Je ne suis pas quelqu'un de prétentieux. Du moins, j'essaye vraiment de ne pas l'être. Mais alors me faire attendre dans un couloir, au lieu de me faire rentrer, il n'y en avait qu'un seul qui avait ce culot. Je ne savais pas exactement ce que c'était, mais Axel avait vraisemblablement oublié quelque chose chez lui d'assez important pour devoir retourner le chercher, et en plus il me laissait devant la porte de l'appartement. Un léger soupire s'échappa d'entre mes lèvres alors que j'appuyais mon épaule contre le mur. Je sortis mon téléphone, et ouvris une application que je n'avais pas ouverte depuis longtemps: Twitter. Je n'y allais que très peu, je n'avais même plus le temps de faire ça. Entre le travail qui me faisait finir mes journées de plus en plus tard, les rendez-vous avec Axel, les cours de sabre laser et les promenades avec mon chien, autant vous dire que les réseaux sociaux étaient devenus le cadet de mes soucis. Si c'était pour voir des gens se plaindre, il me suffisait d'ouvrir les oreilles et d'écouter les conversation dans la salle de pause au bureau. Très peu pour moi. Un léger sourire se dessina sur mon visage à la lecture d'un tweet rabaissant notre cher Président. Bien fait, je ne pus m'empêcher de penser. Mais lorsque je vis la porte d'en face s'ouvrir et une personne au visage un peu trop familier en sortir, mon sourire disparu net. Oh, pitié non... Je reposais mes yeux sur mon téléphone, je faisais mine de lire. Mais qu'est-ce qu'Axel pouvait bien fabriquer ? La situation n'était déjà pas la plus simple pour moi, alors si je pouvais éviter de croiser des gens capables de poser trop de questions, ça m'arrangeait bien. Avec un peu de chance, elle ne me remarquerait pas. Ou bien, peut-être allait-elle faire semblant, elle aussi ? C'est toujours appuyé contre le mur, les yeux rivés sur mon petit écran et la main gauche dans ma poche que j'espérais, de tout cœur, ne pas avoir droit à un interrogatoire.

Elle est encore à l'appartement, à squatter. Mais en même temps, sa mère a décidé qu'il était judicieux de faire un facetime pour préparer les festivités de Noël, alors il fallait bien qu'elle soit dans un environnement connu de la matriarche Perkins, à savoir l'appartement de Ross. Et quand l'appel se termine, Leja souffle et finit sa tasse de thé avant d'aller laver la tasse pour la remettre dans le placard, histoire qu'Axel ne se plaigne pas des objets qui traînent et qui lui appartiennent (et toc). Sa soeur qui l'appelle directement après le facetime avec sa mère, Leja ment mal habilement en racontant que Ross a hâte de les voir. Si seulement ça pouvait être la vérité, elle déteste mentir à ses parents et à ses soeurs Leja, mais la supercherie continue d'être en action ce qui n'est pas franchement marrant tout les jours, même s'ils en rient souvent. Quand la porte s'ouvre, Leja dit à sa soeur qu'elle la rappelle et elle voit Axel qui part comme une flèche dans sa chambre, elle hausse alors un sourcil « Bonjour à toi aussi. » et elle récupère sa veste pour pouvoir aller faire des courses, elle récupère ses clés dans sa poche pour pouvoir aller chercher son petit caddie de mamie et quand elle sort, elle s'arrête parce qu'il y a quelqu'un qui... attend ? Quelqu'un qu'elle... connaît ? Quoi ? Elle s'arrête un instant, hausse un sourcil interrogateur « Benjamin ? Vous êtes perdu ? » demande t-elle, avant de se rendre compte qu'elle est terriblement malpoli « Euh, Bonjour ? » Oui c'est ça qu'on dit en premier « Je rétière ma question, vous êtes perdu ? »

