Darcy avait besoin de souffler un peu, de voir d’autres paysages. Rien que respirer un autre air que la stérilité ambiante du service des Urgences de l’hôpital lui ferait le plus grand bien. Elle pourrait partir en voyage, retourner dans son Angleterre natale, mais les circonstances ne s’y prêtaient pas. La jeune anglaise avait connu des hauts et des bas récemment. Des départs et des arrivées. Des gens qu’elle aimerait voir partir alors qu’ils s’évertuent à rester dans sa vie et à la polluer. Elle s’était fait une promesse, ne plus accorder sa confiance à n’importe qui et pour n’importe quoi. Malgré tout, il y avait des personnes, assez exceptionnelles, qui savaient ne pas la décevoir. Elle pensait à Hope, sa meilleure amie, celle qui avait su la réconforter après sa rupture il y a quelques années. Hope avait ce pouvoir apaisant sur elle, à toujours trouver les bons mots pour la faire sourire. Depuis ces nombreuses années, elles n’avaient cessé de se côtoyer, de faire les quatre cent coups ensemble.

— Salut Hope ! Merci, j’en aurais bien besoin. Je me sens un peu décaler avec toutes ces gardes, dit-elle en passant une main sur sa nuque et l’autre pour saisir le café. ça va, je commence à retomber doucement sur mes pattes. Et puis, ton filleul m’aide bien à occuper mon temps aussi. Et toi ? Vous avancez dans l’organisation du mariage avec Owen ?

Pour l’instant, Buddy vivait sa vie dans l’appartement de Simon, en espérant qu’il ne finisse pas en tapis miniature ou en manteau pour les dames de la Haute. Darcy se laisse guider par Hope et commence à consommer sa boisson chaude tout en l’écoutant parler.

— T’inquiètes pas pour ça, c’est compréhensible. Si seulement ma mère pouvait se soucier de ça pour moi. Je crois même que si je passais l’arme à gauche, ça lui ferait ni chaud ni froid, lâcha-t-elle en baissant la tête. Puis elle releva la tête subitement. Que ta mère soit soulagée, j’ai prévu de prendre un tas de photos de la séance d’essayage.

Ce n’était pas un sujet facile à aborder pour elle. Même après toutes ces années, certaines plaies demandaient encore à être panser et loin d’être cicatrisées. Le mariage aussi mais pas du même point de vue. Elle avait été ‘l’autre femme’, la maîtresse d’un homme pris dans cette prison qu’est le mariage.

— Mais dis-moi… T’as pas peur de sauter le pas ?

Darcy aimait cette fameuse boule de poils. Beaucoup de personnes ne comprenait pas l’attachement qu’elle y éprouve. On lui avait bien souvent dit, mais Darcy avec son caractère, n’avait rien à faire des dires. Après tout, comme on dit souvent ‘qui n’aime pas les animaux, n’aime pas les gens’. Elle aurait bien pris avec elle, mais les dames de la boutique n’auraient sûrement pas apprécié qu’un animal court entre leurs créations.

— Oui, ne t’inquiètes pas, il va toujours bien. Je suis même étonné de voir qu’il ne m’en veut pas vraiment de toutes mes absences.

Prise par son travail et ses études, Darcy n’était pas toujours présente à cent pour cent. Malgré tout, Buddy a la manie de se glisser, se faufiler jusqu’à la table où elle bosse pour venir y réclamer quelques caresses. Il avait également ce pouvoir sur elle, de l’apaiser quand elle était stressée ou que de sombres pensées venaient la déranger. Et mon dieu, qu’elle en avait en ce moment. Loin de sa famille, sa vie amoureuse était complètement un échec, les fêtes de fin d’années qui approchaient. Peut-être qu’il y aurait une fête entre amis, quelque chose d’informel, mais rien n’est plus sûre.

— Donc le jour j approche à grand pas ! dit-elle des étoiles pleins les yeux.

Darcy n’était pas une personne qui affectionné l’institution qu’est le mariage, mais elle savait être là pour ses amies. Encore plus particulièrement sa meilleure amie. La jeune britannique baisse à nouveau la tête quand elles continuent toutes les deux à parler de la mère absente qu’elle avait eu.

— Franchement, je ne sais pas. Je ne doute pas de mon père, mais ma mère, c’est toujours une autre histoire. Je ne sais même pas pourquoi elle est partie. Est-ce qu’à à peine sept ans, j’avais déjà réussi à la décevoir ? Peut être que si je l’avais eu à mes côtés, je n’aurais pas fait l’erreur de tomber… sortir avec un homme qui n’était pas libre.

Elle manquait cruellement de repère et aussi d’une figure maternelle assez stables dans sa vie. Darcy, grâce à quelques rêves innocents, avait pu imaginer sa vie si elle avait été toujours présente. Elle ne serait pas entrée en dépression à cause d’un homme, aurait su se relever correctement après son accident et ne serait pas accro aux anti douleurs. Son père avait fait ce qu’il avait pu, et elle lui en serait éternellement reconnaissante. Darcy remplace cette moue triste par un sourire quand Hope la remercie de sa présence ce jour. Au moins, elle n’est pas aux abonnés absents.

— Je serais toujours là pour toi, tu le sais bien.

Une promesse qu’elle s’était faite. Une promesse qu’elle compte tenir malgré tout. Hope pouvait se planter sur quelque chose, Darcy serait là pour l’aider et la soutenir. C’est la définition même de l’amitié. Proche de sa meilleure amie, Darcy et elle avancent lentement vers la boutique en question. Une fois arrivé devant, elle se tourne pour dire :

— C’est bien là ? Mais c’est des trucs de malades ici. Tu seras magnifique dans une de ses robes, crois-moi.

