Les fêtes de fin d’années n’allaient pas tarder à commencer. Entre halloween à la fin du mois et thanksgiving en novembre, Noël approchera plus vite que prévu. Artemisia avait eu de la chance, sa famille adoptive participait à toutes les fêtes. Elle n’était pas croyante, mais était fervente des occasions de se retrouver, de passer du bon temps et de profiter de l’instant présent. Le fait de vivre en colocation n’y changerait rien. Même si elle savait qu’avec Samuel, ils avaient certaines différences, notamment au niveau culturel, cela n’allait pas l’empêcher de décorer l’appart. Avant de rentrer, la jeune femme était passé par le magasin du coin, les décorations n’étaient pas si chères que cela et surtout ils avaient des citrouilles. Des belles. En les voyant, l’âme d’enfant d’Artemisia avait refait surface. Elle en prit plusieurs et eut même du mal à les ramener jusqu’à la caisse enregistreuse. On lui avait proposé de l’aide, mais elle avait tout simplement refusé. Avec une certaine force de persuasion, on pouvait tout faire.

Une fois les citrouilles mises dans le coffre de sa voiture, elle se mis en route. Elle roule prudemment afin de ne pas les abimer. Elle avait l’air fière avec ses citrouilles dans les couloirs de l’immeuble, mais le regard des autres n’était pas ce qu’il l’importait le plus. Elle les déposa sur le comptoir de la cuisine et laissa les décorations dans un coin. Avec son trouble d’hyperactivité, Artemisia pouvait facilement être détournée d’un objectif sur lequel elle avait du mal à se concentrer. Nul besoin d’aller voir des tutoriels sur youtube, Artemisia savait comment faire pour les vider. Pour les décorer, c’était une autre affaire. Elle avait commencé à en décorer une quand Samuel passa le pas de la porte.

— Tu la trouves comment ? dit-elle en le regardant sérieusement. Je sais, je sais, elle n’est pas terminée, mais bon, c’est un bon début, non ? J’ai aussi acheté des décorations, mais j’ai complètement oublié de les mettre.

Le sourire d’Artemisia s’était effacé au moment où son colocataire lui fit remarquer que la citrouille lui ressemblait. Même de nature très mature, la jeune femme avait la fâcheuse tendance à prendre tout au pieds de la lettre et à se renfermer sur elle-même quand les choses ne lui plaisaient pas. Elle hausse les épaules en faisant une mine attristée.

— Si tu le dis. Je crois que tu es la seule personne qui le pense.

Elle fixe Samuel du regard, toujours le couteau à la main pour essayer de faire une œuvre d’art digne d’elle. Il sourit, et Artemisia se pince les lèvres.

— Ah! Donc, tu étais entrain de te foutre de ma gueule ? Je vois, je vois. Je vais trouver le moyen de me venger de cet horrible affront.

Elle pose le couteau sur la planche en bois qui trônait sur le plan de travail de la cuisine et se saisit d’un torchon pour s’essuyer les mains. La jeune femme se plante devant lui tout en posant une main sur sa propre hanche.

— Oui, je t’en ai pris. Tu sais que je ne fais jamais les choses à moitié ! Pour les décorations, j’ai pris aussi des trucs qui pourraient plaire aux filles, si jamais elles viennent ici.

Artemisia n’était pas une grand fan des enfants en temps normal, mais elle avait su faire une exception pour les filles de Samuel & Neal.

— Comment elles vont d’ailleurs ? demanda-t-elle en allant chercher une autre citrouille. Tiens pour la citrouille. J’attends de voir ça.

Elle sorti son téléphone et ouvrit l’application pour filmer. Victime de trous de mémoire occasionnels, Artemisia aimait avoir des souvenirs dans son téléphone, qu’ils soient bons ou mauvais.

— J’enregistre. Tu sais juste au cas où. Peut être que tu finiras dans le bêtisier d’une de ces émissions de télévision.

— Ce n’est pas que je ne te crois, mais je vais juste attendre… d’avoir plus de certitude que ça.

Si Artemisia avait un principe, c’était de ne jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Principe qu’elle avait malheureusement du mal à appliquer dans sa vie amoureuse. D’un côté, elle avait envie d’y croire en fonçant la tête la première, et d’un autre, elle faisait trois pas en arrière pour se murer derrière un masque. Surtout pour ne pas montrer ses sentiments. Sentiments qu’elle essaye de taire sans grands succès.

— Du coup, elles seront comment ? Et pour toi, tu as trouvé ? Parce que moi, je te verrais bien en Venom. Je sais, ce n’est pas discret et on ne voit pas ton visage, mais bon, ça t’ira bien.

La jeune femme prend un peu de recul, assez pour pouvoir se saisir d’un paquet d’un marshmallow. Elle en prend quelques-uns pour les mettre dans sa bouche. Artemisia fait de son mieux pour rester stoïque, mais encore là, c’est un échec. Alors qu’elle éclate de rire, elle manque d’en recracher un. Après avoir tousser un bon coup, elle repose le paquet sur le comptoir.

— Ça va bientôt faire plus de dix ans que je suis secouriste et tu doutes encore de moi? Je crois que même la personne que je déteste le plus, je serais bien obligé de l’aider. T’as de la chance, toi, ne t’en fais pas partir, donc je n’ai pas de questions à me poser.

En tant que personne rattaché à la profession de santé, Artemisia avait fait ce serment qui lui disait de soigner toutes les personnes qui en avaient besoin. Elle devait mettre de côté ses aprioris pour exercer son métier correctement et ne pas laisser mourir quelqu’un.

— Nos citrouilles ne vont pas être exposées dans un musée donc on peut toujours se lâcher et faire quelque chose d’abstrait. J’ai envie d’en faire une autre aussi. Bon, j’ai un peu triché, je l’ai vidée avant.

Si Samuel l’avait demandé, il l’aurait pu l’avoir. Elle était fière de son coup et affichait un sourire malicieux sur sa bouche. Ils étaient maintenant côte à côté, Samuel avait du mal avec sa citrouille et Artemisia réfléchissait à ce qu’elle pourrait bien faire. Sans savoir pourquoi, mais sûrement à cause des sauts d’humeur dont elle était victime en ce moment, la jeune femme planta le couteau dans la citrouille. La forme n’avait aucune… elle était impossible à décrire. Peut être que c’était une représentation abstraite de la colère. Au final, elle était plus proche de l’état de purée.

— Pardonne moi, Eliah m’a encore énervé aujourd’hui.