Le moment redouté, arriva. Je savais que d'attendre dans le couloir d'un immeuble, à la porte d'entrée de l'appartement de mon amant n'augurait rien de bon. Elle m'avait vu, et pire, elle me parlait. « Bonjour, Alejandra. » J'avais fais un effort avec cette femme, vraiment. Je la connaissais déjà depuis quelques années, puisqu'elle donnait des cours à la Saberist Academy. Et bien sûr, il fallait que son nom de famille soit Wiley. Aucune idée de son lien de parenté avec Axel à ce moment précis, il faut dire que quand je suis avec lui, je ne pense pas à Alejandra, disons que dans ces moments-là, mon esprit est concentré sur tout autre chose. L'amabilité n'est pas une qualité que tout le monde a, je ne pus m'empêcher de penser alors qu'elle ne me saluait pas tout de suite. J'avais déjà eu du mal avec elle au début, et disons que ça avait certainement un lien avec le fait que d'avoir comme professeur de sport une femme clairement plus jeune que moi. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dis, rien à voir avec le fait qu'elle soit une femme, s'il vous plait, des défauts j'en ai, mais je ne suis pas encore misogyne. J'avais simplement eu du mal avec cette femme, c'est tout.
Je me décollais du mur et fus bien obligé de ranger mon téléphone dans ma poche. Elle me demandait si j'était perdu, et un léger rire, plutôt nerveux s'échappa d'entre mes lèvres. « Non, on ne peut pas dire ça, » je répondais, plus gêné que jamais. « J'attends quelqu'un. » De qui je me moquais ? C'était une Wiley ! Qu'ils soient frères et soeurs, cousins ou je ne sais quoi, c'était sûr: elle devait très bien savoir qui vivait dans cet appartement. Mais je ne me voyais pas étoffer le sujet, et j'espérais surtout qu'elle s'éloigne au plus vite.

Ça l’étonnait fortement qu’il soit ici. Après tout, il l’avait tellement prit de haut lors de leur première rencontre à la saberist Academy. Elle se doutait qu’il devait être du genre à plutôt exécrer Brooklyn plutôt que d’y venir pour le plaisir. LE genre de type qu’elle a envie de gifler parce qu’il tente de prouver par a+b qu’ils ont raison et qu’ils sont mieux que tout le monde. Leja se la joue souvent justicière des temps modernes mais elle ne dit rien. Elle aurait préféré ne pas le croiser cependant. Elle se souviendra toujours de la réaction qu’il a eu quand il a vu que c’était elle, sa professeur de sabre laser. Elle l’avait prit en grippe dès le début et s’y était donné à coeur joie pour lui montrer que ce n’était pas parce qu’elle est jeune, qu’elle ne savait pas y faire. Elle hausse un peu les sourcils quand il lui répond "Ah. On aurait pu croire cela, je ne vous voyais pas traîner de votre plein gré à Brooklyn." Parce que pour elle, Brooklyn est bien trop hipster pour l’homme d’affaire. Elle regarde autour d’elle et n’entend pas de bruit nul part avant de faire une grimace "ah, je n’ai pas entendu mes voisins descendre, donc vous aurez peut-être de la chance de voir qui vous voulez voir … À moins que…" Elle ouvre la bouche, comme si elle était frappé par la grâce "Vous n’attendez pas Axel quand même ?" Parce qu’il avait l’air pressé et qu’il n’avait pas le temps, preuve en est, il ne lui a même pas dit bonjour, cet idiot. Puis, c’était complètement absurde, il l’aurait fait rentré, non ? Enfin, ce serait logique pour la Wiley. Mais peut-être qu’elle se faisait des films, il fallait qu’elle se fasse des films.

J'avais l'impression d'être un gamin de quinze ans qui avait été prit à fricoter par ses parents. Je n'arrivais pas à croire que cela m'arrivait, je faisais tout pour cacher la nervosité qui me consumait. Elle allait finir par comprendre, j'en étais certain. J'avais beau ne pas l'apprécier plus que ça, elle n'était pas bête. Il fallait que je la convainque assez pour qu'elle s'en aille, il fallait que je trouve une excuse, et vite. « Allez-y, faites-moi part de vos préjugés. Qu'est-ce que je pourrais bien avoir contre Brooklyn ? » Peut-être le fait qu'ici, je ne croise que des petits jeunes qui ont l'impression de révolutionner l'univers avec leurs savons faits mains ou leurs idées de start up complétement stupides qui ne vont jamais décoller. Peut-être que les rues sont salles, et que l'on croise beaucoup trop de gens étranges, peut-être... Qu'est-ce que tu fais Benjamin ? Je me suis promis d'arrêter la condescendance, mais en face de quelqu'un comme Alejandra, comment j'étais censé pouvoir me contenir.
Bordel de merde, je ne suis pas souvent vulgaire, mais c'étaient ces mots-là qui m'étaient passés par la tête à ce moment-là. Elle me parlait d'Axel. Elle allait comprendre. « Je ne connais pas d'Axel, » je m'empressai de répondre, trahi par un rapide coup d'oeil vers la porte. « alors si vous pouviez me laisser tranquille à attendre mon ami, j'aimerais mieux. Je n'ai pas le temps de jouer à Sherlock Holmes. » Il ne manquerait plus qu'Axel pointe le bout de son nez. Tu peux pas t'empêcher cinq minutes d'être si froid, Benjamin ?