Hope lui confie ses peurs sur l’évènement à venir, chose qu’elle avait amplement chercher en lui posant la question.

— C’est peut-être normal non ? Tout devient un peu plus réel. Tu connais mon avis sur le mariage, Hope, mais si tu aimes réellement Owen, je pense que les peurs que tu ressens maintenant vont s’envoler petit à petit. C’est un grand pas à accomplir le mariage et puis, on veut tous que ce jour soit le meilleur de notre vie.

« Je crois qu’il a jamais eu autant de cadeaux ». Depuis qu’elle l’avait, Darcy avait légèrement craquée. Buddy avait presque une plus grande garde-robe qu’elle maintenant. Les jouets aussi il en avait pleins, Darcy ne compte plus le nombre de fois où elle a marché sur un de ces objets. Ou même juste les chutes. Elle a eu de la chance pour l’instant.

La conversation dévie sur un tout autre sujet, un peu plus déprimant. Sa mère, elle n’en parlait pas beaucoup, même quand elle se fait des visios avec sa famille, son prénom est en quelque sorte bannis. A chaque qu’elle essayait, son père et son frère ne disaient rien et essayait de trouver un autre sujet de conversation. « Je ne l’ai pas non plus empêchée de partir non plus. Apparemment la vie qu’elle a eu après nous était beaucoup plus attirante que ce que mon père lui offrait ». Ils n’avaient pas eu des moyens faramineux mais au moins ils étaient heureux. Darcy hausse les épaules à la prochaine réplique de sa meilleure amie. « J’ai honte de le dire, vu ce qu’elle a fait, mais elle me manque depuis qu’elle est partie ». Elle a ce pincement qui vient saisir son cœur, lui-même rate un battement. Darcy pose délicatement la main sur sa poitrine, histoire de s’apaiser un peu. Elle ferme les yeux et respire profondément comme pour prévenir une éventuelle crise d’angoisse. L’atmosphère devient un peu plus légère par la suite. Darcy est contente d’avoir Hope à ses côtés. Pour lui montrer, la jeune femme prends son petit doigt de la main gauche pour aller saisir celui de sa meilleure amie. «C’est une promesse que je fais. Dans n’importe quelle situation ».

Darcy sourit comme une enfant au moment de rentrer dans la boutique. « On va se marier » qu’elle lâche aux dames qui tiennent l’endroit. « Pardon, c’est pas totalement ça. C’est ma meilleure amie, Hope » dit-elle en la pointant du doigt, même si c’était loin d’être poli. « On a rendez-vous pour choisir une robe». Il fallait bien s’organiser par rendez-vous qu’elles se consacrent totalement à la délivrance de conseils. Hope devait ne pas savoir où se placer après l’intervention malheureuse de Darcy, mais cette dernière décide de prendre les devants. Elle parcourt les rayons et crie le prénom de sa meilleure amie. Elle écarte les robes et lui sort : « Je te vois bien dans celle-là. Elle fait un peu princesse prout prout, mais il faut bien commencer quelque part »

Darcy se répète les mots d’Hope. A tel point, qu’elle perd presque pieds avec la réalité pendant un court instant. La jeune britannique revient à elle quand leurs pas se font un peu plus rapide. Elle n’a pas tord. Darcy était bien trop jeune, surtout ce n’était pas son rôle en tant que fille. Un enfant, s’il veut à tout prix se préserver, ne doit pas mettre le nez dans les affaires de ses parents. C’est des choses d’adulte, Elisabeth que lui disait son père à chaque fois qu’elle demandait ce qu’il se passait. Ce n’est pas son frère qui aurait bougé d’un poil. Lui, il avait le don de se détacher, presque naturellement de tout ça. J’aurais aimé lui poser certaines questions. Tu sais sur la vie… les gens, et tout. La suite de leur conversation est beaucoup plus heureuse, voir même mignonne. La preuve que leur amitié, malgré les épreuves de la vie, avait su résister pendant toutes ces années. Tout en tenant son petit doigt dans le sien, Darcy lâche paisiblement : Si t’as envie de te barrer à l’autre bout du monde, je serais capable de te suivre. Ou même si tu viens à te transformer en bridezella, je vais contrer toutes tes crises. Elle se permets de laisser échapper un rire et lâche enfin sa main pour pouvoir mettre la sienne sur sa bouche. Quand elle rirait, Darcy avait ce reflexe.

La cloche de l’entrée sonne quand elles poussent la porte et Darcy, bien naturelle, gaffe au moment d’énoncer la raison de leur venue. Elles auraient pû attendre les conseils des dames, mais Darcy en avait fait qu’à sa tête en prenant les devants. Après tout, toutes les techniques se valent. Elles n’allaient pas parcourir les rayons pendant des années en attendant une illumination face son apparition. C’est ça. Au pire, tu peux y aller par éliminations non ? Tu pourras te venger sur les robes de demoiselles d’honneur si tu veux. Alors qu’Hope se dirige vers la cabine, Darcy, elle, pose son gobelet de café sur une des table basse à proximité, son sac se retrouve par terre et son téléphone juste à côté de sa dose de caféine. Euh… d’une princesse un peu prout prout ?, elle sert les dents pour ne pas éclater de rire. Mmmmh, je suis pas sûre que ça soit la bonne robe pour toi. On dirait un mélange de Sisi l’impératrice et une meringue qui sort du pâtissier. Je pense qu’un truc plus soft, ça t’ira bien mieux. Après avoir foutu le feu aux espérances de son amie, Darcy tente de calmer les choses en tempérant ses propos. Sur un coup de tête, tu pourrais porter quoi ? interroge-t-elle son amie.