C’est l’apocalypse. Non, tu n’exagères pas pour une fois. Du moins, tu as tout à fait l’impression de ne pas exagérer tant tu coures partout, tu cries même parfois avant de t’excuser pour ne pas paraître trop impoli ou agressif. C’est juste que tu cherches une manière de te faire entendre au milieu de tout cette cohue qui règne dans les loges et tu as l’impression que tu vas t’écrouler à tout moment tant le stresse te bouffe littéralement le corps depuis des heures. C’est le premier défilé officiel pour ta marque et ton côté perfectionniste t’empêche de vraiment lâcher prise. Tu veux que tout soit parfait et ton frère a beau te faire des signes encourageants avec sa chère femme Alejandra à ses côtés, tu n’arrives vraiment pas à te détendre. Tu as invité des personnes importantes à ta vie mais aussi à ta carrière. C’est le moment pour toi de prouver enfin ce que tu vaux, prouver que tu as bien fait d’abandonner Broadway pour te consacrer entièrement à ta marque.

C’est le moment, ça y est. Pas de retour en arrière possible. Le défilé commence et tout se passe bien – pas de couac de dernière minute ou de mannequin qui décide de partir en courant. Toi non plus tu n’as pas pris la fuite et de toute façon, même au bord de la mort, tu n’aurais jamais quitté les lieux jusqu’à la fin du défilé. Et voilà que la fin arrive justement. Peut-être le bon moment pour te détendre ? Mais non, pas du tout. C’est même pire. Maintenant, tu te demandes ce que les gens pensent de ta collection. C’est bel et bien la première fois de ta vie que tu es dans un état pareil. L’avis des autres, tu en as toujours eu strictement rien à faire mais sur ce coup-là, ce n’est pas pareil. Tu en as besoin pour survivre dans ce milieu privilégié qu’est la mode. Il n’y a pas de place pour le moindre faux pas. Alors que tu te décides enfin à rejoindre la foule, un serveur te propose un verre de champagne. Pas le temps pour un. Tu attrapes une coupe que tu bois cul-sec non sans une grimace (toi, tu préfères le vin blanc) avant d’en attraper une autre sous son regard estomaqué. L’alcool est un remède comme une autre au stresse, non ? Alors que tu t’apprêtes à boire une nouvelle coupe, voilà que ton regard tombe sur… Jesse Palmer, un styliste que tu suis et que tu adores. Il est venu. Ta main reste en suspend quelques secondes et tu décides de lui apporter toi-même une coupe de champagne, en espérant qu’il n’a pas vu ta tentative de te noyer dans l’alcool. « Jesse… Bonsoir. C’est une agréable surprise. » que tu lui lances en guise de salutation avant de lui tendre la coupe. A vrai dire, tu ne pensais pas qu’il viendrait. Tu t’es dit qu’il avait sûrement autre chose à faire que d’assister au lancement de ta marque mais il faut croire que tu t’es trompé. « Rassure-moi, c’est normal d’avoir l’impression de ne plus être capable de respirer à son premier défilé ? ». Tu souris comme si de rien n’était mais au fond de toi, tu n’as qu’une seule envie : lui demander son avis, car il est important à tes yeux.