Elle sentait l'animosité qui s'animait entre leurs deux corps alors que pour une fois, elle n'avait strictement rien fait. A part ne pas lui dire bonjour et s'il agissait de la sorte parce qu'elle n'avait pas été vraiment poli, c'était vraiment mais vraiment immature. Elle lève les yeux au ciel « Je ne sais pas, mais vous êtes toujours si bien guindés même quand vous venez à la saberist, que je me suis dit que vous ne feriez rien en dehors de votre Manhattan ou votre Upper East Side chéri. » prononce t-elle en levant les yeux au ciel, sa langue claquant contre le palais. Elle n'avait pas que ça à faire, Leja, se demandait bien ce qu'elle attendait, et pourtant. Elle voulait avoir le fin mot dans cette histoire. La coincidence avec le fait qu'Axel vient de rentrer en coup de vent est quand même trop grosse non ? « Je vais l'attendre avec vous alors. Je ne connais pas mes voisins ça me fera une nouvelle connaissance dans l'immeuble. » sourit-elle en s'installant, pareil, de façon nonchalante contre le mur en le regardant « Vous savez, si vous attendez Axel, ce n'est pas grave hein, je ne vais pas vous sauter dessus. Après tout, je suis seulement sa belle-soeur. C'est tout. » prononce t-elle en haussant les épaules, le regard teinté d'un amusement certain.

Me voilà dans de beaux draps. Si Alejandra comptait vraiment attendre avec moi, j'étais foutu. Je ne pouvais plus vraiment faire semblant. Mais je gardais le contrôle, je ne pouvais pas céder à la panique. Après tout, ça n'était pas comme si elle connaissait ma femme, ni mes collègues de bureaux. Donc si elle savait, qu'est-ce que ça changerait ? Probablement rien puisqu'Axel est un adulte, complètement conscient de ce qu'il fait. Alors elle ne pouvait pas nous empêcher de nous voir, si ? Surtout qu'elle m'avouait n'être rien de plus que sa belle sœur. Même si une petite voix dans ma tête me répétait que tout ça ne présageait rien de bon. « Et si je vous accorde la réponse à la question que vous voulez me poser, vous vous en irez ? » Je joue le tout pour le tout, près à avouer. Je n'avais aucun moyen de retourner la situation à mon avantage, alors autant faire semblant de garder un minimum de contrôle sur la situation qui m'avait, en réalité complètement échappée. Je soupire et serre les dents, « Vous savez Alejandra, je n'ai rien contre vous pour l'instant, » (faux) « et j'aimerais que cela reste ainsi. Alors jouez le jeu et partez, s'il vous plaît. » Les bras croisés, je me décalais pour me retrouver en face d'elle et lui afficher mon sourire le plus manipulateur. « Allez-y, posez moi une question et j'y répondrai. Je vous dirai la vérité, je suis un homme de parole. » Avec un peu de chance, elle allait se dire que si je gardais ma confiance, c'était parce qu'elle ne connaissait vraiment pas la personne que j'attendais. Mais il faut croire que la chance m'avait déserté ce jour-là.

Tu ne peux pas dormir sans ton anti-cerne. Non, c’est impossible. C’est pour cette raison que tu manques de faire une crise à Benjamin pour qu’il fasse demi-tour et que tu puisses aller le chercher dans ton appartement – enfin celui de ton frère mais bon, tu n’as pas vraiment envie de lui balancer ce genre de détails. C’est d’ailleurs en pensant à l’état dans lequel l’appartement doit être que tu demandes avec un air paniqué à Benjamin de t’attendre devant et de  ne surtout pas rentrer. Cela doit te donner l’air suspicieux mais tant pis. Tu ne prends même pas la peine de saluer Leja dans le salon et file directement dans la salle de bain, fouillant les placards à la recherche de ce foutu anti-cerne. Et enfin, au bout de quelques minutes de recherches intensives, tu mets la main dessus. Hallelujah ! Ni une, ni deux, tu te regardes une dernière fois dans le miroir histoire de vérifier que tout est nickel et tu te décides à quitter l’appartement. Où est Leja ? Certainement dans la chambre de Ross à renifler un de ses tee-shirts en cachette... Tu ouvres alors la porte d’entrée à la volée, un grand sourire sur tes lèvres, prêt à annoncer à Benjamin que vous êtes prêts à partir. « C’est bon, j’ai trou.. ». Tu te coupes toi-même, ton sourire s’efface même lorsque tu te rends compte que Leja n’est pas en train de faire des choses étranges dans la chambre de ton grand frère mais bel et bien en train de discuter avec l’homme dont tu finis un peu trop souvent dans le même hôtel ces derniers temps. « Monsieur Hampton, quelle surprise ! » t’exclames-tu en essayant de prendre un air surpris. Mais tu as beau avoir travaillé en tant que costumier pour Broadway durant des années, tu es loin d’avoir le talent des acteurs et actrices pour jouer la comédie. « Je ne vous attendais pas avant… euh… longtemps. ». Essayer d’avoir l’air naturel… C’est plutôt compliqué face au regard des deux sur toi. Surtout celui de Leja. « Vous vous connaissez ? » finis-tu par demander avec un sourire crispé. Beaucoup trop crispé même. Pas certain de vouloir avoir la réponse à cette question à vrai dire.

