là, cependant, Leah le sent : elles ont touché à un point névralgique de leur dynamique, celui qui rend leur drôle de relation plus triste qu'elles n'auraient aimé l'avouer. Elles cohabitent par peur du vide, par incapacité viscérale de se connecter correctement à autrui. On ne leur a jamais fourni le mode d’emploi pour des relations saines, dénuées de toute méfiance et d’attentes disproportionnées ou pernicieuses, et elles se sont retrouvées dans l’unique paradigme qu’elles connaissent : elles pansent les plaies l’une de l’autre de la façon la plus déséquilibrée qui soit. “Exactement. Me supporter, c’est un talent qui t’est unique : profite, ça t’arrivera pas deux fois.” Elle boit une nouvelle gorgée de son bourbon, l’oeil pétillant, parce que ça aussi, ça passe sous silence : sa relation-échec avec Noé, ses regrets trop bien maquillés envers Ofelia, son indécrottable besoin de rejeter toute personne pouvant lui montrer un tant soit peu d’envie de rester à ses côtés…
Je sais pas, Jules. C’est que tu ramènes pas beaucoup de gens en-dehors de lui, je voudrais pas penser que je suis seule à profiter de ton cul.” Est-ce qu’elle se ferait du souci pour la blonde ? Sûrement ; elle ne l’a d’ailleurs jamais vraiment caché. En six ans de cohabitation, elle ne lui a pas vu un seul prétendant, à Jules, et si elle estime probable que ce soit par pudeur, il ne lui semble pas non plus impossible que la jeune femme se soit complètement fermée à toute liaison. “Même pas un petit threesome ?” qu’elle propose, ostensiblement déçue, armée de sa moue habituelle. “Personne d’autre, donc...” Peu étonnant. “Dommage.” Prévisible.

Là s’achève la parenthèse plus sérieuse pour en ouvrir une nouvelle plus profonde encore : leur mètre de shots avalé avec l’enthousiasme de vaches en route pour l’abattoir, ne leur reste plus d’autre choix que de grimper les étages jusqu’à la chambre réservée aux Zellmann. Le coeur de la jeune femme se serre et se glace dans sa poitrine par anticipation : ce sont toutes ses peurs qui ressurgissent, tous les sentiments d’injustice et d’abandon qu’elle s’est efforcée d’étouffer avec les années, tout ce qu’elle pensait tenir sous joug… Son père se tient dans le hall, ramassé sur lui-même, jouant avec ses mains comme le grand gamin qu’il a toujours été, avec sa petite taille et ses yeux pétillants. Leah n’a pas besoin de le scruter de près : il a pris en âge et la décennie sans se voir semble lui avoir rajouté vingt ans. Impossible de dire si la deuxième partie de ces années a été provoquée par l’hospitalisation ou le départ de sa fille unique… “Bonjour.” Leah se borne à une salutation simple, visage fermé et ton sterne, mais en elle tout vacille et c’est impossible de l’ignorer. “Ma fille”, lui répond son père, avec son accent israélien toujours marqué, clair comme ses traits sont tannés. Ma fille, pas Leah, comme s’il était mu par un besoin de se réapproprier ses proches et les relations brisées. Le petit homme avise la compagnie amenée par Leah, sans lui adresser un mot, puis retourne à son enfant : “Ta mère dort, je t’attendais pour la réveiller.”
La porte s’entrouvre sur un lit trop équipé pour que les nouvelles soient bonnes et Leah craint de perdre pied, réalisant tout à la fois qu’elle n’a aucune envie d’être là, ni de voir sa mère dans quelque état maladif que ce soit : d’un coup New York lui manque, son quotidien monotone est enviable, ses amertumes tolérables. Et elle est plus en colère que jamais face à Jules, qui est pourtant sa seule alliée dans la pièce. “Maman.” La salutation est plus froide encore, mue par une colère sourde embrasée par une confusion dont Leah n’a jamais su se départir : si l’ignorance de son père avait été tolérable par son statut d’homme, le silence de Galyna Zellmann restait entaché entre elles comme la pire des trahisons. “Tu as mangé ?” Sa voix, pourtant, trahit un respect profond, teinté de la douceur dont ferait preuve une gamine trop souvent rabrouée. Ses gestes, eux, cassent fortement avec l’ambiance solennelle de la pièce : elle tire Jules par la main, la plante devant le lit d’hôpital, force sa voix frêle à se faire déterminée. “C’est ma femme”, qu’elle déclare dans un hébreu bancal : sa mère n’a jamais complètement réussi à maîtriser l’anglais. “Jules Zellmann. Je voulais qu’elle vous rencontre, c'est le moment ou jamais...Grande conne.

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