Elle prenait sur elle, Leja. Quand il la prenait pour une imbécile. Quand il osait prétendre des choses qu'elle savait fausse. Mais elle aurait le dernier mot, Leja. Comme toujours. Et si elle n'avait pas envie de partir ? Qu'est-ce qu'il lui ferait ? Elle se pose bien la question mais n'ose pas la lui poser. « Vous savez que mon appartement se trouve ici. » prononce t-elle en montrant sa porte du doigt. Et quand i lui dit qu'elle peut poser la question, elle ouvre la bouche avant de voir la porte qui s'ouvre à la volée. Pour voir Axel ? Qui parle à Benjamin ? Est-ce qu'on marche sur la tête ? Est-ce qu'on ? Wow. Leja hallucine et elle secoue la tête de gauche à droite avant de faire claquer sa langue contre son palais avant de regarder Benjamin puis Axel « Oui on se connaît. Enfin on se côtoie à la saberist academy. » répond t-elle, sèchement avant de regarder Benjamin « La question que je voulais vous poser était simple "est-ce que vous allez me prendre pour une conne ?" » demande t-elle avant de continuer « mais pas de soucis, pensez que je suis idiote. Sauf que je suis tout sauf idiote. Et j'ai bien compris. Mais... -elle pose une main sur l'épaule de Benjamin- je suis une femme de parole. » Et elle s'échappe en rentrant dans son appartement en claquant la porte pour finir par ressortir, trente secodes plus tard, affublée de sa veste. « Bonne journée. Axel, tu diras à ton frère que je reste tard au café ce soir. » Et elle s'échappe, loin d'eux. Pour ne pas aggraver son cas et surtout pour éviter qu'Axel se sente plus mal que prévu.

C'est au moment où j'entends la porte de l'appartement s'ouvrir derrière moi et la voix d'Axel retentir que mon cœur fit un bon. Il ne manquait plus que ça. Je décroisai mes bras, m'apprêtais à répondre à sa question mais Alejandra m'avait devancée, et elle était en colère. Bien entendu, elle avait compris ce qu'il se passait entre nous, et je savais bien qu'elle n'était pas du genre à se laisser faire. Mon petit doigt me dit que j'allais louper les prochains cours de la Saberist Academy. Je les observais, essayais de garder un visage neutre, sans montrer la pression sous laquelle j'étais. C'est quand elle me fit part de la question qu'elle m'aurait posé sans l'interruption d'Axel que je ne pus m'empêcher de lever les yeux au ciel.  « Je ne pense pas que- » pas le temps de finir ma phrase qu'elle posait sa main sur mon épaule, j'arquais un sourcil. J'étais loin de voir Miss Wiley comme une idiote, au contraire, c'était justement parce que je ne la voyais pas comme telle que j'avais peur des conséquences de cette rencontre dans le couloir de cet immeuble. Et si ma femme ou ma fille décidaient pour x ou y raison de venir avec moi la prochaine fois que je me rendais à un cours ? Et si Alejandra, ce jour-là décidait de leur en parler ? Je ne préférais même pas y penser. Mais quand elle retourna mes propres mots contre moi, un sourire se forma sur mon visage. Pas un sourire sincère, ni un sourire amusé. Un sourire gêné, honteux. J'avais osé lui dire que j'étais un homme de parole, alors qu'elle avait bien compris que j'étais infidèle.
Une fois qu'elle s'était éloignée, je me tournais enfin vers Axel, le sourire jaune toujours plaqué sur mon visage.  « J'espère... » je soupire, tente de rester calme, mais de toute façon, ce qui était fait était fait, ce qui avait été dit était dit. Plus de retour en arrière possible  « ... j'espère que ce tu avais besoin de chercher était une vraie question de vie ou de mort. » Je ferme les yeux, et soupire une seconde fois. Plus longuement.  « Parce que là, moi, je suis probablement mort. »